Final Fantasy VII Remake est le premier épisode d'un incontournable de l'histoire du RPG. Celui-ci se concentre exclusivement sur Midgar, la capitale de la Shinra. Cette nouvelle écriture est l’occasion d’explorer davantage la cité industrielle et de la redécouvrir, à une échelle différente. Attention, spoilers en vue.
Midgar, symbole du pouvoir
En 1997, les premières heures dans Midgar offraient une belle démonstration technique qui nous en mettait plein les mirettes pour l’époque et poursuivait ce que Final Fantasy VI initiait : un monde faisant écho à notre histoire la plus proche, loin de l’habituelle fantasy de la saga. Il s’agit même, pour être plus précis, d’un univers cyberpunk. Outre Barret le cyborg avec son arme greffée sur le bras droit, Midgar est imprégné de cette influence. Industrialisée, elle est le théâtre de la domination mondiale d’une multinationale, la Shinra. Et comme toute bonne dictature, ceux qui gouvernent ont la main mise sur les médias. C’était déjà visible en 1997, cela est d’autant plus flagrant en 2020 avec toute l’attirail de caméras, robots destructeurs, scans, hologrammes et autre propagande de masse. Le premier contact avec Final Fantasy VII n’est pas des plus accueillants. Un terrain hostile qui s’ouvre directement sur un affrontement contre la milice. Quoiqu’il en soit et du début jusqu’à la fin de l’arc, l'équipe poursuit sans relâche son combat contre Midgar et ce qu’elle représente.
Une ville fantasmée
Un remake réussi est un jeu qui sait moderniser son gameplay. Cela a fonctionné avec ceux de Resident Evil 2 et 3, il en va de même pour Final Fantasy VII. Adieu les plans de caméra fixe légèrement vue du dessus. Désormais, nous suivons les déplacements du héros à sa hauteur, comme bon nombre de jeux actuels. Mais dans un cadre tel que Midgar, cela change du tout au tout. Il y a un peu plus de vingt ans, certains passages nous faisaient sentir tout petit. Nous pensons notamment à l’arrivée de Cloud au pied de la tour Shinra. À présent, nous voyons ce que voient les personnages. L’effet est saisissant. Il suffit de pointer le regard vers le haut pour découvrir le plateau qui sépare les deux niveaux de la ville. Depuis les bidonvilles, ce ciel recouvert et étouffant apparaît comme menaçant. Les plus fortunés installés là-haut coupent ceux qui sont en bas de la lumière du soleil et de la nature. Le détail accordé à ces infrastructures rend tout ceci bien réel et renversant. Avec un œil averti nous nous rendons compte que certaines textures n’ont pas bénéficié d’un même soin, mais dans l’ensemble difficile de dire que ce n’est pas une réussite. Par ailleurs, les limitations apportent leur lot de charme. Les lointains décors ressemblent à des aquarelles. Les amas de tôles forment un joli patchwork qui peut faire penser aux arrière-plans 2D de Bravely Default .
Nous sommes certainement très nombreux à avoir joué avec la caméra pour admirer ce travail d’orfèvre (il est d’ailleurs dommage de ne pas avoir intégré un mode photo). De cette manière, l’idée que l’on se faisait de cette cité tentaculaire à l’époque se retrouve matérialisée. L’expérience devient plus immersive. Cette vue nous rappelle la place que ces citadins de seconde zone occupent dans la hiérarchie sociale. Cela été déjà présent dans l’original : la pauvreté était très marquée dans les taudis. Mais la possibilité de voir de façon plus concrète l’organisation de la capitale accentue sa grandeur et dégénérescence. Midgar prend enfin tout son sens, celui d’une ville sur la ville et ses divergences sociales. Nous retrouvons cette idée de compartiments avec les différents secteurs, mais le remake nous offre la prise de conscience qu’il s’agit d’un tout. Midgar repose sur un principe très géométrique, calculé, froid. Elle se compose pour faire simple d’une étendue circulaire divisée en huit secteurs de forme angulaire avec un réacteur Mako pour chaque extrémité. Cette organisation verticale appuie encore une fois sur la lutte des classes.
