Dragon Quest Builders 2 commence par une longue leçon de jardinage dispensée par un lombric géant qui porte un chapeau de ferme. Ainsi, chacune des graines doit être traitée différemment. Les tomates nécessitent un tuteur, la canne à sucre a besoin de beaucoup d’eau tandis que le blé se débrouille un peu tout seul. C’est avec un début très Stardew Valley que se dessine la logique de cette suite : chaque chapitre, ou plutôt chaque île, aborde un concept supplémentaire qui donne à l’aventure un côté didacticiel. Après l’île des récoltes, on passera à l’île des mines et des minerais, puis celle de la neige, avec quelques petites surprises intermédiaires comme un petit séjour sur une île pénitentiaire. On a l’impression qu’on nous tient la main à nouveau, jusqu’au grand méchant final. Reste heureusement une échappatoire pour les plus créatifs.

Dans Builders 2, il existe une sorte d’îlot central où toutes les constructions sont un peu plus libres. Elle s’appelle justement “l’île vide”, en japonais dans le texte. Et parce qu’ici, on ne clone pas Minecraft à la légère, on peut désormais creuser plus loin et même construire sous l’eau. Dans tous les cas, on se retrouve face à une coquille vide qu’il faut périodiquement aménager. Ainsi, un flot de PNJ vous demandera de mettre en place un réseau de rails sous la pyramide qu’ils sont en train de vous construire. Des milliers de blocs, assemblés automatiquement. De quoi se sentir un peu moins la bonne à tout faire, en allant ramasser des trucs aux quatre coins du globe.
C’est d’ailleurs dans ce hub que les joueurs du multi se retrouvent. Car oui, avec ce seul et unique mode libre abondamment demandé par les joueurs, on peut enfin se retrouver sur cet îlot perdu, le temps de bâtir un cagibi ou une pyramide. Enfin, à condition d'avoir passé environ 10 à 15 heures à ramasser des choux et planter un platane magique. C’est l'une des décisions consternantes du design de DQB2 : faire de la grosse nouveauté une fonctionnalité à débloquer. Voilà qui mérite un slow clap de tous ceux qui pensaient construire en groupe et laisser cours à leur imagination dès le départ. De toute manière, il n’y a pas d’écran splitté, tout se faisant en local ou en WiFi

Ceux qui s’étaient plaints du découpage en chapitre de DQB premier du nom vont être ravis, il est possible de revenir sur n’importe quelle île à tout moment. A tel point que la thématique des archipels de Dragon Quest VII semblait parfaite pour cet épisode. Fidèle à la chronologie, le premier volet proposait de réécrire l’histoire du premier Dragon Quest ; sa suite suit la même logique en revisitant Dragon Quest II. Le culte maléfique de Hargorn s’est abattu sur votre monde, interdisant les gens de construire. Vous allez guider leur chemin avec l’aide de votre nouvel ami Shido, Malroth en version occidentale. Evidemment, on peut compter sur un petit twist, une grosse référence à ce grand jeu de 1987, à l’époque où un boss à deux formes était une nouveauté. Concrètement, il faudra rendre espoir aux gens en leur construisant tout un tas de bâtiments allant du bar à la piscine olympique.
DQB2 mise davantage sur un feeling de JRPG orienté action. On y passe des niveaux d’expérience mais avec une limite par chapitre / île pour éviter les abus. Développée pour la première fois par Koei Tecmo, la version Switch est d'ailleurs sensiblement inférieure à son homologue PS4, mais pas de jaloux : dans un cas comme dans l'autre, le frame rate pédale vraiment dans la semoule avec beaucoup de PNJ à l’écran. Heureusement, les NPC ont été vraiment améliorés et se déplacent généralement avec pas mal d'intelligence, à l’exception de ce chien parti une fois se coincer dans la flotte. A partir d’un moment, on pourra même récupérer certains monstres comme copains. Et une Chimaera dans son arsenal pour survoler les montagnes, c'est toujours bien pratique.

