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Sujet : [Roman] Un rideau de fer

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_dexter75_ _dexter75_
MP
Niveau 10
20 août 2015 à 19:21:13

Bonjour ou bonsoir à tous ( selon l'heure à laquelle vous passez) ! :)

Je me permet de partager une histoire que j'écris en ce moment et qui me tient à coeur. Ce sera avec un plaisir non dissimulé que je recueillerais vos critiques, bonnes ou mauvaises, pour m'aider à l'améliorer et à la continuer.
j'avais déjà poster un première chapitre il y a quelques temps mais je n'en étais pas satisfait. Je recommence donc, en espérant que cette histoire vous plaira.

Bonne lecture !

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Chapitre : I

Il est curieux de se dire qu’au dessus de nos têtes, qu’au dessus de ce plafond d’acier, qui nous sert de ciel depuis quatre générations déjà, existait un monde. Il est encore plus curieux d’imaginer à quoi il pouvait ressembler, ce monde, dont les descriptions et illustrations sont aujourd’hui tenues en secret par les adultes. Plus curieux encore lorsque l’on n’a connu, depuis sa naissance que les longs et tortueux couloirs d’un complexe souterrain.

A quoi ressemble un arbre par exemple ? Je n’en ai pas la moindre idée. Même cela me paraît compliquer. Mon père, pourtant, m’a dit qu’il y en avait partout auparavant, qu’ils y en avaient tant à certain endroit que l’homme pouvait, devant eux, se sentir tout petit. Des grains de sable dans un océan, lui disait son grand père, nostalgique. Qu’une chose aussi banale m’échappe, m’énerve !

Je comprends le concept, bien sur, mais le tronc, les branches et les feuilles, comment se mêlent-t-il ? Comment s’agencent-t-ils ensemble ? Sont-ils droits ou tordus ? Sont-ils effrayant, ou alors sont-ils aussi beaux et colorés que les plantes du terrarium de notre abri ? Il faudrait que je demande à père ce soir, s’il a le temps et l’envie. Je le fatigue, je crois. Tu poses trop de questions, tout le temps, sans arrêt s’exclame-t-il les soirs où je refuse de m’endormir avant d’en savoir plus sur l’ancien monde. Tu le sauras quand tu seras plus grand, ne cesse-t-il de répéter. Tu as déjà de la chance d’en connaitre autant. »
Je ne comprends pas cette règle idiote imposé par le directoire. Devoir attendre sa majorité pour apprendre ce genre de chose, c’est une perte de temps. Il parait qu’on n’est pas assez mûr avant nos seize ans. Qu’on pourrait être triste si on savait tout ce qu’il y avait là, dehors. Qu’il vaut mieux pour nous qu’on s’habitue d’abord à notre vie sous terre. Mais moi, je veux savoir. Et vite !

Un jour, et je m’en fais la promesse, je passerais les portes de la Bibliothèque et en dévorerai tout les livres. Rien n’aura plus de secret pour moi. Un jour, oui, je le ferais, dis-je à voix basse. Mais pas aujourd’hui, pas avant deux autres longues années d’ennui et de cours sur comment être un citoyen efficace et productif.

Sourire, être poli et écouter attentivement mes professeurs, voilà ce à quoi je devrais m’atteler. Sourire surtout, et ne pas faire de bêtise. Obéir, aussi, je l’avais oublié celui là. Obéis, mon fils, obéis et ne fait pas d’histoire, m’a encore répété mon père hier soir. Avec ferveur et humilité, comme tout les autres enfants.

Il s’inquiète trop. Il a peur qu’un jour, par inattention ou pour faire l’intéressant, je raconte ce que je sais à un camarade. Pire, à un adulte. Il ne devrait pas, je suis assez grand pour savoir quand me taire. Il me dit souvent qu’il sait comment sont les garçons de mon âge, qu’à quatorze ans, il était pareil : « trop bavard et trop curieux ». Que dans la vie, il fallait se montrer prudent et que c’est pour mon bien qu’il me répète tout ça. Que c’est important que je sache, que tout ce qu’il me dit aura son importance. Même si je ne le sais pas encore. Même si je n’ai pas le droit de le répéter, même s’il ne peut pas tout me dire.

Je ne comprends pas vraiment la ou les raisons de ses appréhensions. La vie n’est pas si dure ici. Ennuyeuse – là-dessus on est d’accord – mais paisible. Les autres habitants sont corrects avec nous. Nous avons un toit, à manger, des loisirs... Ça pourrait être pire. Bien pire selon mes professeur. Nous sommes chanceux. Nous faisons partie de ceux qui ont pu s’abriter avant la fin. leur descendance, vous m’avez compris. Alors oui, tout n’est pas parfait mais ce n’est pas comme si nous pouvions vraiment nous plaindre, si ?

Dans ces moments là, mon père conclut toujours de la même manière. Il me prend dans ses bras et m’embrasse sur le front. Il me sert si fort que j’ai parfois l’impression d’étouffer puis il me libère après m’avoir fait promettre d’être sage.

Ce matin encore, il recommence. Plus anxieux, plus agité qu’à l’accoutumé. Il m’écrase entre ses bras comme s’il ne voulait pas me laisser partir, comme s’il savait que j’ai découvert son carnet. Le peut-il ? Non, ce n’est pas possible. Je l’ai rangé là où je l’ai trouvé. Dans la même position, le marque-page au même endroit, avec la même plissure dans l’angle gauche. Je n’y ai pas retouché depuis. Non, vraiment, il ne peut pas savoir, j’en suis sur....

Il me l’aurait dit dans le cas contraire. Vu la manière avec laquelle il me supplie de faire attention à mes paroles, il ne prendrait pas le risque…Et quand bien même mon père saurait, il ne peut pas m’en vouloir de l’avoir découvert, je me trompe ? Sinon, il l’aurait mieux caché. Il ne l’aurait pas seulement glissé sous son matelas. Ou alors…Non, ça ne lui ressemble pas. Peu importe, il peut me faire confiance et il le sait. Il s’inquiète – c’est son rôle – mais il le sait. Je le serre plus fort et un sourire apparaît enfin sur son visage. Apaisé, il me libère et déclare avec sérieux:

- Allez mon grand, il est l’heure de partir en cours, file avant d’être en retard.