Lorsque Avalanche se rend dans le réacteur n°5, c’est l’inverse qui se produit. En parcourant les échafaudages, nous marchons au dessus de la ville basse. Là encore, c’est une étape qui invite à la contemplation. Vertigineuse, la vue donne à Barret une réplique juste de sens : « Le bidonville est vraiment petit vu d’ici ». Bien qu’en regardant de plus près il s’agit de sprits répétés et qui plus est, d'une qualité déplorable. Mais si onous optons pour une vue plus globale s'en s'atarder sur les détails peu flatteurs, ça n’en demeure pas moins impressionnant : la vue d’ensemble des taudis nous dévoile ce que nous avions du mal à appréhender dans notre exploration des couloirs. La ville basse recouvre une très grande surface et s'étend jusqu’aux portes de la cité. Traverser cette centrale a de quoi donner le tournis. Nos yeux dirigés vers le bas nous signale encore une fois cette réalité crue : les bidonvilles font office de déchèterie pour les chanceux du dessus et plus largement, la Shinra.
Un long couloir
Et pourtant, passé l’émerveillement de la redécouverte, il faut admettre que Midgar déçoit. Nous avons accès à des zones plus vastes que dans l’original c’est un fait indéniable. Cependant, il y a peu de nouveaux lieux et surtout, nos déplacements trouvent rapidement leurs limites. FF VII Remake est un énorme couloir. Parfois, vous êtes tenté d’emprunter un autre chemin que celui suggéré, mais le jeu vous rappelle vite à l’ordre et empêche toute exploration. C’est d’autant plus frustrant que la sensation d’évoluer dans une très grande ville, pleine de vie, est décuplée dans cette relecture.
Avec les quarante heures de ce volet, cela aurait été une occasion en or de nous laisser arpenter plus de ruelles pour nous y perdre. Nous passons la majeure partie du temps dans la ville basse et même si dorénavant nous avons vue sur les plaques du niveau supérieur, nous imaginions faire un peu plus la navette entre ces deux mondes. Comme dans le jeu de 1997, la visite du Midgar des plus riches est de courte durée même si nous en voyons davantage. Se faire une meilleure idée de cette partie plus privilégiée aurait renforcé cette idée de disparité sociale.
L’espoir d’un monde meilleur
Qu’il s’agisse de l’histoire ou de l’environnement, FF VII est un jeu sombre. Dans ce contexte, la deuxième rencontre avec Aeris arrive comme une bouffée d’oxygène inespérée. L’église au milieu des taudis et la maison de la fleuriste dans le secteur 5 semblent presque surnaturelles. Elles réussissent à recevoir la lumière du soleil et des fleurs y poussent, tel un lieu sacré. Cela représente aussi Aeris, l’espoir qu’elle incarne et le rôle qu’elle aura à jouer dans l’aventure.
Si vous ne souhaitez pas vous faire spoiler par la fin du jeu d'origine, nous vous conseillons de vous arrêter là dans la lecture de cet article. À la fin, Midgar est visée par le météore ce qui correspond à un symbole fort : le siège du pouvoir et son modèle capitaliste qui domine la planète, jusqu’à tuer cette dernière. Vous connaissez l’histoire, Aeris invoque la rivière de la vie qui empêche la catastrophe, mais une partie devient inhabitable. La population déserte, l’activité soutenue avec l’exploitation de l’énergie Mako cesse : c’est tout un monde qui s’éteint avec la chute de Midgar et de la Shinra. Plutôt que de reconstruire ce qu’il reste de la ville, une nouvelle du nom de Edge est créée à partir justement des détritus de l’ancienne mégapole. La cinématique de la fin du jeu original nous dévoile par ailleurs l’état de Midgar 500 ans plus tard, où la nature a repris ses droits.