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Sujet : [Fic] Slavetale

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erosdog erosdog
MP
Niveau 10
17 mai 2018 à 23:29:39

Sa pause terminée, l’humain retourna à son bureau. Il replongea dans la mare de dossiers autour de lui, laissant ses pensées sur ses collègues au bord du bassin. Des chiffres ici, des rapports là. Clac clac clac sur la calculatrice, clic clic clic sur l’ordinateur. Ni le temps ni la force de penser à quoi que ce soit d’autre. John s’oublia dans les tâches abrutissantes pour ne pas sentir la lenteur exaspérante avec laquelle le temps passait. Finalement, ce fut la faim qui le réveilla dans les alentours de midi. Un rapide coup d’œil en bas de son écran lui apprit qu’il était une heure raisonnable pour prendre sa pause déjeuner, et il s’empara alors de sa veste pour quitter l’immeuble.
Les rues s’étaient calmées, étaient devenues moins agressives pour ses sens. C’était comme si elles s’acharnaient le matin pour se venger d’être réveillées en sursaut et piétinées par la foule avant de se rendormir au cours de la journée, apaisées de ne plus être harcelées. John marcha donc sur le béton pour se rendre dans l’un des nombreux restaurants de la métropole. Il céda d’ailleurs à la tentation et pénétra dans un fast food. C’était certain, le gras du burger égaillerait sa journée.
La queue était longue. Il pesta mais prit son mal en patience, il ne pouvait aller plus vite que la musique. Au moins, cela lui laissait le temps de réfléchir à sa commande ; qu’allait-il choisir parmi tous les produits affichés au-dessus des caisses, mis en valeur à grand renfort de photo parfaites ?
Sa volonté se porta finalement sur un menu assez classique, taille maximum évidemment ; il n’allait pas se tuer en jogging tous les week-ends pour rien. Désormais qu’il avait fait son choix, l’attente lui paraissait encore plus longue. Et il voyait les aiguilles défiler, grignotant peu à peu son temps de pause restant.
Enfin, ce fut son tour. John fit rapidement sa commande à la caisse. Au moins, c’était encore des humains qui tenaient ces jobs là ; les patrons avaient vite compris que mettre des monstres en relation avec le public n’était pas une bonne idée.
Pressé, il regarda la cuisine au travers des racks métalliques où la nourriture était transférée, et découvrit avec dépit qu’aucune main humaine ne s’activait là-bas. Voilà donc où étaient faites les économies. Néanmoins, ils avaient eu la décence de ne pas recruter ces monstres gluant ou dégoulinant. Rien n’aurait été pire que trouver de la bave dans son sandwich. Il frissonna rien que d’y penser.
Une fois son plateau dans les mains, John parcourut la salle du regard pour chercher une place. S’y prendre maintenant n’était pas un choix stratégique très judicieux, surtout vu tout le temps qu’il avait attendu. D’autant plus qu’il y avait un groupe de jeunes bruyants là, une mère avec ses enfants ici et ce qui devait être la réunion nationale des malentendants dans le fond tellement ils beuglaient fort. Quelle aubaine…
L’humain se rabattit sur une place en extérieur. Il faisait froid mais, contrairement à ses oreilles, sa peau était protégée. Et puis le repas à peine sortit de la friteuse le réchaufferait. John s’assura que nul résidu biologique ne traînait sur sa commande, on n’était jamais sûr avec ces créatures, avant de saisir le burger à pleines mains.
Il fut comme souvent subjugué par la capacité de ces restaurants à rendre la première bouchée succulente, et les suivantes complètement fades. Les frites avaient un arrière-goût de vomi si elles n’étaient pas trempées de sauce, le sandwich semblait fait de bois tant il était impossible à avaler et la boisson attisait sa soif plutôt que de l’assouvir. John se demanda comment il avait pu encore tomber dans le piège du fast food, et comment il se faisait qu’il avait toujours envie d’y retourner. C’était bizarre : quand il pensait fast food, il avait l’eau à la bouche et très envie d’en manger, mais quand la commande était devant lui et qu’il avait consommé la première bouchée, ce devenait plus une corvée qu’autre chose. Les industriels devaient mettre quelque chose dedans pour les rendre addict, c’était impossible autrement…
Une fois son repas englouti, il lui restait une dizaine de minutes pour revenir au bureau. John retourna dans le restaurant pour poser son plateau comme un citoyen modèle - perdant cinq points d’audition au passage - et prit le chemin retour.
La forêt de piétons étant plus clairsemée, il put voir plus facilement où il se dirigeait, mais aussi voir plus facilement le cancer qui rongeait la ville. Il ne pouvait regarder dans une ruelle sans tomber nez à nez avec un monstre ; que faisait la police ? Il croisa même une sorte de bête humanoïde bleue accompagné d’un humain qui portait un carton dans les bras. C’était l’humain qui portait ! Incroyable ! Mais où allait le monde ? C’était un jeune en plus. Quel avenir pour l'espèce humaine… Au moins, ses enfants à lui n’étaient pas comme ça.
