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Sujet : J'ai l'impression d'avoir trouvé enfin mon propre style !

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TetraYuga TetraYuga
MP
Niveau 9
04 juin 2018 à 19:16:50

Je ne sais pas si vous appréciez, mais après des années d'écriture et de lecture, j'ai enfin trouvé le rythme que je voulais donner à mes phrases.

Je me lève à nouveau et regarde mon reflet dans la glace ; je n’ai pas même vingt-six ans et rien de ce que ne veut m’offrir l’Âge Immonde ne pourra apaiser ma soif… Partout, on m’exhorte de faire des efforts, de m’intégrer, de me trouver une place, de faire mon trou… la télévision fait miroiter dans mon esprit des gloires factices, des destins prémâchés, normalisés, light et sans gluten… partout je vois célébrer la joie de l’animal domestiqué, bardé de ses diplômes d’état, qui sont autant de médailles de sa démission d’homme… Partout, je vois ces mêmes héros de supermarché auquel on m’autorise de m’identifier… ces vedettes low-cost du monde libre, qui à chaque nouvelle parole me rappelle combien l’ordre planétaire a déclaré la guerre à l’esprit… Pas une journée, pas une heure, sans que ces prophètes de la marchandise, prospérant sur notre désespoir à tous, ne viennent infuser à mon cerveau leur litanie d’horreur, leur rêve d’un monde sans limite... unifié par l’amour du vide… habité par une race d’hommes unique, sans patrie, sans gloire et sans passé… affairés dans des tombeaux de verres… chantant la victoire des idoles de l’ère moderne, tous avides du même mensonge ! Toujours, ces prophètes, nous les voyons rapetisser l’homme, l’humilier, le dépeupler de lui-même… du peu de génie qu’il lui reste… jusqu’à ce qu’il finisse par adorer ses maîtres… accepter de bonne grâce son destin de morts ambulants, de citoyens-machines ! Déjà, la planète s’est transformée en une salle d’attente, où tous les peuples, soumis en rang serrés à la puissance borgne de l’Âge Marchand, attendent la dernière vaccination qui les libérera enfin de ce passé trop libre et trop suspect… qui pourrait ralentir l’irrésistible marche de Mammon.

Ainsi, c’est dans cela qu’on me demande de trouver une petite place, où couler des jours heureux dans l’attente du désastre… ? Qu’on me demande de continuer à ingurgiter ma potion quotidienne de cyanure… ? Qu’on me demande de rester sourd au cri de notre Terre et de mettre le volume de la télévision plus fort s’il le faut… ? C’est dans cette chose que je suis tenu de croire, de me réjouir et de prospérer… ? Ô combien la terreur est aujourd’hui plus pernicieuse, plus efficace… se drapant du manteau de la vierge… rendant coupable de blasphème celui qui a l’audace d’appeler une prison une prison… C’est cela la violence symbolique, plus terrible encore que le hurlement de la lame, que le foudroiement des bombes… car cette violence, invisible et omniprésente, veut se faire passer pour une main tendue… L’assassin aujourd’hui est un parfum si diffus qu’il nous fait presque douter de son existence… et voilà tous ces gens qu’on entend finalement s’écrier : « Tout n’est pas si mauvais… C’était pire hier. » Hier ? Hier au moins personne n’était dupe que le poignard avait l’odeur du sang.

Je caresse mon visage, mes joues osseuses, mon front pâle, mon nez tordu, et je pense : cette chose morcelée que je vois dans la glace, de qui est-elle la propriété ? Dans le reflet s’illuminent les tours de la Défense, planant sur ma tête comme une couronne d’acier. Ne suis-je qu’un ouvrier de la Termitière… comparable à tous les autres… ? condamné depuis mon premier jour à nourrir le projet funeste des maîtres de la Terre… ? Ai-je encore un libre arbitre… une volonté qui m’est propre… ? tandis que partout des hommes ont vocation de penser à ma place, de croire à ma place, de jouir à ma place… ! Suis-je en train de perdre la tête… ? car à chaque image, à chaque film de l’industrie, au croisement de chaque rue, j’entends la même voix retentir : « Ce monde, il n’y a que ça… que ça… que ça… » Bientôt la voix se transforme en sifflement… et les visages des publicités se mettent à rire… un rire sec, affreux, sardonique. Je vois l’enfer, suave, monter du sol… écornifler mes poignets, engluer ma nuque, l’éther en putréfaction qui murmure : « Que ça… que ça… que ça… »

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
04 juin 2018 à 19:56:15

Coucou Beigbeder :hap:

TetraYuga TetraYuga
MP
Niveau 9
05 juin 2018 à 01:41:00

Beigbeder, ah bon ? :hum:

[QuarryDuluoz] [QuarryDuluoz]
MP
Niveau 7
05 juin 2018 à 03:31:34

La 25e heure ?

Hier ? Hier au moins personne n’était dupe que le poignard avait l’odeur du sang.

Si je trouve l'ensemble quelque peu cliché, cette phrase en est symptomatique à mon sens.

A mon sens, le principal problème de l'alliance entre le propos et l'utilisation des points de suspension est que si ça souligne la lassitude, c'est aussi redondant, et lourdaud même sur trois paragraphes ; on voudrait attraper le personnage par le colback lui mettre deux soufflets dans les gencives ("Oh ! Vieux ! c'est bon ton apitoiement mais c'est pas comme ça que ton histoire va avancer !").

Déjà, la planète s’est transformée en une salle d’attente

Ça j'aime bien — moins le reste de la phrase.

Dans le reflet s’illuminent les tours de la Défense, planant sur ma tête comme une couronne d’acier.

T'aurais dû mettre la Tour Eiffel aussi, scintillante au loin, dans le smog, seul point de lumière dans la nuit dénuée d'astres — bon, je taquine, mais à nouveau, ça tombe dans le poncif, à l'instar des autres images :

Ô combien la terreur est aujourd’hui plus pernicieuse, plus efficace… se drapant du manteau de la vierge… rendant coupable de blasphème celui qui a l’audace d’appeler une prison une prison…

C'est pesant, ronflant, et, également, je vois que tantôt une majuscule derrière les points de suspension, tantôt une minuscule ; faudrait pas se fixer un établir une charte à moment donné ? (M'enfin, là c'est de l'enculage de mouches que je fais.)

