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Sujet : Le découpeur de papier

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12
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Pseudo supprimé
Niveau 4
21 mars 2017 à 23:33:02

C'est arrivé une nuit que j'écrivais. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment.

Depuis tout petit, je gratte du papier, partout, tout le temps. Je me rappelle que mon grand-père n'aimait pas ça. Le bruit de la plume l'énervait, prétendait-il, avant de me confisquer mon carnet et mon stylo. La première fois qu'il a jeté mon carnet au feu, j'ai crié et pleuré durant trois jours. Après ça je pris l'habitude de tenir un faux cahier, et lorsqu'il se levait de son fauteuil à bascule, qu'il se penchait par dessus mon épaule, qu'il m'arrachait le feuillet des mains pour le déchirer sous mes yeux, je ne bronchais plus ; il ne savait pas que mes écrits étaient bien cachés sous une latte du parquet dans le grenier.

Mon grand-père est mort peu après mes seize ans. J'héritai de sa fortune et de son manoir. Je ne pus me résoudre à vendre ce dernier mais, ne voulant plus y habiter une seconde de plus, j'en laissai les clefs au majordome familial et me trouvai un appartement dans une petite ville de province. Là, je vécus heureux plusieurs années. La solitude me convenait et je n'avais que faire des ragots qui parvenaient à mes oreilles. Des femmes, j'en ai eu, des amis, j'en ai reçu, des livres, j'en ai lu ; mais surtout, surtout j'ai pu y écrire tout mon saoul sans que jamais personne ne pose sa vieille patte ridée, lourde de menace, sur mon bureau.

L'écriture... Elle et moi entretenions de rapports pour le moins complexes. J'étais fasciné par elle, toute entière. Les gestes qu'il fallait exécuter pour la faire naître ; son murmure d'encre plein de secrets ; ses mots, si beaux lorsqu'ils étaient orthographiés selon l'usage, si laids lorsqu'une faute venait les souiller ; le sentiment d'apaisement qu'elle procurait ; la plénitude qui entourait un récit achevé... Quant à elle, elle se jouait de moi. Je dois l'avouer, j'étais, en fait, très médiocre à la tâche. Ce que je rédigeais était plat, sans style et sans inspiration. Cela ne me décourageait pas, et à chaque point final posé au bas d'une page j'ajoutais une majuscule première en haut d'une autre.

J'avais lu Borges, j'avais lu Perec. Je savais qu'écrire ce n'était qu'arranger les mots du dictionnaire dans un ordre différent, alors je recommençais, encore et encore. Enfant cela m'amusait grandement. L'écriture était comme une amie un peu plus futée, qui me taquinait sans méchanceté, en me tenant compagnie. Adolescent, c'était une copine agitée, pleine de ratures et d'emphases, qui criait sa révolte avec moi, sans se soucier de répéter les mêmes mots et la même colère que des milliers d'autres blanc-becs avant nous. Jeune homme, toutefois, je la perçevais différement. Elle était devenue une compagne moqueuse, aguicheuse et lointaine à la fois, et je me sentais engagé dans un flirt sans fin avec une femme à qui j'avais déjà dédié de nombreuses années de ma vie.

J'en grandis du ressentiment, accentué par les ouvrages classiques que je lisais. Là, elle avait caressé Maupassant, là, elle avait séduit Nerval, et là, elle s'était donnée, à Proust, toute entière, la garce, à Goethe, à Milton ! et lorsque Bukowski l'avait violée, elle s'était laissé faire, avec complaisance ! Le désir de la posséder à mon tour me rendait fou, j'en perdais l'appétit, le sommeil, j'étais devenu banalement possédé par l'envie.

Une nuit, je suis allé la voir dans mon bureau, je l'ai attrapée par la nuque, je l'ai jetée sur la table et je l'ai pénétrée de force. M'enfoncer dans ses méandres contre son gré était un acte de profanation qui m'inspirait autant d'horreur que de jouissance. Enfin ! Enfin, j'écrivais ! Enfin les jets d'encre que j'éparpillais sur mes pages virginales exprimaient de vraies émotions, évoquaient des images fortes, qui imprimaient la conscience, enfin mon histoire tenait le lecteur en haleine.