À cette simple idée, c’est un frisson d’horreur qui me parcourt tout le corps. Malheureusement pour moi, être en retard n’est pas une question de choix. À peine ai-je mis un pied en dehors de notre apparentement que je sais déjà que je vais me perdre. Ma première leçon de la journée – celle de morale et d’esprit communautaire – aura lieu dans une des salles du secteur B6, à l’extrême opposé de là où je me trouve.

Dois-je tourner deux fois à gauche et trois fois à droite avant de rejoindre la salle commune ou bien est-ce l’inverse ? L’inverse, oui, mais ensuite ? Trouver l’Atrium et prendre l’escalier numéro 8 jusqu’au premier sous-sol ou bien le numéro 9. Je ne suis pas sur. À vrai dire, je me trompe toujours.

Pour se déplacer dans ce dédale d’acier, il faut un excellent sens de l’orientation. Ce qui, il faut l’avouer, me fait terriblement défaut. Comme ma mémoire, dans le cas présent. A ma décharge, tous les couloirs se ressemblent. Vraiment. J’ai parfois l’impression de tourner en rond et, au fond, ça ne doit pas être qu’une impression. Je pourrais même parier avoir pris quatre fois le même chemin en boucle avant de m’en rendre compte, il y a de cela une semaine.

Il existe bien sur des panneaux d’indication et des terminaux pour se repérer mais encore faut-il les trouver. Ils sont peu nombreux et la plupart sont situés à des carrefours qui, eux même, sont assez dur à atteindre. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai pu me perdre dans mes plus jeunes années. A l’époque, je ne savais pas lire. J’avançais à tâtons, cherchant l’aide des autres habitants qui, souvent trop pressés, me laissaient errer un bon moment avant qu’une âme charitable ne m’indique le chemin ou ne m’accompagne directement en cours.

Je me demande parfois pourquoi tous les étages n’ont pas été pourvus de signalisation. La raison la plus probable est que les grands architectes aient manqué de temps pour finir l’abri. Du moins, c’est ce que les rumeurs disent. Je crois avoir entendu mon père en parler il y a longtemps, alors qu’il était en vidéo conférence avec un de ses collègues, depuis sa chambre : « Le temps, toujours ce même foutu problème de temps avait-il hurler. Fait chier ! Un jour il faudra bien voir les choses en face ! Ils ont merdé royale à l’époque et c’est à nous de ramasser les pots cassés. Ça ne doit pas… »

Ça ne doit pas quoi ? Je n’en ai pas la moindre idée. Il s’était arrêté là après s’être rendu compte que j’écoutais à la porte et il m’avait envoyé furieux dans ma chambre. La fessée qu’il m’a mise ce jour là je m’en souviens encore. La déculottée du siècle. J’en ai gardé la marque pendant une semaine et je n’ai pu m’asseoir sans avoir mal que trois jours plus tard. Un très mauvais souvenir qui ne m’a pas donner envie de chercher d’avantage les raisons de cette absence de panneaux directionnels. Le jeu n’en valait pas la chandelle.

Toujours est-il que quand il s’agit d’aller d’un point A à un point B, je suis une véritable buse. C’est triste à dire mais des souris de laboratoires s’en sortiraient bien mieux que moi. Et je parle en connaissance de cause. J’ai eu l’occasion d’admirer ces petites bêtes en actions.

La semaine dernière, alors qu’on assistait à une série d’expériences pour ouvrir nos jeunes esprits aux matières scientifiques, l’attraction qui a eut le plus de succès était celle d’une souris savante. Placé au milieu d’un labyrinthe miniature, elle devait en trouver la sortie avec, à la clé, un morceau de fromage.

Autant dire que s’ils n’avaient pas arrêté la démonstration à la fin de la journée, elle aurait pu dévorer tout notre stock de gruyère, la saleté ! Elle courait s’en jamais s’arrêter ni hésiter jusqu’à la sorti à tous les coups. Comme guidé par une main invisible qui lui montrait à chaque fois le chemin. Le plus étonnant étant qu’à chaque nouvelle essais, le scientifique déplaçait les murs, changeait la place de l’issue, créait de nouvelles configurations toujours plus difficiles…toujours plus impressionnantes.

Non, franchement, je salue l’exploit. Si on me lâchait dans un pareil labyrinthe, je pourrais mourir de faim avant d’en trouver la sortie. Et, à bien y réfléchir, cela pourrait bien arriver si je ne me dépêche pas d’arriver en cours. Qui sait à quelle punition j’aurais droit cette fois.

D’après notre professeur, Monsieur Marcant, l’expérience avait pour but de nous montrer que même la plus petite créature pouvait réaliser des exploits. Alors pourquoi pas nous ? Qu’avec un objectif à clé, rien ne nous était impossible et que c’était à chacun, dans l’abri, de trouver son objectif. Qu’en le gardant en vue, nous pourrions accomplir de grande chose au sein de notre belle communauté ou, au moins, apporter un peu de sens à nos vies. Car, et je le cite, si notre but premier, le seul qui vaille vraiment, est de faire perdurer l’espèce jusqu’à notre sortie, notre remonter sur terre, rien ne nous empêche de continuer à créer, apprendre et découvrir de nouvelle chose. Rien ne nous empêche de vivre réellement et non pas simplement survivre comme la première génération.

Il nous avait récité sa tirade avec une énergie et un enthousiasme tel qu’il aurait pu convaincre la terre entière – ses derniers représentants, tout du moins – de la véracité de ses propos. Et je dois bien admettre que, pour une fois, je suis plutôt d’accord avec lui. Je connais le mien, de projet, et je reconnais sans rougir que sans lui la vie ici serait bien morne.

