Une mise en lumière inédite

Pour la première fois depuis la (relative) démocratisation de la réalité virtuelle, l'E3 a accueilli un événement dédié à la technologie, ce qui n'a pas manqué de ravir les plus fervents défenseurs des différents périphériques du marché. Sur l'impulsion du site spécialisé Upload VR et d'une bonne poignée de développeurs, le E3VR Showcase s'est tenu le 11 juin dernier en fin d'après-midi. À la manière d'un Nintendo Direct, l'événement était une vidéo pré-enregistrée qui s'est employée à détailler le catalogue à venir pour les supports dédiés à la réalité virtuelle, qui se sont grandement multipliés ces derniers temps, créant au passage une offre parfois confuse pour toute personne ne suivant pas de près l'affaire.

Pendant plus d'une heure, de très nombreux titres se sont succédé et ont eu pour mérite de couvrir un vaste panel de supports. Oculus Rift, Oculus Quest, HTC Vive, PSVR et d'autres ont donc été mis à l'honneur et de nombreuses licences ont été présentées. Le Showcase a été l'occasion de dévoiler dans la meilleure période possible que la réalité virtuelle n'est pas morte, et que nombreux sont les studios qui s'attellent à la faire vivre. Le fait de s'offrir une vitrine dans le cadre de l'E3 est un marqueur fort du l'intérêt sérieux apporté par l'industrie à la réalité virtuelle et constitue une occasion immanquable de dévoiler aux joueurs curieux le panel d'expériences possible de vivre avec un casque vissé sur la tête. Mais est-ce cependant suffisant pour affirmer que la VR est parvenue à s'extirper de son statut de bête curieuse du jeu vidéo ? Pas si sûr.

Comme un air de déjà vu ?

Si l'on dresse le bilan des jeux annoncés dans le cadre du VR Showcase, il est aisé de constater que ce n'est pas nécessairement la diversité qui a primé ni la réelle innovation. Effectivement, nous avons pu assister à un grand déballage de shooters, de petites expériences ne se prenant assurément pas au sérieux et d'autres titres, plus solennels, mais qui rappellent des jeux déjà vus auparavant, que ce soit en VR ou sur les plates-formes traditionnelles. S'il y a bien eu quelques titres se démarquant du lot, difficile aujourd'hui d'affirmer qu'à l'issue de l'événement, quelque chose de vraiment nouveau semblait se profiler du côté de la réalité virtuelle. Si certes, nous avons pu constater que la pratique parvenait peu à peu à proposer de véritables jeux vidéo plutôt que de courtes expériences, le joueur ne suivant qu'avec peu d'assiduité le média n'y verra sans doute qu'une redite un peu plus soignée du catalogue déjà en place. En outre, pour l'heure, rares sont les « gros » studios, ou du moins les plus connus et populaires, qui investissent leur budget pour ce marché qui a grand-peine à sortir de sa niche.

L'effet pervers de ce E3VR Showcase est qu'il donne le sentiment que la réalité virtuelle fait bande à part. Si le coup de projecteur donné par cette conférence dédiée est en soi une bonne nouvelle pour les amoureux de la VR, l'absence de mention dans les autres conférences est assez préjudiciable à la démocratisation de la pratique. En effet, les conférences des éditeurs et constructeurs des années passées avaient régulièrement l'occasion de dévoiler un ou deux projets à destination des différents casques du marché. Ubisoft, Sony, Bethesda, le PC Gaming Show... les mentions de la réalité virtuelle n'étaient pas rares depuis quelque temps. Cette année, en l'absence de Sony qui est encore actuellement le constructeur le plus enclin à promouvoir la technologie, la réalité virtuelle a connu un grand vide là où pourtant l'exposition au grand public était la plus forte. Xbox laisse Microsoft gérer la promotion des Windows VR et n'a cette année pas évoqué ses ambitions de réalité augmentée, sorte de technologie satellite de la réalité virtuelle. Ubisoft n'a, a priori, rien de prévu pour la VR dans ses prochaines sorties, tandis que Square Enix et Nintendo n'ont toujours pas montré dans cette édition une quelconque inclination pour elle. Seul Bethesda a cette année poursuivi sa volonté de décliner ses licences en réalité virtuelle avec la présence (succincte, au demeurant) de Wolfenstein Cyberpilot.

La VR dans un cercle vicieux

C'est alors une sorte de cercle vicieux qui se crée. La réalité virtuelle suscite plusieurs émotions négatives chez les joueurs, ces émotions n'étant pas nécessairement justifiées compte tenu de l'état de la technologie et de son offre, mais parfaitement justifiable au demeurant. Peur du motion sickness, catalogue paraissant assez peu fourni ou limité à des « petits jeux », configuration contraignante pour jouer... nombreux sont les arguments justifiant l'absence d'engouement massif pour les différents casques. Partant de ce constat, le public réfractaire à la VR ne se précipitera sans doute pas vers un événement dédié et n'en entendra pas non plus parler dans la conférence de l'éditeur ou du constructeur qu'il affectionne. En l'absence de médiatisation plus poussée, difficile pour la réalité virtuelle d'attirer un auditoire sceptique dans son giron et, par voie de conséquence, de s'assurer un parc de casques suffisamment étendu pour attirer des investissements conséquents.

La réalité virtuelle a un statut à part dans le jeu vidéo. Outre la nécessité d'investir dans les périphériques coûteux, c'est aussi dans la nécessité d'être essayée avant de convaincre que la VR trouve ses limites. Difficile effectivement de retranscrire l'immersion incomparable offerte par les casques par l'intermédiaire d'un simple trailer, qui ne rendra pas justice aux sensations de jeu, là où un titre traditionnel peut déclencher l'achat par la seule promesse de son univers. En s'esquivant des conférences que l'on qualifiera de généralistes, la réalité virtuelle s'ampute d'une grande portion de sa visibilité, visibilité pourtant indispensable à sa réelle émergence. Ceci étant, dans un E3 que d'aucuns considèrent comme étant de « transition » avant le déclenchement de la nouvelle génération de machine, rien n'indique que la réalité virtuelle ne s'invitera pas à nouveau sous le feu des projecteurs lors des grands événements du jeu vidéo.

La VR s'est trouvée dans une situation paradoxale à l'issue du lancement de cet E3. Jamais autant mise en lumière et jamais aussi absente des regards du grand public, la réalité virtuelle a prouvé la solidité de sa crédibilité par la création d'un Showcase dédié, mais a aussi confirmé son statut de « niche » en brillant par son absence dans les conférences généralistes. Difficile d’affirmer, encore aujourd'hui, que la réalité virtuelle arrivera un jour véritablement à se démocratiser en raison de sa philosophie à part dans l'industrie. Et pourtant, la pratique a énormément à offrir... encore faut-il convaincre et se donner les moyen de convaincre le public réfractaire.

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