Une console portable pas si portable

Le Steam Deck est une console portable puissante et abordable. Pour un prix débutant à 420 euros, pour la première version, et allant jusqu’à 680 euros, on est en droit de se demander si l’objet permet une utilisation en dehors de chez soi en vu. Malheureusement, en l’état, ni sa taille ni sa batterie ne permettent réellement de consommer l’expérience Steam dans des conditions optimales en dehors de son foyer. La console est grande, très grande, et elle convient principalement à un usage dans votre lit, dans d’autres pièces que votre pièce de jeu, ou à la rigueur, lorsque vous êtes en déplacement ou en vacances. Quoi qu’il arrive, une bonne batterie externe ou une prise ne devra pas se trouver bien loin si vous souhaitez utiliser la machine ailleurs que dans votre logement sur de longues sessions.

C’est donc un premier point qui coince, pour une console portable. Là-dessus, Valve est conscient du besoin d’itérer sa machine. Le géant de la distribution numérique sur PC à officialisé le fait qu’une V2 arrivera tôt ou tard, augmentant les capacités de la machine, pour une grille tarifaire similaire. On est ici face à une stratégie de prix plus haute que celle d’une Switch, et il faudra donc donner des signaux forts pour convertir le grand public. Il faudra par exemple miniaturiser un peu plus le concept, pour le rendre plus transportable, et peut-être même y greffer un accessoire augmentant la batterie. Valve a l'embarras du choix pour un Steam Deck 2, mais la transportabilité et l’usage plus long-terme apparaissent comme un besoin pour beaucoup de joueurs.

Si on reste dans une stratégie statique avec le Steam Deck, limitée au logement, rien ne vous empêche d’utiliser Steam Remote chez vous pour jouer sur téléphone ou sur tablette, et streamer le flux de votre PC. En branchant une manette bluetooth, vous aurez alors une expérience totalement décente, en dépensant zéro euros... Tout ça, ça fait déjà un point un peu bloquant qu’il faudra retravailler : la transportabilité et la plus value de l’objet si l’on a déjà un gros PC. Mais si vous craquez pour un Steam Deck parce que vous n’avez pas de PC puissant, ce qui peut être votre cas, encore faut-il que la console que propose Valve soit incollable en ce qui concerne sa compatibilité logicielle…

Mission : incompatibilité zéro

L’autre point qui chagrine et qui ressort pas mal lorsqu’on explore les différents tests disponibles sur le net, c’est la loterie à laquelle on fait face quand on tente de lancer un jeu non-validé. A son annonce durant l’été 2021, le Steam Deck faisait miroiter une compatibilité quasi-totale de la bibliothèque Steam. Et vous vous demandez peut-être pourquoi il y aurait des problèmes ? Parce qu’après tout, c’est une console Steam, pour jouer sur Steam. Donc de prime abord, il n'y a aucun souci… Sauf qu'un point complexe ressort et ce point n'est autre que Windows.

Si Valve avait souhaité viser le 100% de jeux compatibles, il aurait fallu que sa console fasse tourner Windows de base. Ce qui n’est pas le cas en version d’usine. C’est une console qui tourne sous Linux, un système d’exploitation libre. De cette manière, Valve n’a pas besoin de payer une licence Windows pour chaque unité expédiée, et c’est là que l’entreprise économise une somme assez conséquente. Sauf que les jeux, eux, sont massivement pensés pour Windows. Et pour faire tourner les jeux sur une machine Linux, Valve utilise un protocole, appelé Proton, qui sert de traducteur à Linux pour faire tourner les jeux Windows. Et ce protocole, malheureusement, n’est pas infaillible. Il s’améliore constamment, il “patch” les jeux en quelques sortes, pour qu’ils tournent mieux, mais c’est pas magique, et ça consomme parfois des performances, en plus de présenter des bugs et autres incompatibilités.

On pourrait penser qu'il suffit alors d'installer Window sur la console, mais ce n’est pas aussi simple que ça pour le grand public : ça demande une clé valide, un peu de bidouillage, et ce n’est pas à la portée de tout le monde. En plus de ça, au moment du test, il semble que Windows ne soit tout simplement pas encore compatible, mais ça devrait se régler avec des mises à jour. Globalement, il faudra que Proton se montre plus efficace qu’il ne l’a été durant la période de tests : c’est pas impossible à l’avenir, mais en l’état, on peut pas garantir une utilisation sans faille aux acquéreurs et aux curieux.

