Comme indiqué plus haut, les mécaniques de RPG peuvent prendre bien des formes, à tel point qu'il est compliqué de définir le style uniquement par la somme des éléments qui le compose. On pourrait parler de sa propension à développer une narration et un univers riches, de son système de progression du personnage. Nous pourrions évoquer ses quêtes, ses combats, ses choix ou même son système d'inventaire. Si ces différents atouts constituaient à l'origine le cœur de ce qu'un RPG devait fournir, aujourd'hui les frontières sont plus floues. Ôter à une oeuvre l'une des fonctionnalités précitées ne la démettrait pas pour autant de son statut de jeu de rôle, tandis que tous les incorporer dans un titre ne ferait pas forcément de ce dernier un RPG pur jus. C'est d'ailleurs pourquoi le RPG reste toujours un peu campé dans sa niche, tandis que son ADN se trouve accolé à d'autres genres, plus généraux. Action RPG, FPS RPG... les studios ont finalement pensé certains de leurs jeux comme des hybrides à même de contenter les fans d'un style et de l'autre.

Mass Effect mixe TPS et RPG, la saga Borderlands est autant un FPS qu'un jeu de rôle et les exemples de titres qui ont été développés avec au moins deux étiquettes en tête sont légion. Et ce ne sont pas spécialement ces derniers qui à mon sens profitent de l'introduction d'un style qui m'est cher, mais plutôt ceux qui créent la surprise en saupoudrant leur gameplay de petites touches de RPG, comme une volonté de marier le meilleur de deux mondes.

du RPG pour tous

Cet exemple a pris beaucoup de sens lorsque j'ai parcouru le dernier – et excellent – God of War. Là où nous étions habitués à une aventure épique, mais linéaire, nous nous trouvons face à un monde semi-ouvert, qui laisse la porte largement ouverte à l'exploration et à la résolution de quêtes dans l'ordre de notre choix, ou presque. Ajoutez à cela la possibilité de crafter de l'équipement ou de l'améliorer, le tout conditionné par un niveau d'expérience et pour un peu, on pourrait presque croire que le Kratos de 2018 patauge dans le jeu de rôle pur et dur. Et pourtant, il n'en est rien, ce God of War reste un God of War dans son essence. Cependant il s'est autorisé quelques libertés face à sa recette d'origine en introduisant la grande adaptabilité des mécaniques du RPG à son ADN.

Mais cet exemple, bien que récent, est loin d'être le seul. Assassin's Creed Origins, renouveau intelligent de la saga d'Ubisoft, s'est aussi largement inspiré d'un certain Witcher III afin de dépoussiérer une formule qui commençait à prendre de l'âge. L'imparable The Legend of Zelda : Breath of the Wild s'est doté d'un journal de quêtes, d'une grande liberté d'action ou de statistiques sur l'équipement, qui sont autant de caractéristiques à même de définir un RPG pur jus. Néanmoins, si ces exemples sont frappants, d'autres sont nettement plus subtils, voire totalement improbables. Les jeux de course y sont aussi allés de leur petit saupoudrage de RPG, avec un Need for Speed Payback ou un The Crew qui donnent un sens très rôliste à la customisation des véhicules.

Et finalement, en tant qu'amateur de RPG depuis toujours, j'estime que cette invasion d'un registre pour lequel il n'est pas ordinairement destiné est une excellente chose et qu'elle devrait se multiplier. La pluralité des éléments du style lui confère une grande profondeur et une grande flexibilité, à même d'ajouter une dimension nouvelle à des jeux passés en mode automatique ou qui n'auraient pas été aussi bons s'ils n'avaient pas bénéficié de cette petite touche d'émancipation.

Si, bien évidemment, tous les titres ne se prêtent pas à l'ouverture des portes au registre, bon nombre d'entre eux, en revanche, ont trouvé un nouveau souffle grâce à cela. Car piocher dans les mécaniques RPG, c'est aussi piocher dans un bassin rempli de bonnes idées et de fonctionnalités intéressantes, qui peuvent niveler un jeu vidéo vers le haut, dès lors que le choix est fait intelligemment et qu'il ne dénature pas la substance d'un style.

Le RPG est un genre pluriel et terriblement complet. Rien n'interdit alors d'en extraire certains poncifs de manière à les intégrer à une expérience de jeu, qu'elle soit orientée aventure, gunfight ou exploration. Le style apporte à ces aventures vidéo ludiques un sentiment de progression palpable pour le joueur, une sensation tangible d'implication et aussi de liberté. Qu'il s'agisse d'un monde ouvert à la liberté d'approche infinie ou simplement d'une customisation de personnage qui gagne en puissance en fonction de ses faits d'armes (ou de dialogues), le jeu vidéo gagne assurément à picorer dans des registres divers, et cette tendance à intégrer des éléments de RPG dans les différents registres nivelle à mon sens le média vers le haut.