Imaginez que votre maison puisse devenir sa propre source d'énergie. Des chercheurs ont développé une nouvelle manière de stocker l'électricité dans le ciment en utilisant des matériaux bon marché et abondants.
Alimenter une maison entière avec cette nouvelle technologie ? Pas pour tout de suite
Si cette technologie était mise à l'échelle, le ciment pourrait stocker suffisamment d'énergie dans les fondations d'une maison pour répondre à ses besoins quotidiens en électricité. À plus grande échelle, des chaussées électrifiées pourraient alimenter les voitures électriques en cours de route. Si les scientifiques trouvent un moyen de réaliser tout cela à moindre coût, cette avancée pourrait offrir une capacité de stockage d'énergie presque illimitée, en provenance de sources renouvelables intermittentes, telles que l'énergie solaire et éolienne.
Pour l'instant, les dispositifs en ciment sont de petite taille, assez grands seulement pour alimenter quelques ampoules LED. Cependant, des efforts sont déjà en cours pour les développer à plus grande échelle. "Ce serait une technologie très attrayante s'ils pouvaient la réaliser à plus grande échelle", déclare Sang Nguyen, ingénieur mécanique à l'Imperial College London, qui n'a pas participé aux travaux.
Ces dispositifs en ciment sont une forme de supercondensateur. Ils sont composés de deux plaques électroconductrices séparées par un électrolyte conducteur d'ions et une fine membrane. Lorsque le dispositif est chargé, les ions à charge positive de l'électrolyte s'accumulent sur une plaque, tandis que les ions à charge négative s'accumulent sur l'autre.
La quantité de stockage d'énergie dépend de la surface totale des plaques conductrices du supercondensateur. Depuis des décennies, les chercheurs tentent de les intégrer dans des matériaux de construction, tels que le béton utilisé dans les routes et les bâtiments, ou les composites de carbone utilisés dans les carrosseries automobiles et aéronautiques. Contrairement aux meilleures batteries d'aujourd'hui, les supercondensateurs utilisent généralement des électrolytes non inflammables, ce qui les rend plus sûrs.
Cependant, le ciment, ingrédient principal du béton, est normalement un mauvais conducteur électrique. Au cours des dernières années, plusieurs groupes ont fabriqué des supercondensateurs structurels en mélangeant du ciment avec des formes hautement conductrices de carbone, comme le graphène ou les nanotubes de carbone. Bien que ces matériaux fonctionnent bien, ils sont coûteux et difficiles à produire en grandes quantités, comme celles utilisées dans l'industrie du ciment, explique Franz-Josef Ulm, ingénieur civil au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Dans leur quête d'une alternative moins chère, Ulm et ses collègues se sont tournés vers une forme ancienne de carbone en poudre appelée noir de carbone, utilisée depuis l'Antiquité comme pigment noir. Bon marché et disponible à l'échelle mondiale, le noir de carbone est également hautement conducteur.
Une recette de ciment pour stocker de l’énergie
Le groupe d'Ulm a mélangé une petite quantité de carbone avec de la poudre de ciment et de l'eau. L'eau se combine facilement avec le ciment, mais les particules de noir de carbone repoussent l'eau, ce qui les fait s'agréger et former de longs filaments interconnectés à l'intérieur du ciment durcissant, agissant comme un réseau de fils. Ensuite, les chercheurs ont découpé ce ciment filaire en petites plaques, créant des supercondensateurs d'1 millimètre d'épaisseur et de 1 centimètre de large, à peu près de la taille d'un bouton. Après avoir ajouté une membrane, un électrolyte à base de chlorure de potassium, un simple sel, et de l'eau, les chercheurs ont scellé cette structure sandwich. Lorsqu'ils ont ensuite connecté un fil aux plaques et actionné un interrupteur, les supercondensateurs en ciment ont allumé une série de lumières LED.
Selon les rapports publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, si l'on utilisait du ciment au noir de carbone pour fabriquer un volume de 45 mètres cubes de béton - à peu près la quantité utilisée dans les fondations d'une maison standard - cela pourrait stocker 10 kilowatts-heures d'énergie, suffisamment pour alimenter un foyer moyen pendant une journée. Si la même approche était utilisée pour construire des routes, des parkings ou des allées, le béton électrifié pourrait stocker de l'énergie renouvelable et la transmettre aux voitures électriques via des chargeurs inductifs. Une approche consisterait à envoyer de l'électricité aux dessous des voitures via des bobines de cuivre intégrées à la chaussée, un peu comme les chargeurs sans fil chargent les smartphones. Une telle technologie est déjà en cours de développement en Allemagne et aux Pays-Bas.
En offrant une alternative moins chère aux batteries plus coûteuses, le ciment électrifié pourrait également rendre le stockage de l'énergie renouvelable plus abordable pour les pays en développement, déclare Admir Masic, chimiste au MIT et co-auteur de l'étude. "Cela nous ouvre un nouvel espace pour le stockage de l'énergie à des prix accessibles partout dans le monde."
Pour réussir, les chercheurs devront augmenter la taille des plaques de la taille d'un bouton. À mesure que les supercondensateurs deviennent plus grands, leur conductivité électrique diminue généralement, rendant plus difficile l'injection et l'extraction d'énergie. Une solution, selon Ulm, consiste simplement à ajouter davantage de noir de carbone au mélange, mais pas au point de compromettre l'intégrité structurelle du ciment. Pour le béton structurel, les chercheurs ont découvert qu'ils pouvaient ajouter jusqu'à 10% de noir de carbone sans compromettre de manière significative sa résistance. Ulm affirme que le groupe a breveté sa technologie et travaille maintenant à l'adapter pour atteindre la capacité d'une batterie de voiture de 12 volts.