Il y a un peu moins de deux semaines, le monde du jeu vidéo retenait son souffle, découvrant fébrilement un teasing de Rockstar qui allait finalement aboutir sur l'annonce de Red Dead Redemption 2. Deux jours plus tard, le titre dévoilait sa première bande-annonce dans la foulée de la présentation de la Nintendo Switch, au cours d'une journée riche en annonces pour notre milieu. Le point commun entre ces deux annonces ? La hype, célèbre concept caractérisant l'attente forte autour d'un projet, bien souvent blamée pour sa faculté à faire accoucher une montagne d'une souris. Et pourtant, aussi décevant que puisse être le résultat, la divulgation d'un projet n'en reste pas moins un vrai moment de communion et d'espoirs pour les joueurs. Après tout, pourquoi le jeu vidéo ne devrait plus nous faire rêver ?
Cet article entrant dans la rubrique "Débat et opinion", il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de Jeuxvideo.com.
Il est intéressant de voir qu'au sein même de l'industrie vidéoludique, le rapport à cette fameuse « hype » n'est clairement pas le même d'un constructeur à l'autre. Microsoft, par exemple, s'appuie depuis quelques années - à l'E3 en tout cas - sur des conférences solides, basées sur des annonces concrètes et des présentations de softs à la sortie plutôt proche. Loin de vouloir vendre du rêve, le géant américain s'est offert une image fiable et potentiellement moins risquée avec une telle politique, ne tentant une incartade qu'en de rares occasions : on pensera notamment à l'annonce de Halo 5 : Guardians, qui laissait planer le doute jusqu'au bout quant à la nature du titre ici dévoilé.
Le trailer d'annonce de Halo 5 : Guardians jouait la carte de la surprise.
Ubisoft et Sony, eux, ont clairement ouvert les vannes sur ce point. Le premier en proposant sa traditionnelle annonce de fin de conférence, tradition initiée en 2012 avec l'annonce de Watch Dogs premier du nom, pérennisée via celle de The Division l'année suivante et finalement suivie de Rainbow Six Siege, Ghost Recon Wildlands et Steep. Avec le temps, le créneau des joueurs concernés par les jeux dévoilés - et l'emploi malvenu de deux target render, mais c'est un autre débat - ont sans doute un peu réduit la hype autour de la fameuse annonce de fin de conférence d'Ubisoft, mais la pratique reste ancrée dans l'esprit de tous. Preuve en est, si l'on scrutera avec attention la prochaine grand-messe d'Ubisoft pendant l'E3 2017, ce sera surtout pour voir quel nouvel atout l'éditeur sortira de sa manche en fin de partie.
Quand Sony déterre 3 arlésiennes
Le second a choisi une méthode encore plus brutale en proposant deux dernières conférences E3 particulièrement marquantes. Celle de 2015 restera sans doute longtemps dans les mémoires collectives pour sa triple résurrection d'arlésiennes Shenmue III – The Last Guardian – Final Fantasy VII Remake que l'on n'aurait même pas osé faire dans nos blagues les plus absurdes entre confrères au moment d'attendre le démarrage d'une conférence. Pourtant, un an plus tard, le premier cité avance lentement mais s'annonce moins ambitieux que les fans ne l'espéraient (ce qui n'en fera pas forcément un mauvais jeu pour autant, précision-le), le second s'apprête à sortir mais n'a pas bénéficié de dernières previews encourageantes, tandis que le dernier s'est déjà offert une polémique sur son modèle et semble bien loin de débarquer dans nos chaumières. Que le résultat final soit en deçà des attentes ou non, il sera toutefois difficile de nier qu'en l'espace de quelques minutes, le constructeur nippon aura fait rêver l'industrie en réalisant l'impensable.
Ci-dessous, nos confrères de feu Gametrailers en pleine euphorie lors de la conférence en question. Savoureux, non ?
Nous pourrions encore citer nombre d'exemples de ce genre : l'apparition surprenante d'un Kratos en début de conférence Sony à l'E3 2016, dans un trailer que l'on pensait initialement dédié à Horizon Zero Dawn, le trailer plein de promesses de No Man's Sky aux VGX, Bethesda et son sympathique Fallout Shelter jouable immédiatement après son annonce... C'est avec des surprises de ce genre qu'un éditeur peut, l'espace d'un instant, capter l'attention du public et s'offrir une séquence mémorable dont l'on se souviendra encore avec bienveillance et nostalgie des années après, éludant un résultat final parfois en demi-teinte par rapport à nos attentes initiales.
"Pourquoi cet air si... blasé ?"
Mais un jour, la magie ne prend plus. Les années passent, l'expérience fait son effet et les joueurs, plus méfiants que jamais, adoptent une posture blasée face à toutes ces nouvelles annonces. Un TPS asymétrique à la DA atypique devient « un banal shooter de plus », une nouvelle production passe du statut de licence ambitieuse à « un Open World sans saveur »... Les moyens de banaliser une annonce sont légions. Être exigeant et mesuré face à des méthodes de communication de plus en plus grandiloquentes n'est pas une tare, mais à trop rester en recul vis-à-vis de cette pratique, on finit par ne plus jamais profiter de ses bons côtés.
Oui, parfois, un nouveau projet qui nous aura donné des frissons pendant son annonce ne sera pas à la hauteur de ses ambitions initiales. Parfois, celui-ci sera dépassé par une communication mal maîtrisée. D'autres fois, et il faut alors le condamner fermement, la sortie du jeu aura mis au grand jour quelques mensonges sur sa véritable nature. Et alors ? Se laisser hyper ne rend ni fanboy ni aveugle. En s'abstenant de pré-commander et en attendant les premiers retours des joueurs et/ou de la presse, n'importe quel gamer peut encore garder un contrôle décent sur son portefeuille sans perdre ce qui l'a amené à rejoindre notre loisir favori : l'envie de rêver, s'évader et croire que dans un futur plus ou moins proche, le jeu vidéo parfait existera. En attendant ce jour, messieurs les éditeurs, hypez moi, je ne vous en voudrai pas.
Mais faites quand même un bon jeu, c'est mieux.