Ubisoft se fait rare dans l'horreur. Ce genre n'est que peu représenté dans le catalogue de l'éditeur breton, à l'exception de ZombiU. Pourtant, ce dernier nous sert à l'automne 2018 le thriller psychologique Transference, une oeuvre à mi-chemin entre cinéma et jeu vidéo développée en collaboration avec SpectreVision - la société de production de l’acteur Elijah Wood.
Bande-annonce de Transference à l'E3 2017
Nos souvenirs brisés
La mémoire est une petite chose fragile, un amalgame en perpétuelle évolution de souvenirs érodés et/ou fantasmés. Et digitaliser cette complexité n’est pas chose aisée. Pourtant, Raymond Hayes, brillant scientifique pour Harmony Research Labs, parvient à recréer les méandres de son esprit à travers une simulation corrompue au possible et invite les joueurs à y plonger corps et âme afin de découvrir la destinée des trois membres de cette famille dysfonctionnelle. Une clé dénichée aux abords d’un immeuble abandonné et un premier sursaut plus tard… il est temps de pénétrer dans l’antre des Hayes.
Transference mise sur son ambiance pour distiller savamment la terreur et l’appréhension dans le coeur des joueurs. Les Jump Scare, extrêmement efficaces, se comptent dans le cas présent sur les doigts de la main au cours de ce périple horrifique à la durée de vie limitée (2h30 pour atteindre la lumière au bout du tunnel). Le titre de SpectreVision instaure ici une atmosphère pesante à souhait portée par les élans cinématographiques du studio. Le 7e Art est à l’honneur et la maîtrise des codes de l’horreur est à mettre au crédit des développeurs. Que ce soir par le son ou l’image, Ubisoft titille la santé mentale des pauvres bougres s’étant aventurés chez les Hayes avec malice et savoir-faire.
La première personne accentue l'immersion et Transference en est une preuve édifiante avec sa réalisation soignée et son approche “film de genre”. Malheureusement, la mise en contexte sommaire, le scénario minimaliste et le rôle de spectateur du joueur dans ce récit intime minimisent l’impact d’une expédition oppressante à même de vous paralyser au moindre bruit ou la moindre lumière vacillant sous une porte. C’est la peur au ventre et le sourire aux lèvres que Transference se savoure.
Vivre par procuration les 5 premières minutes de l'aventure
Le miroir de la perception
Transference est une ode à l’exploration, une refonte des jeux d’aventure mû par la réalité virtuelle reposant sur des mécaniques de gameplay “old school”. Et si la structure ne surprend jamais avec sa progression linéaire et sa succession de puzzles, la première personne et la réalité virtuelle transcendent l’expérience. De plus, les énigmes nous poussent à l’observation et à la réflexion dans un environnement 3D, un appartement dans le cas présent. Dénicher le bon objet, trouver la bonne combinaison… rien de neuf à l’horizon, mais une volonté farouche de renouer avec les jeux d’antan.
L’alternance entre deux pans de réalité pimentent cette balade chaotique. Chacun se transformant à mesure que les souvenirs enfouis prennent formes. De simples interrupteurs, en apparence, permettent de passer d’une période à l’autre ainsi que de transférer des objets entre les deux. Une mécanique déjà-vu, mais à l’origine d’énigmes bien pensées et souvent originales. Néanmoins, l’absence de Game Over pénalise Transference qui se transforme alors en excursion malsaine. Et pourtant, la notion de mort, bien q'absente, émane de ce projet de par les thèmes abordés. Ubisoft y effleure même le concept de transcendance.
Un simple casque vous manque et l'immersion n'est plus. Transference est conçu pour être joué en réalité virtuelle et parcourir ce thriller en mode "classique" ne présente que trop peu d'intérêt. Ubisoft ampute la version Xbox One de la raison d'être d'un tel jeu. Sans la VR, le titre de SpectreVision n'est plus que l'ombre de lui-même. Certes, les énigmes sont toujours aussi efficaces et l'ambiance maîtrisée, mais l'aventure présente une carence évidente. Il en résulte une expérience bien plus fade... toujours plaisante à vivre, mais incapable d'atteindre l'intensité d'une expérience véritablement immersive.
Points forts
- L’atmosphère horrifique (Jump Scare, Sound Design…)
- La mise en scène cinématographique
- L’ingéniosité et le renouveau des énigmes
- L’alternance entre deux pans de réalité
- Des visuels au service de l’ambiance macabre
Points faibles
- Une version orpheline de la réalité virtuelle
- Un scénario expédié et des personnages sous-exploités
- Une durée de vie limitée (2h30)
- L'absence de notion de mort
Transference sur Xbox One pâtit de l'absence de la réalité virtuelle. Sans la VR, ce thriller psychologique à mi-chemin entre jeu vidéo et cinéma perd en immersion et par effet de bord en intensité. L’atmosphère suffocante et la mise en scène chahutent, tourmentent et acculent… malgré une durée de vie limitée et une aventure linéaire. Mais rien n'y fait. Le titre de SpectreVision sacrifie sa raison d'être et ne peut combler une telle carence.