En me levant, le lendemain, je sentis que j'étais différent. La glace de ma salle de bain m'apprit pourquoi. Mon oeil d'un noir liquide ne cilla pas en contemplant les plis de mon visage. Je ne poussai pas un cri en portant la main à la joue. Le seul frémissement qui brisa le silence fut celui de mes doigts de papier contre ma peau de parchemin.

Pseudo supprimé
Niveau 10
21 mars 2017 à 23:43:30
  • clap clap clap*
Message édité le 21 mars 2017 à 23:44:45 par
HashtagEnCavale HashtagEnCavale
MP
Niveau 7
22 mars 2017 à 06:44:29

Une nouvelle vie s'offrait à moi. Aussitôt délesté du poids de mon ancienne enveloppe charnelle décidai-je de marcher dans les pas de Baudelaire. Le matin même, je sortais, ralliais la gare en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "Proust" et me procurais un morceau de haschich pour un prix relativement excessif. Regagnant mon appartement coquet, je peinais à contenir mon excitation, croissante à l'idée de confronter mes nouveaux sens aux effets du THC. Et quels effets !

Je me souviens seulement avoir péniblement effrité ma barrette, la chaleur de la résine chauffée au briquet me consumant les doigts, éviscéré une cigarette, et mélangé le tout dans un lambeau de ma nouvelle peau qui me servit de feuille à rouler, en m'efforçant de lui donner une forme conique. Après quoi, j'ai mis de la musique jamaïcaine, tiré plusieurs taffes, et focalisé toute mon attention à sentir ma tête s'enfoncer, toujours plus profondément, dans l'auréole de coton qui semblait m'enserrer le crâne. Progressivement, l'auréole se fit oreiller, puis l'oreiller devint nuage, si bien que l'affaissement de mon corps sur lui-même ne paraissait se heurter à aucune contrainte physique.

Ainsi replié, il eût été facile, pour n'importe quel facteur passant par là, de me confondre avec une enveloppe. Dans un effort surhumain, je parvins à trouver la force de me relever de moitié, ce qui me conférait l'allure d'une sculpture d'origami sur le point de se déplier. Une bizarrerie retint mon attention : j'avais littéralement fait peau neuve. Jusqu'alors vierge, mon parchemin de corps était désormais couvert d'écrits et de dessins divers. La peur me gagna si vivement que je manquai d'oxygène, ma tête commença à tourner, puis une voix se fit entendre, d'abord lointaine :

- Alors comme ça, on se fait un sang d'encre ?

Je pris peine à me redresser totalement, dans un bruit de froissement que seul un papier de très noble qualité peut produire.

- Pas mal tes tatouages. Des extraits d'Hugo, du Céline, des hiéroglyphes ... Ah tiens, ça doit être un verset du Coran ça. Tu t'es fait ça toi-même ?

Qui me parlait ? Etait-ce un rêve ? La voix se faisait de plus en plus proche.

- T'es un peu dur de la feuille on dirait. Mais c'est pas grave, j'ai pas tellement besoin de causer. Six, je gagne, sinon, c'est toi. C'est parti.

Un dé à 6 faces roulait sur la table basse du salon. Trop élancé, il chuta de celle-ci, couru le long du tapis avant de terminer sa course au pied du canapé que j'occupais.

- Six ! Ah, on va pouvoir se marrer un peu.

