Salut

J'écris sur ce forum pour vous faire part d'un "problème". J'ai récemment décidé de me mettre à l'écriture, après de longues années à en avoir envie, je me suis dit qu'il était temps. J'ai réalisé quelques premiers écrits, dont on m'a à la fois dit que c'était correct (de la part d'un auteur publié en ME) mais les critiques ont également (et heureusement) été de mise. Principalement, mon style semble manquer de spontanéité.

Aussi stupide que ça ait l'air, cette remarque me paralyse depuis, car je ne comprends pas vraiment ce que cela signifie d'être spontanée en écriture. C'est d'ailleurs même, à mes yeux, très incompatible, mais j'ai bien conscience que je me trompe. J'ai juste du mal à l'admettre.

Concrètement, spontanée ça veut dire quoi ? Ecrire comme on parle ? Est-ce vraiment souhaitable ? A partir du moment où on réfléchit un minimum à sa phrase ou qu'on prend seulement la peine de la réécrire, on est plus du tout dans la spontanéité mais dans la réflexion... Donc je comprends pas "comment" je dois écrire. Si j'écris les mots comme ils me viennent, c'est extrêmement brouillon et pas agréable la plupart du temps. Si je réfléchis trop, mon style semble un peu trop plat et fade, critique avec laquelle je suis en partie d'accord.

Du coup ça a l'air bête mais, il y a des auteurs chevronnés susceptible de m'éclairer ? Je bloque pas mal depuis quelques jours

Je pense que c'est clairement un des premiers reproches que l'on se prend naturellement lorsqu'on commence à écrire : manque de spontanéité, trop d'emphase dans l'écriture, etc.

Ce qu'on entend par spontanéité est, comme tout ce qui touche à l'écriture, forcément un peu abstrait. Si tu veux, la spontanéité perçu dans un texte, c'est l'illusion qui doit faire croire au lecteur que le texte est venu comme ça, d'un coup, d'un bond, naturellement, ainsi qu'un éclair, aussi rapidement. Bref, c'est l'illusion du naturel, de l'authenticité.

Pour ça il y a plusieurs critères. Basiquement, au niveau du lexique, est-ce que ça colle avec l'époque dans laquelle se déroule l'intrigue, le contexte social, les thèmes abordés ?

Après, en rapport avec les même critères, c'est la cohérence de l'époque, genre, et contexte social, avec la ponctuation, la manière de dire les choses, par les personnages et le narrateur...

Enfin, le plus important, l'efficacité de la communication. Est-ce que les informations, le déroulement, les émotions, impressions et réflexions sont limpides et s'agencent bien dans le texte ? Sont-elles aisément compréhensibles pour le public visé ?

Si tu veux, pour t'exercer, penses une situation, fait un premier jet d'un paragraphe, rapidement, sans te relire, puis corrige en gardant peu ou prou la même structure, les même images, sans ajout aucun, en fluidifiant seulement la chose pour viser quelque chose de limpide. ça devrait te donner une image de ce que c'est.

Oui quand t'écris de façon spontanée, c'est vraiment écrire quelque chose qui te vient en tête parce que quand t'écris un livre, il faut que tu sois toi-même impliqué dans ton écrit et que tu fasse passer des émotions. En gros, tu dois imaginer les scènes et essayer de les retranscrire le plus précisément possible. Donc oui c'est souhaitable, parce que ça te donne de l'intensité et aussi du suspense. Si tu réécris à chaque fois parce que tu n'es pas satisfait, au bout d'un moment tu n'as plus de suspense et ça devient trop prévisible et ça fait comme si tu réfléchissais beaucoup trop.

Après ne t'inquiète pas, c'est normal au début d'écrire n'importe quoi et de pas être entièrement satisfait de son travail. Moi-même ça été le cas et c'est tout à fait normal de faire des erreurs. Je suis passé de faire des écrits brouillons à des écrits beaucoup plus long, un peu plus descriptifs et plus spontanés aussi. Donc la seule solution pour toi, c'est de continuer d'écrire encore et encore et au bout d'un moment tu finiras par avoir un bon truc.

Je comprends ton problème, j'ai eu un gros blocus qui a bien duré deux ans à cause de ça. Si ça peut t'aider, voilà la façon dont je m'en suis tiré, mais je sais pas si ça va marcher pour toi.

Concrètement, avant j'essayais décrire Ave un style recherché, très littéraire, très musical, de sentir le rythme des phrases, d'utiliser de belles tournures, de limiter les répétitions. Bref, d'avoir un style riche et beau selon les critères que je connaissais.
Ces critères, c'était ceux de mes lecture, à savoir beaucoup de romans du XIX, de la fantasy, en bref des trucs très classiques et léchés, bien faits, passé simple et tout.

