Marvel Ultimate Alliance aura connu un parcours mouvement. Pour la faire courte, les deux premiers épisodes de la série ont été publiés par Activision, qui avait confié le développement de ce All-Star Game des super-héros à plusieurs de ses studios internes, Raven Software et Vicarious Vision. Et encore, on met de côté les nombreux studios de l’ombre qui ont été chargés de porter les deux jeux sur toutes les machines du monde, à quelques exceptions près. Mais pour ce troisième épisode, changement majeur : la licence tombe dans l’escarcelle de Nintendo qui édite ainsi son premier jeu Marvel, tandis que le développement revient à Team Ninja (Dead or Alive, Ninja Gaiden…). Ce n’est pas la première fois que les deux partis collaborent puisque Team Ninja avait déjà bossé pour le compte de Nintendo sur Metroid : Other M, Hyrule Warriors et le plus récent Fire Emblem Warriors. Une association qui a déjà fait ses preuves, mais on avait toutes les raisons du monde de se demander ce qu’elle pouvait apporter à Marvel Ultimate Alliance ; ou même si elle serait en mesure de traiter correctement les personnages de Marvel.

Le parfait manuel de « Comment faire plaisir aux fans »

Les fans de musclé(e)s en collants peuvent être divisés en deux catégories : celles et ceux qui connaissaient le travail de Marvel depuis un moment déjà, grâce à leurs bandes dessinées, et celles et ceux qui ont pris le train en route, par le biais du Marvel Cinematic Universe. Ensemble, ils forment un tout hétéroclite qu’il n’est pas évident de contenter, puisque les uns demanderont plus de fidélité aux œuvres originales, tandis que les autres seront un peu perdus si on les sort de ce qu’ils connaissent. Avec Marvel Ultimate Alliance 3 : The Black Order, Nintendo et Team Ninja devaient trouver le moyen de séduire les deux camps. Et il suffit de jouer quelques heures pour comprendre qu’ils ont trouvé la bonne formule. Plutôt que proposer une version… alternative de la direction artistique des films du MCU, comme s’y essaie actuellement Crystal Dynamics avec son Marvel's Avengers, Marvel Ultimate Alliance 3 est parti chercher l’inspiration du côté du matériel de base : les comics. Le jeu adopte un cel-shading hyper soigné et des couleurs très saturées pour un rendu BD flamboyant. Le petit plus, c’est que les artistes de Team Ninja ont su moderniser intelligemment les costumes de nos personnages préférés, en ajoutant ici et là quelques petits détails bien vus qui ne sont d’ailleurs pas sans rappeler ce qui a été fait sur le MCU. L’ensemble fonctionne tant et si bien qu’on oublie vite que l’on joue sur Switch, une console au hardware un peu vieillot : techniquement et artistiquement, le jeu de Team Ninja est une franche réussite.

Outre son visuel des plus réussis, Ultimate Alliance 3 saura ravir les fans de tout horizon avec son casting. On sent ici l’influence du MCU, mais aussi des dernières productions Marvel qui ont popularisé nombre de personnages secondaires jusqu’ici moins connus. Si l’on retrouve évidemment l’intégralité des Avengers, des Gardiens de la Galaxie et une bonne partie des X-Men, on n’a pas été surpris de tomber sur Daredevil, Ironfist et Luke Cage, récemment mis à l’honneur dans la série Defenders. Mieux, Spider-Gwen et Miles Morales font partie du casting, ce que l’on doit très probablement au succès de Spider-Man : Into the Spider-Verse. Et bien entendu, quelques-uns des personnages très en vogue ces derniers temps sont aussi du voyage, avec Captain Marvel et Kamala Khan (Ms. Marvel). Un ensemble de personnages hyper séduisant, qui satisfera tant les puristes que les nouveaux venus. Et ce qui ne gâche rien, c’est qu’ils sont tous très amusants à contrôler.

Un jeu plus riche qu’il n’y paraît

Fort de ce casting XXL et de sa jolie direction artistique, Marvel Ultimate Alliance 3 vous embarque pendant une dizaine d’heures dans une aventure faite de très, très nombreux combats et de quelques puzzles que l’on oubliera vite. Dans son ADN, le jeu de Team Ninja est un beat’em all à l’ancienne, dans lequel le joueur passera des heures à tabasser des mobs qui se ressemblent un peu tous. La différence avec les précédents épisodes, c’est qu’on s’amuse (presque) tout le temps. On reconnaît ici le passif du studio qui a l’habitude de réaliser des jeux qui misent beaucoup sur le plaisir de frapper : feedbacks sonores et visuels, animations, effets spéciaux… Le talent de Team Ninja en la matière est évident. Il faut ajouter à cela des contrôles bien pensés : chaque personnage dispose d’un coup rapide et d’un coup fort (donc plus lent), d’une petite esquive et de quatre coups spéciaux. En outre, chaque personnage dispose de mouvements qui lui sont propres, comme Iron-Man et Thor qui peuvent voler et flotter dans les airs, ou Spider-Man et Venom qui peuvent se balancer de toile en toile. On remarquera également un coup à part, qui peut être effectué pendant un saut, et qui en fonction des super-héros est plus ou moins intéressant.

