Non, les démos n'ont pas complètement disparu du paysage vidéoludique. Mais depuis de nombreuses années, celles-ci se sont raréfiées et se contentent d'apparitions succinctes sur les plates-formes de téléchargement. Une dynamique qui aurait pourtant tout à fait sa place dans notre secteur favori, offrant ainsi une garantie supplémentaire aux futurs acquéreurs d'un jeu. Messieurs les développeurs, messieurs les éditeurs, faites revenir les démos !
Cet article entrant dans la rubrique "Débat et opinion", il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de Jeuxvideo.com.
Les plus anciens d'entre vous se rappellent avec nostalgie d'une période ou certains magazines étaient vendus avec des CD entiers de démos de jeux. La pratique était alors très répandue, au point que certaines galettes en question soient restées dans les mémoires collectives, pour leur rareté ou leur contenu particulièrement imposant qui permettait d'enchaîner les parties avec plaisir sans même forcément se procurer le jeu final. Évidemment, on comprendra qu'avec de telles conséquences, les démos se soient progressivement raréfiées. Mais il serait réducteur de considérer que ce seul élément est à l'origine de leur quasi-disparition.
S'il fallait chercher des motifs plus convaincants, on pencherait dans un premier temps pour celui du coût de développement. Créer une démo ne consiste pas seulement à isoler une portion du jeu, comme nous le confirmait Tommy François (VP Editorial d'Ubisoft) lui-même lors d'un débat ayant eu lieu à la Paris Games Week. Il faut d'abord réfléchir à ce que les développeurs souhaitent montrer, puis affecter une équipe à cette section. Enfin, le choix du passage en question peut s'avérer épineux pour certains types de jeux : comment montrer la richesse d'un monde ouvert ? Ne pas gâcher la surprise d'un jeu à scénario en dévoilant un pan de l'histoire ? La solution peut alors être de proposer une démo montrant la philosophie, la prise en main du soft, le tout dans une section n'étant pas présente dans le jeu final.
Seulement, en pleine période de crunch – dernière phase du développement pendant laquelle toutes les équipes accumulent les heures pour boucler le jeu à temps – les ressources sont rares et le risque de devoir enchaîner encore davantage les heures supplémentaires ou le repousser pour sortir une démo paraît être un bien mauvais calcul. Du côté des éditeurs, le risque financier est donc bien réel. Impliquer davantage d’éléments dans la conception d'une démo a un coût supplémentaire, et si celle-ci ne plaît pas au public, elle pourrait même avoir une conséquence fâcheuse sur les précommandes.
Pour les joueurs, il devient alors difficile de se faire son propre avis sur un jeu avant sa sortie. Sans démo, la tâche devient même impossible à moins d'être prêt à se rendre sur un salon public présentant quelques-uns des titres de fin d'année en libre accès. Seulement, pour peu que vous soyez plus attirés par les grosses productions, payer son pass pour faire la queue pendant 4h avant de pouvoir poser ses mains pendant 15 malheureuses minutes sur un titre a tout de l'expérience frustrante. Dans un tel contexte, on comprend que l'absence d'une démo puisse chagriner une partie de l'industrie, en l’occurrence les joueurs.
Certains éditeurs ont pourtant choisi de faire fi de cette tendance, plusieurs démos ayant notamment vu le jour pour quelques productions japonaises. On pensera à celle de World of Final Fantasy, rapidement bouclée mais qui permettait déjà de percevoir le potentiel du système de combat du soft. Pokémon Soleil et Lune ont également choisi de nous proposer une démo spéciale, tandis que le très attendu Final Fantasy XV a montré sa bouille à trois reprises sous ce format.
La démo spéciale de Pokémon offrait quelques bonus pour la version finale du jeu.
En fait, éditeurs et développeurs pourraient également tirer un bénéfice de la mise à disposition d'une démo en trouvant le moyen d'en faire un événement, voire de lui conférer un statut plus intéressant que celui de simple version d'essai. Nous évoquions plus haut Pokémon Soleil et Lune : si leur démo ne permettait pas vraiment de se faire une idée sur le scénario du titre, elle dévoilait quelques nouveautés de l'épisode et s'appuyait sur un concept déjà plus intéressant avec la possibilité de récupérer un Pokémon et des objets dans la version finale une fois celle-ci bouclée. Un atout plutôt bienvenu pour les joueurs, mais également pour Nintendo, qui s'offrait ici un petit coup de pub supplémentaire à quelques semaines de la sortie de son titre.
De même, l'arrivée de la démo de FIFA fait toujours l'objet d'une attention particulière de la part des joueurs, qui ne manquent pas de commenter celle-ci, lançant ainsi les hostilités en prévision de la sortie du jeu final. Toutefois, le constat vaut surtout, vous l'aurez remarqué, pour des softs dont la sortie s'accompagne toujours de ventes conséquentes et qui peuvent donc se permettre de proposer de telles démos sans véritablement craindre que celles-ci aient un impact négatif sur les ventes. Si l'on peine donc à croire que le marché soit de nouveau inondé de démos, les exemples ici évoqués prouvent qu'il serait tout à fait possible de trouver un compromis aussi intéressant pour les éditeurs que pour les joueurs. Reste encore à sauter le pas, pour le plus grand bonheur de ces derniers.