En 2006, le studio Epic lance son nouveau jeu : Gears of War. Nouveau bébé de Cliff Bleszinski, le créateur de la série Unreal, Gears of War est également une vitrine technique pour la dernière mouture de son moteur maison : l'Unreal Engine 3. Ce que l'on sait moins, notamment en France, c'est que le jeu a tenté l'aventure e-sport, avec un certain succès... avant de disparaître complètement, ou presque. Puisqu'avec Gears of War 4, The Coalition a bien l'intention de remettre la série sur les rails de la scène e-sportive, nous vous proposons aujourd'hui de revenir sur l'histoire de Gears of War, chapitre sports électroniques. Alors ouvrez vos cahiers et écrivez en haut à gauche la date d'aujourd'hui.
Nous sommes donc le 6 novembre 2006 : Gears of War vient de poser un pied en Amérique du Nord. Quelques jours plus tard, l'Europe et le reste du monde seront également touchés par une invasion de Locustes. Le titre d'Epic est salué par la critique et les joueurs. Son gameplay, son univers sombre, ses personnages marquants, tout fait de Gears of War une nouvelle icône du jeu vidéo. Outre son aventure à vivre en solo ou en écran scindé, le titre porte en son sein un mode multijoueur un peu léger mais qui va pourtant réussir à captiver de nombreux joueurs, notamment aux Etats-Unis. Il faut dire que le shooter de Cliff Bleszinski repose avant tout sur un gameplay bien connu des amateurs de cover-TPS, mais la formule est ici tellement maîtrisée qu'elle donne un aspect bien nouveau au genre. Mettant l'emphase sur la stratégie, le jeu d'équipe et l'art du placement, ce mode multijoueur est en vérité beaucoup plus subtil qu'il n'y paraît. Les batailles sont remplies de suspense et sont donc particulièrement agréables à suivre. Rapidement, une scène compétitive se met en place.
Des débuts fulgurants
Pourtant, l'e-sport sur console n'existe presque pas, à l'époque. La scène PC domine complètement, avec notamment Counter-Strike et StarCraft, qui sont de loin les jeux attirants le plus de monde. À une exception près : Halo. La série de Microsoft a permis à l'e-sport console de connaître ses premières lettres de noblesse, aidé en cela par l'éclosion du Xbox Live, en 2003. Côté e-sport, malgré la présence de titres comme Tekken 5 ou Super Smash Bros Melee, Halo 2 règne complètement sur l'e-sport console, grâce à la Major League Gaming, qui très tôt a su comprendre le potentiel de la série. C'est cette même MLG qui va rapidement pousser Gears of War sur le devant de la scène. Pariant que le bébé d'Epic suivra, grâce à ses qualités et au Xbox Live, le même développement que Halo quelques années auparavant, la MLG ajoute Gears of War à son Pro Circuit édition 2007. Le jeu est alors propulsé sous le feu des spotlights puisqu'à cette époque, la MLG est énorme et a réussi de nombreux coups médiatiques, comme par exemple en diffusant régulièrement des compétitions sur des chaînes nationales américaines, comme ESPN.
Avec sa puissance, la MLG parvient à toucher toujours plus de viewers, grâce aux exploits des premières équipes professionnelles. Ainsi, lors du premier tournoi de la saison 2017, l'équipe LGD Black, pourtant considérée comme la plus faible du lot, s'impose dans un incroyable retournement de situation, qui va créer bien des vocations. Suite à ces événements, LGD Black change de nom et devient Infinity, probablement l'équipe la plus connue de la scène Gears of War. Elle va imposer une domination de tous les instants, sur les saisons 2007 et 2008, remportant cinq des dix tournois. Dans son ombre évolue The NSAN3Z, qui compte à son palmarès une grande victoire sur Infinity, à Las Vegas en 2008. Preuve que l'e-sport Gears est alors vivace, The NSAN3Z remporte alors 40 000$, une jolie somme à l'époque. Les différences de style entre les deux équipes rivales animent la communauté, qui trouvent ses chouchous. Infinity est salué pour le talent individuel de ses joueurs, adeptes du fusil à pompe Gnasher ; dans un autre style, The NSAN3Z mise sur le collectif, un excellent jeu d'équipe et surtout la stabilité puisque le roster changera très peu, d'une compétition à l'autre.
