Conçu initialement sur Nintendo DS, Ni no Kuni premier du nom a marqué les esprits grâce à sa réalisation chiadée et son scénario empreint de magie et d’émotion. La touche Ghibli est palpable à tous les niveaux : personnages, décors, animations, effets visuels, évènements, etc. Le jeu, dans l’esprit, est digne d’un film de Hayao Miyazaki et c’est assurément l’une de ses plus grandes forces. Aussi, la non-participation du studio de Koganei pouvait être un vrai poids pour sa suite, mais Level-5 a utilisé plusieurs leviers afin que cette absence ne se fasse pas trop sentir. Ni no Kuni II a-t-il pour autant l’étoffe d’un grand titre à destination des fans ? C’est une question qui mérite d’être posée.
Bien que Yoshiyuki Momose, le character designer, et Joe Hisaishi, le compositeur, soient toujours de la partie, Ni no Kuni II n’a pas été conçu en collaboration avec le studio Ghibli. C’est peut-être un détail pour certains, néanmoins nombreux sont les fans à avoir exposé leurs craintes de se retrouver face à un jeu sans âme. Dans le but d'éviter que la rupture soit trop importante avec l’original, l’équipe d’Akihiro Hino a choisi d’opérer un virage à 180°, à la fois dans le gameplay et la mise en scène, tout en conservant une touche artistique rappelant les plus grands films de Ghibli.
UNE HISTOIRE INÉDITE
Pour éviter que la comparaison soit trop oppressante, Level-5 s’est basée sur un scénario et des personnages inédits. Ainsi, Oliver et Lumi, héros du premier épisode, laissent la place au jeune Evan. L’enfant, dont le destin est de devenir roi, voit son caractère et ses aptitudes se forger au fur et à mesure de la progression. Le joueur participe à ce rite initiatique et découvre comment un gamin, accompagné par de fidèles acolytes, fait le deuil de son ancienne vie afin de parvenir au trône. Dans l’esprit, la trame de Ni no Kuni II est moins féérique que la Vengeance de la Sorcière Céleste, mais parvient, par petites touches, à restituer la magie du studio Ghibli. Dans l’ensemble, les personnages sont plus travaillés, cependant il est évident que la mise en scène, matérialisée par des cinématiques in-game, n’a pas le même impact émotionnel que les somptueuses séquences d’animation traditionnelle du premier Ni no Kuni. Certes, les protagonistes de Yoshiyuki Momose sont totalement dans l’esprit Ghibli (normal, l’homme est un transfuge du studio et travaille régulièrement avec l’entité de Hayao Miyazaki), mais ils ne sont pas mis en avant de la même manière. Et forcément, quand on est fan, cette réalité a son importance…
PLUS D'ACTION, MOINS DE FÉÉRIE
C’est un fait, l’austérité du premier épisode – à la fois dans sa redondance et le manque de punch – a rebuté pas mal de joueurs et Level-5 a agi pour que cette suite touche le plus grand nombre. Sans doute au grand dam des vrais fans de J-RPG, Ni no Kuni II se montre ainsi très dynamique, très porté sur l’action et demeure, sur la quasi-intégralité de son aventure, d’une facilité déconcertante. Très grand public dans l’esprit, la formule initiale du tour par tour a disparu au profit d’une action en temps réel dont le socle repose sur trois gameplay principaux : les combats classiques, le mode « royaume », basé sur la gestion de sa ville, et enfin le mode « escarmouche », rappelant les jeux de stratégie (STR) à l’ancienne. Ces éléments, que l’on vous invite à découvrir plus en détail dans le test d'Anagund, participent à la structure de Ni no Kuni II. Même si la tendance des menus tactiques s’estompe, il reste encore de fervents défenseurs des gameplay à l’ancienne dans le J-RPG. En ce sens, l’Avènement d’un Nouveau Royaume s’adresse avant tout à des nouveaux joueurs et aux fans de jeux de rôle qui n’ont pas peur de casser leurs habitudes. Ceux du premier épisode auront également un temps d’adaptation, tant l’approche est bien éloignée des escapades féériques d’Oliver et Lumi.
ENTRE FANTASTIQUE ET RÉEL
Pour autant, Ni no Kuni II n’est pas aussi éloigné de son aîné qu’on pourrait le penser. On le sait, Ghibli adore jouer avec les mondes imaginaires et Ni no Kuni II ne déroge pas à cette règle. Oliver passait la majeure partie de son temps dans un univers fantastique et on retrouve cette notion dans l’aventure d’Evan. Ainsi, Roland, représenté sous les traits d’un jeune adulte, est en vérité un homme d’âge mur – Président de son état dans le monde contemporain – qui se retrouve catapulté dans une dimension parallèle à la vie terrienne. En exploitant cet imaginaire, le character designer Yoshiyuki Momose s’est fait un malin plaisir à concevoir des protagonistes aux multiples facettes. Parfois minuscules, parfois gigantesques, ces créatures et personnages sont encore plus inspirés qu’ils ne l’étaient dans le premier épisode et il est amusant de découvrir comment Evan, au cours de son parcours initiatique, s’adapte aux mentalités et coutumes de chaque peuple. Les évènements sont mieux amenés que par le passé et c’est un point sur lequel les fans de Ni no Kuni premier du nom peuvent s’appuyer.
Comme on peut le voir, il n’est pas simple de définir si Ni no Kuni II est un titre fait pour les fans de J-RPG, de Ghibli et du premier épisode. S’il est indéniable que la présence de Yoshiyuki Momose et Joe Hisaishi apporte une touche supplémentaire à l’œuvre de Level-5, l’aventure est tout de même bien différente de celle d’Oliver et témoigne d’une volonté pour le studio de toucher le grand public. Cela n’annule en rien toutes les qualités du jeu, néanmoins ce second épisode se tourne avant tout vers les nouveaux joueurs et les amoureux du genre qui n’ont pas peur de casser leurs habitudes. Les fans de J-RPG à l’ancienne et/ou de challenge auront sans doute un autre regard sur les pérégrinations d’Evan. En ce sens, Ni no Kuni II est un titre pour les fans, mais surtout pour une certaine frange de fans.