Derrière cette expression souvent détournée à des fins purement salaces - je vous vois sourire derrière votre écran, ne faites pas l'innocent - se cache ce que certains voudraient appliquer tel un dogme à l'industrie vidéoludique. Un simple coup d’œil sur les retours d'un jeu comme Final Fantasy XV suffit en effet à conclure que pour une partie des joueurs au moins, si un titre s'avère plus court que la moyenne de son genre, il perd forcément un peu de son attrait. Un principe réducteur que, vous l'aurez compris, ne partage absolument pas l'auteur de ces lignes.
Cet article entrant dans la rubrique "Débat et opinion", il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de Jeuxvideo.com.
Nous pouvons rattacher la question de la durée de vie d'un jeu à celle de sa facilité - thème déjà évoqué par d'autres rédacteurs dans de précédents éditos et sur lequel nous ne reviendrons donc pas - voire de son prix, une question toujours épineuse y compris pour notre rédaction, lorsqu'il s'agit de déterminer si le tarif d'un jeu doit influer sur sa note.
Le juste prix
L'argument est recevable pour un joueur au budget limité disposant toutefois d'un temps important pour profiter de ses jeux : à plus de 50 € pour un titre d'envergure, l'acquisition se doit d'être suffisamment rentable pour que l'investissement ne soit pas vain. L'explosion du multijoueur il y a quelques années et la volonté des éditeurs de parvenir à allonger les cycles de vie de leurs jeux a d'ailleurs bougé les lignes : les grandes productions attendues pour leur expérience solo se sont offerts une expérience en ligne (Assassin's Creed Brotherhood, Mass Effect 3, Tomb Raider...), les mondes ouverts se sont remplis de quêtes Fedex et d'objets à collecter pour rallonger artificiellement leur durée de vie. Certes, après avoir aligné quelques dizaines d'euros, le joueur aura la sensation d'en avoir eu pour son argent, mais à quel prix ?
En ligne droite, chaque épisode d'Uncharted ne dépasse que rarement les 10 heures de jeu. Il est tout à fait possible de prolonger le plaisir en changeant de difficulté, en chassant les trésors cachés dans les niveaux et les trophées ou en s'adonnant au multijoueur, mais la partie solo reste l'expérience centrale du titre. Pourtant, peu de joueurs se sont plaints de son faible rapport prix/durée de vie, préférant retenir les bons moments passés dessus tout au long d'une aventure qui a le bon goût de ne pas s'éterniser sans raisons.
Plusieurs softs particulièrement courts ont aussi eu la bonne idée d'être abordables financièrement pour justifier d'un contenu un peu léger ou d'une aventure qui perdrait de son intérêt avec un format plus long. Monument Valley ne m'a pas occupé plus d'une soirée, mais pour une poignée d'euros, j'y ai découvert un superbe titre aux mécaniques intelligentes et parfaitement adaptées au support mobile. Firewatch, vendu moins de 20 €, ne m'aurait sans doute pas autant happé dans son ambiance s'il était rempli d'objectifs secondaires. Pire, sa narration travaillée aurait pâti d'un tel ajout et aurait vu son rythme malmené.
On peut finir mille fois mille quêtes, heu non, on peut finir une fois...
Plutôt résistant aux quêtes de MMORPG que je suis capable d'enchaîner sans trop broncher, je me suis pourtant régulièrement agacé de ces titres les accumulant un peu trop, quitte à noyer leurs qualités évidentes dans un flot de quêtes répétitives. Est-ce si intéressant de passer la durée de vie de son jeu de rôle de 60 à 100 heures en gonflant les 40 heures manquantes avec des quêtes pas loin de ressembler à des missions procédurales ? Non, clairement pas. Plus que par l'épaisseur de son contenu, c'est par l'intérêt de celui-ci qu'un jeu doit se distinguer, même si la durée de vie doit en pâtir.
Bien évidemment, tout est question de mesure et de bon sens, deux contre-exemples pouvant être employés pour prouver que la durée de vie n'est pas un critère complètement stupide. On pensera à Crysis 3, dont la campagne peut se boucler en... 3h, montre en main, mais qui se paie surtout le luxe de la rendre inintéressante malgré un contenu famélique. A l'opposé, un certain The Witcher 3 parvient à capter notre attention sans peine, grâce à ses quêtes annexes et principales narrées avec soin tout en proposant un titre extrêmement long à défricher. Dans ces deux cas, la durée de vie est respectivement un défaut et un atout, bien qu'elle dépende là aussi, surtout de l'intérêt du contenu proposé.
C'est également un ressenti que j'ai pu avoir sur Rise of the Tomb Raider, qui, tout en restant un très bon jeu, a surtout réussi à gonfler sa durée de vie par rapport au reboot original en ajoutant des mini-quêtes rarement inspirées et sans grand intérêt. La encore, l'envie de vouloir en proposer plus au joueur était louable, mais s'est faite au détriment du bon sens : proposer une production intéressante à explorer, quoique le joueur choisisse d'y faire.
Plus de temps pour d'autres jeux ?
Des jeux moins longs, c'est aussi un moyen idéal de se dégager du temps pour essayer d'autres productions. L'argent vient à manquer ? Avec un peu de débrouille ou de patience, il est toujours possible de jouer à plus de jeux sans faire exploser son budget : soldes Steam, Black Friday, sortie des jeux en GOTY, prêts des versions boîtes entre amis... Pour une partie du public qui dispose également de moins de temps à consacrer à une pratique vidéoludique souvent très chronophage, des titres moins longs permettent également de rester dans le coup et surtout de finir ses jeux sans avoir à vider son stock de RTT ou systématiquement délaisser ses autres activités.
Plus que par sa durée de vie, c'est surtout par sa qualité que l'on devrait juger un titre, davantage que de l'envoyer un peu trop rapidement aux oubliettes à cause d'un contenu limité. Le dernier-né de votre série fétiche est un peu plus court qu'à l'accoutumée, d'accord. Mais la qualité s'en ressent-elle ? Parfois, oui. Souvent, non. Il serait donc trop réducteur de penser que plus un jeu est long, plus il est bon.