Voilà, grosso merdo, c'est pô franchement original quoué — du Fight Club, sauf que l'écriture de Palahniuk est plus caustique, plus ciselée, et moins victimaire. Victimaire car il n'y a pas critique ou quoi que ce soit dans ton texte, juste une énumération assez scolaire, qui n'esquisse plus qu'elle ne décrit, et un personnage qui se plaint, bêtement — mais là, je me paraphrase.

Ça n'est que mon avis bien sûr, mais en postant ici, tu t'ouvres à la critique. Et à mon sens, pour avoir une bonne plume, au-delà d'une histoire stylistique, il faut aimer le monde dans lequel on vit ; l'aimer, non pas l'apprécier mais l'aimer, inconditionnellement, tout en sachant rester lucide.

Un exercice de jonglage qui requiert de la pratique, encore de la pratique, et toujours de la pratique — et j'ai moi-même encore du chemin.

TetraYuga TetraYuga
MP
Niveau 9
05 juin 2018 à 03:43:16

Oui, merci pour ta critique ! C'est vrai que certaines parties sont un peu lourdes. Pas facile d'écrire... Bon, et ce passage, tu en penses quoi ? Je pense éviter le côté trop dogmatique.

J’entends soudain des éclats de rire. Un groupe de fêtards remonte la rue ; ils braillent, ils chantent, ils falsifient le mouvement de la vie, leur gaité forcée raisonne comme un défi lancé à la face du monde… ! Mais les tours de la Défense, attentives dans le crépuscule, se déploient au-dessus d’eux en un essaim de chauves-souris… tapies dans le noir, attendant leur heure… amusées de l’insolence provisoire de ces quelques moucherons – travailleurs dociles le jour, révolutionnaires ivres la nuit – trop conscientes que demain, à la première heure, le délicieux festin reprendra… et que le cimetière urbain fleurira à nouveau de ses cadavres ambulants ! J’observe avec une triste fascination le spectacle de ces ivrognes, sans aucun doute des étudiants... Leur hilarité ne trompe personne, surtout pas eux-mêmes : ils sont vaincus, définitivement vaincus… et chaque ivresse est pour eux une renonciation de plus… ! La laideur est chose contagieuse : la putréfaction de cette ville les a saisis au cœur… et malgré une allure juvénile leurs corps voûtés se traînent comme d’âpres corbillards… leur rire ont quelque chose de mauvais à faire frémir… des rires de chroniqueurs télé… dont l’écho a enveloppé toute la ville… et qu’il suffit d’entendre une seule fois pour avilir la conscience à tout jamais !

Ils se rendent vers les nombreux bars du bout de la rue… où flotte dans la nuit glaciale des centaines d’ombres, verres à la main… qui chancèlent dans un secret désespoir sous les vibrations d’une musique électronique, despotique… sans trêve, sans parole et sans âme… ! Reflet d’une époque… on ne danse pas, on est transe… ! Les fêtards battent le pavé de leur cigarette, crachat et vacarme pétrifié… On pourrait les croire échanger, partager, mais, réunis dans leur solitude, ils demeurent en eux-mêmes… ! Ce lieu social est un désert affectif… Chacun, emmuré dans sa propre défonce, observe l’autre à travers un voile…

J’ouvre la fenêtre et tremble un instant sous le faisceau de la lune ; mes ivrognes se sont déjà noyés dans la cohorte des fêtards. Bientôt, la gaieté sous perfusion laissera place à un abîme si grand que même le sommeil lourd ne les délivrera plus d’eux-mêmes… ils se réveilleront, l’âme obscurcie, l’œil tuméfié, honteux d’avoir enterré toujours plus l’enfant qu’ils étaient… ils contempleront avec horreur le jour blanc de la ville et les tours affamés de ce ciel bas… sans vérité… ils se rendront compte que l’ivresse de la veille n’a pas fait disparaître ce mauvais rêve moderne, dans lequel ils devront se glisser à nouveau comme on glisse sa tête dans le creux d’un échafaud…. Il n’y aura pour eux plus qu’une seule chose à attendre : la prochaine soirée… l’éternel retour de la chute… la célébration sans force de leur défaite… le dernier sens d’une existence qui a depuis longtemps cessé de battre… !

[QuarryDuluoz] [QuarryDuluoz]
MP
Niveau 7
05 juin 2018 à 04:23:58

Un autre hibou tiens — quoi que la défonce ne va pas tarder à me border.

Mais les tours de la Défense, attentives dans le crépuscule, se déploient au-dessus d’eux en un essaim de chauves-souris…

Je doute fortement de la pertinence de ton image, entre des tours de verre et d'acier et des chauves-souris, ai du mal à voir le rapport — à la limite la Wayne Tower ; pourquoi pas.

amusées de l’insolence provisoire de ces quelques moucherons – travailleurs dociles le jour, révolutionnaires ivres la nuit – trop conscientes que demain, à la première heure, le délicieux festin reprendra… et que le cimetière urbain fleurira à nouveau de ses cadavres ambulants !

Là y'a une bonne idée, rendre les tours vivantes ça sert bien ton propos, ça anime le système, ça le personnifie — peut-être un truc à gratter du côté de Lovecraft pour le côté tentaculaire, l'emprise maléfique (me dis ça depuis quelques temps).
Mais le cimetière et les cadavres, suis pas sûr, ça sonne faux ; c'que tu cherches à illustrer c'est une entité bien vivante, réelle, tangible, qui déshumanise, aliène, plus qu'elle ne tue — le Système quoi.