Jakka-Jinlaan Jakka-Jinlaan
MP
Niveau 9
22 mars 2017 à 09:18:06

La chute, je m'y attendais tellement pas [[sticker:p/1lmb]]

Très intéressant comme récit, et ta manière de personnifier l'écriture est excellente, et ça se rapproche beaucoup de l'idée que je m'en faisais enfant et adolescent :bave:

AlexGnar4j5 AlexGnar4j5
MP
Niveau 5
22 mars 2017 à 16:29:58

Très bon! Ce besoin d'écrire aussi fort que n'importe quelle drogue! Super belle plume, on décroche pas avant la fin.. qui d'ailleurs est plutôt drôle et surprenante ^^

Pseudo supprimé
Niveau 4
23 mars 2017 à 01:14:54

Le lanceur était un petit bonhomme trapu, au nez épaté et aux bras épais comme des jambons. Comme tous les nains de son espèce il faisait preuve d'un agilité surprenante au premier abord, ce que je constatai lorsqu'il se laissa couler de la chaise où il se tenait perché pour ramasser le dé dans la paume de sa main.

"Vous devez avoir l'oeil perçant pour déchiffrer mes... tatouages de là où vous étiez, dis-je en tentant de me redresser.
- Oh, non. J'ai pris la liberté de t'examiner pendant que tu rêvassais. J'ai également pris la liberté de restreindre tes membres, fais attention en bougeant. Je ne voudrais pas que tu te froisses quelque chose."

L'affreux courtaud ne mentait pas. Mes poignets et mes chevilles étaient attachés avec de fins rubans.

"Ce sont des signets, à vrai dire, nota l'étranger. Ne dis rien. Tout ce qui te traverse la tête s'imprime dessus, ça ferait doublon. Effectivement, tu ne peux rien me cacher. Oh là, que de questions, hein ? Maintenant que tu es revenu à toi, ça carbure à fond. Pas de pétrole mais des idées, comme disait l'autre."

Il s'assit en tailleur face à moi et continua, en faisant tressauter son dé dans sa main :

"C'est le dealeur qui t'a vendu. Tu connais leur accroche "t'as pas une feuille ?", eh bien ce crétin s'est trouvé très drôle en racontant à son pote l'histoire de l'homme qui aurait tout le temps des feuilles sur lui, toute sa vie. Les nouvelles vont vite, les gens me connaissent et savent que j'apprécie tout ce qui sort un peu de l'ordinaire. La ville n'est pas grande et tu as fait sensation sur ton passage, je suis entré deux heures après toi, mais tu comatais déjà.
Tu veux savoir ce que je vais faire de toi... Tu veux connaître ton futur, et si je te lisais les lignes de la main ? Je plaisante. Ne t'en fais pas, Lafon, je ne te demande pas de combattre le diable ni de tuer la lumière. Quoique... Vois-tu, j'ai eu le temps de t'observer, pendant que tu étais ailleurs. De mener mes petites expériences aussi. Regarde, ici, sur ton épaule. Tu vois ? "Je me redresse difficilement, confus, n'identifie pas tout de suite l'origine de la voix. Lorsque je retrouve mes esprits, mes pensées s'inscrivent sur mon front." C'est de moi ça. Pas de la grande littérature mais ça fait l'affaire.
Oui, tu as saisi le principe. Je peux faire de toi qui je veux. Effacer ta mémoire, te réécrire, m'inscrire en toi pourquoi pas. Tu intéresserais l'armée... Mais c'est moi qui te tiens, et moi j'ai d'autres projets. Pas grand-chose, pas grand-chose. Je vais simplement faire de toi le tueur parfait. J'ai déjà fait de toi le tueur parfait. C'est sur ton sternum, "j'ai décidé de tuer tout ceux dont je croiserai le chemin, excepté mon nouveau maître, sir Grisouille" - c'est moi. Allons ne bouge pas, je vais couper tes liens et je ne voudrais pas que ces ciseaux entament ton cuir."

Une fois libéré, je me saisis de l'instrument d'acier et le plantai dans la gorge de sir Grisouille. Pour un homme qui n'avait pas besoin de causer, l'horrible petit être m'avait passablement saoulé. Je le regardai se noyer dans son sang sans comprendre. Sa mégalomanie avait dû lui faire écrire des bêtises. 'Sir', vraiment ? Il s'en serait sorti s'il s'était contenté d'inscrire son nom et prénom, tant pis pour lui.

