Bonsoir,

Je débute en poésie et, souhaitant m'améliorer, je pense qu'il est bon que je partage mes poèmes. Je les posterai au fur et à mesure dans l'espoir que de bonnes âmes prennent de leur temps pour les lire et me faire part de leurs critiques.

Bonne soirée à tous.

Je commence par un vieux poème écrit il y a plusieurs années, je ne sais pour quelle raison.
Je suis conscient qu'il y a des erreurs de versification mais je préfère le garder intact.

Ici, à l'heure où les marteaux cognent et assomment,
Où les tournevis tournent et vissent, tristes, nous sommes.
Clairs tambourins du Diable,
Accordeurs insatiables.
Sifflement de vapeur salvateur pour les grands,
Désespoir grinçant pour les plus modestes gens.
Elle court, elle court gaiement,
Elle siffle férocement
Cette machine à tout faire plus large, plus haut,
Beaucoup plus, par centaines, par milliers au bas mot.
Vive, grise et fuyante,
Elle s'échappe et elle chante,
Brûlante, la vapeur de ces fournaises d'acier.
Grande Inquisitrice qui ne sais que sacrifier,
Cruelle et monstrueuse,
La voici la tueuse.
A jamais elle dictera la marche des hommes,
Pour le plaisir fou de bedonnants économes.
Forger moins, plus humain,
Plus jamais, Pas demain.
Ici, à l'heure où les marteaux cognent l'enclume,
Où les tournevis tournent et vissent, triste nous fûmes.

Ce poème très bref date de la semaine dernière.

Highlands

Ces montagnes vertes le temps les a pelées.
Hautes Terres d'anciens autrement appelés
Pictes taillant roche grise, massive, moussue,
Élevant monolithes, et le vent à l'insu
De tous ces hommes fiers, alors ronge la pierre.

Ce sonnet est assez personnel mais je souhaiterais avoir des avis critiques et une éventuelle correction du point de vue de la versification.

Je suis cette route tordue telle mes tripes,
Pour un voyage bref que je rêve sans fin
Par delà ces sentiers, jusque dans les confins
De ton être, soudain, mes pensées se dissipent.

Deux cerfs à fleur de ciel, anges muets d'un soir.
Ces témoins innocents d'une odieuse torture
Œuvrent à nouer un lien tressé d'intuition pure,
De froid et de chaleur imprégnant ma mémoire.

Il faut maintenant quitter, sur ce qui délaissé,
Cette âme que j’étreins de toutes mes pensées.
Un simple effleurement comme dernier contact

Et pendant un instant, de ma conscience fuit
Le fardeau accablant qui gardera intact
Ce feu inattendu s'éloignant dans la nuit.

On sent la maladresse des débuts, mais il y a du bon aussi, de quoi espérer un poète décent.

Le premier poème gagnerait à être plus violent ou mordant dans les images et la critique, même si le thème est éculé et qu'on n'y croit plus, car les conditions de travail en usine se sont quand même nettement améliorées depuis le 19e siècle... Le rythme de ton poème ne nous emporte pas suffisamment, même s'il y a des choses intéressantes (l'alternance de vers longs et de vers plus courts, la reprise à la fin des deux premiers vers, légèrement altérés ; mais l'adjectif "tristes" est trop faible ici). Tu t'es senti obligé de faire des rimes et ça se sent à la lecture, hélas. Dans ce cas, mieux vaut ne pas en faire. Et puis le choix des rimes plates est malheureux, le poème en devient monotone, avec un côté mirliton. Pour rendre agréables les rimes plates, il faut une prosodie parfaite, voire un accompagnent musical, ce qui n'est pas le cas ici... Je relève d'autres maladresses : "elle court gaiement", "au bas mot" (évite les expressions toutes faites en poésie, sauf si c'est pour jouer avec elles), "Grande inquisitrice" (c'est plutôt un bourreau...), "sacrifier" (un peu trop abstrait).

Je ne m'attarderai pas sur le second, qui ne m'a pas du tout emporté ; j'ai même eu des difficultés à le lire tant la syntaxe est maladroite et le rythme inexistant. Et pareil, les rimes sont forcées... Alors que le sujet était potentiellement puissant et qu'il y avait matière à transporter le lecteur.

Ton sonnet est obscur, syntaxiquement maladroit voire incompréhensible par moments (le premier tercet ??) et trop souvent abstrait, mais comporte parfois des images intéressantes (la route tordue comme les tripes, j'aime beaucoup par exemple). Au niveau de la versification les e muets posent problème. Parfois tu les comptes, parfois non. Du coup :
Le vers 7 comporte minimum 13 syllabes, voire 14 si l'on respecte la règle étymologique concernant la diérèse d'"intuition".
Le vers 9 comporte 13 syllabes (main-te-nant).
Et si je veux pinailler, "odieuse" doit normalement prendre une diérèse.
La césure à l'hémistiche du premier vers tombe bizarrement (sur le "te" de route, mais si l'on met du coup l'accent sur "rou", ça va, ça passe plutôt bien en fait).

Merci beaucoup. Je suis ravi que tu ais pris le temps de formuler cette critique. J'ai lu l’intégralité de tes Grotesques et je dois dire que je suis assez admiratif.
Je prends note de tes remarques. Je m'appuierai sur elles pour remanier mes poèmes. Concernant le premier toutefois, je le laisse dans son jus. Il est bien trop vieux et aujourd'hui le sujet me fait rire tant il est niais.

Bonne soirée à toi.

Par ailleurs, aurais-tu des conseils d'ordre plus général ? Des œuvres à lire absolument selon toi ou des guides de versification de qualité peut-être ?

Si tu veux un ouvrage technique sur la versification, je te conseille celui de Michèle Aquien (La Versification, chez Puf). C'est le genre de livres qu'il faut bien lire et ensuite bien oublier, pour éviter une écriture trop scolaire.

Du reste, lis et relis les grands auteurs classiques et modernes qui ont pratiqué les formes fixes, pour t'imprégner des différentes musiques du vers français tout en te faisant une idée de comment tordre les conventions poétiques à ton avantage. Pour briser une règle, il faut d'abord la connaître.

Tu auras du mal au début à te défaire de l'influence de tes modèles, et celle-ci sera toujours perceptible en réalité (ce n'est d'ailleurs pas un mal) ; mais ne t'inquiète pas, on finit toujours par trouver sa voix.