Ils se rendent vers les nombreux bars du bout de la rue… où flotte dans la nuit glaciale des centaines d’ombres, verres à la main… qui chancèlent dans un secret désespoir sous les vibrations d’une musique électronique, despotique… sans trêve, sans parole et sans âme… ! Reflet d’une époque… on ne danse pas, on est transe… ! Les fêtards battent le pavé de leur cigarette, crachat et vacarme pétrifié… On pourrait les croire échanger, partager, mais, réunis dans leur solitude, ils demeurent en eux-mêmes… ! Ce lieu social est un désert affectif… Chacun, emmuré dans sa propre défonce, observe l’autre à travers un voile…

T'es dans le cliché pur et dur. Même s'il y a une part de vérité dans ce que tu dis, c'est à nuancer, vraiment. On sent que tu ne connais pas ce dont tu parles, que t'as juste observé depuis ta fenêtre et interprété par le biais de ta seule conception des choses, sans la confronter à d'autres — tout cas, c'est l'impression que ça me donne.

vacarme pétrifié

Ai du mal à saisir l'image je t'avoue.

défonce

C'est pas une critique mais ça détone complètement par rapport au reste de ton vocabulaire.

Pour dernier paragraphe — et l'ensemble du texte à dire vrai — ce sont les mêmes reproches que pour le deuxième ; un jugement trop lourd, illégitime et monochrome de surcroît.

Pour les points de suspension, je te conseillerais de revoir les placements, qui me semblent parfois forcés.

Nuance ton propos, sors, confronte le réel, tords les mots, joue avec la langue, fixe-toi des petits défis quand tu écris — tu t'interdis les répétitions, tu t'imposes d'utiliser tel ou tel terme que tu as appris récemment ; des petits jeux. Ne cesse jamais de penser, de composer des phrases, des vers, que sais-je dans ta tête ; l'exercice, le travail, la sueur (parfois la fureur), y'a que ça.

Personnellement, je conseille la poésie, ou le rap, ça permet de forger la plume à faire du concis, du bref, du cinglant ; et si tu sais être concis et impactant dans ton propos, alors tu peux le développer sans soucis.
(Aussi, lis ton texte à l'oral, c'est méga-giga-ultra-essentiel ; si ça coulisse à l'oral, alors, ça coulisse à l'écrit ; une logique imparable, mathématique).

Après, c'est pas les conseils d'un grand écrivain, loin de là, mais ce sont ceux que j'ai tiré de mes lectures, de mes rencontres, et que j'essaie d'appliquer au quotidien.

Message édité le 05 juin 2018 à 04:26:33 par [QuarryDuluoz]
TetraYuga TetraYuga
MP
Niveau 9
05 juin 2018 à 04:36:03

merci pour ton message. Tu as raison, je prends tes conseils au sérieux. Peux-tu me donner ton avis sur ce dernier extrait ?

Une fois dans le métro, je m’abandonne tout entier à ma douce résignation.
Les stations défilent, le ballet des travailleurs continue. « Croquer dans la pomme », dit la publicité pour le nouveau site de rencontre extraconjugale. L’image de cette pomme, d’un rouge éclatant, flotte au-dessus de la foule comme une lune pourpre, ou un œil radiant. Je me représente maintenant toutes ces cités noires de l’ère industrielle, où les hommes s’entassent, espèrent et meurent à la gloire les Idoles et des masques… L’Homme a-t-il réellement Chuté, privé d’une lumière originelle ? Près de moi, la respiration d’un vieillard imite le sifflement du serpent. La pomme brille de plus belle au fond du wagon... Je contemple le visage des usagers, leurs corps cabossés, leurs yeux égarés, livrés à eux-mêmes dans les espaces éternelles du doute : chaque âme de ce monde traverse seule la grande nuit de l’Incarnation. Le vieillard ricane dans sa barbe, ses yeux sont noirs et coupants comme des ardoises, tandis qu’un mendiant hurle à tout rompre : « Juste une pièce… pour manger ! » Je ferme les yeux et songe : quand donc cette nuit cessera-t-elle ? Quand mes yeux s’ouvriront sur autre chose que les flammes et le châtiment universel ?

Il me vient alors à l’esprit l’image cette petite église qui s’illumine le soir venu, près de mon immeuble ; j’entends souvent l’écho de ses chants, de son orgue irradiant, et je crois reconnaître là, au milieu de cette douce magie, un appel mystérieux. J’éteins donc l’écran de mon ordinateur et observe, dans les ténèbres de ma chambre, la musique irradier comme un oiseau de couleurs. Je ne peux empêcher mes larmes de couler… car la beauté semble s’être invitée jusqu’à moi pour me tirer de mes noires contemplations.
Et quelque chose paraît murmurer : « S’il existe un crépuscule, il doit exister un matin… » Caché derrière mes rideaux, j’observe ensuite la foule des fidèles sortir de l’église.

Ces hommes et ces femmes, réunis dans une adoration dont l’énigme m’est totale, semblent défier, par leur présence tranquille, la frénésie des tours noires et attentives… Par la porte de l’église s’élève une lumière ocre, pâle, douce comme un rêve au coin d’un feu ; à l’intérieur, j’aime imaginer un prêtre au long manteau blanc, enveloppé de chaudes lueurs, chantant les louanges du Royaume éternel, de la résurrection de la chair et de l’Amour de notre Père. Bientôt, nous n’aurions plus à souffrir de la pesanteur de Babel, de cette lente errance aux extrémités du désert et les hommes, devenus humbles à force de souffrance, trouveront au terme de leur long voyage la délivrance dans la pure Lumière…

Alors ce prêtre, me trouvant agenouillé et désespérément affaibli par la maladie du monde, me dirait : « Et cela n’est pas en vain que tu as enduré les conséquences de la Chute… car cette soif que tu ressens jusqu’à la torture à chaque jour de ta vie, dans les entrailles du métro, sous l’ombre de ces tours, dans cette foule sans visage, ployant sous les ténèbres de ta chambre, cette soif a rendu ton cœur si petit et si implorant que le Seigneur sera prêt à t’accorder ce qu’il y a de plus haut. Oui mon fils, la beauté des hommes, c’est la pénitence. Nous ne pouvons voir que parce que nous avons beaucoup sombré. » Alors sorti de l’église, le cœur ivre de trésors secrets, j’hurlerai pour de bon à la face du monde : « Je n’ai plus peur, je n’ai plus peur. Ton emprise sur moi a cessé ! »

J’ouvre les yeux ; le hurlement du métro me tire de ma rêverie. Les travailleurs sont toujours là, et l’image de la pomme continue son emprise silencieuse sur les âmes. Le vieillard, à mes côtés, se met à rire, sans raison apparente, un rire sec, affreux, sardonique… ! Et son rire raisonne à mes oreilles en ces termes : « L’homme est né de la nuit et retournera à la nuit. » Tandis que le métro avance lentement dans les entrailles de la Bête, je me demande si l’église, près de mon immeuble, n’était-elle pas qu’un rêve, un ultime mirage… ? Et l’espoir d’une rédemption, le dernier sursaut avant la folie… ? J’aimerais crier à ce vieillard : « Cesse de rire, démon ! » Mais le mal est déjà fait et le doute s’insinue lentement en moi : « Prisonnier à jamais du théâtre des ombres, nulle délivrance pour la créature sans créateur ! »

[QuarryDuluoz] [QuarryDuluoz]
MP
Niveau 7
05 juin 2018 à 04:48:18

Pour le deuxième extrait

ils falsifient le mouvement de la vie

C'est une jolie tournure, une jolie image.