J’ai beau soupçonner le professeur Marcant d’avoir exagéré les tenants et aboutissants de cette expériences pour lui permettre de nous abreuver d’une des ses grandes et habituelles leçons de vie, le fond n’en reste pas moins vrai. Terriblement vrai. Bien au-delà même de ce qu’il veut bien nous dire.

En dépit de tous les efforts que font les adultes – lui ou d’autres, peu importe – pour nous faire croire que nous sommes chanceux d’être là, ils ne peuvent cacher l’ennui qui règne, qui ronge jour après jours les plus coriaces d’entres eux. Mon père le premier ! Les sourires de façades n’y changent rien. Si l’on veut vivre ici et pas seulement survivre, on doit lutter contre l’ennui. Contre notre routine et cette foutue impression de vide qu’elle engendre. Et cela commence par la recherche d’un hobby, d’une passion, d’un centre d’intérêt, bref, de toutes les choses qui, aussi insignifiantes soient-elles, peuvent nous permettre de nous évader un peu, rien qu’un peu, de ce boyau d’acier et de néons.

Je crois que je commence à comprendre ce que mon père a voulu me dire quand il essaie de m’expliquer que je suis trop intelligent pour mon propre bien. Les autres jeunes ne se posent pas autant de questions, ils ne se torturent pas autant l’esprit. Ils… Ils ne s’égarent pas aussi souvent non plus, d’ailleurs. Merde !

Où ai-je encore atterri cette fois !? Pas devant la bonne porte, en tout cas. Marche arrière toute ! Si je ne veux pas être en retard, et je vous l’ai dis, dieu que je ne veux pas l’être, j’ai intérêt à presser le pas. À courir. Ça m’apprendra à me perdre dans mes pensées.

Arduilanar Arduilanar
MP
Niveau 10
26 août 2015 à 19:02:33

Bah, il va falloir que tu postes la suite si tu veux un nouveau commentaire. :hap:
Sinon je te copie/colle ceux déjà faits sur l'ancienne version, mais ce n'est pas très utile quoi...

ggiot ggiot
MP
Niveau 10
26 août 2015 à 19:05:09

J'ai trouvé ça sympa, il y a des fautes mais bon.

J'ai de suite penser à Metro 2033. Sinon j'attend de savoir si ce petit gars peut être un personnage attachant, qui se démarque.

Essaie de ne pas trop apostrophé ton lecteur, ça casse l'immersion.

Merci bien pour ce texte :) !

_dexter75_ _dexter75_
MP
Niveau 10
26 août 2015 à 20:49:14

Ardui : Voilà la suite, j'étais entrain de la terminer au moment du up ;)
GGiot: Merci pour ta lecture :)
Pour ce qui est d'apostropher le lecteur, c'est malheureusement trop tard pour le second chapitre.
J'essayerais de réduire son utilisation, si c'est toujours genant dans cette deuxième partie, dis le moi

ggiot ggiot
MP
Niveau 10
27 août 2015 à 01:41:50

J'ai lu le 2eme post. Il y a beaucoup de mots manquants, c'est plutôt grave, il faut te relire !

J'ai apprécié le protagoniste qui a peur de rentrer en classe, on a tous été en retard... C'est bien que l'élément perturbateur se soit manifesté, on va pouvoir rentrer dans le vif du sujet.

Donc si tu as la suite, tente de la relire (si tu veux un regard extérieur, je peux regarder ton texte par MP).

Merci !

_dexter75_ _dexter75_
MP
Niveau 10
27 août 2015 à 02:58:15

Grace aux remarques de ggiot, j'ai pu apporter quelques modifications. j'espère avoir réussis à chasser tout les mots manquants et supprimer la majorité des fautes ;)
Bonne lecture !

Ps : j'ai supprimé la première version de ce post pour plus de visibilité.
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II

Combien de temps a passé depuis que j’ai réussi à retrouver mon chemin ? Combien de temps encore après que je me sois arrêté devant la salle de classe ? Cinq, dix minutes ? Plus peut-être et, la main sur la poignée, je ne peux toujours pas me résoudre à ouvrir la porte et encore moins à entrer. Par peur ou par lâcheté, cela revient au même, la simple idée d’en passer le seuil me stoppe net à chaque fois que, regagnant un peu d’assurance, je pense réussir à sauter le pas.

J’imagine déjà la scène : j’entre dans la classe et je m’excuse pour mon retard. Notre professeur, fidèle à lui même, me demande de m’asseoir et, enfin, reprend son cours exactement là où je l’aurais interrompu, comme si de rien n’était. Comme si ce n’était qu’une simple interruption sans gravitée ni conséquence.

Le monde dans lequel j’évolue n’est malheureusement pas si simple. Je sais que pendant un instant, vous y avez cru, ne serait-ce qu’une seconde, avant de vous rendre compte que cela n’avait pas de sens.

Je ne vous en veux pas, il est beau de rêver, c’est agréable. Un peu trop même et, soit dit en passant, je vous mentirais si je vous disais que moi même je ne l’ai pas souhaité au point de croire que c’était vrai. Le temps d’un battement de cil et je suis revenu à la réalité.
Cette scène dont je voulais vous parler, je la vois clairement désormais. Là, tout suite, alors que mes doigts se crispent sur la poignée, elle défile devant mes yeux, pareil à film qu’on projetterait sur un mur blanc, lisse et sans défaut.

D’abord, j’actionnerai la poigné puis, après avoir pousser la porte aussi discrètement que possible, j’entrerais d’un pas mal assuré. Tous les élèves se tairaient, interrompraient leurs questions et bavardages discrets. Il n’y aurait plus un mot, plus un mouvement, seulement le calme et le silence. Et là, assis, les bras croisés sur leur pupitre en chêne, ils pointeraient leur regard moqueur sur moi qui, penaud, me tiendrait debout dans l’embrasure de la porte, les bras ballant et la mine basse.