Pour rassurer les joueurs, Steam a dores et déjà mis en place une page internet permettant de se connecter pour voir quelle proportion de votre bibliothèque est compatible. Sans surprise, on est au début des vérifications et la liste est pour l’instant maigre. Par exemple, sur la liste de Panthaa de 925 jeux Steam, il n'a que 85 jeux 100% compatibles, et à peu près 75 supplémentaires qui sont jouables mais présentent des soucis. Ca peut aller des polices trop petites et non adaptées aux bugs d’affichage. Quant au reste de sa bibliothèque, il peut tenter de l’installer, de lancer les jeux, et juger s' ils sont jouables dans de bonnes conditions, mais le résulta reste incertain et dépend des jeux… Et ça nous amène à notre troisième point problématique : la philosophie de téléchargement du Steam Deck.

Choisir entre télécharger et jouer

Si vous avez une bibliothèque Steam bien chargée, déjà c’est intéressant parce que vous avez littéralement une console avec une tonne de jeux à exploiter sans devoir en racheter, ce qui est un plus non négligeable de l’offre Steam Deck. En revanche, vous allez devoir passer du temps à télécharger vos jeux. Et ça, ça suppose que votre Steam Deck soit branché, connecté, et surtout, allumé parce que télécharger, ça fait beaucoup travailler la machine. Et même si Valve a dit travailler sur le problème, il est en l’état impossible de télécharger en mode veille. A l’heure des consoles de salon qui téléchargent en mode veille, ça paraît paradoxal, mais ça a du sens.

Sur un Steam Deck, si vous pensez à l'objet comme une console portable, vous devrez donc régulièrement laisser votre machine branchée et concentrée à 100% sur vos téléchargements. Pendant ce temps, la machine souffle énormément et fait beaucoup de bruit, relevé entre 40 et 60 décibels. C’est donc assez désagréable d’entendre la machine souffler, avec un petit sifflement en plus, tout en consommant de la précieuse batterie si vous n’avez pas branché la machine, juste parce qu’elle télécharge vos nombreux jeux. Et sur un catalogue aussi fourni, et 100% numérique, le téléchargement c’est quelque chose que vous allez en toute logique devoir faire assez souvent.

Si vous voulez faire autre chose pendant ce temps, c’est à dire profiter de la console en tant que médiacenter, en tant qu’outil de bureautique ou de navigation web, il va falloir évidemment la transformer : la passer de console portable à PC de bureau, en y connectant par exemple un dock USB Type C, un HDMI de sortie vidéo, et différents accessoires. L’utiliser en mode bureau sans passer par des accessoires, c’est assez peu pratique et on aurait aimé une surcouche plus tactile-friendly pour naviguer de manière plus fluide. En revanche, si vous souhaitez passer la machine totalement en mode PC de bureau, et que vous connectez une souris, un clavier, et un écran, visiblement pas mal de tests disent que c’est assez pratique à utiliser, et plutôt bien pensé, malgré l’absence de différents drivers et quelques soucis d’incompatibilités qui devraient être corrigés.

Il faudra donc, pour que le Steam Deck puisse s’imposer, que le pont entre l’expérience Steam OS et l’expérience Linux de bureau soit plus plus accessible à tout le monde. On pense par exemple à une surcouche, pensée pour le mode portable : qu’on ait tout le plaisir d’un PC directement sur une portable, sans devoir transformer cette portable en PC de bureau. On veut être en mesure, rapidement, de passer d’un jeu Steam à un jeu GamePass, lancé sur Linux, où même à de l’applicatif, à Discord, Spotify ou Chrome, sans avoir l’impression de rebooter la machine sur un autre écosystème pas vraiment pensé pour notre machine portable.

Polyvalent mais pas encore ultime

A l’heure actuelle, le Steam Deck est donc une machine à potentiel : les points négatifs révélés sont en chantier. Le bruit par exemple, qui peut s’avérer gênant, sera potentiellement corrigé par des mise à jour venant réguler plus méticuleusement l’usage à pleine puissance des ventilateurs. Le téléchargement aussi pourrait être corrigé pour être plus transparent, moins imposant, et donc moins gênant pour l’expérience de jeu console. A l’heure actuelle, sachez que télécharger en tâche de fond d’une session de jeu peut être tout à fait invisible, sur Portal 2 par exemple. Et à l'inverse, peut carrément consommer trop de ressources et rendre alors une session de Dark Souls 3 quasi-injouable. Il faut que tout ça soit normalisé, pour rendre l’expérience de jeu prioritaire sur tout le reste.