Builders 2 offre également la possibilité d’aller visiter des îles bonus, plus ou moins aléatoires, sauf quand c’est exigé par le déroulement ultra-linéaire du jeu. On peut y ramasser des graines de cafés ou d’autres nouvelles denrées, du matériel pour son propre fief mais aussi identifier un certain nombre de matériaux. Une fois répertoriés, cela ouvre l’accès à un certain type de composants disponibles à volonté à la maison ; pratique s'il s'agit de combustible, de bois ou de minerai de fer. Des activités qui donnent évidemment envie de laisser tomber la quête pour s’occuper à construire des édifices dans le genre qui nous sont montrés durant les temps de chargement, des photos tirées d’un sondage en ligne. Avec cette règle immuable : il y a toujours plus fou que soi.
L'apport le plus net concerne la gestion de l’inventaire qui a été simplifiée à l’extrême. Tout a été revu et corrigé pour gagner en ergonomie, à l’exception d’un bouton A/Rond très étrange à qui on a assigné trop de fonctions, du gant au marteau, en passant par l’amphore de flotte ou l'ocarina. Le but de l’opération étant de libérer le bouton d’action et de saut pour des combats plus présents qu’avant. Attention, on est dans le frappe/esquive ultra basique et la présence de Shido qui ajoute quelques grosses patates simplifie encore plus les duels, quand il ne s'agit pas des attaques spéciales liées à une jauge pour retourner les situations moins bien engagées. La téléportation coupe aussi les trop longs déplacements. Dans l’absolu, construire est plus simple et on retrouve un peu de la vista du premier épisode en enchaînant les bâtiments. Quelques établissements risquent toujours de poser problème à cause des contraintes parfois très précises des modes d’emploi, qui obligent à respecter à la lettre le positionnement des éléments, mais ça fait partie du concept.

La déception Builders 2 est complexe à résumer. Contrairement à Dragon Quest Heroes II, ce n’est pas un produit sorti à la va-vite, exception faite des nombreux bugs fatals présents lors de la sortie japonaise, et qui ont déjà fait l'objet de plusieurs patchs. Kazuya Niinô, créateur de talent et créateur d’Etrian Odyssey, est plutôt connu pour simplifier les systèmes ; ici il en a peut-être un peu trop fait, tout en zappant des points essentiels. Si les monstres ne peuvent plus casser vos constructions, la dimension Tower Defense disparaît aussitôt. On compte encore quelques pièges ou barrières magiques, mais vu que les monstres ne représentent plus vraiment une menace pour votre patelin, à quoi bon ? A un moment, les PNJ parachutés par demi-douzaines finissent par construire pour vous en mode automatique. Idem pour les combats, où ils se battent pour vous sans avoir besoin de s'employer. L’île de la prison décroche le pompon de l’ennui, illustrant avec ironie les trop nombreuses heures de jeu passées à ne pas construire. C’est vraiment frustrant, car tout pourrait être mieux et pensé pour impliquer davantage le joueur. Dragon Quest Builders 2 est littéralement un bac à sable, mais qui oblige à passer des après-midis assis sur la balançoire.

Après un premier épisode cristallin qui avait enthousiasmé par sa fraîcheur et son habileté, Dragon Quest Builders 2 déçoit. Le mode multi tant demandé est bien présent mais ne se débloque qu’après de longues heures, à la sortie d'un laborieux tunnel de "fetch quests". Plus généralement, quand on a l’impression d’avoir ressenti 80 heures de jeu pour seulement la moitié au compteur, on se dit que la magie n’opère plus. Les combats ne sont pas intéressants, le pire restant tout le temps passé à ne pas à construire. Pour un jeu qui s'appelle "Builders", ça fait mal. Cette suite donne l’impression d’une boite de Lego. Pas les anciennes, les barils de cube et de briques multicolores de notre enfance qui s'entremêlent, la nostalgie même de notre créativité. Non, plutôt les modernes, plus chers, dont les pièces sont spécifiques, moulées dans des gros blocs. C’est sûr, ils font plus joli posé sur l’étagère. Mais une fois montés, on n’y touche plus.