Bien sur, pas un rire ne s’élèverait – personne ne serait assez bête pour troubler le calme nouvellement instauré ni même irriter monsieur Marcant, dont la patience est loin d’être sans limite – mais l’intention serait là, dans leurs yeux et leur sourire en coin.

Je devrais supporter le poids de ces regards jusqu’au bureau du professeur et, une fois là, trouver le courage de prendre la parole et de m’excuser pour mon retard. Les mots resteraient coincés dans ma gorge et je ne réussirais qu’à bafouiller une bouillie inintelligible. Forcément, Monsieur Marcant me demanderait de répéter, ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il me comprenne - si tant est qu’il finisse par me comprendre – puis m’enverrait m’asseoir. Et à ce moment là seulement, mon calvaire prendrait fin.

Ne peut-il pas deviner, après tant d’années, que ce n’est pas tant la punition que je crains que de devoir m’exprimer en public ? Que les élèves de cette classe, tout sages et gentils qu’ils puissent paraitre, peuvent aussi faire preuve de cruauté ? Quel plaisir pervers peuvent-il donc bien en retirer ? Que peut-il y avoir de si jubilatoire dans la souffrance d’un autre, cela me dépasse et m’effraie au plus haut point.

Alors oui, je sais, j’ai l’air pathétique à les craindre de la sorte. Mes paroles peuvent même sembler exagérées et j’aimerais qu’elles le soient, que ma vision des choses soit déformée et que ce triste manège ne soit que l’œuvre d’une imagination torturée mais je ne suis pas fou, ni effrayé sans raison. Et si jamais vous pensez qu’en cet instant, je les condamne avant qu’ils n’aient commis l’acte odieux dont je les accuse – celui de m’humilier – je vous arrête tout de suite, ils le feront. Aussi surement, que deux et deux font quatre.

Je connais ces élèves et cette scène – cette affreuse scène – si je la vois défiler si nettement, c’est qu’elle tient plus du souvenir que de l’imagination. Elle s’est déroulée tant de fois par le passé que si je ne suis plus capable d’affronter un auditoire sans trembler ni perdre mes mots, c’est bien à cause d’eux.

Cependant, ne croyez pas que je ne sois qu’un solitaire, un marginal. Je ne suis ni introverti ni même insociable. J’ai dans ma classe des amis et amies fidèles. Des personnes que j’adore par dessus tout et qui n’ont aucun rapport avec ceux qui m’attendent derrière cette porte ; des personnes éduquées et intelligentes, capable de s’exprimer et réfléchir par eux même – une qualité bien trop rare chez les autres jeunes de notre âge, si vous voulez mon avis. Ces gens là, je les compte sur les doigts d’une main.

Dieu, ou le je-ne-sais-quoi qui fait tourner le monde, le leur rendra : Sans eux je ne pourrais pas trouver le cran de passer une journée de plus dans cette classe.

Pourtant, je n’arrive pas totalement à en vouloir ni jeter la pierre à ces élèves qui me rendent la vie dure. J’ai, depuis un certain temps maintenant, à force de chercher le courage d’actionner cette foutue poignée, une idée qui me trotte dans la tête à leur sujet.

Je me dis que peut être, et j’insiste sur le conditionnel, un certain nombre de mes camarades de classe – même d’adultes quand on y réfléchit bien - subissent ou ont subis le sort qui met réservé tout les jours par mon paternel. C’est à dire mille et une remontrances sur la manière avec laquelle un bon citoyen, un citoyen modèle, doit agir.

Je me demande alors si derrière leur méchanceté gratuite, caché profondément dans leur crane et pensées les plus secrètes, eux aussi connaissent des interrogations semblables aux miennes et si, au fond du fond, leur comportement ne serait pas qu’un masque, qu’une manière de décharger tout cette pression qui est larguée sur leur épaules – N’a-t-on pas tous une manière bien personnelle de gérer notre stress ? Certes, cela n’excuse en rien leur comportement mais, d’une certaine manière, je trouve dans cette hypothèse un peu de réconfort. Cette carapace, j’en suis sûr, ils ne demanderaient qu’à l’ôter si leurs parents, comme mon père, n’était pas si surprotecteur. Dur.

Prenons pour exemple Thomas Girard, le pire de mes camarades. Je sais que son père fait partie de la sécurité et qu’il a été affecté depuis trois ans déjà à la surveillance du secteur pénitentiaire de l’abri. Ce gars là, il doit en voir des vertes et des pas mûrs dans son boulot. Etre tous les jours confronté au pire de l’humanité, ça ne doit pas vous adoucir un homme. Et quand cet homme n’est pas ce qu’on pourrait appeler un tendre à la base, et c’est un euphémisme, je n’imagine pas ravage que cela peut causer. Autant sur lui que sur sa famille.
Je crois même avoir entendu les mots « brute épaisse, tortionnaire et sadique » être utilisés pour le désigner lors de discussions de couloir !

Sérieusement, si je me permet de le dire c’est que la réputation du bonhomme le précède et continuerait à le précéder, sans même que j’ai besoin d’y apporter mon concours. Cette personne a toujours été connue pour avoir la main plus lourde que le cerveau. Un secret de polichinelle qui en arrange plus d’un. Je n’en parlerai pas non plus si je n’avais pas moi-même eu l’occasion de le voir à l’œuvre. Il y a plusieurs années de cela, alors que je déjeunais, il avait frappé devant mes yeux et ceux de tout le réfectoire un homme jusqu’à l’inconscience pour avoir tenté de chiper une ration de trop.

Le père de Thomas, l’enclume, comme certains aiment à l’appeler, était alors un simple employé du service d’ordre de la cantine et moi, un enfant parmi d’autre assis à une table près des cuisines. Il devait savoir que pour le directoire le zèle est l’une des qualités les plus recherché et apprécier si l’on veut connaître de l’avancement car, dès qu’il en avait l’occasion, il était toujours le premier à se précipiter pour régler un conflit ou intimer le calme. Que ce soit quand les décibels venaient à monter entre deux citoyens ou que les poings venaient à être utilisés, il était toujours là pour s’interposer, dans un cas comme dans l’autre, avec le tact bien particulier dont il savait faire preuve.

