Nous vous le disions la semaine dernière, la version PC de Batman Arkham Knight ne devrait pas retrouver le chemin du catalogue Steam avant l’automne prochain, si tout se passe bien. Ce sera dès lors la conclusion d’un énième Drama dans l’univers vidéoludique PC. Un Drama auquel les joueurs de cette plateforme se sont malheureusement habitués avec le temps, même si cette fois, reconnaissons-le, les choses sont allées plus loin qu’à l’accoutumée : jamais en effet un titre de cette envergure n’avait connu une telle déconvenue, l’obligeant à une retraite anticipée de plusieurs mois hors du portail de Valve. Et ce lancement raté restera à ce titre sans doute dans les annales du genre, au côté de ceux de SimCity, de Diablo III, ou de Final Fantasy XIV Online.

Toutefois, au-delà des critiques tout à fait légitimes que l’on pourra formuler à l’encontre de Warner Bros et des équipes avec lesquelles l’éditeur a travaillé, il reste une question plus globale que cette polémique a (re)soulevée : la qualité du portage de Batman AK représente-t-elle toujours une triste norme, ou devient-elle plutôt une exception, dans le paysage vidéoludique PC ? Pour de nombreuses personnes, qui se sont exprimées sur nos forums ou dans les commentaires des actualités relatant cet événement, la réponse tendait indéniablement vers la première option. Pour ceux-là, la plateforme PC demeure prise en étaux entre une éternelle image de faible rentabilité pour les éditeurs, et une complexité dans les développements qu’elle induit du fait des nombreux paramètres software et hardware à prendre en compte. Et par conséquent, elle restera à jamais la cinquième roue du carrosse du jeu vidéo, de même que sa communauté devra toujours faire avec ce genre d’impondérables, qui se présenteront avec plus ou moins de force.

Vers un monde qui bouge (enfin)

Fin 2013, lorsque les consoles next-gen ont fait leur apparition, nous aurions sans doute plussoyé à ces réactions. Nous étions alors persuadés que l’avènement de ces nouvelles machines de salon allait forcément provoquer le report vers ce nouvel Eldorado du peu d’attention que les éditeurs avaient octroyé aux pécéistes, tandis que les Xbox 360 et PS3 vieillissaient tranquillement. Pourtant, aujourd’hui, force est de constater que notre avis sur le sujet a bien évolué. En vérité, nous avons plutôt l’impression que la plateforme PC ne s’est même jamais aussi bien portée, et que de marginale, elle est même devenue centrale pour une grande majorité d’éditeurs et de développeurs. Besoin d’être convaincu ? Il n’y a qu’à voir la somme de titres que l’on voit aujourd’hui apparaître dans le catalogue PC, et que nous n’aurions jamais espéré voir il y a quelques années : des licences japonaises, par exemple, à l’image de Dragon Ball, Naruto Ultimate Ninja Storm, Castlevania ou encore plus récemment de Shenmue III. On pourrait également citer certaines licences présentes sur l’E3, comme Gears of War. Et si les consoles conservent évidemment quelques exclusivités, elles partagent maintenant plus souvent la vedette avec ce support autrefois malaimé.

En matière de portage limite, Warner n'en était pas à son coup d'essai.

Dans le même ordre d’idée, combien de développeurs ou d’éditeurs, dont certains ont pourtant longtemps été hostiles vis-à-vis de l’univers PC, se vantent d’avoir fait de ce dernier support leur « lead platform » ? Ou envisage de le faire pour de futurs développements ? C’était par exemple le cas pour Dark Souls II, Watch Dogs, Dragon Age Inquisition, GTA V ou Far Cry 4, et ce sera sans aucun doute le cas pour d’autres, comme The Division. Une évolution normale des choses puisqu’outre l’attrait commercial que ce marché représente aujourd’hui (un attrait que l’on doit en grande partie à la réussite du modèle de distribution construit autour de Steam), le PC est devenu en quelque sorte la plateforme vers laquelle toutes les autres convergent. Aujourd’hui, les consoles next gen s’étant unifiées autour d’une seule et même architecture hardware, celle du PC, ce dernier peut alors servir de lien du point de vue des développeurs, là où il représentait plutôt une charge supplémentaire auparavant (en vérité, c’est un peu plus complexe que cela, mais l’image reste valable).

Les vieilles habitudes ont la vie dure

De fait, devant tant de bonne volonté, pourquoi cette impression de portage toujours fait à la va-vite continue-t-elle de perdurer ? Sans doute parce que de nombreux titres dit triple-A arrivent presque systématiquement avec leurs lots de problèmes techniques. Toutefois, une différence de taille existe avec l'usage d'hier : aujourd'hui, et de ce point de vue, toutes les plateformes sont quasiment au même niveau. Sans doute, aussi, parce qu’une grande partie des titres PC sortis ces derniers mois se sont montrés plutôt gourmands en ressources, et sur PC, lorsqu’un jeu « rame », la force de l’habitude nous pousse à nous en prendre au développeur, et à son manque de talent ou d’entrain, à nous offrir une expérience de jeu acceptable. C'était certainement le cas pour Batman AK, mais c'est loin d'être une généralité pour autant. En réalité, si nos jeux PC rament ces derniers temps, c’est pour le coup bien plus du fait des consoles next-gen que d’une mauvaise volonté des développeurs : depuis fin 2014, et comme le montrent les graphiques ci-dessous, on observe en effet une nette percée sur le marché de titres dédiés à ces machines de salon, des titres dont les nouveaux raffinements graphiques se répercutent évidemment sur PC. Et si un Core 2 Duo et une carte graphique d’entrée de gamme suffisaient largement à faire tourner des jeux pensés pour des PS3 ou des Xbox 360, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui, notamment en raison des synergies dont nous parlions plutôt. Les PS4 et Xbox One intégrant par exemple des CPU huit cœurs, et ces deux plateformes étant figées, ce sera nécessairement au PC de s’adapter sur cet aspect. C’est d’ailleurs pour cela qu’un CPU type Quad Core devient de plus en plus requis, comme c’était le cas sur Dragon Age Inquisition ou Far Cry 4.

Un jeu PC qui rame n'induit pas forcément un portage de mauvaise qualité.

De fait, oui, l’exemple de Batman Arkham Knight est triste à mourir pour ceux qui n’apprécient le jeu que devant un moniteur et un combo clavier souris (c’est une image, bien sûr… Nous-même, joueurs PC historique, sommes de plus en plus adeptes de la manette). Toutefois, qu’on se le dise : en regardant avec recul les sorties de titres multi-support comme GTA V, The Witcher 3, Evolve, ou Dying Light, on réalise rapidement que tous les voyants de l’univers PC sont aujourd’hui plutôt au vert. Et finalement, peut-être fait-il voir dans cet événement les derniers vestiges d’une politique de développement qui n’aura bientôt plus aucun adepte, plutôt que sa continuité.