Félicitations ! Vous êtes désormais à la tête d'une entreprise pharmaceutique. Quelle chance d'être à la pointe de la technologie, et de soigner les patients du monde entier ! Que vous soyez animé par la volonté de sauver des vies ou de vous en mettre plein les fouilles, la finalité est la même et la responsabilité élevée : il est temps de construire une usine efficace et de sortir vos premiers produits !
L'usine est ouverte, complètement vide et n'attend que vos premières machines pour fonctionner. Pour créer un médicament, rien de bien complexe. Une liste d'ingrédients est proposée, chacun avec son effet positif (traitement de la migraine, lutte contre l'angine...) et un ou plusieurs effets secondaires indésirables (rougeurs, nausées...). Afin d'activer les effets désirés et atténuer autant que possible les effets néfastes, vous devez obtenir la bonne concentration du produit, en le diluant ou en le concentrant.
En route, et Advil que pourra !
Obtenir la concentration requise passe par l'utilisation de machines. Votre chaîne d'assemblage prend forme : les ingrédients entrent par une porte, se déplacent automatiquement et passent dans un circuit d'engins divers qui modifient votre substance. Pour obtenir des médicaments plus complexes il faudra plus de machines, voire mélanger un second ingrédient contenant un réactif bien spécifique. En bout de chaîne, une dernière machine transforme le résultat en seringues, en comprimés...
Les machines étant conçues avec une taille et des zones d'entrées / sorties bien déterminées, vous passerez du temps à optimiser leur agencement pour faire tenir la ligne de production dans un espace aussi restreint que possible. La mécanique est bien huilée : une zone d'entrée, une liste de machines à affecter au produit pour obtenir le résultat escompté, une zone de sortie. L'effet pervers, c'est que Big Pharma devient rapidement une sorte de puzzle-game où l'optimisation de l'espace est primordiale. S'il s'agit d'une composante essentielle d'un bon jeu de gestion, le principe est ici poussé à l'extrême au détriment hélas de la gestion globale de l'usine.
Une usine Smectaculaire
Point de défaitisme, il y a tout de même de la macro-gestion à se mettre sous la dent. Et pour commencer, histoire de vous inciter à décoller votre nez des chaines de montage, il est toujours bon de s'intéresser aux "tendances" du moment. Une page vous permet de connaître les besoins de la population en terme de médocs. Attention, car vos concurrents pourront eux aussi entrer dans le marché avec leurs propres produits. À vous de décider : est-ce que ça vaut le coup de créer un produit en investissant pour limiter les effets secondaires ou de viser un profit maximal, quitte à ce que votre pilule contraceptive entraine vomissements et affreuses migraines ? En réalité, cette macro-gestion s'avère trop limitée : vous n'avez aucun contrôle sur le prix de vente du médicament, décidé automatiquement en fonction des besoins et de la qualité de votre production. La concurrence et quelques événements aléatoires tentent bien de relancer l'intérêt en faisant fluctuer les besoins des clients (pardon, des malades), mais vous vous apercevrez que continuer à produire sans vous en soucier ne pose aucun souci.
Seuls les brevets, idée ingénieuse qui permet d'avoir temporairement l'exclusivité sur la vente d'un produit spécifique, apportent une réelle interaction. Car si vous n'en déposez pas, les autres industriels ne s'en priveront pas ! Et quand la chaine de production de votre breuvage vedette se retrouve paralysée, ça fait mal...
Pour continuer à innover, deux arbres de recherche différents vous sont proposés : embauchez des explorateurs et ils se chargeront de parcourir le monde à la recherche de nouveaux ingrédients. Embauchez des chercheurs et vous obtiendrez de nouvelles machines plus perfectionnées, permettant d'accéder aux médicaments les plus rares et chers. Encore une fois, peu de personnalisation possible : un nombre spécifique de chercheurs est nécessaire pour une recherche donnée, impossible pour l'industriel riche de mettre deux fois le nombre requis afin d'accélérer le timer. Frustrant ! Pas de gestion du personnel, pas de réelle catastrophe à gérer, il n'est pas possible de pousser vos concurrents à la faillite. Si la macro-gestion n'a pas trop à rougir, ce n'est clairement pas le point fort du jeu.
