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En prenant la place de Tetsuya Nomura en tant que directeur du prochain Final Fantasy XV, Hajime Tabata se retrouve propulsé sous les projecteurs. Véritable inconnu il y a à peine quelques années, il fait maintenant office de pilier de la firme tout entière avec comme but de redonner ses lettres de noblesse à une série de plus en plus critiquée. Mais en est-il vraiment capable ?
Les débuts de Tabata
Hajime Tabata a débuté dans le marché portable de Square Enix et n'en est jamais sorti jusqu'à Final Fantasy XV. Son premier jeu chez la compagnie fut Final Fantasy VII : Before Crisis, uniquement disponible sur les téléphones japonais DoCoMo, et qui relate l'histoire des Turks dans leur lutte contre AVALANCHE. Toutefois, il s'est vraiment fait connaître chez nous avec Final Fantasy VII : Crisis Core, dans la même compilation, assurément le jeu le plus connu de Tabata. Vendu à 3,12 millions d'exemplaires dans le monde, il est le dixième jeu le plus vendu de la PSP selon VG Chartz.
Tabata se retrouve chargé de plusieurs projets, toujours sur PSP. Il s'attaque alors, aux côtés de Tetsuya Nomura, à la réalisation de The 3rd Birthday, un spin-off de la série Parasite Eve, dix ans après le premier opus, qui prend une tout autre direction en tant que TPS survolté. La critique mitigée et le succès faiblard du jeu n'ont pourtant pas empêché Hajime Tabata de monter les échelons. Il coréalisera aussi Kingdom Hearts Coded sur mobiles.
Secteur mobile florissant et nouvelle politique
Il faut alors bien comprendre que Hajime Tabata est l'homme qui a véritablement lancé le marché mobile de Square Enix et l'a façonné pour être ce qu'il est aujourd'hui : Final Fantasy avec Before Crisis, Kingdom Hearts avec Coded ainsi que The 3rd Birthday et Final Fantasy Agito XIII qui étaient tous deux annoncés à l'origine comme jeux mobiles avant de changer de plate-forme pour la PSP. L'utilisation de licences très connues auprès du public fut suffisante pour s'assurer un succès notoire, profitable, en minimisant les risques. En effet, après le succès fulgurant de Before Crisis qui a séduit 200.000 joueurs dès le premier jour et l'a propulsé en tant que plus gros best-seller sur mobiles, il fut impossible de voir d'un mauvais oeil le marché mobile qui continuait à s'étendre de plus en plus.
Ainsi, Hajime Tabata est responsable de la création des jeux les plus profitables de la compagnie durant les années 2000. Son statut dans la compagnie n'en fut que plus grand. Il est la personne qui a proposé l'idée de faire un jeu pour la compilation Final Fantasy VII sur PSP, qui sera connu sous le nom de Crisis Core. Final Fantasy Agito XIII était aussi un projet mobile réalisé par Tabata suite au succès de Before Crisis et qui entrait dans ce qui était à l'époque la très attendue compilation Fabula Nova Crystallis. Le développement de Crisis Core et de The 3rd Birthday ayant énormément ralenti celui de Agito XIII, qui s'est traîné sur plusieurs années, ainsi que les événements qui ont fait que la compilation a eu une assez mauvaise image auprès de la presse et des joueurs, ont poussé Tabata et son équipe de prendre des distances vis-à-vis de sa précédente affiliation pour en faire une série à part entière avec une mythologie "éloignée". Du moins pour son image, car le jeu nous prouvera le contraire, gardant la plupart des thèmes principaux de FFXIII et consort.
Une cure de jouvence
Ses méthodes sont fondamentalement différentes du reste de la compagnie : plus visible, plus communicatif et surtout sans fautes. Ses interviews sur le Net sont légion et témoignent toutes d'un certain enthousiasme auquel le lecteur ne peut qu'adhérer et suivre. Toujours joyeux, souriant et poli, il ne manque jamais de faire bonne impression à chacune de ses apparitions qui inondent le Net et favorisent son image et celle du jeu. Très peu d'interviews oublieront de noter le caractère sympathique du personnage. En plus de Final Fantasy XV, il prend la peine d'apporter le remaster de Final Fantasy Type-0, uniquement sorti au Japon sur PSP, comme un véritable cadeau et il ne manque pas de dire que ce sont "les fans occidentaux qui ont pesé dans la balance". Il n'oublie d'ailleurs pas d'y inclure une démo exclusive de Final Fantasy XV pour garantir au maximum son succès.
