L’été est généralement la saison où fleurissent les tests psychologiques de toutes sortes, aussi bien dans les magazines papier que sur internet. Si la plupart vous demandent de trouver une signification à une nuit de pleine lune afin de déterminer le degré de colère refoulée dans les tréfonds de votre personnalité, celui dont nous allons parler ici se concentre sur les motivations des joueurs. Et elles sont potentiellement nombreuses ! Piwag publie un rapport d’étude basé sur les “profils psychographiques” analysés dans le but de déterminer ce qui fait battre les cœurs pixellisés en 2018. Spoiler : les sondés aiment l’immersion et ne semblent pas être intéressés par le fait de dépenser de l’argent.
Selon les informations données par Piwag, la segmentation a été faite avec un docteur en psychologie cognitive (le Dr Nicolas El-Sayegh). La méthodologie pour l'analyse des résultats a été encadrée par une docteur en physique habituée de l'analyse de données (la Dr Jennifer Weimmerskirch).
Le temps des déclarations
L’équipe de Piwag développe actuellement un moteur de recherche dont la promesse est d’aider chaque joueur à trouver l’œuvre vidéoludique qui correspond à ses envies. Pour le moment, le site officiel propose au visiteur de créer un profil afin de connaître précisément ses motivations dans les univers virtuels, qu’il doit évaluer via une série de propositions par l’intermédiaire d’une grille de notation allant de 0 (pas motivant du tout) à 5 (banane explosive dans la tête). Le quiz prend ainsi la forme d’une succession de pages à faire défiler comprenant au total approximativement soixante-dix questions, pour à peu près autant de facteurs potentiellement motivants surveillés. Les résultats sont exposés à l’intérieur d’un rapport accessible à cette adresse. Au moment de l’étude, l’échantillon était d’approximativement 4200 réponses, nous apprend Aurélien Nicoleau, co-fondateur et directeur général de Piwag.
L'échantillon est constitué de joueurs regardant des YouTubers/Streamers gaming, d'un peu de presse spécialisée, et de participants à des salons geeks physiques de type Japan Expo ou StunFest, où nous sommes allés directement. Les participants sont répartis surtout chez les francophones européens, aux US et dans les pays hispanophones. Aurélien Nicoleau, co-fondateur et directeur général de Piwag
Selon les participations reçues, les trois composants les plus motivants dans un jeu vidéo sont l’histoire, la diversité de gameplay et l’immersion. Tout en bas de ce top se trouve sans surprise la dépense avec de l’argent réel. Un premier constat s’impose : entre les résultats relevés et la réalité commerciale, il y a des différences. En 2017 et aux Etats-Unis, les cinq jeux les plus vendus étaient Call of Duty : WWII, NBA 2K18, Destiny 2, Madden NFL 18 et The Legend of Zelda : Breath of the Wild, des titres qui ne sont pas forcément connus pour la profondeur de leurs scénarios et la variété des mécaniques de jeu, Zelda mis à part. L’étude expose un intérêt presque équivalent pour le solo et le multi. Les joueurs semblent cependant préférer les parties en coopération (3,84/5) plutôt que strictement compétitives (2,88/5).
“Ce qui nous intéresse, c'est la façon dont les joueurs font leur choix, ce qu'ils retiennent de l'expérience du jeu vidéo quand ils n'y jouent pas mais veulent y retourner” explique Aurélien. Il ajoute : “au game design on sait très bien que la chose qui va tenir les joueurs le plus longtemps sur un jeu c'est l'état de flow au travers de l'immersion. Il semblerait que les joueurs en ont conscience, car l'immersion est classée numéro 1 des motivations sur les 70”.
Perceptions et différences
Contrairement à ce à quoi l’on pourrait s’attendre, “l’oubli”, à savoir le fait de laisser ses tracas du quotidien de côté grâce à une petite partie, ne fait pas partie des motivations premières puisqu’elle est ici en neuvième position. L’originalité du contenu arrive à la septième place, alors que l’exploration rate d’une marche le top 10. Les résultats montrent que les répondants n’explorent pas des univers dans le but de trouver un partenaire amoureux ou afin d'obtenir de la reconnaissance. Ce qui peut paraître là aussi étonnant lorsque l’on a déjà joué à des MMORPG où les actions RP mènent parfois à des idylles bien réelles, et lorsque les quêtes aux armures ultimes (entre autres) peuvent rapidement être perçues comme un besoin, peut-être inconscient, de reconnaissance. Le sentiment d’incarnation est classé dixième, une jolie place qui peut être expliquée, selon Aurélien, par le succès des MOBA ou encore Overwatch où l'une des clés est de diviser les équipes en rôles précis.
Alors, vous aimez faire toujours la même chose ou non ?
Au niveau des différences éventuelles qu’il peut y avoir entre le public masculin et féminin, nous pouvons noter que les femmes sont plus enclines à s’intéresser aux produits dérivés et dénicher les secrets des niveaux (complétion). Les hommes quant à eux apprécient plus le trolling (embêter les autres) ainsi que la compétition pure. Ils recherchent également davantage de relations à prolonger physiquement dans la vraie vie, et sous la couette. Le rapport s’attarde également sur les écarts d’intérêt qu’il y a entre les régions (Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud) et les différentes tranches d’âge. Pas de quoi en extirper une tendance particulière cependant.
Le profil féminin est extrêmement proche du profil masculin : tout le monde a les mêmes motivations. Les femmes recherchent la même chose que les hommes. Il faut bien avoir conscience que les femmes représentent à l'heure actuelle 50% du public qui joue dans le monde, et qu'il y a quelques années avec l'explosion des smartophones et l'engouement sociétal pour ceux-ci, les femmes étaient même majoritaires pendant une période. Aurélien Nicoleau, co-fondateur et directeur général de Piwag
Avec toute la distance qu’il faut bien évidemment prendre face à ce type de tests, les résultats de Piwag exposent une certaine idée de ce qui motive les joueurs d’aujourd’hui dans les jeux vidéo. De quoi constater que les déclarations tranchent parfois avec les réalités commerciales, et découvrir des données comparatives mettant en perspective des différences finalement minimes entre les sexes, les régions, et les tranches d’âge. Dès l’année prochaine, les russophones et les Coréens devraient participer au quiz afin d’élargir le panel.