Malgré son jeune âge, le marché du jeu vidéo possède déjà depuis quelques années ses collectionneurs aguerris, à la recherche de la vieillerie la plus rarissime pour parfaire leur ludothèque. Une passion qui demande forcément patience, connaissance et porte-monnaie bien rempli. Mais que recherche vraiment un collectionneur ? Et qu'est-ce qui établit le prix d'un jeu ? Faisons un petit tour d'un marché à part entière.

Les types de collectionneurs

La collectionnite aiguë est un syndrome qui existe depuis Mathusalem. Des oeuvres d'art aux tire-bouchons, nombreux sont ceux qui vouent un culte à un objet et toutes ses déclinaisons, parfois au point d'y consacrer des sommes faramineuses. Dans les grandes lignes, il existe trois types de collectionneurs.

Le collectionneur du dimanche

Le premier, sans doute le plus évident est le "collectionneur du dimanche". Rien de péjoratif là-dedans puisqu'il s'agit de ceux qui achètent d'anciens jeux pour... y jouer. Nombreux sont ceux qui se tournent vers l'émulation pour s'essayer à des titres vieux de trente ans, mais d'autres préfèrent avoir en main l'original. Le vecteur principal est ici la nostalgie. Sortir de son emballage la cartouche d'époque de Street of Rage pour la mettre dans sa Megadrive, ça a quand même de la gueule... Il faut souvent y voir une sorte de retour à l'enfance, un besoin de ressentir des sensations du passé, quand on ouvrait son cadeau de Noël au pied du sapin à la fin des années 80. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les "collectionneurs du dimanche" ont souvent de la bouteille, même si de jeunes joueurs se mettent aussi à découvrir les merveilles antérieures.

Le contemplateur

"Les contemplateurs" (ce n'est pas une dénomination scientifique) sont un autre type de collectionneur. Ceux-ci sont plus attirés par la rareté de l'objet que par ses qualités ludiques, bien que les deux soient cumulables. Ici, jouer au jeu est facultatif, voire complètement proscrit : garder l'objet sous plastique / blister reste le summum de la classe. Contrairement à la nostalgie qui anime la passion du "collectionneur du dimanche", c'est cette sensation de posséder une pièce rare, trônant sur son meuble, qui prime. C'est typiquement le genre de collection que l'on veut montrer aux autres, si possible derrière une vitrine. Il faut bien dire que posséder un jeu vieux de 25 ans encore dans son emballage n'est pas commun. Evidemment, les "contemplateurs" sont souvent ceux qui pourront dépenser le plus d'argent pour un jeu ou une console, car plus c'est rare, et plus c'est cher.

Le financier

Acheter un oldies n'est finalement pas toujours synonyme de passion. Quand on voit à quels prix certains jeux se vendent, il n'est pas étonnant de voir arriver de fins stratèges profiter de l'occasion pour se remplir les poches. L'idée est d'acheter à bas prix ce qui pourrait se revendre plus cher. Dans un premier cas, la plus-value est immédiate. Le chineur trouve un jeu chez une connaissance, dans une brocante ou sur Internet à un prix bien inférieur à celui du marché et le revend aussitôt. Ici, il faut forcément profiter de la crédulité de quelqu'un qui ne connaît pas la valeur de ce qu'il possède. Dans un autre cas, il s'agit d'acheter quelque chose qui prendra supposément de la valeur avec le temps. Certes, il faut de la patience (en plus d'une grande connaissance du marché), mais il est alors possible de faire d'énormes bénéfices. S'il est difficile de vraiment parler de collectionneurs quand on parle des "financiers" (puisqu'ils ne se créent pas nécessairement de collections), il faut bien prendre en compte leur impact sur ce gigantesque système.

Qu'est-ce qui établit le prix ?