La visibilité de Final Fantasy XV, désastreuse à l'époque de Final Fantasy Versus XIII, n'est plus qu'un mauvais souvenir depuis l'annonce publique de la passation de pouvoir entre Tetsuya Nomura et Hajime Tabata avec moult trailers, vidéos, news et interviews. On en arrive même au point où Tabata se retrouve à être à la page sur les différents mèmes qui ont pris racine sur le Net et à fournir des images pour en faciliter sa diffusion et par conséquent la popularité et l'attente du jeu. Son image est devenue sa plus grande force. Le seul autre employé qui peut se targuer d'avoir réussi un tour de force similaire fut Naoki Yoshida qui a extirpé Final Fantasy XIV de son cercueil et en a fait un succès inimaginable il y a à peine deux ans grâce à sa ténacité et son enthousiasme qu'il a communiqués aux joueurs pour regagner leur confiance et par conséquent leur fidélité. Ces deux personnes jouissent d'une image totalement différente, naviguant sur des eaux plus calmes que celles des autres grandes figures de Square Enix qui en sont encore à rendre des comptes sur les nombreux problèmes qui ont tiré la compagnie vers le bas.
Le sauveur de Square Enix ?
Le cycle se répète. Tout comme Naoki Yoshida est considéré comme le sauveur de Final Fantasy XIV, Hajime Tabata se voit affublé du même titre pour le quinzième opus. Cependant, est-il vraiment l'homme qu'il faut pour Final Fantasy XV ? Oui et non, Hajime Tabata est surtout l'homme qu'il fallait pour rajeunir une compagnie vieillissante. Il ne fait que s'adapter par rapport aux nouvelles méthodes de communication déjà usitées par la plupart des studios tels que Ubisoft et Electronic Arts.
Il faut toutefois rappeler son passif de développeur exclusivement focalisé sur les jeux mobiles et consoles portables. Ces jeux ne sont que des projets à budgets modestes qui ne profitent pas d'une grande liberté artistique, tronqués pour l'assurance d'un succès financier. Before Crisis et Crisis Core se retrouvent toujours liés à la compilation Final Fantasy VII, The 3rd Birthday à Parasite Eve et Final Fantasy Type-0 lui-même - comme si le nom n'était pas suffisant - prend la peine d'emprunter copieusement à la mythologie FF13, et ironiquement d'une manière encore plus prononcée que les suites de Final Fantasy XIII (XIII-2 et Lightning Returns) le feront par la suite. Le fait est que les précédentes productions de Tabata sont très loin d'un projet aussi colossal sur consoles que peut représenter Final Fantasy XV. Son image est parfaite mais son expérience peut clairement être remise en cause. Hajime Tabata amène avec lui une vision qui se peut être totalement différente de ce que le fanbase recherche dans un Final Fantasy.
Son seul et unique déboire notable est son interview avec Eurogamer, qui a fait naître une vague de protestations et de craintes quand il a annoncé :
Je veux rendre Final Fantasy XV plus casual.
Le problème dans cette phrase prononcée par Tabata peut être culturel. La notion de casual n'a sans doute pas la même connotation péjorative au Japon qu'en Occident. Toutefois, il s'agissait d'une véritable bombe. Cela fait sans doute partie des mots qu'il ne faut absolument pas prononcer quand on est à la tête de l'un des jeux les plus attendus de cette génération. Surtout dans une série qui fut auparavant décriée pour son aspect casual avec la très controversée "auto-attaque" de la série Final Fantasy XIII. L'interview révèle qu'un concept similaire sera utilisé, celui du "one-button action" qui laissera alors une IA agir à la place de vous en appuyant sur un seul bouton. Aujourd'hui, nous en savons un peu plus sur ce système qui permet de bloquer et d'esquiver automatiquement les attaques mais qui consomme des points de mana en contrepartie... La pilule n'en est pas moins dure à avaler pour les fans.
Il y a donc une véritable volonté de plaire à un aussi grand public que possible, elle est même plus importante que l'univers et l'histoire qui, aujourd'hui, restent encore très discrets comparé aux nombreuses séquences de gameplay et de présentation de la beauté du moteur graphique. Cette volonté est néanmoins nécessaire pour une raison très simple mais très importante.
L'échec n'est pas une option
C'est un fait, Final Fantasy XV est un gouffre financier. Le jeu fut en période de préproduction pendant des années, les changements de moteur graphique se sont succédé, les plates-formes ont aussi changé et la compilation Fabula Nova Crystallis s'est essoufflée. Final Fantasy Versus XIII n'avait plus sa place dans celle-ci et elle devait renaître d'une manière ou d'une autre et surtout s'assurer de sa fiabilité financière. Qui mieux que Tabata serait capable de le faire ? Comme présenté précédemment, il fut responsable des jeux les plus profitables de la compagnie sur un marché qui se focalise surtout sur un plaisir de jeu immédiat, facile d'accès et qui puisse charmer le plus grand nombre de personnes sans distinction. Ça et la direction très occidentale du jeu sont les "qualités" qui se doivent d'être appliquées à Final Fantasy XV pour s'assurer de son succès et faire un profit viable.