En fait, pour parler de ton style de manière globale, je le trouve forcé, lourd — à l'instar de ton propos — baudelairien de gare.

âpres corbillards

Ça ne veut rien dire et ça fait faussement beau, soutenu.

le délicieux festin

Pléonasme ; un festin c'est forcément délicieux.

musique électronique, despotique

Orf, despotique ; je vois ce que tu veux dire mais ça laisse une grimace ; c'est maladroit.

Et je pourrais continuer encore tout le long.

Tu ampoules trop tes phrases, trop d'adjectifs, beaucoup trop, ça étouffe ; pour savoir broder, il faut déjà avoir appris à coudre.
Concentre-toi sur l'essentiel et va droit au but.

ce mauvais rêve moderne, dans lequel ils devront se glisser à nouveau comme on glisse sa tête dans le creux d’un échafaud

En revanche ça, c'est super percutant !

la célébration sans force de leur défaite

Le truc c'est que tu expliques qu'ils s'oublient justement — catharsis tout ça tout ça — l'oxymore est bancal, même si je vois à nouveau ce que tu cherches à dire.

-----------

M'enfin, ma critique est un peu décousue, m'en excuse.

Si tu veux que je détailles, dis-le moi.

Message édité le 05 juin 2018 à 04:49:01 par [QuarryDuluoz]
TetraYuga TetraYuga
MP
Niveau 9
05 juin 2018 à 04:57:39

Pas besoin de détailler, je vois ce que tu veux dire... c'est que je recherchais en venant ici, avoir un avis objectif. Je pense que je suis parti dans un délire très cliché, c'est vrai... le poète maudit, oui c'est clairement lourdingue. L'histoire, c'est un mec complètement dépressif qui regarde le monde, se balladant au hasard des rues. ça n'a pas vraiment de sens. Je te pose un dernier passage pour que tu es une meilleure idée. Oui, je serai d'accord que tu me donnes ton avis détaillé.

1

D’autres fois, le métro s’arrête brusquement au milieu d’une galerie ; l’obscurité envahit tout. Je dois me resigner à relever la tête, je regarde le visage inquiet des autres usagers. Cette brève interruption dans le cours robotique de nos journées est dangereuse à bien des égards, car soudain, en même temps que la panne, vient le doute… Qui suis-je ? Que faisons-nous ? Vers quel but ? Pourquoi sommes-nous là, à nous regarder sans nous connaître, dans les ténèbres de ce tunnel sans fin… ? Il y a dans cette attente du retour de la lumière, du retour du mouvement et du bruit, la hâte fébrile du chien qui attend l’arrivée trop longtemps retenu de son maître…. car déjà, à travers le sol, s’élève un silence opaque, insupportable à écouter, plein de vertiges et de secrets enfouis... Les murs de notre manège psychique s’étiolent lentement… l’irréalité de nos existences nous saisit à la gorge, tandis que des choses semblent s’éveiller au cœur de l’obscurité. Au fond du wagon luit faiblement une citation : « Ce qui est visible n’est que le reflet de ce qui est invisible. » Je croise le regard d’une vieille femme, dont les yeux béants ressemblent à des cristaux de lune. Je sais qu’elle a vu aussi… qu’elle sent cet appel venu des entrailles de la terre, venu de cette Autre Nuit, qui profite de ces quelques failles de notre journée pour nous rappeler sa présence mystérieuse, insondable, comme une porte étroite abouchée à l’infini... Le métro n’est toujours pas reparti, certains des usagers, trop effrayés par cette rencontre fortuite avec l’Autre Royaume, se sont réfugiés de nouveau dans la lueur de leurs écrans, mais d’autres tiennent bon… et je crois deviner dans leur yeux une confusion mêlée d’une douce extase… Oui, semblent-ils comprendre, les esprits et les spectres côtoient le monde des vivants… et la matière environnante n’est que le reflet d’espaces infinies, indicibles, fourmillant de vie, de consciences, et de volontés propres… ! Oui, nous sommes des naufragés dérivant à la surface d’un océan sans commencent ni fin… emportés que nous le voulions ou non dans le mouvement de l’éternel devenir… astronautes immergés dans le maelström infernal des réalités… tandis que les yeux grisants de la veille femme se mettent à rayonner comme des phares venus d’un pays lointain, et reconnu du plus profond de la conscience… !

Mais voilà que métro se met soudain en branle… les lumières artificielles inondent la rame, les publicités des galeries s’animent à nouveau, avec leurs visages souriants et leurs cocotiers au bord de l’eau… ! L’Âge Synthétique reprend définitivement son empire sur nos esprits... comme un voile anesthésiant, une caresse… un cauchemar ronronnant de plaisir… La vieille dame a baissé les yeux sur son journal, les autres sont à nouveau drapés dans leur parure d’indifférence… le souvenir de cet étrange instant disparaîtra peu à peu des mémoires. Plus rien ne viendra souffler à l’homme la présence de cette Autre Nuit… toujours présente… toujours silencieuse… dont le monde physique semble tirer toute sa subsistance… et l’homme s’oubliera à nouveau en spectacles, en poudres et en lueurs … seule la mort réussira en dernier recours à la ramener de force à sa première et dernière demeure.