La rareté

On en arrive donc fatalement à ce qui fait la valeur d'un jeu, d'une console ou d'un accessoire de jeu vidéo. Et pour toute collection, la rareté est un élément fatalement important. C'est le principe de l'offre et de la demande. S'il existe des millions d'exemplaires de ce que vous cherchez, vous savez de toutes façons que vous en trouverez facilement. Mais s'il s'agit d'une édition limitée ou d'un objet produit en très petite quantité, c'est une toute autre affaire. On va donner un exemple connu et pas trop exagéré : l'édition limitée de The Legend of Zelda : Wind Waker sur GameCube, qui comprenait le jeu N64 Ocarina of Time agrémenté d'une Master Quest initialement prévue pour le 64DD (sous le nom Ura Zelda). Sans surprise, elle se vend aujourd'hui deux fois à trois fois plus cher que l'édition normale, alors que leur prix de vente initial étaient identiques. On en voit partir à plus de 100 € dans des conditions optimales. Une logique implacable. Quelquefois, la rareté d'un objet est due à des éléments très indépendants de la volonté de ses créateurs. Par exemple, un lot défectueux (faute d'orthographe sur une boîte) peut prendre une valeur faramineuse s'il n'existe que peu d'exemplaires, les autres ayant été corrigés par la suite. Dans d'autres cas, il suffit qu'un joueur ait fait signer son exemplaire du jeu par un des créateurs (lors d'une convention par exemple) pour voir le prix décoller. Enfin, d'autres cas plus rarissimes existent, comme des versions bêta (ou versions d'essai). On a même vu récemment des jeux NES en boîte pas vraiment neuve se vendre plusieurs centaines d'euros parce qu'ils avaient été utilisés comme pièces lors du procès de Magnavox contre Nintendo en 1985 !

L'état

Ce n'est pas tout de se procurer un objet d'époque, encore faut-il qu'il ne soit pas en miettes. Comme toute collection, l'état de l'objet est tellement important qu'il est signalé par des termes connus. TBE veut donc dire "très bon état" par exemple, ce qui reste en dessous de neuf... qui lui-même reste en dessous de "sous blister". Et si les collectionneurs du dimanche sont parfois moins regardant quant aux critères (certains ne s'inquiètent même pas de ne pas avoir boîte et notice), les contemplateurs inspecteront chaque recoin de l'objet à la recherche de la moindre pliure, déchirure ou rayure.A tel point que les différences de prix entre "neuf" et "sous blister" peuvent aller du simple au... décuple ! Pour vous donner un exemple, dans les catalogues de ventes aux enchères Millon, un exemplaire de Super Metroid sous blister plastique en français s'est récemment vendu... 3.800 € ! Evidemment, l'état peut aussi avoir une importance conséquente pour les ventes de consoles. Outre l'état direct de la machine, la présence dans la boîte de tous les accessoires, jusqu'au moindre morceau de carton ou de plastique, rentrent en compte lors de l'évaluation du prix. Du coup, des éléments inexistants lors de la sortie de certains objets deviennent importants maintenant : votre Super Nintendo est-elle jaunie ou pas ?

Où s'achètent les oldies ?

Il vous vient une subite envie de vous procurer la cartouche de Fantasy Zone ou la Magnavox Odyssey ? Les moyens de parvenir à vos fins sont nombreux. Le plus simple, et sans doute la solution préférée des collectionneurs du dimanche, c'est les sites de ventes de particuliers à particuliers sur Internet. De nombreux joueurs mettent en vente leurs vieilleries dans des états plus ou moins bons et on y trouve souvent ce qu'on veut en trois clics. Sur ces mêmes sites, on trouve aussi des marchands spécialisés dans les ventes de collection, certains ayant d'ailleurs pignon sur rue pour ceux qui préfèrent le visu. Dans le même style, tout en étant plus généralistes, les magasins de ventes d'occasion (en général, il y a le mot cash dans le nom) peuvent être un bon moyen trouver son bonheur. Pour les plus férus, il faudra se tourner vers deux autres possibilités. La première est la fameuse brocante, dans laquelle le collectionneur téméraire va chiner pendant des heures pour trouver une vieille machine oubliée pendant des années au fond d'un placard, encore poussiéreuse, vendue à prix cassé. C'est souvent ici que les plus patients feront les affaires les plus intéressantes, sans parler du plaisir de la découverte. Enfin, dans un style pratiquement opposé, il y a les ventes aux enchères dans lesquels on trouvera souvent les objets les plus chers (et les plus uniques).

Bref, il n'est pas arrivé le jour où les oldies ne déchaîneront plus les passions et ne déclencheront plus l'ouverture du porte-monnaie du monde entier.