Vous l’avez sans aucun doute remarqué, la nouvelle génération de créateurs japonais se fait de plus en plus présente. Octopath Traveler en est un bon exemple, avec à sa tête un producteur de 33 ans. Un petit jeunot dans le métier, pourrait-on dire. Pourtant, le J-RPG développé avec le studio Acquire marque d’office par son design old school, tant d’un point de vue visuel que dans ses mécaniques au tour par tour. Une véritable volonté, nous avoue Takahashi-san :

Takahashi-San : Nishiki-San et moi-même, nous avons 33 ans. On a grandi avec les J-RPG SNES, avec le gameplay de l’époque et le pixel art. Quand je suis rentré à Square Enix, c’est ce que je voulais faire, mais on m’a tout de suite dit qu’il était beaucoup plus simple de faire des titres texturés. J’ai dû faire mes preuves, et après des années de travail, j’ai pu faire ce que je voulais.

On voulait travailler sur une nouvelle IP et il était important pour nous d’avoir un style visuel à fort impact qui allait plaire aux joueurs. En termes de mécanique de jeu, si on avait conçu les Bravely Default comme une évolution de Final Fantasy V, on a créé Octopath Traveler comme une évolution du système de Final Fantasy VI.

Nishiki-San : En ce qui concerne la musique, j’ai grandi avec des jeux comme Final Fantasy et la série SaGa. On retrouve ce genre d’influence dans Octopath Traveler.

Cependant, si s’inspirer des plus grands est une chose, le plus dur restait à faire. Acquire n’est pas le premier studio à se lancer dans un J-RPG old-school et beaucoup s’y sont cassés les dents. Il ne suffit pas de faire du vieux pour faire un classique, et sans supplément d’âme, il est très facile de rater le coche. C’est pour cette raison que l’aspect artistique de Octopath Traveler a fait l’objet d’un soin attentif. Il ne fallait pas juste ressembler aux chefs d’oeuvre de l’époque : il fallait trouver sa propre voie. Néanmoins, cela ne s’est pas fait tout seul :

Takahashi-San : Quand le développement d’Octopath a débuté, nous avions créé une démo uniquement en pixel art, à l’ancienne, effets compris. Sauf que nous nous sommes rendu compte que c’était plus beau dans nos souvenirs ! Du coup, nous avons utilisé la technologie actuelle de l’Unreal Engine pour faire des choses qui n’étaient pas possibles à l’époque, comme les effets de lumière par exemple. Ca donne un très bon mélange des deux générations selon nous.

Nishiki-san : Pour la musique, je me suis demandé si je devais tenter de m’adapter à un public mondial ou si je devais garder mon style. Puis, je me suis dit : « Qu’aurait fait un de mes aînés, Nobuo Uematsu ». Et lui, justement, il a gardé son style. Ca ne lui a pas traversé son esprit de changer. Il a gardé son âme et ça a plu à tout le monde. C’est ce que j’ai fait pour Octopath Traveler, où on retrouve mes influences comme la musique classique, notamment Bach, ou les musiques de film.

De ce qu’on a pu entendre jusqu’ici, il semblerait que le choix de Nishiki-san était le bon. Toutefois, le chemin vers le succès est jonché de pièges et il reste difficile de trouver le bon équilibrage, surtout quand on a pour vocation de lancer une nouvelle licence. Un objectif d’autant plus compliqué que l’ouverture offerte par le titre, qui nous laisse récupérer les huit héros dans l’ordre souhaité, ne facilite pas la gestion du début de partie, qui est pourtant censée être la phase la plus maîtrisée. Il aura fallu des mois de peaufinage en phase de pré-test, avant même le debugging, afin d’affiner le système de combat et les statistiques des combattants. Toujours dans ce travail d’équilibrage, la première démo parue en septembre 2017 fut salvatrice sur bien des points. Téléchargée par 1,5 million d’utilisateurs, nombre exceptionnel, elle a permis de récupérer les avis des joueurs grâce au sondage qui lui était associé. Ce sont pas moins de 45,000 joueurs qui se sont prêtés au jeu, permettant ainsi à l’équipe de Masashi Takahashi d’améliorer des éléments comme la lisibilité, la vitesse de déplacement ou encore les menus de combat. Les retours positifs leur ont aussi confirmé ce qu’il fallait garder, sur des points où ils avaient encore des doutes.

Comme nous le disions, les créateurs d’Octopath Traveler sont jeunes, et bien qu’ils aient déjà quelques années d’expérience, ils avaient besoin de ressentir l’attente des joueurs pour être en confiance. Autant dire qu’ils ont été servis dès la première présentation du jeu, à leur grande surprise :

Takahashi-san : On a été rassuré de voir que le style graphique avait vraiment plu aux joueurs, on avait beaucoup travaillé dessus ! De plus, c’était une présentation internationale et on a remarqué que les retours étaient encore meilleurs en Europe qu’au Japon !

D’un certain point de vue, et malgré le fait qu’Octopath soit une nouvelle IP, Takahashi-san nageait en eaux sûres. Il fait lui-même partie du public visé par le jeu, après tout. D’ailleurs, le choix de la Switch n’est pas un hasard :

Takahashi-san : Nous visons un public qui nous correspond, des trentenaires et quarantenaires qui veulent des sensations de la grande époque du J-RPG. Quand on connaît les habitudes gaming de ces joueurs là, la Switch était la meilleure plate-forme pour nous. Jouer au lit pendant 1h avant de se coucher, par exemple, c’est plus facile avec une Switch.

Nous saurons dans quelques jours si Octopath Traveler est au niveau des attentes qu’il aura suscitées pendant un an et demi, jour pour jour. A partir du 13 juillet prochain, les joueurs commenceront à rendre leur verdict. Masashi Takahashi ne serait d’ailleurs pas contre l’idée de faire une suite selon le succès commercial du jeu. Mais avant de faire des plans sur la comète, il est aux aguets :

Takahashi-san : C’est la première fois que j’ai un jeu avec une sortie mondiale. Il y a un peu de stress mais aussi beaucoup d’excitation. Je suis content de voir des médias français et de faire la Japan Expo, où je vais rencontrer des joueurs qui ont fait la démo !

Souhaitons-leur bonne chance. Vous pourrez bien évidemment retrouver le test d’Octopath Traveler peu avant la sortie du jeu.