Finalement j'ai plus réussi à rien écrire pendant très longtemps. Puis j'ai commencé il y a quelques mois, suite à de grosses remises en question dans ma vie personnelle, à beaucoup écrire sur moi, en mode journal. Donc c'était très spontané, très oral, parfois je m'enregistrais même pour le retranscrire plus tard, tel quel. Je m'en foutais du style, et paradoxalement il a commencé à naître, par fragments, par envolées, parfois en relisant mon journal je me disais "waouw ça claque putain".
Et là depuis un mois je me suis remis à écrire de la fiction, mais plus du tout de la même façon qu'autrefois. Le style que j'utilise est très oral, lapidaire, parfois vulgaire, et des fois il s'envole tout seul vers quelque chose de lyrique. Pour te dire combien ça m'a débloqué, après deux ans passés sans rien produire ou presque, là en l'espace de deux ou trois semaines j'ai écrit 60 pages.
Donc bien sûr c'est très brut et ça devra absolument être retravaillé, mais au moins je produis du texte et c'est une base de travail qui vaut 1000 fois plus qu'une page toute blanche.

Écris de façon crue et animale, rythmique, sensuelle. La beauté du style naîtra d'elle même si tu as la sensibilité qu'il faut pour écrire. Tout le reste c'est des ajustements et de la réécriture.

Encore aujourd'hui j'ai aucune idée de quelle est la meilleure manière d'écrire

Ma toute première expérience avec l'écriture ça a été très spontané justement, j'ai tendance à aller à l'essentiel, à écrire assez "cash", et à déposer de temps en temps quelque chose d'un peu plus fin pour décorer. Et on m'a toujours dit que c'était "ciselé", "précis", presque minimal finalement.

Avec le temps j'ai essayé d'intégrer de plus en plus de formes littéraires, en m'éloignant un peu du côté oralisé, en proposant plus de digression de la part du narrateur, pour donner à ce qui est raconté l'épaisseur de celui qui le raconte.

Et des fois je lis mes textes "bruts" et j'ai la sensation qu'il manque quelque chose, alors qu'inversement je vais en lire où j'en ai fait des caisses sur le style et ça devient imbuvable. Si l'une des deux tendances se dégageait clairement ce serait plus simple, mais la réalité c'est que dans les deux cas c'est une question d'équilibre, et dans les deux cas ça peut être très nul ou très bon selon la justesse de ton oreille.

En tout cas parfois faut faire confiance à la spontanéité. J'ai certains textes auxquels je ne trouvais aucun style en comparaison avec les auteurs référence, des textes très cash et très proches de comment je pourrais parler, et dès que je les ai donnés à lire tout le monde m'a dit qu'il se dégageait justement quelque chose de très beau là-dedans.

Exerce-toi dans les deux, vois les retours, moi je cherche encore

Concrètement, spontanée ça veut dire quoi ? Ecrire comme on parle ?

Comme tu penses, plutôt. Ecoute-toi penser. Quand tu parles tu parles jamais vraiment de la manière dont tu voudrais que ça sorte. Si tu enregistres un dialogue réel et que tu le réécris ce sera probablement pas terrible. Si tu essayes d'imiter quelqu'un de plus lettré que toi, ou qui n'a pas tout à fait la même personnalité, ce sera nul aussi.

Cerne ta personnalité, écoute-toi penser, dialogue dans ta tête sans chercher à imiter qui que ce soit -pas même ta propre façon de parler à voix haute - et retranscris ça. Ta manière spontanée, en pensée, d'arranger les mots.

Merci pour vos formidables messages, je viens de tout lire je ne m'attendais pas à des réponses aussi développées et nombreuses. Je suis actuellement dans l'impossibilité de faire un long message mais je reviens vers vous très bientôt pour vous répondre (réponses qui serviront surtout à vous dire merci) de manière un peu plus élaborée que ça.

Encore merci les amis !

Vos messages m'ont rassuré et éclairé, du moins je pense, que ce soit avec les Conseils de Julien-Gracq où les retours d'expérience de Lucide et Caramel. Je vais tâcher de surmonter ce doute qui me prend aux tripes à chaque fois que je me retrouve face à une page blanche, je verrai où ça me mènera.

Néanmoins j'ai une autre question, peut-être un peu moins dans le sujet : Vous pensez que ça peut valoir le coup de s'atteler à l'écriture d'un projet personnel type roman avec une plume débutante ? Je me dis que ça serait gâcher une bonne idée (d'un point de vue subjectif) avec des qualités techniques pas encore mûres. Je participe à des concours de nouvelles également pour m'entraîner, mais je vous avoue que les sujets imposés sont très orientés "fiction" à l'état pur, ce qui ne me plaît pas des masses. Bref je m'égare.

Au risque de me répéter, encore merci à vous

Les nouvelles c'est bien mais ça fonctionne pas tout à fait comme les romans, donc tôt ou tard tu vas devoir "sacrifier" une idée de roman histoire d'avoir une première expérience, ce sera probablement pas parfait la première fois

Donc bon, pour se lancer en premier roman évite de commencer par une idée dans laquelle tu places tous tes espoirs

Pour être spontané il faut apprendre à écrire puis oublier que l'on a apprit à écrire.