Comme elle a l’habitude de le faire depuis plusieurs années, la firme Bethesda dévoile ses gros titres avant son show de l’E3, une manière de se garantir un maximum d’attention avant le début des hostilités. Fallout 76 intrigue, RAGE 2 étonne et Prey… Prey reste bien discret. On nous avait teasé, nous annonçant un petit tour sur la lune sans nous en dire plus. Il aura donc fallu attendre le 11 juin et la conférence du géant américain pour finalement découvrir ce fameux Prey : Moon Crash. Ce qui étonne, en dehors de la disponibilité immédiate, c’est le mélange des genres que nous offre Arkane avec cette extension. Du rogue-lite dans un AAA ? Il nous fallait bien quelques explications et c’est Ricardo Bare, directeur créatif du titre, qui s’est chargé de nous les donner.
« Nous essayons quelque chose d’un peu nouveau »
Comme le studio basé à Austin l’avait fait avec Dishonored : La Mort de l'Outsider, cette extension vendue 19,99 euros proposera une aventure connectée avec les événements contés dans le jeu principal. Nous aurons ainsi le droit à des héros et lieux inédits, mais des repères bien connus puisqu’on nous promet de revoir la famille Yu, la multinationale Transtar et bien sûr, les sympathiques Typhoon qui nous mèneront la vie dure une seconde fois. On prend les mêmes et on recommence ? Pas vraiment, si le synopsis que nous a présenté Ricardo semble rester dans la continuité de Prey, les choses seront bien différentes sur d’autres points.
Lorsque le jeu commence, vous jouez un hacker nommé Peter qui travaille pour une société baptisée Kasma. Si vous avez joué à Prey, vous savez que c’est une rivale de Transtar.
Peter est à bord d’un satellite qui orbite autour de la Lune et sa tâche est d’espionner une base lunaire (ndlr : appartenant à Transtar). Le problème c’est que la base lunaire s’est éteinte, elle a arrêté de transmettre. Le boulot de Peter est donc de trouver ce qui est arrivé à la base lunaire.
Si vous avez joué à Prey, vous savez qu’il s’agit d’un titre qui mise beaucoup sur la liberté laissée au joueur. Que ce soit avec les fins multiples déterminées par vos actions ou bien même l’utilisation de certains pouvoirs tels que la transformation en objet, Arkane n’impose pas vraiment de limites. Lorsque nous l’avions interviewé en 2017, Raphaël Calantonio, alors patron du studio, nous avait même confié qu’il était possible que les joueurs trouvent une façon de "casser" le jeu en passant par exemple sous une porte ou une fente que les développeurs n’auraient pas bloqué. La liberté, la personnalisation de l’expérience et la rejouabilité sont au centre de Prey, il fallait donc aller plus loin. Quoi de mieux pour cela que de s’inspirer des indépendants et de la fameuse composante rogue-lite qu’ils chérissent tant ? Et oui, le studio français a surpris tout le monde avec cette annonce, les éléments de vos parties dans « Moon Crash » seront générés aléatoirement. Objectifs, ennemis, possibilités, tout changera à chaque nouvelle aventure.
Vous devez vous échapper d’un complexe secret de Transtar sur la Lune, mais à chaque fois que vous lancez une partie, les créatures que vous rencontrez, les objets que vous trouvez, les dangers que vous affrontez et même vos objectifs, tout ça sera dynamique et déterminé de manière aléatoire.
C’est tout ce que vous aimez dans Prey, mais avec cette nouvelle tournure amenée par les éléments procéduraux, à la rogue-like. Tout cela est combiné avec le style Arkane, que ce soit au niveau de la narration ou de l’architecture des niveaux.
Arkane se la joue indé'
C’est un cocktail inédit que nous prépare Arkane. Nous avons tout d’abord le style du studio et ses environnement soigneusement travaillés, le côté "petite maison des horreurs", un espace confiné et dangereux inspiré de System Shock et enfin, l’esprit indé’ qui fait la part belle à l’aléatoire et à la rejouabilité. Binding of Isaac, Risk of Rain, Rogue Legacy, Faster than Light, de nombreux titres du genre ont inspiré l’équipe de développement. Evidemment, dans un FPS AAA qui s’appuie sur une narration forte, les choses ne s’emboitent pas comme dans un dungeon crawler en 2D et afin que la mayonnaise prenne, Ricardo Bare et sa bande ont donc dû adapter leur scénario. Ainsi, pour comprendre ce qui a bien pu se passer sur le base lunaire, Peter va devoir fouiller dans les informations qu’il a déjà pu intercepter. Il ne s’agit pas de logs audios, mais d’une mine de données qui lui permettront de simuler les derniers instants de la base lunaire. Grâce à la technologie, il pourra ainsi incarner cinq personnages différents et revivre à travers leurs yeux les événements qui ont fait sombrer le complexe de Transtar.
