Souvenez-vous, ou imaginez si vous êtes trop jeune. Le 6 octobre 1990, Sega frappait un grand coup en lançant une concurrente à l'ogre Gameboy. Ecran couleur, rétro-éclairage, grosses performances techniques pour l'époque, la Game Gear avait de quoi attirer les foules. C'était il y a 25 ans.
A une époque où Sega était encore un grand constructeur de console, la conception de la Game Gear était un projet fichtrement ambitieux. Sous le nom de code Project Mercury, Sega développait une portable qui devait enterrer la fameuse Game Boy et son écran monochrome. Techniquement basée sur la Master System, la Game Gear était néanmoins plus puissante, capable de supporter 4096 couleurs (32 affichées en même temps). Autant le dire, à sa sortie, la console était une véritable torgnole, bien qu'elle n'était pas la première portable 8bits capable d'afficher des couleurs (coucou l'Atari Lynx !). Mais peu importe, les joueurs étaient encore facilement impressionnables et avoir une telle technologie dans ses mains était un réel émerveillement... Un succès en devenir ?
Des ambitions démesurées
Car quand on dit que Sega considérait sa console comme une concurrente à la Game Boy, ce n'était vraiment pas des mots en l'air. La campagne marketing qui entourait la portable (surtout en Occident) ferait passer la guerre des consoles actuelles pour une douce musique d'ascenseur. La Game Gear était présentée comme une machine cool face à une Game Boy qui faisait office de cousin attardé. Et non, je n'exagère absolument pas. Je vous laisse voir par vous-même avec les quelques exemples de publicités :
https://www.youtube.com/watch?v=CLMMcEHKC_8 https://www.youtube.com/watch?v=MVnyPucX4nE
Un message plutôt clair non ? L'idée n'était même plus de rivaliser avec la portable de Nintendo, mais bel et bien de l'enterrer vivante. Une attaque frontale confirmée par la sortie de la console, le 6 octobre 1990 au Japon, en pack avec Columns, un jeu de réflexion dans lequel il fallait aligner des figures géométriques pour les faire disparaître. Autant dire que la comparaison avec Tetris, le jeu phare de la Game Boy, était totalement volontaire. Bien évidemment, ce n'était pas la première fois (ni la dernière) que Sega et Nintendo s'affrontaient avec rage. La Master System et la Nes, la Mega Drive et la Super Nintendo, ces oppositions restent dans les mémoires et même si Nintendo a toujours pris le dessus en termes de ventes, elles ont nourri la passion des joueurs. Ce fut de même pour la Game Gear et la Game Boy et dans les cours d'école du début des années 90, on ne parlait que de ça. D'un point de vue marketing, on peut parler d'une réussite pour SEGA.
Une ludothèque en demi-teinte
Mais ce qui fait une console, ce ne sont pas les mots, mais la ludothèque. Et on ne peut pas vraiment dire que la Game Gear démarrait sur les chapeaux de roue avec seulement six jeux au lancement. Il faut dire que Sega a accéléré la sortie de la console pour rattraper un certain retard sur la Game Boy, qui cartonnait déjà depuis l'année précédante. En termes de qualité, c'était déjà mieux, avec des titres comme Castle of Illusion Starring Mickey Mouse, Sonic The Hegdehog ou encore Shinobi. Mon collègue StarGazer me souffle très fort Wonder Boy III : The Dragon's Trap. Des titres qui ravissaient les rétines et qui auront fait la joie de quelques millions de joueurs à travers le monde. Mais, car il y a un mais, la portable de Sega n'était pas exempte de tout reproche. L'un de ses problèmes et qu'elle n'avait pas vraiment de ludothèque propre. Non seulement la console n'accueillît que 360 jeux (contre plus de 1.000 pour la Game Boy originelle), mais une grande partie d'entre eux n'étaient que des portages de jeux Master System et Mega Drive, là où sa principale concurrente avait de nombreuses exclus de qualité. Fatalement, dur de devenir indispensable quand on propose des jeux qui sortent aussi sur consoles de salon. Et si on aurait pu se dire que profiter desdits jeux en voyage aurait pu être un bon point, dans les faits, il se trouve que la console n'était pas si nomade que ça...
Un gouffre à énergie
Une console portable n'est pas qu'une version miniaturisée avec écran d'une console de salon. Pour qu'une portable soit un succès, elle se doit de répondre à certains critères stricts. Elle doit être pratique et accessible, facile à transporter et à utiliser. Des qualités qui n'étaient clairement pas celles de la Game Gear. D'une, la console était lourde. Près de 500 grammes avec les piles (25% de plus que la Game Boy, elle-même déjà bien costaude). Les joueurs avaient rapidement mal aux poignets et étaient obligés de poser leurs mains sur un support pour éviter la tendinite. De plus, si sa forme de manette semblait une bonne idée à la base, dans la pratique, la taille de la bête rendait son utilisation peu pratique pour ceux qui n'avaient pas des paluches de mutant.
Mais son problème principal, qui est encore raillé aujourd'hui, c'était sa consommation d'énergie. L'autonomie avec des piles pleines était de deux heures maximum. Et non, je ne parle pas de deux piles AAA, mais bien de six piles AA (LR6) ! Oui, les "grosses". Un véritable trou noir énergétique qui annihilait à lui seul les prétentions nomades de la console, à moins de partir en voyage avec un lot de 30 piles... ce qui équivaut à 10h de jeu. A titre de comparaison, une Game Boy pouvait tenir 15-20 heures avec ses quatre piles AA. La différence était trop grande.
Héritage
En tout, 11 millions de Game Gear se seront écoulées à travers le monde. Ce sont des chiffres équivalents à la Saturn et à la Dreamcast, considérés comme des échecs commerciaux. Forcément, Sega ne pouvait être que déçu de ces chiffres compte tenu des ambitions affichées. Avec près de 120 millions de Game Boy vendues, il est maintenant préférable pour le constructeur de ne plus faire de comparaisons. Mais comme la Saturn et la Dreamcast précédemment citées, la Game Gear ne sera pas partie sans laisser quelques moments imperissables aux joueurs en leur offrant une technologie avancée et un système puissant à une époque où ces mots avaient un sens. Par la suite, Sega a bien tenté de perdurer dans le milieu des consoles portables avec la Nomad. Mais le simple fait que le nom ne vous disent pas grand-chose vous donne une idée de son succès : vendue qu'aux Etats-Unis, elle sombra dans les limbes de l'histoire rapidement. Et ce fut la fin des ambitions portables de Sega, quelques années avant l'échec de la Dreamcast.
Mais l'important, ce sont les souvenirs des joueurs. D'où ma question à ceux qui ont connu la portables de Sega : Quels sont vos meilleurs souvenirs de la Game Gear ?