Fidèle à notre habitude, nous revenons ce mois ci via notre news BTG* sur un fait d'actualité d'il y a dix ans. Si l'E3 attirait alors les regards avec l'annonce officielle des consoles de nouvelle génération, nous avons choisi de nous attarder sur une autre annonce plus discrète, celle de Canis Canem Edit, un GTA des bacs à sable sauce Rockstar aussi connu sous le nom de Bully.

Mai 2005. Alors que son nom vient tout juste de leaker sur la toile, la Xbox 360 n'attend pas bien longtemps pour nous dévoiler ses atours, profitant respectivement d'un show télévisé puis de l'E3 pour se présenter au grand public, bientôt suivie par son rival Sony qui annoncera sa PlayStation 3. Des évènements que vous avez eu le loisir de vivre et revivre en long, en large et en travers via nos différents dossiers et retours sur les constructeurs et consoles impliqués. Plus discrète, l'annonce d'un des titres les plus frais du catalogue de Rockstar, Bully, survient à la même période et fût l'occasion pour l'éditeur new-yorkais de transposer son savoir-faire des mondes ouverts dans un univers peu exploité.

Jimmy Jimmy Jimmy vient t'ôter la vie

Adolescent perturbé au parcours scolaire chaotique, Jimmy Hopkins se retrouve dans un établissement de nouvelle-angleterre désireux de le faire rentrer dans le rang. Et si notre apprenti caïd ne semblait déjà pas vraiment parti pour se prêter au jeu, il va rapidement être confronté à diverses bandes qui vont davantage lui compliquer la tâche. En dehors d'un contexte dépaysant, le titre reprend une bonne partie des mécanismes d'un GTA qu'il adapte à son nouvel environnement, parvenant même à transformer un sujet grave (la violence et l'échec en milieu scolaire) en fresque satirique.

Bully est moins ambitieux que sa glorieuse source d'inspiration, c'est un fait. Son aire de jeu et la liberté d'action laissée au personnage en témoignent. Il serait toutefois réducteur de ne le considérer que comme un sous-GTA chez les adolescents : la contrainte de temps change singulièrement notre manière d'appréhender un titre qui nous oblige en permanence à jongler avec l'emploi du temps de Jimmy. Ainsi, il nous faudra régulièrement mener le jeune homme en cours et y participer via un système de mini-jeu pour éviter d'être sanctionné, ou penser à ramener le larron dans l'école avant le couvre-feu pour éviter les surveillants qui rôdent dans la cour. Ajoutez à cela le remplacement des divers équipements par des lances-pierres et autres bombes puantes ainsi que des véhicules par un skate-board ou un vélo et vous vous retrouvez en face d'un combo gameplay/environnement bien huilé. Rockstar, maître ès immersion a encore frappé.

Succès critique et public

Lorsqu'il sort sur PlayStation 2 courant Octobre 2006, Canis Canem Edit est précédé d'une réputation sulfureuse auprès d'une frange de la classe politique qui voit en lui un simulateur de délinquance décomplexé et le porte-parole à abattre d'une sphère jeu vidéo qui dérange. Fin août 2006, certains membres du groupe des Peaceholics s'invitent même devant le siège de Take Two à New York pour protester contre l'arrivée du titre dans les rayons, un fait particulièrement rare dans notre secteur et décrit à l'époque comme inédit. Initialement nommé Bully, le soft change de nom pour s'éviter un bad buzz et se lance sous le patronyme plus consensuel (et intello) de Canis Canem Edit.

Autant de critiques que le titre va rapidement balayer d'un revers de main, notamment via la personnalité de Jimmy Hopkins, petite frappe avec un bon fond bien loin de la brute sans coeur initialement attendue. L'accueil critique de la presse est bon, celui des joueurs l'est tout autant et c'est en toute logique que le titre rejoint les rangs de la gamme platinum dans les mois qui suivent, avant de se voir transposé sur Wii et Xbox 360 en mars 2008 et PC quelques mois plus tard, en octobre. Ultime pied de nez de Rockstar à ses détracteurs, le titre reprend son sobriquet original à l'occasion de sa sortie sur les trois supports mentionnés. Appelez le désormais Bully : Scholarship Edition.

Pour son retour dans les bacs, Canis Canem Edit devient Bully : Scholarship Edition

Bully, porté disparu

Malgré un succès d'estime et des ventes correctes au regard des ambitions du titre, Bully n'a jamais eu droit à une suite. Le compositeur de la bande-son du soft, Shawn Lee, déclarait pourtant en novembre 2009 qu'il pourrait réaliser la bande originale de Bully 2 dans un futur pas si lointain. Deux ans plus tard, c'est au tour de Dan Houser (co-fondateur de Rockstar) de confirmer que si le développement d'une suite n'était alors pas une priorité, la licence restait appréciée par l'équipe et n'était donc pas morte et enterrée. Un ultime soubresaut aura lieu à l'horizon 2013 sous la forme d'un renouvellement de dépôt de la marque, puis plus rien. S'il est évident que la licence ne jouit pas d'une notoriété aussi forte que GTA, Red Dead Redemption voire Max payne dans le catalogue fourni de l'éditeur nord-américain, elle refait régulièrement surface via des rumeurs ou elle côtoie souvent Red Dead Redemption 2, preuve de l'attachement qu'une frange des joueurs lui voue. Il ne reste plus qu'à nous quitter sur un dicton dont Rockstar semble avoir fait son cheval de bataille : Tout vient à point à qui sait attendre.

* L'expression BTG est l'acronyme de "Bien ta grotte" qui exprime l'idée du retard en faisant comprendre à quelqu'un qu'il a manqué une information, importante ou non, connue du plus grand nombre.