*

Je m’écarte de la fenêtre ; une nouvelle vidéo vient d’apparaître sur Youtube : « Comment l’élite occulte va réduire la population à 500 millions d’habitants. » Parfait, je ne pouvais pas rêver mieux. Je m’installe dans mes draps, jette un coup d’œil à ma montre, 3H34, et me prépare à ma dose quotidienne d’apocalypse.

Après dix minutes de visionnage, je suis déjà totalement conquis ; je frisonne d’horreur et d’extase, tout est là… la puce RFID qui sert à marquer la totalité du bétail humain, les chemtrails qui envoient dans le ciel des trainées de poisons chimiques, le projet HAARP et la modification volontaire du climat, le projet Blue Beam et l’annonce d’un nouveau messie extraterrestre, qui serait en réalité un hologramme géant trafiqué par l’élite occulte, afin d’imposer une nouvelle religion mondiale. Par un kaléidoscope de visions cauchemardesques, le monde se révèle à moi sous son jour le plus sombre. Cela a l’effet étrange de m’apaiser, comme si toutes mes angoisses, mes névroses, mon mal-être civilisationnel se cristallisaient en une sinistre épopée d’images, de théories, de vérités révélées… Enfin quelque chose semble être à la hauteur de ce sentiment quotidien d’écrasement, de tromperie… de soumission à un ordre indéfinissable, immatérielle, consubstantielle à la modernité… ! Si le complot des Illuminati n’a pas d’existence objective, il exprime mieux que personne la force du sortilège dans laquelle je me sens glisser chaque jour, au milieu de ces foules gadgétisées, de ces néons de supermarché et de ces clameurs des présentateurs-vedettes…

Dans cette nausée, tout paraît appartenir à une même machinerie infernale, un même œil rougeoyant de malice et de fausseté… si bien que toutes les figures publiques de l’Âge Occulte, de la plus petite égérie du star-système au puissant politicien, me semblent avoir scellé un pacte entre elles... Dans ces instants-là, l’esprit fiévreux, je me mets à observer le monde avec une telle suspicion que chaque nouvelle publicité pour du shampooing me paraît receler un double-langage, réservé aux initiés… ! La nuit venue, au milieu des vidéos de la conspiration, comme enveloppé par des secrets foisonnants et vivants, je me sens appartenir à une communauté d’éveillés… résistants de la dernière heure… ! prisonniers sortis de la caverne aux ombres… ! pourchasseurs du lapin blanc ! Des centaines d’internautes partagent ma fierté et mes doutes : « Si seulement plus de gens s’éveillaient… », « Nous devons rependre la vérité… », « C’est une guerre spirituelle ô mes frères… »

IRL, Bob67, Bain-de-mousse, Carapuce13, Blédard-du78 et tous les autres, nous sommes serveurs, boulangers, livreurs, chauffeurs, poissonniers, étudiants… nous sortons dehors comme des spectres au milieu des ruines, afin de nous acquitter de nos tâches obligatoires, mais la vérité est que nos esprits sont définitivement ailleurs, immergés au plus profond de la Toile… Nous errons parmi nos semblables en étrangers, en dissimulateurs, nos sourires et nos mains tendues sont autant des masques et de ruses… car nous n’avons jamais cessé en réalité de mener une guerre secrète contre ce monde… ! Chaque nuit, drapés dans les lueurs de notre crépuscule, nous recherchons inlassablement des réponses à nos questions : que signifie cette existence au milieu des tours… ? Comment en sommes-nous arrivés là… ? Existe-t-il une volonté à tout ça, humaine ou suprahumaine… ? L’écoulement de la pluie sur la vitre dessine des messages codés ; les théories de la conspiration sont comme les mythes qui servaient autrefois à structurer l’Univers, permettant de tirer du chaos une forme, une volonté. Je me méfie de ces gens qui ne s’attachent pas à au moins une seule théorie de la conspiration, c’est comme cheminer dans une forêt noire sans laisser derrière soi quelques cailloux blancs…

Sous la vidéo du jour, je décide de poster un commentaire, acte suprême de résistance : « Mes frères, la nuit devra tôt ou tard accoucher du jour. » Je n’ai pas besoin d’attendre quelques minutes avant de recevoir une réponse de Zarathoustra 2001 : « Merci à toi… Même si l’âge du Kali-Yuga ne fait que commencer... » Je m’étonne et lance une recherche sur Wikipédia, je vois inscrit : « Le Kali Yuga est le quatrième et actuel âge de la cosmogonie hindoue, il est considéré comme l’âge noir, où la civilisation humaine dégénère spirituellement, où les êtres sont les plus nombreux à souffrir. Il tire son nom du démon Kali. » Je peux lire aussi un texte d’Ovide : « À l’instant tous les crimes se font jour dans ce siècle ; la pudeur, la vérité, la bonne foi, prennent la fuite ; à leur place règnent la ruse, l’artifice, la trahison, la violence et la coupable soif de posséder. »

Cette fois-ci, la fatigue devient difficile à repousser ; mes paupières se ferment inéluctablement. Le sommeil finira par m’emporter, le cessez-le-feu nocturne prendra fin et, dans l’aube génocidaire, la guerre du monde reprendra… une guerre sans victoire, sans héros, sans bravoure, dans laquelle l’homme rejoue inlassablement le spectacle de sa chute… ! Je m’accroche de toutes mes forces à la lueur de mon ordinateur, mais en vain, je vacille… c’est à peine si je perçois encore le battement de la pluie, l’œil radiant de la lune, et déjà je sombre dans un évanouissement total.

[QuarryDuluoz] [QuarryDuluoz]
MP
Niveau 7
05 juin 2018 à 05:11:34

Pour troisième extrait

D'abord, timeline des textes : les deux premiers datent de combien de temps par rapport au troisième, et le troisième date de quand ?

Mais c'est un grand oui sacrebleu.

Une fois dans le métro, je m’abandonne tout entier à ma douce résignation.