Peter revient dans le passé via la simulation et peut prendre le contrôle de cinq personnages différents qui vivent leurs dernières heures sur la base lunaire dont ils essayent de s’échapper. (…) Vous allez donc jouer cinq personnages différents, en plus du personnage principal.
Lorsque vous lancez la simulation pour la première fois, vous avez seulement accès à un recoin de la base et un personnage. Vous devez ensuite comprendre ce qu’il faut faire pour débloquer les autres personnages et endroits. Vous pouvez alors faire ce que vous voulez du genre « Je vais jouer ce personnage là et m’échapper grâce à une navette » ou « Je vais rechercher les autres ».
Vous l’aurez compris, les différentes tournures que pourra prendre le jeu dépendront donc à moitié de l’aléatoire et à moitié de vos actions dans le simulateur. Pour vous donner un exemple de scénario type, sachez que l’une des façons de s’enfuir de la base est d’utiliser un vaisseau, mais manque de chance, aucun de vos personnages disponibles ne sait conduire une navette. Il faudra donc trouver le moyen d’apprendre cette compétence en scannant le corps d’un pilote qui pourra être placé à différents recoins de la carte selon les parties. Et ce n’est pas tout :
Imaginez maintenant que la pièce dans laquelle se trouve le corps du pilote est en feu. Que vais-je faire ? Ou alors, la pièce dans laquelle se trouve le vaisseau n’a pas de courant. Vous voyez ? Ce sont quelques-uns des éléments dynamiques.
Nouvel environnement, nouvelles entités
Un principe qui vient donc chambouler complètement la formule du jeu d’origine, mais qui sera accompagné de nouveautés plus classiques. Pour commencer, les cinq personnages que pourra contrôler Peter auront chacun leurs capacités propres et même un arbre de talent individuel. Même constat du côté des ennemis, les Typhoon lunaires sont différents des Typhoon rencontrés sur le Talos 1 et le moins que l’on puisse dire, c’est que le "Moon Shark" semble particulièrement inquiétant…
L’un de mes personnages préférés est une femme nommée Joan qui est ingénieure. Elle peut réparer les objets cassés, elle a des pouvoirs Typhoon qui affectent les machines, mais aussi un nouveau pouvoir permettant d’invoquer des tourelles. Beaucoup de joueurs de Prey aiment fabriquer des tourelles et les transporter un peu partout, nous lui avons donc donné la capacité d’en invoquer une, qu’importe où elle se trouve. Elle peut également améliorer ce pouvoir.
L’un des nouveaux Typhoon s’appelle le « Moon Shark » et apparait dans l’une des zones rencontrées sur la lune, un cratère massif dans lequel on rebondit en raison de la gravité. C’est un gros Typhoon, un peu comme le Cauchemar, mais il se déplace en s’enfouissant sous terre. Il sent les vibrations et les sons, il faut donc éviter de toucher le sol. (…) Mais comme nous sommes dans Prey, il est possible de le scanner et d’utiliser son pouvoir.
Si ce genre de nouveautés est important pour ceux qui connaissent déjà le jeu d’origine, force est de constater que l’intérêt principal de cette extension de Prey réside dans sa nouvelle composante de gameplay. Les "hybrides FPS / RPG avec une grosse couche de simulation", pour reprendre les mots de monsieur Colantonio, sont déjà une chose assez rare, mais ce genre couplé à celui du rogue-lite, c’est clairement inédit. Il nous tarde donc de découvrir comment un studio réalisant des AAA parvient à s’approprier ce style si particulier et qui mériterait sûrement à être plus utilisé sur les grosses productions.
Et pour aller encore plus loin, nous ne pouvions pas quitter Arkane sans leur poser la question fatale, la question d’une éventuelle suite : « Pensez-vous qu’il sera possible d’étendre l’univers de Prey ? De passer du FPS à huis clôt à un blockbuster grandiose comme Valve a pu le faire avec Half-Life 2, par exemple ? ». Nous n’en saurons pas plus sur l’avenir de la série, la réponse est brève, mais la porte n’est pas fermée.
Je pense qu’il y a du potentiel pour cela, c’est sûr. Je ne peux pas parler des autres choses sur lesquelles nous travaillons, mais comme nous l’avons fait avec Dishonored, nous avons beaucoup travaillé sur l’univers qui s’étend au-delà de ce que vous pouvez voir dans le jeu.