Plus d’un mois après le début du mouvement social contre la réforme des retraites, la lassitude des usagers grandit, alimentant les discours du gouvernement sur la « prise d’otage ». « Il y a des lignes à zéro train depuis des semaines, et ça pourrait continuer, observe ainsi Jean-Claude Delarue, de SOS-Usagers. Le moment commence à venir, où les syndicats doivent se demander si leur mode d’action est efficace. » Pour autant, pas question pour ce militant chevronné de lâcher la mobilisation sociale : « Il faut remplacer la grève blocage par une grève de la gratuité », estime-t-il. Son association se bat depuis plus de dix ans aux côtés du syndicat Sud-Rail pour faire reconnaître cette modalité de lutte, qui consisterait, « à faire circuler normalement les trains, sans que les contrôleurs ne vérifient les billets, et sans que les vendeurs ne vendent de billets », explique Jean-René Delépine, membre du bureau fédéral de Sud-Rail.
Si l’idée paraît séduisante, elle a toujours été rendue impossible par les gouvernements successifs et par les dirigeants de la SNCF. La « grève la pince » existait ainsi dans les années 1970 et 1980, quand des contrôleurs revendiquaient de ne pas verbaliser — de ne pas poinçonner, d’où la pince — les voyageurs. Déjà, « ces agents pouvaient être mal notés et avoir un avancement plus lent, ou bien recevoir des sanctions, rappelle M. Delépine. Mais le rapport de force ouvrier était différent, et dès lors que des équipes étaient soudées, la direction pouvait parfois hésiter à susciter une “vraie” grève sur un dépôt parce qu’elle aurait prononcé des sanctions lourdes sur un agent militant syndical ». Sauf que la situation sociale a depuis changé, et il est désormais très compliqué pour un agent ferroviaire de mener une telle action : « On risque des sanctions disciplinaires lourdes, précise le syndicaliste. Ça peut aller de l’avertissement au blâme, à la mise à pied, à la rétrogradation, voire à la mutation ou à la radiation, qui équivaut à un licenciement. »
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