Les stations défilent, le ballet des travailleurs continue. « Croquer dans la pomme », dit la publicité pour le nouveau site de rencontre extraconjugale. L’image de cette pomme, d’un rouge éclatant, flotte au-dessus de la foule comme une lune pourpre, ou un œil radiant. Je me représente maintenant toutes ces cités noires de l’ère industrielle, où les hommes s’entassent, espèrent et meurent à la gloire les Idoles et des masques… L’Homme a-t-il réellement Chuté, privé d’une lumière originelle ? Près de moi, la respiration d’un vieillard imite le sifflement du serpent. La pomme brille de plus belle au fond du wagon... Je contemple le visage des usagers, leurs corps cabossés, leurs yeux égarés, livrés à eux-mêmes dans les espaces éternelles du doute : chaque âme de ce monde traverse seule la grande nuit de l’Incarnation. Le vieillard ricane dans sa barbe, ses yeux sont noirs et coupants comme des ardoises, tandis qu’un mendiant hurle à tout rompre : « Juste une pièce… pour manger ! » Je ferme les yeux et songe : quand donc cette nuit cessera-t-elle ? Quand mes yeux s’ouvriront sur autre chose que les flammes et le châtiment universel ?

Purée c'est finement ciselé, ça coulisse à merveille, le parallèle avec l'ère industrielle roule du tonnerre !
Idem pour la description, vraiment bien fichue — et pourtant, tu parles à un athée convaincu mon vieux.
Parlant de vieux, ai du mal en revanche à voir le rapport entre le vieillard et la pomme. Et parlant de pomme, chouette métaphore filée sur tout le texte depuis une affiche publicitaire, chouette mise en rapport à la Bible ; non, là, tu vois, on sent que c'est tu maîtrises ton sujet.
Pour finir sur ce paragraphe, j'aurais mis des tirets cadratins ( — ) au lieu de virgules pour "ses yeux noirs...comme des ardoises", je trouve que ça dessine encore mieux.

Pour les trois paragraphes suivants, rien à dire du tout. Une belle digression, comme on les aime ; on est transporté avec toi, on s'aperçoit à peine d'avoir quitté la rame tellement c'est bien fichu.
A nouveau tu maîtrises ton propos mon salaud.

J’ouvre les yeux ; le hurlement du métro me tire de ma rêverie. Les travailleurs sont toujours là, et l’image de la pomme continue son emprise silencieuse sur les âmes. Le vieillard, à mes côtés, se met à rire, sans raison apparente, un rire sec, affreux, sardonique… ! Et son rire raisonne à mes oreilles en ces termes : « L’homme est né de la nuit et retournera à la nuit. » Tandis que le métro avance lentement dans les entrailles de la Bête, je me demande si l’église, près de mon immeuble, n’était-elle pas qu’un rêve, un ultime mirage… ? Et l’espoir d’une rédemption, le dernier sursaut avant la folie… ? J’aimerais crier à ce vieillard : « Cesse de rire, démon ! » Mais le mal est déjà fait et le doute s’insinue lentement en moi : « Prisonnier à jamais du théâtre des ombres, nulle délivrance pour la créature sans créateur ! »

Enfin, le dernier.

Pour ce bout :

sans raison apparente, un rire sec, affreux, sardonique… ! Et son rire raisonne à mes oreilles en ces termes

Le et serait sûrement mieux entre affreux et sardonique plutôt qu'au début de la phrase d'après, sinon il faut un poil chausse-pied.

je me demande si l’église, près de mon immeuble, n’était-elle pas qu’un rêve, un ultime mirage… ?

On enlève le elle, y'a redondance avec l'église qui est le sujet.

Et l’espoir d’une rédemption, le dernier sursaut avant la folie… ? J’aimerais crier à ce vieillard : « Cesse de rire, démon ! » Mais le mal est déjà fait et le doute s’insinue lentement en moi : « Prisonnier à jamais du théâtre des ombres, nulle délivrance pour la créature sans créateur ! »

Là aussi, enlève le et et fais plutôt un retour à la ligne ; effet chausse-pied.

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Non, vraiment, chapeau pour celui-là ; ne sais pas si la fatigue et l'ivresse induisent un biais, mais j'ai vraiment pris du plaisir à lire ce texte et dès les premiers mots.

Bien joué.

[QuarryDuluoz] [QuarryDuluoz]
MP
Niveau 7
05 juin 2018 à 05:17:07

Pour ton dernier post, je le ferai un peu plus tard, là faudrait que j'aille piquer un somme.

Ai juste lu le début et le questionnement existentiel venant avec la panne me paraît un peu forcé.

A voir le reste.

Reptilovitch Reptilovitch
MP
Niveau 10
05 juin 2018 à 08:56:52

woh, c'est full lieu commun ton truc, on dirait que tu n'as jamais rien vécu :ouch:

Je crois que j'ai compris ce que tu voulais narrer, l'histoire d'un homme à la lucidité désemparée qui se tourne vers l'obscurité et la folie comme pour se protéger d'une réalité qu'il trouve trop dur. Le seul vrai passage qui tient la route est celui de la fin, quand tu commences à évoquer les forums et les âmes en peine sur internet. Tu devrais effacer tout le reste et pondre un essai littéraire là-dessus, ça manque à la littérature et ça ne devrait pas tarder à arriver ; tu pourrais être un précurseur.

Oui, parce que le mec qui marche dans la rue en déprimant, vraiment, c'est usé jusqu'à la corde.

Sinon, niveau forme c'est tout à fait passable, c'est propre, en tout cas.

Bonne continuation et bienvenue par chez nous :oui:

TetraYuga TetraYuga
MP
Niveau 9
05 juin 2018 à 13:12:54

[QuarryDuluoz] :d) Encore merci pour ton commentaire. Pour les textes, je les ai mis dans le désordre. Je les ai pioché au hasard de mon livre, ce que je n'aurais peut-être pas dû faire... cela donne un effet un peu chaotique. En tout cas, je suis heureux que quelque chose te plaise enfin. Car il est vrai que le délire Baudelerien me fatigue aussi... Parfois, il ne faut pas grand chose avant que les phrases se mettent à couler.

Reptilovitch :d) Merci pour ton conseil. Oui le thème des forum n'a pas encore été exploité. Je pourrais faire quelque chose là-dessus, et éviter de tomber dans les autres clichés. Je vais y réfléchir et je me remets aussitôt au travail.

Voici un autre extrait.

