Même si l'univers du sorceleur existe depuis de longues années grâce aux nombreuses nouvelles et aux cinq romans d'Andrzej Sapkowski, la série The Witcher s'inscrit seulement dans notre quotidien depuis l'année 2015 grâce à CD Projekt Red et leur troisième production, The Witcher 3. Avec cet open-world fantastique encensé par les joueurs comme par la critique, Geralt de Riv devient un personnage emblématique, voire iconique, connu de toutes et de tous.
C'est donc avec une certaine logique que The Witcher – La Légende : La Maison de Verre, publié pour la première fois en 2014 sur le territoire Américain, arrive dans nos contrées françaises. Il permet à nous, joueurs francophones de prolonger enfin l'expérience proposée par The Witcher 3, pour vivre encore et encore les aventures de Geralt de Riv. Et cela tombe bien puisque même si vous n'avez pas terminé la trilogie vidéoludique du studio polonais ou de lire les romans d'Andrzej Sapkowski, il est possible de se lancer dans cette aventure exclusive composée de 136 pages, qui s'apparente plus à une petite quête supplémentaire qu'à une suite à part entière. La bande dessinée en profite alors pour nous faire rencontrer de nouveaux personnages, et ce, sans faire référence ou presque aux autres œuvres de ce même univers. Une bande dessinée accessible aux nouveaux venus comme aux fans de la série donc.
Des personnages attachants pour une aventure contée en accéléré
The Witcher – La Légende : La Maison de Verre présente deux personnages inédits, Vara, une succube rongée par la solitude et surtout Jakob, un chasseur mélancolique. C'est d'ailleurs sur ce dernier protagoniste que la bande dessinée éditée par Urban Games décide de s'attarder. En seulement quelques bulles, soit dès la première planche, le chasseur devient attachant. Les dialogues partagés entre notre héros aux cheveux et à l'épée d'argent et Jakob sont écrits avec un naturel déconcertant. On se prend tout de suite au jeu et on a vraiment envie de poursuivre ce périple, presque reposant, pour échanger d'autres moments autour d'un feu de camp avec ce duo de personnages. Cette première partie, plutôt courte, rappelle constamment l'ambiance calme et désertique des vieux films de western, et ce n'est pas pour nous déplaire. Le rythme est lent, décomposé et complètement en accord avec ce voyage réparateur. Malheureusement, une fois le premier chapitre terminé, le comics passe à la vitesse supérieure.
Le récit décide de s'introduire dans cette fameuse maison de verre plus étroite que les champs et les forêts déjà traversés, pourtant la relation presque intime entre nos voyageurs s'efface peu à peu. La faute à l'arrivée d'un troisième personnage, la séduisante Vara. À partir de ce moment précis, Jakob, le chasseur sympathique, devient fuyant et cherche le moindre prétexte pour s'éloigner du sorceleur. Un choix, bien évidemment en adéquation avec le reste du scénario, mais qui nous entraîne dans une boucle incessante ; Geralt de Riv est constamment à la recherche de Jakob. Pour combler cette routine qui s'installe peu à peu, le scénariste Paul Tobin décide d'accélérer le rythme en proposant de plus en plus de péripéties et de scènes d'action. Des scènes d'action qui, contrairement à la première partie de l'histoire, ne prennent pas le temps de s'installer et de se construire. Les ennemis, à peine évoqués, sont déjà mis au tapis, privant le lecteur de se délecter des acrobaties du sorceleur. Ce rythme, bien trop rapide, retire tout sentiment d'inquiétude et d'empathie pour le personnage principal. Nous savons, dès les premiers instants, que le combat se réalisera sans peine et que Geralt en sortira victorieux. Heureusement, l'aura mystérieuse de cet établissement isolé et le dessin réussi de Joe Querio, nous convainquent de poursuivre la lecture.
Un dessin vivant et dynamique
La plus grande force de ce The Witcher – La Légende : La Maison de Verre, en dehors de la relation entre Geralt de Riv et Jakob, réside dans le trait énergique du dessin. Le sorceleur sait se mouvoir comme il faut et quand il faut pour dynamiser les planches. Les plans choisis ne sont pas en reste. Ils savent se placer dans des endroits improbables pour donner du sens à des émotions ou pour mettre en valeur la diversité des décors. Joe Querio n'hésite pas à aller à l'essentiel, oubliant parfois de dessiner les visages de ces personnages, ou en réalisant même des erreurs de proportions. Un choix, encore une fois, qui sert à dynamiser le dessin, pour mettre en valeur, un détail du décor ou un mouvement de Geralt. Un trait qui arrive à s'éloigner de ce qui a déjà été créé et qui tolère les erreurs pour mieux mettre en avant l'ensemble des cases. Un dessin qui est à l'image de ces nombreux vitraux qui parsèment les couloirs de la maison de verre. Sobre, vivant et dynamique. Une réussite, tout simplement.
The Witcher – La Légende : La Maison de Verre réussit à instaurer cette ambiance particulière chère aux œuvres du sorceleur. Lent et digne d'une des nombreuses quêtes proposées par le jeu vidéo, la bande dessinée prend le temps de nous faire apprécier les personnages avec des dialogues réussis avant de partir dans une seconde phase, malheureusement un peu vite expédiée. On aurait aimé que Paul Tobin nous propose des scènes d'action dignes des premiers dialogues échangés entre Geralt de Riv et le chasseur.