Nul besoin de vous dire que quand il aperçu l’odieux criminel faire un deuxième tour de file pour avoir un peu de rab, il se saisit de l’occasion persuadé que c’était une chance de plus de démontrer un peu de sa valeur.

L’enclume se glissa donc discrètement dans la queue et la remonta jusqu’au délinquant qu’il l’arrêta d’une main sur l’épaule. Ce fut à instant précis que j’ai compris que les rumeurs qui couraient à son égard n’avaient rien à envier à la réalité. L’incident aurait pu, si ce n’est du, être clos sans violence ni éclat de voix. N’importe quel aurait autre gardien se serait arrangé pour le saisir et le faire disparaître en silence. Mais non, pas l’enclume, lui, il voulait que ce soit spectaculaire.
Sans un avertissement, il retourna le malheureux et lui envoya un coup de poing dans la figure. Il y eu un craquement sinistre et l’homme s’écroula aussi simplement que si la terre s’était dérobée sous ses pieds.

A demi assommé – ce qui explique surement cela – le voleur commit une erreur fatale. Au lieu de rester sagement à terre, immobile comme il nous est demandé de l’être en cas d’arrestation, il tenta de se relever et eu droit à un autre coup, plus violent. Galvanisé par les personnes qui s’étaient agglutinées autour de la scène, l’enclume y alla de plus belle. Pour lui les cris de surprises et d’horreurs de la foule sonnaient comme des encouragements et il ne s’arrêta qu’une fois sûr que sa prise ne se relèverait plus.

Si les deux mesures de matière grise qui se battaient en duel dans sa tête avaient fonctionné normalement, il serait arrêté plus tôt. Il aurait compris que le second coup avait suffit à envoyer le forçat rejoindre les bras de Morphée et les suivant, à rien de plus que s’abimer les phalanges et terroriser d’avantage la foule.

L’altercation ne dura pas plus de deux et quand les autres gardes présents accoururent, interpellé par cet étrange attroupement, l’enclume les accueillit les bras grands ouvert, un pied sur sa prise et le sourire aux lèvres qui devait signifier : « je l’ai eu avant vous, les gars ». Le même sourire narquois que je peux lire tout les jours sur les lèvres de son fils.

Une équipe médicale fut rapidement dépêchée, le blessé transporté à l’infirmerie et l’enclume invité à suivre son supérieur. Personne ne sait ce qui a été dit dans le bureau de son superviseur ce soir là, mais tous convinrent que le transfère de l’enclume à la prison fut sa punition. D’autres personnes, plus minoritaire dans leur opinion, s’accordèrent sur une idée plus sombre. L’administration, satisfaite du travail accompli, ne l’avait pas puni, non au contraire, en guise de récompense elle l’avait envoyé là où il pourrait enfin exploiter tout son potentiel. Le pénitencier.

Quoi de mieux qu’une brute pour s’occuper de brutes avait supposé mon père à table, le soir suivant. Puis, regrettant ses paroles, il m’avait demandé d’oublier ses mots. Il ne revint sur ce fâcheux incident que pour le prendre en exemple et m’expliquer que la nourriture n’était pas un sujet à plaisanterie et que si les règles de rationnement existaient, ce n’était pas sans raison. En bref : finis ton assiette et tais toi. Il n’avait pas tord et, pour une fois, je finis l’infecte bouillie qui m’avait été servis sans broncher.

Ce qu’il est advenu du blessé n’est jamais arrivé jusqu’à mes oreilles et, pour tout vous dire, personne n’a jamais plus évoqué son sort, ni son nom. L’incident clôt, le calme était revenu et il fallait s’en contenter. Comme il me l’a été trop souvent répété, il faut savoir quand se taire et quand être curieux. Cet événement fait parti de ceux qui m’ont appris à en distinguer la frontière. Une scène aussi sanglante, elle vous reste dans la tête, bien ancré dans votre esprit, pour ne plus vous quitter.

Dès lors, si mon père, une personne agréable, aimante, peut parfois me faire vivre un enfer à raison d’avertissement, il ne serait pas étonnant qu’un homme comme le père de Thomas ait de quoi donner à n’importe quel enfant le besoin de passer ses nerfs. Finalement, Thomas et les autres n’étaient peut être pas si mauvais. Seulement malheureux, oppressés et en colère au point de chercher un bouc émissaire, une porte de sortie à leur frustration.

Étrangement, à les imaginer ainsi, je les trouve d’un coup beaucoup plus humains, pour ne pas dire fragile, et la peur que je ressentais à l’idée d’entrer dans cette pièce s’évanouit. En partie, du moins. Suffisamment pour que, cette fois-ci, je prenne mon courage a deux mains et me décide enfin à pénétrer dans la salle de cours ; remerciant le ciel qu’à cette heure-ci les couloirs soient déserts et que personne ne m’ait vu tergiverser de la sorte.

Je m’arrête net dans l’embrassure de la porte, estomaqué par la scène qui s’offre à moi : Tous les élèves, sans exceptions, sont présent, avachis sur leur pupitre, endormi d’un sommeil si profond que certains sont mêmes tombés de leur chaise. Ils gisent là, par terre, dans de surprenantes positions et, en guise de fond sonore, au milieu des ronflements, un enregistrement audio est diffusé en boucle. Une voix étrange, surnaturelle, proclame d’un ton grave et solennel les règlements du directoire. Ceux que je sais être tirés de la bible et, plus précisément, des Dix commandements :

« Tu Honoreras ton père et ta mère afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le seigneur, ton dieu.
Tu ne commettras pas de meurtres.
Tu ne commettras pas l’adultère.
Tu ne commettras pas de vol.
Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain... »

Mais cette voix si singulière n’est pas celle d’un seul homme. Chaque mot pris séparément provient d’une personne différente et, mis bout à bout, ils forment ces phrases qui, désormais, sonnent à mes oreilles comme un sinistre avertissement.