Il oublia vite tout cela en remontant dans son bureau, se soumettant encore une fois à l’humiliation de devoir se présenter à l’accueil. Il croisa quelques collègues et leur fit un signe de tête, notamment Stéphanie et le jeune stagiaire de l’étage à la machine à café. Ils riaient. Il se demanda pourquoi.
John reprit son travail, attendant désespérément que les coups de cinq heures sonnent. Il pourrait enfin se barrer d’ici et se vider l’esprit, avant de devoir revenir le lendemain matin et tout recommencer. Comme beaucoup, il avait du mal à percevoir le but de sa vie. Il avait déjà quarante ans passé, et pourtant il n’était encore qu’un esclave dans un bureau. Mais bon, que pouvait-il y faire ? Il avait dû trouver du travail alors qu’il avait à peine vingt ans, payer les factures, un appartement. Puis il s’était marié, avait dû payer la maison. Et puis il avait eu des enfants, et en vingt ans il n’avait pas eu le temps de souffler et de réfléchir à ce qu’il voulait vraiment faire de sa vie, ni le temps de se concentrer sur sa carrière, obligé de trouver de quoi boucler les fins de mois.
John avait cru qu’il pourrait être libre, mais il avait fini par comprendre qu’on était tous esclaves de quelque chose. L’homme devait bien trouver à manger et de quoi se loger. Sa vie dépendait des services qu’il pouvait procurer. En cela, il n’était pas si différent des monstres finalement. Et c’était d’ailleurs peut-être pour cela qu’il leur en voulait ; il ne supportait pas que d’autres lui ravissent le privilège de s’asservir.
Mais John était trop occupé par son travail pour s'apercevoir de tout cela. En le plongeant dans le brouillard de la monotonie, la vie l’empêchait de prendre tout recul, de voir qu’il était plus proches de toutes les créatures peuplant ce monde qu’il ne le pensait. Finalement, les monstres avaient de la chance par rapport à lui ; leur combat pour la liberté était simple. Ils avaient un objectif bien défini. Ils n’avaient pas besoin de tout ce recul.
Enfin, quand il regarda l’horloge pour la centième fois de l’après-midi, John fut soulagé de constater qu’il en avait fini. Un jour de moins dans ce bureau de merde, pensa-t-il. Un jour de moins dans sa vie banale, aurait-on pu lui répondre. Pouvait-il dire qu’il était fier de cette journée ?
Dans l’effort de pouvoir répondre oui, il tentait de vivre pleinement en dehors de ses heures de bureau. Il s’était souvenu avec tendresse quelques années auparavant de la joie qu’il éprouvait à lire étant enfant. Comme de nombreuses autres habitudes, la vie avait massacré celle-ci ; mais il comptait bien la ressusciter. Alors il se rendait une fois par semaine à la bibliothèque avant de rentrer, dans un effort louable d’étendre sa culture. Quand il voyait tous les volumes sur les étagères, il était soudain pris d’admiration pour leurs auteurs, et il ressentait l’envie d’écrire quelque chose. Mais qu’écrirait-il donc ? Qu’avait-il donc d'intéressant à dire ?
Depuis l’extérieur, le bâtiment était sublime. Ses lignes modernes tranchaient avec la sagesse ancienne contenue dans ses murs de verre de d’acier. Il occupait le milieu d’une place savamment décorée, se servant de la nature comme d’une lentille pour forcer une perspective et créer un lieu hors du temps.
Il ne put s’empêcher de contempler pour la millième fois ses façades brillantes en traversant la place qui le menait de l’arrêt de bus jusqu’à l’entrée. Les plantes suggéraient un chemin qui révélait lentement les détails de l’architecture, et qui coupait subtilement tous lien avec la civilisation. Aucun son ne parvenait de l’extérieur, la bibliothèque protégée par le mur végétal. Il résonnait dans le lieu une rare impression de plénitude.
John poussa les portes pour pénétrer dans le hall encore plus silencieux. Puis il entra dans l’une des grandes salles de lecture, celle où il était allé la dernière fois. Il reprit le livre qu’il avait posé, le rouvrit à la page qu’il avait noté, et s’installa confortablement sur l’un des fauteuils. La lumière du soleil pénétrait mollement par les baies vitrées ; il avait encore un moment avant qu’elle ne faiblisse.
Là, il se pensait à l’abri. Certainement, ces créatures ne sauraient apprécier toute la culture humaine renfermée en ces lieux. Mais c’était sans compter sur la nécessité de l'entretien ; quand un humain revêtait la tenue de concierge, il disparaissait de sa vue, mais quand un monstre la mettait, ses yeux ne pouvaient voir que cela. Impossible de ne pas voir, impossible de ne pas y penser, impossible de se détendre lorsque ces bêtes étaient à l'affût autour de lui. Merde quoi, on n’aurait pas autorisé un chien dans une bibliothèque ! Même lorsque son regard replongeait dans les pages ridées, la fourrure et les écailles ne cessaient de danser devant ses yeux.