Je me réveille à 7h13, le cœur nauséeux ; je constate avec horreur que le jour s’est levé. Il y a dans l’air quelque chose de mauvais à faire frémir... Tous les matins de l’Âge Sans Issue sont identiques ; les nuages blancs prophétisent le désastre à venir, et le ciel bas vient nous rappeler que nous vivons désormais en étrangers sur cette Terre. Je m’efforce d’ignorer à ma fenêtre les tours luisantes, triomphantes, déjà ivres du festin qui commence ; elles absorbent sans un bruit les premières cohortes de travailleurs… Je me prépare à mon tour à la dépossession de tout mon être : j’enfile ma cravate, qui se referme autour de mon cou dans claquement sourd... ! Je revêts toute la panoplie traditionnelle de la créature aliénée, tente un dernier signe de croix et me jette avec violence hors de ma tanière… ! Dehors, le froid est cinglant ; la première morsure de la journée me coupe le souffle. Je poursuis ma route, la foule des travailleurs se meut en tout sens, en une marée contrainte et silencieuse. Les esprits de ces hommes semblent flotter ailleurs, tandis que les corps mécanisés et somnambules se déploient au rythme d’un métronome planétaire. Tic, Tac. Tic, Tac. Les tours exultent…

Sur l’une d’entre elles scintille une publicité géante et animée. Je plisse les yeux ; le spectacle est grandiose, il met en scène une femme sensuelle s’élançant sur le toit d’une grande cité d’or. On dirait une résurrection du paradis… tout annonce la délivrance : un nouvel âge d’abondance et de paix. C’est une publicité pour un parfum célèbre, la voix retentit jusqu’à mes oreilles : « It’s not a paradise, it’s a new word, the futur is gold. J’adore. »

Comblant le vide sans fond de nos existences, les images du spectacle se parent d’une aura mythique, religieuse, messianique... ! Les prêtres de la domination, pour assurer leur suprématie, ne construisent plus des cathédrales de pierres, mais des cathédrales de lumières et de visions, afin que l’homme émerveillé n’ose plus contester un âge si sublime… agenouillé et désespérément insignifiant au côté de ses suprêmes idoles… ! Et même si la réalité quotidienne lui rappelle inlassablement le constat de sa ruine programmée, les images qui le hantent sont désormais plus fortes : l’enfer a pour lui la promesse du paradis…

Je ne parviens plus à me détacher de la publicité recommençant en boucle : « It’s not a paradise, it’s a new word… » L’esthétisme miraculeux que permet la technologie n’est pas au service d’un art sacré, d’une transcendance, comme la peinture a pu l’être, il travaille au contraire à la solidification du mauvais rêve moderne, c’est-à-dire à la matérialité la plus basse, à la perpétuation d’un monde de barbarie masqué sous le voile d’un éclat surnaturel.

Dans le ciel bas, quelques corbeaux tournent.

Charlize Thérone, égérie de Dior, déesse de l’Âge Prophétique, règne donc en une figure holographique sur les foules misérables. Et chaque ouvrière en la voyant, ensorcelée par tant de grâce et de poésie, se répète inlassablement : « Le temps de la femme a sonné... » Les tours jubilent, ouvrant leurs gueules béantes aux hordes de femmes si pressées d’y mourir… leurs talons sur l’asphalte glacial raisonnent comme autant des tirs de mortiers ; de toutes parts, les travailleuses se hâtent et veulent rattraper le temps perdu où l’homme était seul à se débattre dans les filets de cette nuit industrielle.

ce que je crois : lorsque l’Ogre ne fut plus assez repu du sacrifice des pères, il s’employa à mettre au bûcher la peau tendre des mères… leur parlant en ces termes : « À toi aussi, il est venu le temps de m’honorer. » Et si l’Âge Vorace porte aujourd’hui une attention toute particulière à l’éternel féminin, par ses slogans mielleux, ses mystifications, ses icônes de la girl power, c’est que ce nouveau carburant encore chaud doit consentir avec fierté à la marche forcée du monde… là où les hommes depuis trop longtemps ne manifestent plus qu’un pâle instinct de survie. Si les femmes venaient un jour à se détourner de l’Ogre, qui pourrait encore empêcher le château de s’effondrer… ? car la menace du fouet ne suffit pas, encore faut-il susciter un peu de vocation et d’héroïsme à la tâche.

Je parviens finalement à me détacher de la publicité au prix d’un effort difficile.

Non loin, la bouche du métro palpite de ses ténèbres chauds.

Mes jambes sont fébriles ; dois-je vraiment y aller, dans les entrailles de la bête, où les navettes de l’horreur transportent la nourriture vivante aux quatre coins de la mégalopole… ? Allons… ai-je le choix ? Avons-nous un mot à dire, citoyens éclairés du monde libre ? Près de moi, un autre homme hésite aussi ; il se tient en équilibre sur la dernière marche, la poitrine en avant, comme s’il luttait contre une force irrésistible… Il regarde une dernière fois en arrière avec une lueur insensée, mais il n’y a là que les tours et ce ciel morne à jamais ; les poings serrés, il disparaît alors dans le ventre de la bête.

Je m’engage à mon tour, pressé que ce jour s’achève. Dans les galeries, les croisières sur les Caraïbes m’accompagnent. L’eau est turquoise ; une jolie rousse, sur une bouée, se laisse imprégner du soleil des tropiques. Je m’incline devant ces affiches, reconnaissant leur évidente supériorité... Au détour d’un couloir, un clochard meurt silencieusement au milieu des bottes et des smartphones ; le courant d’air est glacial, il se laisse consciemment partir. « The futur is gold » ne cesse de répéter la voix dans mon esprit. Je poursuis ma route sans un regard… Qu’ai-je de mieux à proposer à ce vieillard ?

« Divertissement sans limites ! » vocifèrent les affiches pour le nouveau Parc de Loisir.

Je sens mes forces lentement me quitter.