Un jeu générique
Une partie consiste donc principalement à créer des chaines de production en les optimisant au mieux pour qu'elles soient aussi rentable que possible, à étendre son usine avec l'argent gagné pour créer de nouvelles chaines plus complexes, etc. L'aspect puzzle-game du jeu est prédominant sur le reste et conditionnera votre succès. Les plus persévérants auront accès à une grosse vingtaine de scénarios ainsi qu'un bac à sable, avec plusieurs objectifs à remplir (les objectifs "maître" étant particulièrement velus). Saluons l'originalité des scénarios, qui consistent par exemple à produire 200 médicaments contre la chute des cheveux ou à se lancer dans une partie avec une dette énorme à rembourser.
S'amuse-t-on devant Big Pharma ? Indéniablement, les férus de gestion s'y retrouveront pendant un temps : essayer d'obtenir une ligne de production efficace pour fructifier un médicament prometteur est un défi intéressant. Les perfectionnistes passeront des heures à retourner leurs machines pour les faire entrer dans le plus petit espace possible. Mais le jeu manque de personnalité et, s'il s'agissait de gérer une usine de fabrication de voitures, les mécaniques auraient été sensiblement les mêmes. Cet aspect classique se dégage dans tous les aspects du jeu : le design est efficace mais banal et froid. Il est bien possible de personnaliser un peu le sol ou la couleur des chaines de production, mais ça reste une usine. Idem pour la musique, très quelconque et que vous ne manquerez pas de désactiver après quelques heures de jeu ... comme dans tout bon jeu de gestion.
Arrivez-vous à Humex ce potentiel non-exploité ?
Big Pharma fait le choix de ne pas proposer de contenu réaliste : les ingrédients sont fictifs et changent d'une partie à l'autre. Mais là où Theme Hospital profite de ce fait pour proposer un jeu loufoque et fun, ici le jeu reste désespérément sage. Il n'y aura rien de beaucoup plus excitant à produire qu'un médicament luttant contre l'impuissance masculine. Pourquoi ne pas jouer le délire à fond et nous laisser lutter contre une "zombification" de la population, ou une fictive "Justin Bieberite", affliction obligeant le pauvre malade à porter une mèche des plus scandaleuses ?
Enfin, étant donnée la réputation controversée des industries pharmaceutiques, Big Pharma rate l'occasion de nous permettre de jouer le rôle d'un industriel sans cœur, prêt à tout pour faire de l'argent, et d'apporter une touche de cynisme. Le slogan du jeu, "faire de l'argent grâce à la maladie", est à peine exploité : faire de l'argent s'avère assez facile et jamais vous n'aurez l'impression de faire des choix mesquins. On peut bien sûr choisir de laisser un effet secondaire sur un médicament pour qu'il coûte moins cher à produire, mais ça reste gentillet. Qu'il aurait été intéressant de découvrir une touche de fun et de cynique, comme le ferait un Tropico ! Certes, il s'agit d'un jeu indépendant. Mais il coûte tout de même une grosse vingtaine d'euros, et à ce prix là un peu plus d'audace aurait été la bienvenue. Dommage ...
Points forts
- Clair et accessible
- Les perfectionnistes vont s'éclater à optimiser leur chaine de production ...
- Des scénarios nombreux et variés
- Difficulté équilibrée : finir un scénario est accessible, finir en "maître" beaucoup moins
- Un jeu qui se dévoile petit à petit, et qui réserve des surprises même après plusieurs heures de jeu
Points faibles
- L'influence trop limitée du monde extérieur
- ... les autres trouveront vite ça répétitif et frustrant
- L'impression d'avoir affaire à un puzzle-game
- Ambiance convenue, classique ... voire ennuyeuse
- Tout est trop sérieux, ça manque de fantaisie et de personnalité !
Avant de dépenser votre argent, sachez dans quoi vous vous lancez. Si les fans de micro-gestion perfectionnistes prendront beaucoup de plaisir à empiler les chaines de production optimisées pour gagner plus de sous, ceux qui cherchent une gestion plus classique se retrouveront devant un jeu rébarbatif, au style très classique et qui manque cruellement de fantaisie.