Avec toutes ces armes, le joueur / la joueuse est invité(e) à traverser une suite de niveaux linéaires pour y tabasser tout ce qu’il trouvera en chemin. C’est simple, efficace et comme on débloque régulièrement de nouveaux coups spéciaux et de nouveaux combattants, il y a toujours quelque chose à essayer. Les coups spéciaux notamment, puisqu’ils définissent en grande partie l’attrait que pourra avoir chaque personnage sur le joueur ; on a donc hâte de les essayer et dans les premières heures de jeu, on change très régulièrement de héros pour l’essayer le temps d’un morceau de niveau. La bonne nouvelle, c’est que l’usage de ces coups spéciaux est lié à une jauge d’énergie, mais celle-ci se remplit suffisamment vite pour que l’on ne soit jamais frustré. Toutes sont très différentes et vont généralement piocher dans les moves les plus connus de nos costumé(e)s préféré(e)s.

Il y a un plaisir simple à castagner ces hordes d’ennemis un peu idiots, qui rappelle les meilleurs beat’em all des années 90 (Oui, Turtles in Time, c’est à toi que je pense). C’est sans doute un peu limité et désuet, mais cela fonctionne rapidement, grâce à l’excellent feeling des coups portés, et le travail effectué sur les animations. Amusant en solo, Marvel Ultimate Alliance 3 prend tout son sens lorsque l’on joue accompagné de quelques copains : il sera alors le compagnon idéal pour illuminer vos soirées de jeu à plusieurs, même sur de courtes sessions. Chacun y trouvera son bonheur, entre les personnages rapides, ceux qui préfèrent attaquer de loin, ou les gros bourrins qui foncent dans le tas. Quitte, parfois, à délaisser son personnage favori pour opter pour un combattant au gameplay qui lui parle plus.

Si dans ses mécaniques de base, le jeu de Team Ninja est finalement assez basique, il introduit rapidement quelques composantes inspirées du monde du RPG qui apportent une épaisseur bienvenue. Outre la gestion assez classique de statistiques, Ultimate Alliance 3 repose une partie de son gameplay sur les bonus d’union. Ainsi, rassembler au sein de la même équipe plusieurs Avengers va booster certaines des stats globales de l’équipe, même chose si vous décidez d’unir trois anti-héros (Wolverine, Venom et Deadpool, par exemple), ou des personnages qui ont un certain vécu commun. Il est également possible de compléter les attaques d’un allier à proximité, ce qui pousse à jouer en équipe et à soigner ses unions. Plus intéressant encore, le système d’ISO-8, des cristaux que l’on ramasse un peu partout à travers le mode Histoire et qui va permettre de booster certaines stats de ses héros. Le jeu a le mérite d’être plutôt didactique et non seulement il prend le temps de diluer ces informations, mais en sus il explique pas à pas comment utiliser correctement chaque petite nouveauté de gameplay. Les débutants apprécieront.

Et si ces éléments vous effraient un peu, rassurez-vous : il est tout à fait possible de jouer et de triompher du jeu sans creuser la dimension RPG du jeu. Cela sera peut-être parfois un peu plus compliqué, voilà tout. D’autant qu’à côté de cela, le jeu vous permet d’améliorer facilement la puissance de vos attaques spéciales ou d’accélérer le level-up de vos combattants en utilisant des items qui se ramassent sur le terrain, pour peu que vous aimiez l’exploration.

Une formule qui montre ses limites

Si Marvel Ultimate Alliance 3 a des qualités indéniables, il souffre également de quelques défauts que l’on voyait venir de loin. À commencer par la répétitivité globale du titre, qui peine à renouveler ses situations. On avance, on frappe sur tout ce qui bouge, on appuie sur un interrupteur qui ouvre une porte, et on recommence, sans que le jeu n’introduise vraiment de nouveaux mécanismes. On a bien droit à un pseudo-moment d’infiltration en début de partie, ou à l’utilisation de canons à eau pour paralyser l’Homme-Sable, mais cela reste assez anecdotique. Si l’on ajoute à cela des décors pas toujours très inspirés et des vagues d’ennemis copiés-collés les uns sur les autres, oui, c’est certain, le titre de Team Ninja donne parfois la sensation de tourner en rond.

Si le plaisir de combattre aux côtés de nos justiciers préférés contre-balance facilement cet écueil, on ne pourra malheureusement pas être aussi bienveillant l’égard des quelques problèmes de caméra et de lisibilité de l’action qui surgissent un peu trop souvent. À tel point que sur l’écran de la petite Switch, Marvel Ultimate Alliance 3 se montre peu accueillant. On préconisera de fait le jeu sur un téléviseur de bonne taille, a fortiori si vous partez accompagné(e) de quelques camarades.