Avec les révolutions technologiques en cours, nous sommes nombreux à imaginer un futur où l’on travaillerait moins. Mais tout le monde n’est pas de cet avis : en Inde, le grand patron d’une entreprise spécialisée dans les prestations de services en informatique préconise de quasiment doubler le temps de travail des salariés.
L’intelligence artificielle, les robots et autres évolutions technologiques majeures de ces dernières années tendent à prouver que la machine peut remplacer l’humain pour certaines tâches, tout du moins en partie. Cela pourrait donner un espoir : celui de travailler moins, d’avoir plus de temps à consacrer aux loisirs et à la famille, par exemple.
Dans certaines entreprises, la semaine de quatre jours est soit à l’essai, soit a déjà été adoptée. Certes, ce processus ne fait pas l’unanimité partout : certaines firmes ont décidé de revenir en arrière, et il existe même certaines situations dans lesquelles les salariés ont refusé de venir un jour de moins au travail par semaine, si cela impliquait de travailler plus pendant les quatre autres jours de la semaine. Il n’empêche qu’expérimenter les situations dans lesquelles le travail occuperait moins de temps au quotidien semble avoir du sens : nous sommes nombreux à avoir envie de travailler moins, même quand on aime ce que l’on fait !
En Inde, plus qu’un travail, un devoir patriotique
Mais tout le monde n’est pas d’accord avec cette perspective. C’est le cas de Narayana Murthy : cet Indien de 77 ans est le fondateur d’Infosys, un cabinet de conseil et de prestations de services en informatique. Depuis 1981, cette firme a acquis une renommée mondiale et pour son fondateur, pourtant âgé, il est hors de question de prendre sa retraite.
Narayana Murthy semble estimer que le travail, c’est la santé, tout en éludant la suite de la célèbre chanson. Dans une déclaration réalisée sur la chaîne d’information ET News, l’homme d’affaires a ainsi déclaré : « Nos jeunes devraient dire :“C’est mon pays, je veux travailler 70 heures par semaine.” »
Cependant, en Inde, la durée hebdomadaire est de 40 heures étalées sur 5 jours. De ce fait, réclamer que les jeunes travailleurs soient heureux de bosser pendant 70 heures revient à quasiment doubler cette charge. Mais pour Narayana Murthy, ce dévoue se présente comme un acte patriotique, une manière de stimuler l’économie du pays.
Une leçon de vie apprise à la dure
Narayana Murthy se base sur sa propre expérience personnelle, et professionnelle, pour justifier son point de vue : « J’étais au bureau à 6h20 et je quittais le bureau à 20h30 et je travaillais six jours par semaine », a-t-il déclaré, évoquant l’époque de création de son entreprise. « Je connais toutes les nations qui sont devenues prospères l’ont fait grâce à un dur labeur. »
Issu d’une famille modeste, Murthy s’est vu inculquer très tôt des valeurs fortes : « Mes parents m’ont appris très tôt dans la vie que la seule façon dont nous pouvions espérer échapper à la pauvreté était de travailler très, très dur — bien sûr, en supposant que l’on obtient la meilleure productivité de chaque heure de travail. Pendant plus de 40 ans de vie professionnelle, j’ai travaillé 70 heures par semaine », explique-t-il, ajoutant même avoir travaillé jusqu’à 90 heures par semaine pendant plusieurs années, jusqu’en 1994.
Qui a envie de travailler plus ?
On peut certes saluer l’esprit stakhanoviste de Narayana Murthy, mais il convient tout de même de souligner que cet homme d’affaires a passé sa vie à travailler pour faire prospérer son entreprise. Pour les salariés, la perspective de passer 70 heures par semaine au travail est différente, même si les exceptions existent.
En outre, ses propos ont tendance à être contredits par ceux de l’OCDE, qui expliquent qu’augmenter le nombre d’heures travaillées par semaine n’a pas d’impact réel sur la productivité : on a donc tendance à rester plus longtemps au travail, sans pour autant en faire plus. Pire : la fatigue peut nuire à la productivité en réalité. En outre, de nombreuses études ont démontré qu’adopter la semaine de quatre jours à tendance à ne pas affecter la productivité des salariés. Sur ce point, les études sont récentes et mériteront d’être affiliées avec le temps. Mais il y a fort à parier que peu de monde sera de toute façon d’accord pour travailler pendant 70 heures par semaine, n’en déplaise à Narayana Murthy…