Un regard sur ma droite achève de faire disparaître le peu de calme qui m’habitait encore et, sans qu’un son ne sorte de ma bouche, je lâche un cri d’épouvante et me rattrape in extremis à un pupitre, les jambes fauchées par l’horreur.

Marcant est là, lui aussi, comme à son habitude, derrière son bureau. A cela près, bien sur, que ces pieds ne touchent plus le sol. Il pend dans les airs, une corde autour du cou et le visage bleui. Sa langue gonflée par un œdème lui sort de la bouche et, sur son torse nu, un symbole est gravé.

Mes yeux, sans que je ne puisse les arrêter, s'étaient fermé alors que, totalement déboussolé, j’observais la scène. Je ne m’en étais pas rendu compte à ce moment là mais je venais rejoins la ronde des dormeurs.

Message édité le 27 août 2015 à 02:59:19 par _dexter75_
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05 octobre 2015 à 18:40:19

III

Je me réveillai quelques heures plus tard, l’esprit hagard et le corps en coton, allongé dans un lit d’hôpital. Je ne savais ni comment ni pourquoi j’étais là et, la mémoire encore confuse de ma profonde léthargie, je peinai à me rappeler des événements qui avaient précédé mon sommeil.

Je ne me souvenais que de ma course folle dans les couloirs de l’abri et des personnes, aux visages désormais fantomatiques, que j’avais croisées et bousculées en chemin. Avais-je seulement atteint la classe à l’heure ? Je ne le savais pas et n’arrivais pas à réfléchir clairement.

La pièce dans laquelle j’étais installé était d’une blancheur éclatante et les puissants néons du plafond me brulaient les yeux ; ils m’aveuglaient presque. Le vacarme des machines auxquels j’étais reliés, par toute une ribambelle de fils et de capteurs, me vrillait les oreilles et, au fur et à mesure que j’essayais de comprendre la situation, le rythme de certaines s’affolaient, partant dans les aigus. Elles suivaient les battement de mon cœur, qui, gagné par la panique, fut pris de contractions.

Elles devinrent de plus en plus fortes et douloureuses quand, après avoir tenté de me relever, je dus me rabattre sur le lit, comme aspiré en arrière par une force invisible. Je crus un instant qu’on m’avait agrippé les bras avant de réaliser que j’étais sanglé au lit.

Je me débattis en vain pour me libérer et m’arrêtai, épuisé et terrifié, les poignés en feu. Je voulus appeler à l’aide et crier au secours, hurler de tout mon soul mais je n’en fis rien. Je ne savais pas qui pourrait répondre à mon appel, ni surgir par la porte de cette étrange pièce. Il était plus prudent de laisser croire à ceux qui m’avaient emmené ici, que j’étais toujours endormi. Il fallait d’abord que je comprenne pourquoi j’avais été hospitalisé et ligoté.

La première étape fut donc de retrouver mon calme et je dus faire un effort surhumain pour y parvenir. Mon rythme cardiaque revenu à la normale et les douleurs disparues, j’entrepris de passer la salle au peigne fin. Hormis les étranges machines et les perfusions qui m’étaient injectées, cette pièce était désespérément vide. Seule une fenêtre sur ma droite aurait pu me donner, si ce n’est un peu baume au cœur, une idée de là où je me trouvais mais elle était couverte par un rideau.

Je me dis que, de toute manière, même si un objet, quel qu’il soit, aurait pu me servir à m’évader, il aurait été hors d’atteinte. Loin de m’aider, cette pensée enfonça encore un peu plus le clou et, ce fut ce moment, pendant lequel je décidais d’abandonner tout espoir de fuite, que mon cerceau choisit pour me jouer un mauvais tour.

Il m’envoya par vague successives d’inquiétantes images qui, d’abord fugaces, ne me laissèrent après leur passage qu’un sentiment d’effroi. Puis, de plus en plus clairs et persistent, les souvenirs formèrent des images. Celles d’une salle de classe ; d’élèves endormis et d’un corps pendant dans le vide. Son visage m’apparut brusquement et je me souvins de tout. Sans exceptions.

Marcant avait été tué. Car, oui, pour moi cela ne faisait aucun doute, il s’agissait d’un meurtre et, si, bien sur, l’idée d’un suicide m’avait traversé l’esprit, je l’avais vite chassé. Elle ne tenait pas debout. Les circonstances étaient bien trop extravagantes.

Une foule de questions se bouscula dans ma tête et une inquiétude, surpassant toutes les autres, émergea. Avais-je été découvert et récupéré par les autorités de l’abri ou bien par les auteurs de ce crime ? Si c’était la première option, pourquoi diable avais-je été sanglé ? Si c’était la seconde…hé bien, je n’avais plus qu’à prier pour que mon père me retrouve à temps.

Je n’eus pas longtemps à attendre pour en connaître la réponse. Les lumières s’allumèrent dans la pièce d’à coté et, se découpant en ombre chinoise dans le rideau, je vis des silhouettes s’animer et discuter. Evidemment, je n’entendis rien. Ma chambre était insonorisé mais, à leurs gestes et mouvements, je n’eu pas de mal à le deviner.

Elles commencèrent même à se chamailler. Un bref instant, seulement. Elles s’arrêtèrent presque aussitôt à l’arrivée d’une autre forme, plus grande et imposante, qui traversa la pièce de long et en large et qui ausculta chacun de ses occupants.

Je n’en fus pas certain mais j’aurais pu jurer l’avoir vu donner une sucette à l’une des silhouettes qui s’était alors mise à sautiller de joie. Il ne m’en fallut pas plus pour deviner que toutes ses petites ombres qui s’agitaient étaient mes camarades de classes et l’homme, un médecin. Une fois son travail fini, il claqua des mains et deux adultes entrèrent. Ils évacuèrent les enfants et le docteur resta, seul, dans la pièce.