Restait le problème de mon nouvel instinct meurtrier. Je pensai me passer sous l'eau chaude pour retirer l'encre sur mon corps, me rappelai juste à temps que cela m'eut été fatal. Alors je fis la seule chose sensée, j'agrippai fermement les ciseaux et me mis à couper dans ma chair à livre. Ce fut douloureux. Je perdis de l'encre, rejoignis l'imprimante, vida son stock de papier pour me faire un bandage et me servis de ses cartouches comme de poches de perfusion, puis m'endormis.

A mon réveil, quelques heures plus tard, je me sentais mieux. J'avais encore changé de costume, cet épiderme était un véritable palimpseste. Il m'était cependant agréable de constater que je n'étais couvert que du meilleur de la littérature. J'étais l'écriture de tous les hommes, tous ceux qui l'avaient connue. Toutes les langues se côtoyaient sur mon torse, sur mon dos. Cang Jie à Babel. C'était si beau... Il y avait forcément un moyen de s'en servir pour faire le bien, et il fallait que je le trouve.

Celui que personne ne devait retrouver en revanche, c'était Grisouille, dont le corps encombrant ne se décidait pas à disparaître de mon salon.

Pseudo supprimé
Niveau 10
23 mars 2017 à 10:25:51

Une plume impeccable décidément.
Je l'ai fait lire à ma tendre : elle m'a immédiatement laissé pour te rejoindre.
"Qu'importe, je le trouverai bien !" m'a t-elle dit, "Les génies de sa trempe ne passent jamais inaperçu !"
Comme elle partait, j'ai eu le temps de voir que sa culotte était trempée.

Moi même je m’offrirai bien à toi si tu le voulais.

Mdr.

Non sans dec', c'est top.

Pseudo supprimé
Niveau 4
25 mars 2017 à 15:05:38

Merci Veinnes
Maintenant il faut mettre la pression à hashtag qui n'ose pas finir ce fdp
Porte tes couilles gros
J'attends. Et tu sais que ma patience n'a rien à envier à celle du chêne centenaire.

FatuiteR FatuiteR
MP
Niveau 10
25 mars 2017 à 16:38:28

Lu jusqu'ici. J'attends la fin pour me prononcer.

Pseudo supprimé
Niveau 10
25 mars 2017 à 16:40:44

Sans doute ce bon Hashtag aura t-il pris peur devant la qualité de cette suite.
Que celui qui n'a jamais douter d'être à la hauteur lui jette la première pierre.

Pseudo supprimé
Niveau 4
26 mars 2017 à 03:38:01

Et là, pile quand il sort acheter de l'acide pour dissoudre le corps, un passant lui jette son mégot dessus par mégarde et fin

HashtagEnCavale HashtagEnCavale
MP
Niveau 7
27 mars 2017 à 01:36:01

Le 25 mars 2017 à 16:40:44 Veinnes a écrit :
Sans doute ce bon Hashtag aura t-il pris peur devant la qualité de cette suite.
Que celui qui n'a jamais douter d'être à la hauteur lui jette la première pierre.

Hashtag est un yes-life très occupé par les sorties en tout genre chaque fin de semaine. Néanmoins tu m'as chauffé, la suite arrive

Pseudo supprimé
Niveau 4
27 mars 2017 à 01:50:09

https://www.noelshack.com/2017-13-1490572157-tumblr-on5o86ixjz1r539hzo1-500.jpg

Hashtag renoi yeslife

FauteuilVolant FauteuilVolant
MP
Niveau 15
27 mars 2017 à 23:04:08

J'ai pas compris la fin. :-(

Pseudo supprimé
Niveau 4
27 mars 2017 à 23:09:06

Le 27 mars 2017 à 23:04:08 FauteuilVolant a écrit :
J'ai pas compris la fin. :-(

Y en a pas encore frère
Faut harceler hashtag pour ça

Kiko_Warlok Kiko_Warlok
MP
Niveau 3
27 mars 2017 à 23:15:46

J'ai tout lu et c'est vraiment top ! Une écriture un tantinet agressive mais sans concession. J'ai un faible pour la plume de Ciel je dois dire. Bon hashtag tu finis quand l'histoire on veut la suite nous [[sticker:p/1kkr]]

HashtagEnCavale HashtagEnCavale
MP
Niveau 7
28 mars 2017 à 01:30:22

Ne sachant trop que faire du corps, j'utilisai le coup de fil à un ami qui, comme dans la célèbre émission de télé, devait me sortir du pétrin.