Je fais un changement à Châtelet, traverse le cœur serré et le visage écarquillé d’horreur le centre commercial des Halles ; je me sens comme un hérétique forçant les portes d’un sanctuaire solidement gardé. Les visages sont mauvais, pétris de vices, de pulsions inavouables. Ici, tout raisonne d’une spiritualité mortifère, d’une religiosité sans ciel ni délivrance. Les temples de la Camelote fourmillent sur des dizaines d’étages, ivres de lumières et de tarifs promotionnels… Je pénètre lentement au cœur même de l’irréalité de nos existences, dans les viscères chatoyants de notre nuit à tous…

Je suis fasciné par le mouvement de la foule ; on croirait observer des milliers de frères et de sœur, aux visages similaires, aux gestes mimétiques… rejetons d’une vierge apatride et d’un démon… parlant d’une même voix l’unique langage industriel. Le nouveau totalitarisme est le plus grandiose qui soit, car il pénètre au cœur même de la conscience de l’homme… qui devient un canal, un étendard puis un missionnaire de la nouvelle Babylone. Chaque parole prononcée aura dès lors un arrière-gout de radio Skyrock, de musique électronique et de slogans de supermarché. Ce que nous appelions la vie intérieure est désormais proscrite, seul doit régner la transparence et la soumission totale… et si une pensée personnelle venait à se produire par un miracle suspect, nos smartphones toujours à la poche viendront inéluctablement nous ramener à la conscience de la meute… puisque les réseaux sociaux sont de gardes fous empêchant toute individualité de s’éloigner durablement des rivages de la norme autorisée.

Je m’approche bientôt d’un cinéma luisant dans les entrailles du centre commercial, des dizaines de films sont à l’affiche, dont un qui m’interpelle : Ready Player One, de Spielberg. Un jeune héros porte des lunettes de réalité virtuelle, il est écrit en sous-titre : « Une aventure bien trop grande pour la réalité. » À côté, entourés de ténèbres chauds, les clochards semblent acquiescer. On comprend que le film sera une énième lutte entre le bien et le mal. Voilà ce que je crois : les spectateurs qui ressortiront de leur séance, apaisés d’avoir combattu en esprit l’Étoile Noire, ne ressentiront plus le besoin de poursuivre la lutte dans le monde réel. De la même manière que la pornographie insensibilise les consommateurs au sexe vrai, les épopées de l’industrie culturelle tarissent le désir d’une lutte incarnée. Hollywood, c’est la permission de combattre Sauron plongé dans les limites d’un théâtre cathartique, tandis que le Mordor à l’extérieur, lui, ne cesse d’étendre ses ombres véritables...

Un des clochards a les yeux si exorbités de souffrance que je m’y noie un instant ; la fumée du crack tourne dans une irréelle lenteur… Ces êtres misérables qui peuplent les souterrains m’apparaissent comme autant de miroirs disposés devant nous. À vrai dire, rien ne nous différencie d’eux… Ils ont le crack, nous avons nos tablettes. Ils ont l’heure du shoot, nous avons nos séances hebdomadaires de cinéma. Ils ont leur montée, nous avons nos musiques électroniques infusant à nos cerveaux une euphorie despotique. Ils ont leur descente, nous avons ce sentiment de vide effroyable une fois toutes les lueurs éteintes. Ils ont la puanteur et les couvertures crasses, nous avons nos parfums chimiques, nos Canadas-Goose, nos sacs Zara et j’en passe. La seule différence est que les mendiants sont des morts assumés, tandis que nous sommes encore pétris de l’illusion de la vie, de la croyance en un bonheur possible... En cela, ils agissent comme des antidotes à l’hilarité de nos publicités, nous contraignant à regarder dans les entractes du rêve moderne, c’est-à-dire dans l’œil du Mal. La nature les a faits pour que la vérité finisse par triompher… voilà pourquoi nous les haïssons secrètement : nous voudrions continuer à dormir d’un sommeil sans aspérité.

« Une aventure trop grande pour la réalité » dit l’affiche. Pour assurer sa survie après la dévoration de toute vie charnelle, l’Âge Somatique doit s’évertuer à rendre les univers holographiques les plus immersifs et les plus désirables possibles... Il n’est cependant pas question que ces cybers-espaces dépeignent un spectacle trop éloigné de l’horreur réel, c’est-à-dire de la barbarie, de la compétition exacerbée, de l’amour de la marchandise… non le virtuel n’a pas vocation de nous faire oublier ce monde-là, ou de le dépasser, au contraire : il doit nous le ramener sous une forme plus séductrice encore. Le triomphe de la virtualité, c’est la duplication infinie de l’Ogre planétaire… dans la jouissance de sa gloire autoproclamée !

Les premières séances commenceront dans quelques heures ; les spectateurs se déverseront avec révérence dans les salles obscures. En symbiose parfaite, nous les verrons frissonner, pleurer, s’extasier ensemble… réunies dans la dévotion et l’adoration des saintes images. Le cinéma est un acte de foi cent fois répétés entre l’homme et sa nouvelle Idole. Ces séances d’hypnose collectives ne sont pas si éloignées des cérémonies chamaniques de l’Ancien Monde. À cette époque où la Nature ne s’était pas encore diluée en une abstraction, les membres de la tribu se réunissaient dans une clairière au milieu de la jungle, ou dans une Maloca sous le clair de lune ; ils consommaient des champignons sacrés, des breuvages psychoactifs ; et sous les chants du chamane ils se hissaient jusqu’au monde des esprits... Au milieu des visons saisissantes, architecturales, béatifiques, ils partageaient le temps d’une nuit un envoûtement collectif, une extase ritualisée capable de renforcer la cohésion du groupe… et de préserver l’harmonie entre l’homme et le monde spirituel.

Vu sous cet angle, le cinéma n’est qu’un substitut misérable de ce qui a accompagné l’humanité des millénaires durant, car les images du projecteur, contrairement aux visions d’une conscience modifiée, ne sont que des peintures mortes, léthargiques, éternellement figées… ! Le spectateur ne participe pas au processus de création : au mieux, il subit un viol auquel il finit par consentir. Notre besoin insatisfait d’images, de spectacles et d’hypnoses traduit la nostalgie d’un temps perdu où les hommes encore libres savaient voler au milieu des tambours, des danses et des fumées… immergés pour une nuit dans les fractales des réalités ! Toute l’épopée de la modernité n’est-elle qu’une tentative désespérée de retrouver nos origines ?

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