Hajime Tabata est l'homme qu'il faut pour redresser la situation mais peut-être pas l'homme qu'il faut pour redorer le blason de la série. Peut-on vraiment s'attendre à un jeu totalement novateur, qui puisse fournir le même niveau de qualité et de liberté artistique que la série a pu nous offrir auparavant et qui a assurément profité à son succès et sa réputation dans le monde ? Ou à un jeu qui doit remplir le cahier des charges afin de s'assurer à tout prix de son succès quand bien même il faut délaisser l'esprit novateur qui a accompagné la série depuis le premier opus ?
Tabata ne l'entend pas de cette oreille. Avec tout son charme et sa volonté de proposer une véritable proximité entre les communautés de fans, il renverse totalement la situation dans une interview réalisée par FFWorld et FFring :
Hajime Tabata : Et maintenant, j'ai une question pour vous. J'aimerais savoir ce que la communauté française attend de Final Fantasy. Si vous avez quelque chose à me dire, n'hésitez surtout pas. Je vous écoute.
Jérémie : En ce qui me concerne, j'ai une vision assez personnelle de Final Fantasy. Je ne m'intéresse pas beaucoup aux éléments récurrents. S'ils sont présents, c'est évidemment une bonne chose, mais le plus important est de rester visionnaire et de tenter de réinventer le genre RPG. En fait, je pense même que le mot RPG en tant que genre n'a plus tellement d'importance. Je préfère imaginer que ce sont de grandes aventures.
Hajime Tabata : Alors nous partageons presque la même vision !
Il n'y a alors pas de doute pour Tabata. Sa vision reste "pure" et fidèle à l'esprit général qui caractérise la série Final Fantasy. On lui souhaite bien du courage.
Un prétendant au trône ?
Il est intéressant d'essayer de déterminer qui pourrait parvenir au même rôle que Tabata, celui de redonner la figure d'antan à la série et de l'espoir aux fans. Naoki Yoshida bénéficie de la même sympathie auprès des joueurs mais reste occupé avec Final Fantasy XIV. Yoshinori Kitase (FFVIII, FFX), Tetsuya Nomura (FFVII, Kingdom Hearts, Versus XIII) et Motomu Toriyama (la série FFXIII) qui reste encore un des acteurs importants du mécontentement des joueurs. Yasumi Matsuno aurait sans doute pu prétendre à cette place. Il fut le créateur de Tactics Ogre, Final Fantasy Tactics, Vagrant Story et Final Fantasy XII. Ces deux derniers ont eu l'honneur de recevoir la note parfaite (40/40) chez Famitsu. Sa réputation n'est donc pas à remettre en cause et il fut le créateur de nombreux jeux novateurs qui trustent encore les sondages de jeux favoris réalisés dans les magazines japonais. Malheureusement, Matsuno a quitté Square Enix durant le développement de Final Fantasy XII pour des raisons de santé. Il fut récemment lié au projet Kickstarter Unsung Story : Tale of the Guardians.
Il reste un personnage qui peut prétendre à ce titre : Hiroyuki Ito. Très méconnu, il reste cependant l'un des plus grands vétérans de la série à encore travailler chez Square Enix. Présent depuis le premier Final Fantasy, il fut responsable de la plupart des systèmes de combat qui ont participé au succès mondial de la série. Ainsi, le très populaire système ATB (Active Time Battle) apparu dès Final Fantasy IV, et qui a eu un impact tellement fort qu'il continue à être utilisé aujourd'hui, est une de ses créations. Il fut aussi responsable de la création du système de jobs de Final Fantasy V, l'une des icônes centrales de la série. On retrouve même ce système dans un autre jeu récent et très acclamé sous le nom de Bravely Default : Flying Fairy. Il fut également le directeur de Final Fantasy VI et Final Fantasy IX qui font assurément partie des jeux les plus acclamés de la série. Il est la personne la plus respectable chez Square Enix et gagne doucement mais progressivement un plus grand respect de la part des Occidentaux partis à la découverte de ses nombreuses prouesses. Ayant même poussé le créateur de la série Disgaea à se lancer dans l'industrie, il est sans aucun doute un choix intéressant et sa vision est peut-être celle qu'il faut pour redonner à la série sa gloire d'antan tout en apportant des concepts novateurs et un gameplay efficace qui font le sel de Final Fantasy. D'ailleurs, dans une interview de 2012, il se disait intéressé pour un nouveau Final Fantasy, surtout dans l'optique de raffiner le gameplay qu'il a mis en place pour Final Fantasy XII mais que les limitations du hardware empêchaient. Deux ans plus tard, une nouvelle génération de consoles est apparue... cela serait-il enfin le moment pour Ito de revenir en pleine charge avec, qui sait, un Final Fantasy XVI ?