- Allo, Yasin ? Ouais, c'est moi, ça faisait longtemps hein ?
- Ah ! Félère ( Il avait toujours aimé m'appeler par mon nom de famille ). Qu'est-ce qui peut bien se passer pour que tu m'appelles à une heure pareille ?
- Si je te racontais, tu me traiterais de fou. Viens chez moi aussi vite que tu peux, je t'envoie l'adresse par texto.
- Comme tu veux, ça me fait plaisir. Déjà un moment qu'on avait pas parlé littérature et Rock, Félère.

Une fois chez moi, l'ami de toujours ( enfin, de mes jeunes années pour être précis ) eût les plus grandes peines à dissimuler son effroi. Étonnamment, la présence d'un macchabée dans le salon produisit un moins grand effet sur lui que la vision de mon propre visage. Il semblait refuser d'intégrer que je fasse peau neuve. Il faut dire qu'il était un peu raciste :

- Jacques, c... c'est vraiment toi ?
- Oui gros. Ne me demande pas d'explications, je n'en ai pas moi-même à te fournir. L'urgence pour l'instant, c'est de se débarrasser du cadavre.
- Et sur lui non plus, je devrais pas poser de questions ?
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise, il est rentré chez moi par effraction, dans l'unique but de me capturer. J'ai fait que me défendre. T'as une idée sur ce qu'on va faire de lui ?

En amateur de Breaking Bad, il proposa le plus naturellement du monde l'idée d'un bidon d'acide fluorhydrique pour faire disparaître Grisouille. Le processus étant quelque peu compliqué par l'absence de baignoire dans l'appartement, nous devrions dissoudre le corps en plusieurs fois, dans la douche.

- Trop long, trop laborieux, et puis tu sais où trouver ça toi, de l'acide fluorhydrique ? Prend plutôt un couteau de cuisine dans le tiroir à gauche du frigo pendant que je vais chercher la bâche du balcon, pour pouvoir travailler proprement.

Nous entreprîmes l'éreintante entreprise de chantourner le trapu ventripotent sans tarder. La découpe en elle-même n'était pas des plus laborieuses. Il fallait simplement, pour éviter de perdre du temps à scier les os, concentrer ses efforts sur les articulations, sans hésiter à charcuter les zones ligamentaires pour y voir un peu plus clair. Toutefois, le dégoût profond que peut inspirer un cadavre, mêlé aux interrogations morales que celui-ci vous renvoie, rendait la besogne insoutenable.

Yasin, qui mettait du coeur à la tâche, à la manière de ce boucher ottoman qui faisait le buzz sur le net à cette période, faisait montre d'un estomac plus solide que le mien. Je ne cessai de faire des aller-retours aux toilettes, pour y dégobiller des copeaux de papier buvard. Une fois Grisouille convenablement emballé dans des sacs poubelles de 50 litres, nous attendîmes une heure plus tardive dans la nuit pour descendre sans risquer de croiser des voisins sur le trajet de la cage d'escalier à la voiture. Je ne saurai vous décrire la sensation exacte que procure le toucher d'un crâne décapité dans un sac, néanmoins si je devais risquer une analogie, je dirais que c'est un peu comme sentir une énorme mygale vous grimper sur le mollet sans tenter de secouer la jambe pour la faire partir. Aussi révulsé que j'ai pu l'être, je me devais d'éviter à tout prix de me faire repérer, sans quoi j'étais non seulement perdu, mais je risquais également de compromettre mon seul ami véritablement digne de confiance.

