Un point technique sur Manifest V2 et Manifest V3 : ce dont dépendent toutes les extensions Google Chrome, dont votre bloqueur de pub

Le Manifest V2 (MV2) et le Manifest V3 (MV3) sont des termes techniques associés au développement des extensions pour Google Chrome. Ces "manifestes" sont en fait des fichiers de configuration qui indiquent au navigateur comment l'extension doit se comporter. Google est actuellement en pleine transition vers la 3è version de Manifest. C'est dans ce contexte que le géant californien vient d'annoncer dans un article de blog que toutes les extensions pour Chrome utilisant le MV2 seront désactivées dès juin 2024. Puisque les Manifest sont au cœur de cette news, commençons donc par vous présenter sommairement MV2 et MV3.

Introduit en 2012, le Manifest V2 est, vous l'avez deviné, la deuxième version du fichier de manifeste d'une extension Chrome. Il définit la structure et les capacités de l'extension, y compris ses différentes composantes comme les scripts en arrière-plan (background scripts), les capacités de l'extension, les permissions nécessaires, et l'apparence de l'icône de l'extension. Les extensions utilisant Manifest V2 fonctionnent souvent en exécutant des scripts en continu en arrière-plan, ce qui peut affecter les performances du navigateur et la sécurité.

Le Manifest V3 est la troisième et dernière version du fichier de manifeste, annoncée par Google en 2018 et progressivement mise en œuvre. Cette mise à jour vise à améliorer la sécurité, la performance et la confidentialité des extensions. Manifest V3 apporte plusieurs changements significatifs. On retient principalement les 3 points suivants :

• Service Workers : Au lieu de scripts en arrière-plan persistants, Manifest V3 introduit les service workers, qui sont des scripts qui s'exécutent en réponse à des événements comme les clics sur les icônes des extensions, les messages entrants, ou les alarmes programmées. Ces scripts ne restent pas actifs en permanence, ce qui permet d'économiser des ressources système.
• Règles de demande déclaratives : Manifest V3 utilise une approche déclarative pour le blocage ou la modification des requêtes réseau, qui est plus sécurisée et plus performante. Les extensions ne peuvent plus utiliser l'API webRequest pour bloquer ou modifier les requêtes de manière arbitraire, mais doivent déclarer les règles à l'avance.
• Limitations sur les permissions : Les extensions doivent demander le minimum de permissions nécessaires pour leur fonctionnement, ce qui renforce la confidentialité et la sécurité pour l'utilisateur.

Avec Manifest V3, Google complique la vie d'Adblock et autres bloqueurs de pub

Avec l'introduction de Manifest V3 par Google pour Chrome, les développeurs de bloqueurs de publicité ont été confrontés à des défis... disons majeurs, pour ne pas dire paralysants. En effet, puisque Manifest V3 remplace l'API webRequest, qui permettait aux extensions de modifier ou de bloquer des requêtes en temps réel, par une nouvelle API appelée DeclarativeNetRequest, tout se complique pour Adblock, Ublock et compagnie. La nouvelle API demande aux extensions de définir des règles de blocage à l'avance plutôt que de permettre une manipulation dynamique des requêtes. Cette approche est conçue pour améliorer la performance et la sécurité, car les extensions n'ont plus la capacité de lire ou de modifier toutes les données transitant par le navigateur, une fonctionnalité qui était possible avec l'ancienne API webRequest. Problème : cela limite fortement la capacité des bloqueurs de publicité à appliquer des règles de filtrage complexes et à s'adapter rapidement aux nouvelles méthodes de diffusion de publicités.

Et les problèmes ne s'arrêtent pas là pour les bloqueurs de pub. Manifest V3 impose également un plafond sur le nombre de règles qu'une extension peut utiliser dans DeclarativeNetRequest. Bien que ce nombre soit suffisant pour la plupart des usages, les bloqueurs de publicité les plus avancés qui utilisent des milliers de règles pourraient trouver cette limite contraignante.

Une solution à l'amiable est en train d'être trouvée !

Le cœur de la news est ici. Vous vous en doutez, puisque MV3 leur pourrit la vie, les développeurs de bloqueurs de publicités se sont abondamment plaints. Google, qui ne souhaitait pas mettre à mal un secteur extremement important du monde des extensions, a donc pris les choses en main. La firme de Mountain View a contacté plusieurs entreprises spécialisées dans le blocage de pub, dont Adblock, afin de collaborer et de trouver une solution à tous les problèmes posés par MV3. Nous savons aujourd'hui que plusieurs mesures vont être mises en place spécialement pour bloqueurs. Là encore, nous pouvons citer les 3 principales :

• Offscreen Documents : Cette fonctionnalité permet aux extensions d'avoir accès au Document Object Model (DOM) d'une page web de manière indirecte. Le DOM est une interface de programmation pour les documents HTML et XML; il représente la structure de la page, son contenu et offre une manière d'interagir avec elle via des scripts. Dans le contexte des extensions, l'accès au DOM est essentiel pour de nombreuses fonctionnalités, y compris la modification de l'apparence ou du comportement d'une page web, l'analyse de contenu, etc. Toutefois, dans le souci d'améliorer la sécurité et les performances, Manifest V3 a restreint la manière dont les extensions peuvent interagir directement avec les pages web. Les Offscreen Documents offrent une alternative pour certaines de ces interactions. Ils permettent aux extensions de créer et d'utiliser une sorte de "document hors écran" où elles peuvent accéder au DOM et exécuter des tâches sans affecter directement la page que l'utilisateur est en train de visualiser. Cela peut être particulièrement utile pour des scénarios comme la lecture audio où l'extension doit traiter des informations de la page sans nécessairement modifier l'affichage ou le comportement de la page vue par l'utilisateur.

• Amélioration de l'API DeclarativeNetRequest : Google a également travaillé à améliorer les fonctionnalités de l'API DeclarativeNetRequest pour rendre le filtrage de contenu plus flexible et puissant (même s'il reste bien plus compliqué pour les bloqueurs que l'API de MV2). Dans le même élan, Google a augmenté le nombre de règles dynamiques que les développeurs peuvent inclure dans la nouvelle API.

• Mise à disposition de ressources et de documentation : Pour aider les développeurs à migrer leurs extensions vers Manifest V3, Google a fourni de la documentation détaillée, des exemples et des ressources pour faciliter la compréhension et l'adoption des nouvelles méthodes d'extension.

Plusieurs acteurs du milieur des bloqueurs de pub ont récemment pris la parole pour féliciter Google. On peut notamment citer Andrey Meshkov, PDG d’Adguard, qui parle de « l'immense effort des équipes de Chrome » dans leur collaboration avec les développeurs. En espérant que ces efforts soient suffisant pour que tout le monde puisse être à jour et fonctionnel lors de l'arrivée définitive de MV3. On le rappelle : dès juin 2024, dans 7 mois, toutes les extensions sous MV2 seront désactivées et impossibles à réinstaller.