Commandé en janvier dernier par Emmanuel Macron, le rapport sur les usages numériques chez les jeunes vient d'être finalisé avec un peu d'avance sur le calendrier. Des experts s'y sont intéressé, et ils ne semblent vraiment pas convaincus par l'efficacité des mesures préconisées dans ce rapport...
Des mesures qui engendreraient plus de problèmes qu'elles n'en résoudraient
Alors que le Gouvernement français vient de laisser entendre la possible interdiction des smartphones dans l’enceinte des collègues, il est aussi question d’instaurer une majorité numérique. Cette majorité numérique aurait pour but de protéger les plus jeunes face aux dangers d’Internet et plus particulièrement des réseaux sociaux.
Sur le papier, cela semble bien beau, mais certains professionnels de la santé ne sont pas du même avis et craignent que cette mesure ne pose davantage de problème qu’elle n’en règlerait. Bien entendu, ces experts rappellent qu’ils sont tout à fait d’accord avec le fait qu’il ne faut pas exposer ses enfants aux écrans avant l’âge de 3 ans et qu’il est important que les gens prennent conscience que l’attention qu’ils accordent sur les réseaux sociaux est monétisée. Il en va de même pour leurs données personnelles, lesquelles sont revendues à des entreprises.
Toutefois, si les préconisations inscrites dans le rapport qui a été remis au Président de la République ce mardi 30 avril semblent tout à fait pertinentes, les autres points abordés semblent difficilement applicables selon les experts interrogés qui préfèrent maintenir une certaine réserve vis-à-vis de cette étude.
Une majorité numérique à 18 ans jugée inapplicable par cette psychologue
Plusieurs points mentionnés dans le rapport sur les usages numériques chez les jeunes ont fait bondir les experts de leurs chaises. Pour eux, il est tout bonnement impossible d’appliquer une interdiction totale quant à l’accès aux réseaux sociaux avant l’âge de 18 ans. Plusieurs raisons ont été exposées dans une interview entre Séverine Erhel, docteur en psychologie cognitive, et Anna Topaloff, journaliste pour Le Nouvel Obs.
Pour cette professionnelle de la santé, priver un adolescent de réseaux sociaux avant sa majorité serait contre-productif. Premièrement, elle invoque le fait qu’à notre époque il y a de plus en plus de familles recomposées et il est nécessaire de permettre aux enfants de garder un lien avec leur famille, et ce lien s’entretient généralement avec des applications de messagerie instantanées comme WhatsApp.
De plus, tout le monde sait que pour s’inscrire à un réseau social comme Instagram, TikTok ou encore Snapchat, il est nécessaire d’être au moins âgé de 13 ans, et si ce n’est pas la cas, l’accord des parents ou du tuteur légal est nécessaire. Dans les faits, nous sommes tous d’accord pour reconnaître que peu d'adolescents de moins de 13 ans demandent effectivement l’accord de leurs parents pour créer un compte TikTok… cette nouvelle disposition risque donc de ne pas avoir l’effet contraignant escompté et ne devrait en rien apporter une solution au problème préexistant.
Enfin, elle ajoute que la privation des réseaux sociaux d’un adolescent ne donnerait qu’un sentiment illusoire de sécurité aux parents. En effet, si comme le préconise le rapport, les enfants mineurs n’étant plus censés être sur les réseaux sociaux avant l’âge de 18 ans, ils ne se sentiront encore moins à l'aise d’en parler avec un adulte puisque cela reviendrait à avouer avoir bravé une interdiction.
En conclusion, la proposition d'une majorité numérique est un sujet complexe sans solutions faciles. Il y a des avantages et des inconvénients potentiels à prendre en compte. Finalement, la décision d'instaurer ou non une majorité numérique devrait se faire au cas par cas, en tenant compte des besoins individuels de chaque enfant.
Source : Le Nouvel Obs