*

"Héé hop !" D'un geste incroyablement désinvolte, Yasin offrit au fleuve le dernier sac en me jetant un regard amicalement présomptueux, qui semblait dire "encore une affaire rondement menée" ou bien "on s'en est bien tiré de celle-là pas vrai ?"

Comme je gardais le silence, il insista : "Beau travail, Jacques l'éventreur en carton-pâte. Tiens, ça ferait un chouette titre de bouquin tu trouves pas, le découpeur de papier. "
Je ne partageais pas sa satisfaction triomphante, et c'est sur un ton un poil impérieux que je lui lançai :

- Tu as ton Coran avec toi ?
- Euh, il doit y en avoir un dans la boite à gants. Pourquoi, t'as décidé de te convertir ?
- Amène, répliquai-je sèchement.

Ceci fait, je lui faisais constater l'extrait que j'arborais sur le bras droit, en lui demandant d'ouvrir le livre à la page correspondante. Il s'exécuta.

- Écris un truc sur mon bras, n'importe quoi.
- Allez Paris.
- Moui, pourquoi pas après tout. Maintenant regarde dans ton bouquin.

Il laissa tomber ce dernier de stupeur.

- Wesh ! Comment ça se fait ? C'est écrit dedans maintenant !
- Oui, et dans tous les exemplaires du monde, tu peux vérifier si le coeur t'en dit. Depuis le temps que je te disais que c'était un fruit de cerveau humain ton machin.
- Est-ce que ça veut dire que...
- Oui, le coupai-je. Tout ce qui a été écrit par des hommes, quels que soient le lieu ou l'époque, se trouve quelque part en moi, et potentiellement sur moi. Je peux décider de changer les inscriptions qui m'apparaissent dessus par n'importe quoi du moment que ça a été écrit par un autre. Regarde, tu veux que je te chie les misérables en papier broyé ?
- Non, c'est bon. Tout à l'heure tu as laissé tombé un cheveu, enroulé sur lui-même. Le dépliant, je suis tombé sur une liste de courses, quelque chose comme ça. Je veux bien te croire.
- Tu saisis tout ce que ça implique ?
- Je crois. T'es un genre d'encyclopédie de la littérature, c'est génial !
- Non. Enfin oui, mais pas seulement. En me faisant disparaître, tu offrirais à toute l'humanité la possibilité d'un nouveau départ, d'une seconde chance. Et tout son savoir disparaîtrait avec moi.
- Moi ? Mais je vais pas te tuer, t'es fou.
- Tu viens de te débarrasser d'un cadavre de chair humaine et tu chipotes pour brûler une malheureuse boulette de papier ? Écoute, c'est une faveur que je te demande. Tu te souviens que je cherchais à écrire le livre parfait, l'oeuvre ultime, quand on était à la fac ?
- Oui.
- Toute cette histoire, c'est précisément ma chance de transformer à jamais la littérature, et toute l'Histoire avec elle, en me gardant des effets pernicieux de la reconnaissance et des vices de la célébrité. C'était ça, mon oeuvre ultime. Tue moi maintenant. Tu vas pas me brûler vif quand même ?
- Et comment tu veux que je procède exactement ?
- Mais tu ne comprends donc pas ? C'était toi, le découpeur de papier.

Pseudo supprimé
Niveau 4
28 mars 2017 à 01:32:21

Enfin/20

Pseudo supprimé
Niveau 4
28 mars 2017 à 01:36:48

Un délire
C'est n'importe quoi
Ça n'a aucun sens
C'est pas logique du tout

Putain de merde

J'ai surkiffé

Épique

Pseudo supprimé
Niveau 10
28 mars 2017 à 01:40:27

Not bad, not bad at all ! Est-ce la fin ou allons nous avoir un dernier passage ?

Je ne peux pas m'empecher de vous voir toi et ciel dans les rôles de Yassine et de Lafon.

Ceci dit, je trouve que l'histoire aura un peu trop trainé : j'imagine que c'est le risque quand on écrit a plusieurs.

Finalement je dirais que le style, la forme, est meilleure que dans "le coût d'état", mais vous êtes moins en symbiose sur le fond.

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