Indéniablement, Celestian Tales : Old North fleure bon les RPG de jadis ayant marqué toute une génération de joueurs sur consoles. Il y a, dans le titre d'Ekuator Games, l'empreinte visible d'un Suikoden et la maturité d'un Valkyrie Profile, pour ne citer que ces deux fiers représentants du genre qui semblent avoir influencé de manière considérable l'orientation de Celestian Tales. Alors certes, ce RPG indépendant ne prétend en aucun cas égaler des références aussi prestigieuses que celles-ci, mais il est appréciable et rassurant de constater que, encore aujourd'hui, certains passionnés continuent de croire en la force de la narration comme valeur motrice dans le domaine du jeu vidéo.

Six destinées = Six points de vue sur l'histoire

Avant que vous ne vous posiez la question, sachez que le fait que Celestian Tales ait été imaginé dès le départ comme une fresque en trois chapitres ne fragilise en rien la solidité de ce premier segment. Avec un scénario qui s'étale sur plus de dix heures de jeu et la possibilité de le parcourir de six points de vue différents, le tarif proposé par le développeur ne nous paraît en rien excessif. Qui plus est, l'histoire tient parfaitement la route (elle exige tout de même un certain niveau d'anglais) et se développe différemment selon le personnage choisi au départ.

C'est d'ailleurs à la fois l'une des forces et des faiblesses du titre, car s'il est appréciable de voir la narration s'enrichir de cette mutiplicité de points de vue, il est également frustrant de devoir parcourir plusieurs fois le jeu en entier pour cerner tous les aspects du scénario. Bien qu'on devine dès le départ que les six protagonistes présentés en introduction feront tous partie de notre aventure, le choix du personnage central n'en constitue pas moins un vrai dilemme tant chacun semble avoir des choses intéressantes à nous révéler. D'ailleurs, et c'est suffisamment rare pour le souligner, les filles sont majoritaires dans Celestian Tales, puisque sur les six héros, quatre sont des demoiselles prêtes à tout pour défendre leurs valeurs morales.

Qu'ils soient d'origine noble ou pas, tous les protagonistes du jeu ont donc leurs propres raisons de se battre et une manière bien à eux d'y parvenir, leur caractère se reflétant d'ailleurs plutôt bien à travers leur design globalement très réussi. Et c'est justement en parcourant les différents prologues de ces personnages qu'on retrouve un petit peu le sentiment qu'on a pu avoir en jouant à Valkyrie Profile, dans le sens où on sent bien que l'équipe a mis un point d'honneur à étoffer le background de chaque héros pour donner au joueur des raisons de les comprendre et de s'attacher à eux. Alors certes, ça ne va jamais aussi loin que dans le RPG de tri-Ace, mais cette richesse narrative constitue un réel atout pour Celestian Tales qui ne se contente pas de nous mettre en les mains un groupe dont les talents prennent le dessus sur les motivations. Et pour couronner le tout, le propos militaire du jeu évoque assez largement ce qu'on a pu vir dans la série des Suikoden, autre source d'inspiration évidente pour Ekuator Games.

Un battle system moins inspiré

Mais tous les efforts fournis autour du background ne masqueraient-ils pas une dimension ludique un peu creuse ? Oui et Non. Car il faut bien reconnaître que l'approche old-school ne justifie pas tout et que le très grand classicisme du système de jeu de ce RPG risque de laisser les moins nostalgiques sur leur faim. Le système de combat n'est en effet pas aussi surprenant qu'on pouvait l'espérer. Si chaque héros dispose bel et de sa propre panoplie de techniques (actives et passives) qui évolue au fil du jeu, le déroulement des affrontements au tour par tour ne propose rien de réellement novateur pour se démarquer des autres titres du genre. Le fait de voir l'ordre des tours d'action via un indicateur en haut de l'écran aurait pu laisser entrevoir des subtilités inspirées de Grandia (contrer pour interrompre et retarder le tour d'un ennemi), mais ce n'est pas le cas. Et les six héros ne peuvent jamais oeuvrer tous ensemble puisque l'équipe est limitée à seulement trois personnages actifs au total.

En quête d'adversité

Plus regrettable encore, la très grande facilité du jeu n'incite pas vraiment à renouveler nos tactiques de combat puisqu'un même schéma suffit généralement à se débarrasser de n'importe quel groupe d'ennemis. Sachant que la vie se régénère automatiquement entre chaque affrontement et qu'on peut contourner les monstres assez facilement, on traverse les zones dangereuses en quelques minutes sans jamais craindre grand-chose, si ce n'est le prochain face-à-face avec un boss. Les stratégies étant limitées et le niveau commun à l'ensemble du groupe, le fait de tester différents trios ne suffit pas à dissiper cette sensation de facilité et de redondance sur le plan du gameplay. Malgré tout, la collecte des loots sur les ennemis vaincus pour forger des équipements plus puissants reste intéressante, même si on aurait bien aimé avoir accès à quelques quêtes annexes pour s'éloigner parfois de la trame principale. Dommage aussi que les allers-retours soient de plus en plus nombreux au fil de l'aventure et qu'il faille donc tout recommencer pour connaître le dénouement de chaque histoire.

Quelques mots enfin sur la direction artistique de Celestian Tales qui demeure l'un des aspects les plus plaisants du jeu, même si la réalisation trahit parfois un manque de finition qui nous rappelle qu'on a affaire à une petite production. Visuellement, on apprécie très largement l'aspect crayonné des environnements qui rappelle un peu celui de Child of Light, et ce malgré une taille des sprites extrêmement réduite. En revanche, le manque de lisibilité au niveau des environnements s'avère parfois gênant quand il s'agit de distinguer les ouvertures des ombres et des autres surfaces qui ont un peu trop tendance à se fondre les unes dans les autres. L'ambiance sonore profite en tout cas de très belles musiques et il ne manque que des voix ou, à défaut, des bruitages supplémentaires pour donner un peu plus de vie à ces héros qui ne manquent pourtant pas de caractère.