Profondément frustré, il se leva pour changer de place, allant se placer bien à l’abri derrière plusieurs étalages à l’opposé de la salle. Mais, comme si la créature avait perçu son malaise, elle réapparut au coin de son champ de vision. Il n’osa grogner de peur d’attirer l’attention des lecteurs autour de lui, mais l’envie ne lui manquait pas. John tenta de s’inspirer des autres humains à côté, de ne pas polluer le lieu sacré avec ses pensées négatives, mais comment faire alors que l’endroit était déjà souillé par la présence d’un monstre ?
John parvint finalement, non sans difficultés, à faire abstraction du monde autour de lui. Faisant un grand effort pour se concentrer sur son livre, il progressa d’une centaine de pages avant que le déclin du soleil ne le ramène à la réalité. L’histoire était prenante, il lui avait juste suffit de s’y plonger.
L’humain reposa le volume à sa place, frissonnant à l’idée qu’il soit manipulé par des mains inhumaines, et se dirigea vers la sortie accompagné par les quelques autres qui, comme lui, n’avaient pas vu le temps passer. Dehors, la nuit commençait à bien s’installer et John pressa le pas, impatient de rentrer.
Les devantures de magasins projetaient leurs néons acides sur le sol, à peine masqués par les derniers rayons du soleil. En quelques minutes, il avait totalement disparu derrière l’horizon, ne laissant plus qu’une petite bande cramoisie dans le ciel.
Il se tramait de nombreuses choses la nuit dans les grandes avenues. Une nouvelle population s’était éveillée ; marginale et nocturne. Il voyait passer des groupes de jeunes plus ou moins excentriques à côté d’humains plus âgés, plus mondains. Les rues principales étaient devenues cosmopolites, troquant leurs costards sur mesure contre des tenues de soirée.
Les ruelles perpendiculaires quant à elles étaient moins fréquentables. Lugubres, il n’avait aucune envie de s’y aventurer. En passant devant l’une d’elle il s’attarda néanmoins avec un petit groupe de badauds, contemplant un spectacle rare : l’arrestation en direct d’un monstre. Quelques humains autour de lui brandissaient leurs téléphones, mais John était de la vieille école et préférait vivre dans le présent.
Ce n’était pas un spectacle de très intéressant, ni très divertissant. C’était plutôt banal en réalité. Mais il y avait quelque chose de satisfaisant à contempler de ses propres yeux le bon respect de l’ordre naturel des choses, le bon fonctionnement des règles de la société. Comme une machine bien huilée, elle ne laissait pas quelques grains de sable se mettre en travers de son chemin.
Les policiers étaient efficaces, et le monstre fut rapidement maîtrisé. L’attroupement se dispersa, oubliant déjà ce à quoi il venait d’assister. Pour le fugitif, c’était le moment le plus important de sa vie ; pour eux, c’était un vulgaire contretemps. Aucun n’avait mauvaise conscience, mais pourquoi devrait-ils se sentir mal ? Qu’y avait-il de mal au bon respect de la loi ? Qu’y avait-il de mal à capturer un fugitif, à récupérer un animal évadé ? Les policiers étaient même louables d’ailleurs, car l’animal en question était coriace.
Quand John arriva à la bouche de métro, il ne pensait plus qu’à son ventre vide et au repas qu’il allait bien pouvoir déguster en rentrant. 19h, il se posa sur un des sièges du train, ayant à nouveau savamment évité l’heure de pointe. John se félicitait d’être si bon avec ses horaires de transport ; il était toujours à l’heure, et jamais coincé dans la foule des migrations pendulaires.
Après un long voyage, rallongé par la faim qui commençait à le prendre, John poussa finalement la porte de chez lui. 19h45, il fut accueilli par sa femme et le doux fumet qui sortaient de la cuisine ; tradition oblige. Il était le dernier à rentrer, ses enfants ayant quitté l’école il y a un moment, et on attendait plus que lui pour passer à table.
À vingt heures, tout le monde était servi, et le journal télévisé passait en fond. Les gros titres passaient rapidement : grèves sur le réseau ferroviaire, réforme de l’éducation et faits divers. Cette dernière catégorie faisait notamment figurer l’accusation à l’encontre d’une bande de monstres de violences aggravées et viol en réunion sur plusieurs victimes humaines. John en fut écœuré et décréta immédiatement qu’ils méritaient leur sort - à savoir la peine de mort, spécialement réinstaurée.
Ce que John ne savait pas, c’était qu’il s’agissait là d’un coup monté, destiné à entretenir l’image des monstres dans l’imaginaire collectif. Comme l’attentat mené par Undyne, cette accusation s’inscrivait dans un but plus large.
Tout cela était-il vraiment bien nécessaire ? L’image des monstres était déjà assez salie comme ça non ? D’aucuns diront que de telles opérations sont primordiales, car l’homme a tendance à trop vite oublier et pardonner, et qu’il ne serait pas tolérable qu’il pardonne à des violeurs assassins. Grâce à ces événements, il y aurait toujours quelque chose à reprocher aux monstres. Les humains, par contre, ne se reprochaient rien ; ils étaient tous si bienveillants. Assurés de faire la chose juste en protégeant leurs semblables innocents des griffes de ces barbares.