On a aussi eu quelques soucis, à l’heure du Quick Resume de la Xbox Series, en constatant que des jeux se lançaient parfois les uns sur les autres, créant des soucis de son et de performance sans qu’on soit capable de voir clairement quels jeux était toujours en suspens sur l’interface. Il y a un réel travail d’ergonomie à faire là dessus, pour rendre le tout plus organique, plus accessible et donc plus abordable au grand public. On a l’impression que le Steam Deck souhaite tout faire en même temps, sans pouvoir assurer derrière. Pourtant, avec ses nombreux inputs possibles (croix directionnelle, pavés tactiles, écran tactile, gâchettes, boutons et palettes), le Steam Deck apparaît comme une bête de guerre prête à mener tous les combats. Mais on se retrouve souvent pendant de longues minutes à chercher quelles sont les commandes adaptées à chaque interface : à l’interface Steam OS, qui ressemble au mode Big Picture de Steam sur PC, à Linux qui sert au mode bureau, ou aux fonctions ingame.

Ne vous méprenez pas, c’est un chantier énorme dans lequel Steam s’est engagé et c'est assez impressionant comme combat, simplement en l’état il ya encore du travail pour rendre le tout parfaitement utilisable, limpide et agréable. Il faut juste que vous sachiez dans quoi vous vous engagez avant d’acheter. C’est une console qui demande de la patience, c’est un PC portable qui demande encore de la bidouille, mais les équipes sont hyper réactives et updatent régulièrement le Steam Deck. Mais, pour autant, ce n'est pas encore parfait. Il aurait été génial de recevoir la machine ultime, mais en l’état, ça demande encore pas mal de modifications pour qu’on en soit pleinement satisfait et que l'on se dise : la Switch n’a plus aucune utilité, et on est là face à une hybride totalement au point.

Manque de suggestion pour chaque terrain

En l’état, le Steam Deck est un petit bijou de performance portable, qui ne demande qu’à être dompté, mais on aurait aimé que Steam nous livre cette expérience clé-en-main avec des outils paramétrables certes, mais déjà pré-configurer Il faudrait que chaque jeu propose des paramètres idéaux au lancement, avec les performances ajustées en fonction de différents profils, et un mapping des touches idéal de manière systématique.

Il est possible de gérer la cadence des ressources de la machine à tout moment, tout comme il est possible de paramétrer le mapping des touches à la volée, sur chaque jeu. On vous a parlé de cette fonctionnalité géniale dans notre vidéo-test, qui permet d’aller chercher dans les mappings proposés par la communauté pour avoir les touches idéales et c’est génial de se dire que la communauté et la puissance de Steam, proposent ça.

Mais on espère qu’à l’avenir, avant de lancer un jeu, le Steam Deck fasse déjà ce travail, et qu’on n'ai pas à aller trifouiller pour adapter les paramètres, les options graphiques et les touches à attribuer. Parce que, si tout ça fonctionne en l’état, ça demande quand même de s’y plonger quelques précieuses minutes. Et dans une philosophie de console portable, qui demande de l’immédiateté et du plaisir de jeu instantané, ça bloque un peu. Et quand on additionne ces minutes de paramétrage aux longues minutes nécessaires pour lancer certains jeux, on se heurte à un mur : Le Steam Deck demande du paramétrage et des réglages, comme un PC gamer de moyenne gamme, et essaye de marier ça à l’instantanéité d’une console portable, sans forcément y arriver à tous les coups. La proposition est audacieuse, fonctionne dans bien des cas, mais n’est pas un sans faute, et demandera encore pas mal de boulot pour incarner la promesse ultime du PC-console que le Steam Deck doit incarner pour réussir.

Comprenons nous bien, le Steam Deck est une machine passionnante, remarquable d'ingénierie, et il est probablement le premier d’une longue lignée de PC/console hybrides. Et si Valve assure un suivi aussi efficace dans les prochains mois, il pourrait bien s’imposer comme pionnier d’un nouveau marché extrêmement porteur. Mais pour ce faire, il faudra corriger les points gênants qu’on a listé dans cette vidéo. Pour plus de détails, vous pouvez retrouver notre tests complet de la machine sur JV, rédigé par notre spécialise hardware JK.