Il pressa un interrupteur et la porte de ma chambre s’ouvrit, coulissant d’elle même le long dans le mur. L’homme entra sans dire un mot, un calepin à la main. Il fit le tour de mon lit, m’examina puis, toujours en silence, quitta son air sérieux pour m’adresser un sourire plus chaleureux. Enfin, il parla : « Bonjour, Paul, tu me reconnais ? Le Docteur Rocard. »

Les années ne l’aient pas épargné mais je ne mis pas longtemps à me rappeler de ce visage. Rien n’aurait pus me le faire oublier. Ni les rides, qui le sillonnaient désormais comme un millier de petites ravines, ni sa calvitie naissante et ses tempes grises. C’était l’homme qui, durant de longs mois, avait tenté l’impossible pour soigner ma mère.

« Oui, répondis-je surpris. Je suis content de vous voir. »

Je mentais, bien sur. De toute les personnes qui auraient pu passé par cette porte, il avait fallu que ce soit lui, un homme que je détestai. Pas qu’il ait fait quoi que ce soit pour le mériter, non, au contraire c’était un bon médecin, consciencieux et toujours agréable avec ses patients. Mais le voir me renvoyait à toutes ses nuits passées au chevet de ma mère, à attendre qu’elle se réveille de son coma, ou s’endorme, à jamais.
Il posa une main sur mon épaule.

« Moi aussi. Tu as bien grandi ! Comment te sens-tu ?
— Bien, je crois.
¬¬— Tu es sûr, dit-il soucieux. Des nausées, des maux de têtes, peut-être ?
— Non, rien de tout ça. Mais… »
Il me vit hésiter et comprit. J’avais jeté un regard sur mes sangles.
« Ne t’en fais pas pour ça, déclara-t-il en rigolant, comme pour calmer l’angoisse qui commençait à apparaître sur mon visage. C’est pour ton bien. Tu étais très agité et Il s’en est fallut de peu pour que tu retournes et tombe de ton lit.
— Ah ! Vous pouvez me les enlever alors ? »
Il parut ennuyé.
« J’aimerais bien, oui, mais pas tout de suite.
— Je ne comprends pas. »
Il prit un temps de réflexion avant de répondre.
« Tes camarades de classes et toi avaient eus… un accident. Tu le sais, ça ? »
J’hochai la tête pour acquiescer.
« Quelqu’un est mort, Paul. Ton professeur, monsieur Marcant. Je suis désolé de te le dire comme ça. Des personnes veulent te voir et te poser des questions. Ils m’ont demandé de te laisser attacher.
— Pourquoi ? Je n’ai rien fais de mal ! Rétorquai-je avec plus de force que je ne l’aurais voulu.
— je sais, nous le savons tous, voyons. Ne t’inquiètes pas, ils veulent juste… »

Quelqu’un toussa pour nous interrompre. Dans l’encadrure de la porte, deux hommes attendaient. Ils portaient l’uniforme bleu foncé de notre police et, sur leur poitrine, un insigne en forme de balance et de glaive brillait sous la lumière des néons. Je sus aussitôt de qui ils s’agissaient.

Cet emblème là était celle des juge-enquêteurs du directoire, l’organisme chargé de mener les investigations et rendre la justice. Un deux en un qui, plus rapide et efficaces que les anciennes méthodes, avait fait ses preuves d’après nos élites. Il faut le dire, la paperasse n’était plus une chose dont on s’embarrassait vraiment sous terre.

Un des deux hommes, un grand brun costaud et propre sur lui, s’avança pour prendre le docteur à part et lui glisser un mot à l’oreille. Rocard devint instantanément blême. Il força un sourire dans ma direction et, après une hésitation, me laissa seul avec les enquêteurs.
Le brun vint se poster à coté de moi alors que son collègue restait à sa place, devant la porte, à mâchouiller un chewing-gum la bouche ouverte et à prendre des notes.

« Bonjour Paul. Je suis le juge-inspecteur Poinsard et notre ami, là, dans le coin, dit-il en désignant son collègue d’une main, c’est Robert Valesin.
— Bob, pour les intimes, ajouta robert, en feintant d’être choqué.
— Oui, c’est vrai, pardon Bob, s’excusa Poinsard véritablement peiné par son oubli. D’abord, Paul, reprit-il à mon attention, j’aimerais que tu comprennes que tu n’as rien à craindre de nous. Nous sommes là en amis. Nous avons seulement besoin d’éclaircir quelques points obscurs de notre enquête. Rien de bien folichon, crois-moi, et nous sommes sûr que tu es celui qui pourra nous y aider. »

Il y avait dans la voix de cet homme, dans sa manière de s’exprimer avec à la fois gravité et douceur, quelque chose d’apaisant. Dans son sourire et ses yeux, on pouvait lire la bienveillance et la compassion d’un père. Il m’apparut tout de suite sympathique. Son collègue, en revanche, était plus inquiétant. Avec son uniforme trop grand et sa mine patibulaire, il ressemblait plus à un repris de justice qu’à un agent de l’ordre.

« Je veux bien aider, vraiment, mais je ne vois vraiment pas comment. Je ne sais rien de plus que les autres, répondis-je finalement.
— Et moi, je crois que tu as beaucoup plus de choses à nous apprendre que tu ne le dis. Notre cher bob, ici présent, a eu, comment dire, une bonne idée…non, une idée superbe…
— Arrêtes, je vais rougir, l’interrompit Valesin, avec un geste gêné de la main.
— Non vraiment, je t’assure, tu me connais, je ne suis pas du genre à jeter des fleurs. C’était une très bonne initiative. Alors que tous restaient pantois devant le mort, tu es le seule à y avoir penser. »

Valesin fit une petite courbette en signe de gratitude et le juge-enquêteur continua sa tirade : « Vois-tu, Paul, Bob a cru bon de jeter un œil au registre d’appel fait par Marcant avant son décès. Et là, surprise, tu n’y figurais pas. Et pourtant, force est de constater que tu étais bien là, avec tes camarades. Tu nous expliques ? »

Poinsard, avec son ton accusateur, me parut d’un coup moins amical.
« J’étais en retard, ce matin, c’est tout. Et quand je suis arrivé, tout le monde dormait. Enfin, vous savez, sauf...monsieur Marcant était … »

Je retins un haut le cœur et je sentis les larmes me monter aux yeux.