Le repas finit, John tua les quelques heures restantes avant son coucher devant la télé, se relaxant de sa journée usante. Elle avait été si palpitante, il mourrait d’envie de recommencer le lendemain…
Comme il s’était levé, il se coucha ; John passa à la salle de bain, tâchant l’évier de dentifrice et se débarrassant de ses affaires sales. Un rituel banal en somme. Il se glissa ensuite dans les draps, tombant presque immédiatement dans le sommeil du juste. Le sommeil de celui dont la conscience est muette, car elle n’a rien à reprocher.

erosdog erosdog
MP
Niveau 10
17 mai 2018 à 23:31:08

Ah et accessoirement je tiens à dire que j'en ai marre que JVC bugge en permanance dès qu'il s'agit d'ajouter une nouvelle page, et comment c'est possible que ce soit toujours sur moi que ça tombe ? ( ͡° ͜ʖ ͡°)

SheogorathEV2 SheogorathEV2
MP
Niveau 14
17 mai 2018 à 23:37:11

QUOI UN NOUVEAU CHAPITRE [[sticker:p/1jne]]

Karma251 Karma251
MP
Niveau 2
19 mai 2018 à 00:27:07

C'est tellement bien écrit que j'en était triste en le lisant, et c'est dit de me rendre triste :hap:

Sinon excellent chapitre comme d'habitude. On attend toujours la suite de la résistance :hap:

erosdog erosdog
MP
Niveau 10
03 juin 2018 à 21:35:15

C'est le moment pour un nouveau chapitre.
13 500 mots... je me suis peut-être un peu emporté sur ce coup là. Mais cela ne fait que plus de texte à savourer.
Profitez en bien, et n'oubliez pas de laisser un commentaire pour me donner votre ressentit.
Au passage, étant donné que JVC a recommencé à supprimer des posts au hasard, je vais numéroter les posts désormais (pas sous la forme x/total mais juste x étant donné que je ne sais pas à l'avance le nombre total de posts). Voilà, mais je rapelle tout de même que je poste en parallèle ici https://archiveofourown.org/works/11271939/chapters/25207419 où vous pouvez tout lire en une fois.
Je ne vous retiens pas plus longtemps, bonne lecture.

Chapitre 23 :

Fidget fut réveillé par l’allumage automatique des lampes. Il n’eut pas besoin de consulter l’horloge absente de sa chambre pour savoir qu’il était sept heures, le réveil s’effectuant toujours à un horaire précis. Skye gémit dans le lit d’en face, se retournant dans son sommeil pour tenter d’échapper à la lumière.
Le lion se leva bon gré mal gré et s’approcha d’elle pour la réveiller en douceur. Il s’assit sur son matelas et secoua doucement la louve par les épaules jusqu’à ce qu’elle entrouvre les yeux. Elle mit quelques instants à s’habituer à la luminosité avant de sourire en réalisant que la silhouette au-dessus d’elle était celle de Fidget.
-Hey.
-Hey… Murmura-t-elle de sa voix endormie. Fidget se redressa, réalisant que s’il ne se levait pas d’ici quelques secondes, il allait succomber au désir pressant de s’allonger pour se rendormir. La louve se força à l'imiter, repliant ses bras autour d’elle.
Captant le message, Fidget se retourna pour s’étirer. Son corps était sublime et la vue ne le gênait pas, mais ce n’était pas à propos de lui. Ils étaient ensemble désormais, enfin, il croyait, mais il ne fallait pas aller plus vite que la musique.
D’ailleurs, maintenant qu’il y pensait, ils n’avaient pas vraiment eut de temps pour eux durant le reste de la journée, et donc pas le temps d’en parler.
-Skye ? À propos de ce qu’il s’est passé hier…

