Louis Vuitton et League of Legends, Asos et Need for Speed ou encore H&M et les Sims… Depuis une dizaine d’années, de grandes marques de prêt-à-porter s'associent épisodiquement à des jeux vidéo. La pratique n’est certes pas encore généralisée, mais mérite le coup d’oeil.
Que diriez-vous d’une veste League of Legends à 5.000 dollars ? Ce n’est pas une blague, seulement l’un des vêtements les plus chers d’une collection de Louis Vuitton. La célèbre marque de mode s’est récemment associée au titre de Riot Games. Il en résulte une série de produits incroyablement onéreux, dont l’entrée de gamme se situe autour de 340 dollars. La collection est notamment inspirée du personnage de Qiyana, l’un des champions de League of Legends et membre du groupe virtuel True Damage.
La nouvelle est une autre étape dans le partenariat entre Louis Vuitton et le MOBA. En septembre dernier, à l’occasion du League of Legends World Championship, la marque de luxe avait d’abord conçu la boîte qui renfermait le trophée de la compétition. Une première dans le monde de l'eSport ! Et en octobre, Nicolas Ghesquière, directeur des collections Femme de Vuitton, s’était chargé de designer un skin de Qiyana. Le personnage de Senna fera aussi l’objet d’un relooking de luxe en 2020.
Avec League of Legends, Vuitton n'en est pas à son coup d'essai. En 2015, la marque de luxe avait déjà mis un pied dans le jeu vidéo en accueillant Lightning, héroïne de Final Fantasy XIII, comme égérie de sa nouvelle collection. C'est de nouveau Nicolas Ghesquière qui était aux commandes. Dans une interview au Telegraph, l'homme explique que Lightning était "l'avatar parfait pour représenter une femme héroïque mondiale, dans un monde où les réseaux sociaux et les communications sont parfaitement intégrés à nos vies". En 2012, l'héroïne ainsi que d'autres personnages de Final Fantasy XIII posaient déjà pour Prada.
Même si la collaboration entre Vuitton et certains jeux peut surprendre, il faut savoir que d'autres marques, comme Nike et Addidas, ont trouvé une place toute naturelle dans Fifa ou NBA 2K. En effet, ces marques font partie intégrante de la culture sportive, et leur logos sont visibles sur les maillots de véritables joueurs. On les retrouve ainsi in-game par cohérence avec le sport dépeint, et elles profitent au passage d'une jolie visibilité dans des jeux qui se vendent à des millions d'exemplaires.
Les jeux vidéo comme média de diffusion
Même les marques plus abordables lorgnent du côté du jeu vidéo. En juin 2007, Les Sims 2 accueillait une extension surprenante pour les possesseurs de la version PC, le Kit H&M Fashion. Des répliques de véritables vêtements étaient ainsi intégrées au jeu, avec la possibilité d’ouvrir sa propre boutique. Selon le média britannique The Guardian, l’add-on s’est vendu à un million d’exemplaires dans sa première année, alors que les ventes totales des Sims 2 PC sont estimées à 6 millions de jeux.
Les joueurs des Sims 2 : Kit H&M Fashion montrent leurs créations
Un an plus tard, Electronic Arts, qui édite les Sims, refait le coup avec Ikea, et son extension Ikea Home Design Kit. Ce n’est certes pas du prêt-à-porter mais la démarche est la même que pour H&M. Et les mots d’Anna Crona, qui dirigeait à l’époque le marketing des magasins suédois au Royaume Uni, aident à comprendre pourquoi de telles entreprises s'intéressent au jeu vidéo. Elle se confie au Guardian.
Pour nous, Les Sims 2 représentent un média de diffusion. C’est un excellent moyen d’atteindre les jeunes.
Cette vision des choses est confirmée par Emmanuel Martin, délégué général du SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir), qui évoque le sujet dans les colonnes de l'Obs. "Les rapprochements entre des marques de prêt-à-porter et des jeux vidéo vont se multiplier à l'avenir" estime-t-il. "Le jeu vidéo est un média qui parle très bien aux 15-25 ans, difficiles à toucher pour les marques".
Et même si le Kit H&M Fashion pourra en déranger certains, d'autres marques vont plus loin. Pour chaque vêtement numérique vendu dans sa boutique de Second Life, en 2006, la marque American Apparel donnait un coupon de réduction de 15% à faire valoir dans un vrai magasin. À l'époque, elle prévoyait même de tester de nouvelles lignes de vêtements en avant-première in-game, avant de les distribuer dans ses boutiques, comme le raconte le Journal du Net. De quoi se connecter, acheter... puis consommer dans la vraie vie.
Des marques qui participent au développement
Avec Need for Speed Payback, Electronic Arts est même allé jusqu'à mettre un coupon de réduction Asos dans la boîte du jeu. En effet, la marque, notamment connue pour sa boutique en ligne mais qui conçoit aussi des produits, a contribué au développement du titre. Elle s'est chargée de créer tous les vêtements des personnages principaux de Need for Speed Payback, en véritable "partenaire de style officiel" d'EA comme l'indique GamesRadar.
La mode est importante dans le jeu. On veut que les joueurs aient une idée de qui les personnages sont avant même de savoir quoi que ce soit sur eux - Micheal Friesen, Lead Character Artist sur Need for Speed Payback
Need for Speed Payback : La collaboration avec Asos
Et bien-sûr, que ce soit H&M ou Asos, l'objectif est le même, comme l'indique John Mooney, directeur créatif de la boutique en ligne. "Cette collaboration (...) était pour nous un nouveau moyen de faire connaître notre collection à une toute nouvelle audience" explique-t-il à GamesRadar. Quelle que soit la marque, la collaboration avec un jeu vidéo semble avoir la même finalité.
Le jeu vidéo influence la mode
Que le jeu vidéo ou ses personnages aident les marques à toucher une nouvelle audience, qu'elles soient directement in-game ou qu'elles participent à un développement, un dernier élément ressort du mariage prêt-à-porter / gaming : "Le gaming commence (...) à modifier la façon dont on s'habille" comme l'indique Emmanuel Martin à l'Obs. Ainsi, si la collection League of Legends de Vuitton peut être vue comme l'excentricité d'une marque de luxe, il ne faut pas oublier que Mario, Tetris et autre Street Fighter se sont invités dans les étagères de Kiabi, Uniqlo, Undiz ou encore Celio. Ce dernier a d'ailleurs sorti une collection spéciale pour la sortie de Pokémon Épée et Bouclier, fin octobre dernier.
Mais le jeu vidéo influence aussi la mode par sa dimension récréative. Ainsi, des marques comme Burberry ou Gucci ont conçu leur propre jeu. La première a misé sur un Doodle Jump-like où les meilleurs joueurs peuvent gagner des produits de luxe dans la vraie vie. Et la seconde, sur son application mobile, a ouvert une section "Arcade", dans laquelle elle revisite des classiques des années 70 et 80 avec ses propres codes. Pac-Man et Pong sont ainsi relookés à la sauce Gucci. Les marques savent définitivement se baser sur le jeu vidéo pour fidéliser les acheteurs et faire vendre leurs produits.