Ces premiers succès ne doivent pourtant pas faire oublier que la scène Gears of War est alors assez peu mature. En 2007, à Las Vegas, lors du tournoi le plus important de la saison, la team MbN voit la victoire lui échapper en célébrant trop tôt sa victoire : pensant avoir abattu le dernier joueur d'Infinity, l'équipe se lève, lâchant des mains et des yeux manettes et écrans, et s'étreignent. Sans attendre la confirmation officielle. Fatale erreur : le joueur en question, G3N371X, n'était pas vraiment mort et tandis que ses adversaires font la fête, il retrouve sur la carte et élimine un à un les membres de MbN, donnant la victoire à son équipe. Impensable sur les plus grosses scènes e-sport.
Une chute toute aussi rapide
Mais fin 2008 va survenir l'événement qui va mettre un terme à la scène e-sport Gears of War. Et aussi difficile à comprendre que cela puisse être, c'est bien la sortie de Gears of War 2, sans doute l'épisode préférée des fans, qui met un presque point final à cette aventure e-sport. Si la campagne est fantastique et que le multijoueur comporte de nombreuses nouveautés, le jeu s'avère assez peu compatible avec le sport électronique, la faute à l'introduction de nouvelles armes et un level-design assez particulier. De nombreux joueurs pointent alors du doigt les cartes, qui ne parviennent pas à mettre en valeur les exploits individuels, tandis que le jeu d'équipe est lui pénalisé par ces nouvelles armes qui mettent au placard le fusil à pompe Gnasher, et instaure un rythme de jeu plus lent, plus lourd.
Le résultat est presque immédiat : en 2009, Gears of War 2 est éjecté du circuit officiel de la MLG. Les sortie de Gears of War 3 et Judgement, quelques années plus tard, n'y changeront rien, malgré les maigres efforts consentis par Epic Games.
Des développeurs peu intéressés
Car le principal responsable, c'est assez clairement Epic Games. Le studio n'a jamais caché le peu d'intérêt qu'il avait pour l'e-sport, tout du moins celui concernant Gears of War. Une posture paradoxale, pour les créateurs de la série Unreal. Malgré les retours des pro-players et d'une partie de la communauté, plutôt hardcore, le studio continuera sur sa lignée en privilégiant avant tout le fun et la mise en avant des armes créées pour la campagne solo. Après presque dix années à travailler sur Gears of War, Epic prend peu à peu ses distances avec à la série, ce qui finit de pousser Rod Fergusson, bras droit de Cliff Bleszinski, vers la sortie. C'est lui qui, en interne, aura tout fait, jusqu'au bout, pour que Gears of War continue d'exister sur la scène e-sport. Le mode Spectateurs, dans Gears 3 ? C'est lui. Fou amoureux de la licence, passionné d'e-sport, ce grand barbu à la carrure imposante préfère quitter Epic Games, en 2012, sans doute un peu agacé d'avoir été si peu écouté. Après un passage chez Irrational Games, où il travaille sur Bioshock Infinite, Fergusson prend début 2015 la tête de Black Tusk Studio, un studio appartenant à Microsoft. Quelques mois auparavant, l'homme a appris que la firme de Redmond avait racheté à Epic la licence Gears of War, et compte la relancer, cette fois-ci via un studio first-party. Impossible pour Fergusson de louper une telle occasion.
Vers un vrai changement ?
Nous sommes donc fin 2016 et Black Tusk, devenu entre-temps The Coalition, a sorti le 11 octobre dernier Gears of War 4. Et Fergusson, avec Microsoft, a pensé en amont un vaste plan de bataille supposé remettre en selle la série, et lui donner les armes nécessaires pour exister en e-sport. Ce n'est pas un hasard si la première présentation presse de Gears 4 ciblait uniquement le multijoueur. Avant les sessions de hands-on, le patron de The Coalition a tenu une courte conférence dans laquelle il s'est évertué à expliquer comment le multijoueur avait été pensé. Des modes de jeu inédits, pensés pour l'e-sport, comme Escalation ou encore Dogdeball ; la présence d'un mode Spectateurs hyper complet ; et surtout un nouveau partenariat avec la MLG (GFinity pour l'Europe). Ce nouveau circuit international, fort d'un cash prize total d'un million de dollars, débutera fin novembre et une centaine d'équipes sont d'ores et déjà inscrites. Le public répondra-t-il présent ?