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Si les graves manquements techniques des premiers jeux AAA diffusés via le Windows Store doivent alerter, ils ont aussi été l'occasion de mettre en lumière la nouvelle plateforme de développement universelle de Windows. Une plateforme qui se place au coeur des ambitions de Microsoft, et qui ne fait visiblement par l'unanimité, comme l'indiquent les récentes déclarations à charge signées par Tim Sweeney...
Cela ne vous aura certainement pas échappé : Microsoft ambitionne avec Windows 10 de changer une partie de sa stratégie commerciale, en poussant à la construction d'un parc de machines utilisant son OS le plus large possible, et ce, afin de pouvoir capitaliser sur les revenus de son Store, ou sur des services "maison" annexes comme OneDrive. Ramenée spécifiquement au domaine du jeux vidéo, cette stratégie se matérialise par deux axes : vanter la compatibilité exclusive de Windows 10 avec l’API graphique DirectX 12 (et les améliorations qui en découleront), et présenter le dernier Windows Store comme le nouveau portail incontournable en la matière, en s'appuyant sur des accords de distribution impliquant quelques productions triple A de renom. Cela a commencé avec Rise of the Tomb Raider puis Gears of War, et en attendant Quantum Break, Killer Instinct ou Forza Motorsport 6 : Apex. Ce faisant, Microsoft espère, à terme, se hisser au niveau des acteurs déjà en place, que sont Steam, Battle.net, Origin ou GOG.
Une stratégie bien huilée sur le papier, mais qui en pratique, n'aura pas évité quelques écueils. Les premières sorties de jeux sur le Windows Store ont ainsi été très décriées - au sujet de leurs lacunes techniques notamment - et se sont avérées être assez catastrophiques en termes d’image pour l’Universal Windows Platform (UWP) mise en place par Microsoft. L’UWP est pourtant au coeur de la stratégie de la firme, puisque cette extension de Windows Runtime doit permettre aux développeurs de créer facilement des applications à même de tourner aussi bien sur un PC Windows 10 que sur une Xbox One, voire des tablettes ou des téléphones. C’est donc l’une des briques logicielles majeures qui se cachent derrière le grand message marketing “One Microsoft”, et qui anime les ambitions de la firme de réunir autour d’un même écosystème tous ses utilisateurs. Or, dans le cas précis de Rise of the Tomb Raider, on sait désormais que la version proposée via le Windows Store pose bien des soucis, entre V-Sync obligatoirement activé, affichage en mode plein écran “borderless” forcé ou encore impossibilité de profiter du jeu sur des configurations multi-GPU. Et ce alors que la version du jeu diffusée via la plateforme concurrente Steam ne souffre d’aucun de ces défauts… Inquiétant quand on sait qu’avec Quantum Break, les joueurs PC n’auront pas le choix de leur plateforme d’achat, Microsoft en ayant fait une exclusivité Windows Store !
Sortie remarquée et suspicions
Toutefois, c'est un risque bien plus global qui a été pointé du doigt ce weekend, s'agissant de l'UWP : celui d'un Microsoft qui tenterait de verrouiller le développement de jeu sur PC. Au départ de ces accusations, on trouve Tim Sweeney, le co-fondateur d’Epic Games (le studio qui a développé Gears of War, entre autres choses), qui s'est exprimé dans une tribune plus qu'acerbe sur le site du journal britannique The Guardian. Une tribune intitulée "Microsoft veut monopoliser le développement de jeux PC. Nous devons le combattre". En résumé, le créateur de l’Unreal Engine flingue l’Universal Windows Platform de Microsoft avec laquelle il estime que l’éditeur de Redmond cherche à imposer un nouveau mode de développement des jeux sur PC. Plus concrètement, l'éditeur est soupçonné de vouloir imposer l'UWP au profit de la plateforme Win32, communément utilisées par l'ensemble des acteurs du marché.
Vous en doutez, de telles déclarations ont vite fait de générer des débats enflammés, notamment parce qu’avec cette tribune, Tim Sweeney donne du grain à moudre à tous les pros et antis Microsoft de la planète. De toute évidence, le co-fondateur d’Epic Games y emploie de trop nombreux raccourcis et s’y montre souvent trop imprécis pour que sa parole ne soit pas remise en question. D'ailleurs, l'intéressé s'est de nouveau exprimé dans un un podcast du site Polygon, peu après la publication de son article, pour indiquer qu’il n’avait aucune preuve du plan machiavélique qu’il prête Microsoft.
<blockquote class="twitter-tweet" data-lang="fr"><p lang="en" dir="ltr"><a href="https://twitter.com/lsobrado">@lsobrado</a> Yes, am using Windows 10. Will need a couple days to document the win32 vs UWP develop/deploy/install differences in openness.</p>— Tim Sweeney (@TimSweeneyEpic) <a href="https://twitter.com/TimSweeneyEpic/status/705795235301957634">4 mars 2016</a></blockquote> <script async src="//platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script>
<blockquote class="twitter-tweet" data-lang="fr"><p lang="en" dir="ltr"><a href="https://twitter.com/TimSweeneyEpic">@TimSweeneyEpic</a> <a href="https://twitter.com/bjorndori">@bjorndori</a> but they *do* allow win32 apps in the store. That what project centennial is all about.</p>— Allan Lindqvist (@aL3891) <a href="https://twitter.com/aL3891/status/705843854008840192">4 mars 2016</a></blockquote> <script async src="//platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script>
<blockquote class="twitter-tweet" data-lang="fr"><p lang="en" dir="ltr"><a href="https://twitter.com/aL3891">@aL3891</a> I look at how intentionally difficult Windows 10 makes switching to Chrome, and I am sincerely worried about them burying win32.</p>— Tim Sweeney (@TimSweeneyEpic) <a href="https://twitter.com/TimSweeneyEpic/status/705839054886146049">4 mars 2016</a></blockquote> <script async src="//platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script>
Plus tard, sur Twitter, Tim Sweeney n’a eu d’autre choix que de reconnaître son manque de connaissances sur des points aussi cruciaux que la différence qui existe réellement, en matière d’ouverture, entre les applications développées sur les plateformes Win32 et UWP. De même, là où Tim Sweeney basait une partie de son argumentaire sur le fait que seules les applications UWP étaient autorisées sur le Store, plusieurs développeurs renseignés lui ont rétorqué que les applications Win32 étaient elles aussi acceptées. Il n’est donc pas question (pour le moment tout du moins) de forcer techniquement les jeux du Store à utiliser UWP, mais ces choix téant lié à quelque chose de plus “politique”.
Dès lors, doit-on réellement considérer l'UWP comme un “jardin fermé” que Microsoft est en train de construire pour s'assurer le contrôle de l'univers PC ? A l'évidence, il semble encore beaucoup trop tôt pour répondre, au-delà des problèmes techniques soulevés. Et par ailleurs, compte tenu de la teneur des retours sur les premières applications vidéoludique de la plateforme, rien ne garantit quelle ne finira pas comme GFWL, à savoir, un portail vers lequel personne ne se tournera. Ce qui vous en conviendrez, mettra un frein certain à de quelconques ambitions d'hégémonie.