« Ça va aller, dit Poinsard en prenant ma main dans la sienne. Ça va aller.
— En retard, tu dis ? Oui, c’est bien ce j’avais imaginé, déclara Robert qui s’était rapproché. Et tu sais ce que cela fait de toi ?
— Non.
¬— Notre seul témoin. Tes petits amis dormaient pendant le meurtre. Donc je vais te demander de respirer un bon coup, de bien réfléchir à tout ce dont tu te rappelles et de nous le dire. N’omets pas un détail. Tu sais ce que tu risques si tu ne coopères pas.
- Allons, allons, coupa Poinsard, agacé. »

Il s’assit sur les talons pour se mettre à ma hauteur et, son regard plongé dans le mien, me sourit.

« Tout vas bien se passer, réponds du mieux que tu peux, c’est tout ce que je te demande. Tu t’en sens capable ?
— Oui. »

Il s’en était ensuivi une longue et éprouvante heure d’interrogatoire, uniquement ponctué par les coups de crayon de Valesin qui, je le jure, n’oublia pas de noter une seule de mes paroles. Il ne manqua pas non plus, d’ailleurs, de me souligner chacune de mes errances quand il m’arrivait de donner, par mégarde, une réponse un peu différente de celles que j’avais pus donner, à une question déjà posée, mainte et mainte fois.

Poinsard, quant à lui, avait rapidement quitté son déguisement de gentil flic et s’était révélé être un interrogateur encore plus ferme et pointilleux que son adjoint. Si cela n’avait pas été de la conscience professionnelle – ce que c’était, je le sais aujourd’hui –, je l’aurais sans doute pris pour du sadisme car, sur la fin, chacune de ses questions, remarques et pinaillages m’avaient fait l’effet d’un coup de poing.

Je finis abattu et lessivé, le crane rempli d’images morbides qui allaient hanter et hante toujours mes cauchemars. Les deux juges-inspecteurs, eux, semblèrent satisfait de mes réponses. Après une dernière salve de questions, ils s’éloignèrent pour parler à huit-clos. Malgré tout, je réussis à entendre quelques brides de leur conversation.

Ils parurent tout deux étonnés, inquiets peut-être, ou alors terrifiés – ils étaient durs à déchiffrer –, quand ils revinrent sur ma mention d’un symbole gravé sur le torse de Marcant. Encore plus que quand ils avaient appris l’existence d’un enregistrement audio. Pourtant, la disparation de la cassette de son lecteur signifiait que le tueur était encore présent à mon arrivé. Ce détail m’avait noué l’estomac et je ne compris pas ce qu’il pouvait y avoir de plus important derrière cette marque pour que leur visage se crispe ainsi.

Je voulus leur poser la question et me retenus au dernier moment, certain que cela ne ferait que prolonger mon interrogatoire, sans même m’assurer d’en avoir la réponse. Je ne les interrompus donc que pour qu’ils me détachent et, à ma grande surprise, Robert vint m’ôter mes sangles sans aucune protestation.

« Voilà, à toi la liberté. Heureux ?
— Oh que oui ! Répondis-je en bondissant de mon lit.
— Gardes néanmoins en tête qu’on gardera un œil sur toi. »

Valesin plongea une main dans sa poche et en sortit un chewing-gum. Il enleva l’emballage et posa le bonbon dans ma paume.

« Tiens, prends-le et files avant que je ne change d’avis. Ton père t’attend à la sortie de l’infirmerie.
— Merci, dis-je en enfournant la confiserie dans ma bouche. »

Et je partis, un poids en moins sur mes épaules, sous le regard inquiet de Poinsard, avec la formelle interdiction de raconter ce qui avait été dit dans cette pièce.
Mon père était entrain de faire les cents pas, la mine basse et les mains sur les hanches, quand je l’aperçu enfin, au détour d’un couloir. Je me jetai dans ses bras et il me rendit mon étreinte. Je n’avais jamais été aussi heureux de le voir et, je pense pouvoir le dire sans me tromper, lui aussi. Ce moment d’euphorie passé, il me relâcha et posa ses mains sur mes épaules. Il m’embrassa sur le front.

« J’ai eu si peur, dis-je, des larmes coulant sur mes joues.
— je sais mon fils, je suis désolé, j’aurais voulu être là. Ils n’ont pas laissé faire… Ils le paieront, fais moi confiance. »

Ce fut la première fois que je vis briller un éclair de rage dans les yeux de mon père et je sus que ce n’était pas des paroles en l’air.

« Tu n’es pas obligé, hein, répondis-je pour calmer ses ardeurs, de peur qu’il fasse une bêtise qu’il regretterait. C’était dur, mais ils ne m’ont pas fait de mal.
— Il y a intérêt ! Si jamais ils ont levé la main sur toi, ou essayes à l’avenir, tu me le dirais ?
— Promis, juré !
— C’est bien, je suis fier de toi. »

Il prit une inspiration puis, approchant son visage du miens, me dit avec une soudaine gravité :

« Maintenant, dis moi, Tu ne leur as rien dit sur mon carnet, n’est-ce pas ? »

Il savait. Bien sur, qu’il savait que j’avais trouvé son livre. J’aurais du m’en douter. J’aurais voulu mentir mais ça n’aurait servi à rien et, ce fut avec une boule dans le ventre, que je répondis : « Non. »

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