Skye maugréa contre ce qui venait déranger son sommeil. Sa conscience encore noyée par la brume du sommeil, elle esquissa simplement un réflexe pour tenter de se soustraire à la lumière.
Mais cela ne fut pas d’un grand succès, et sa conscience commençait à émerger. Elle fit une autre tentative en plissant les yeux, mais l’espoir de retomber dans les bras de Morphée s’évanouissait peu à peu. Finalement, Skye sentit une présence à côté d’elle et des bras l’agripper, la ramenant entièrement dans le monde réel.
La lumière lui brûla les yeux au travers de la minuscule fente qu’elle ouvrit. Elle les referma aussitôt, par réflexe, mais se força à les rouvrir, sachant que c’était la seule solution. Heureusement, une silhouette assise à côté lui faisait de l’ombre. En quelques secondes ses traits lui apparurent, et la louve sourit. Évidemment, c’était Fidget ; le prince charmant venu l’extirper de son sommeil éternel. Il la salua, et elle lui répondit. Puis elle fit mine de dormir quelques instants de plus pour pouvoir le contempler davantage.
Mais, à son grand désarroi, il se leva. Alors elle l'imita, baillant et se frottant les yeux. Elle laissa la chaleur du lit et des couvertures derrière elle pour rencontrer les dalles du sol froid.
Soudain, Skye sentit le regard de Fidget posé sur elle. La louve avait oublié qu’elle s’était dénudée avant de se glisser sous les draps, ne gardant qu’une culotte pour tout vêtement. Elle se sentit tout d’un coup gênée. Il n’y avait vraiment pas de quoi : Fidget portait la même tenue et... eh bien, disons qu’on voyait clairement qu’on était le matin ; mais son propre corps la gênait, complexée par mille petits détails, auxquels Fidget était pourtant aveugle. La louve se couvrit de ses bras et le lion, à son soulagement, lui tourna le dos. Elle rougit légèrement lorsqu’elle se surprit à en profiter pour détailler les courbes de Fidget ; heureusement, il ne la voyait pas.
Et puis, alors qu’elle s'apprêtait à saisir de quoi s'habiller, il l'interpella.
-Je… dit-elle, essayant de formuler sa pensée. Mais son esprit se rebella et aucun mot ne lui vint, ses pensées devenues totalement vide.
-Je comprendrais si c’était juste sous le coup de l’émotion, répondit-il. Tu étais triste et je… enfin je voudrais pas que tu croies que…
Elle ne le laissa pas finir sa phrase. La louve se sentait légère, comme dans un rêve, et en un clin d’œil elle était derrière lui. Skye lui attrapa la main, sentant son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine, et le retourna pour qu’ils soient face à face. Fidget ne dit rien, se laissa faire. La louve vit l’appréhension dans ses yeux - elle aussi était terrorisée - mais son corps bougeait de son propre fait, alors autant en profiter pour faire preuve d’audace.
-Hier c’était… merveilleux.
Fidget resta bouche bée quelques instants. Un sourire fendit son visage et, surfant sur la vague audacieuse de son amante, il approcha ses lèvres des siennes.
Skye eut une pensée fugace pour leur haleine matinale - belle façon de ruiner le moment, bravo - mais déclara qu’elle s’en fichait. Elle combla le petit espace restant et se laissa aller dans un long baiser, aussi profane que délicieux.

C’est ce moment que choisit une certaine colombe pour passer sa tête dans l'entrebâillement de la porte. Le couple se sépara aussi rapidement qu’il s’était uni, rougissant dans les bras l’un de l’autre, et arborant un visage aussi décontenancé que celui de Betty.
-Je hum… Je vais vous attendre dehors, ce sera mieux.
Et la monstre referma la porte, laissant les deux amants pantois, tels deux adolescents surpris en plein acte. Ils tournèrent la tête l’un vers l’autre, et la surprise se mua en fou rire. Eh bien, au moins, ils n’auraient pas à se cacher.
Une fois calmés, Skye et Fidget s’emparèrent de leurs vêtements en tas sur le sol avant de s’habiller prestement. Une fois ceci fait, ils sortirent bras dessus bras dessous pour rejoindre Betty qui les attendait avec un sourire mal dissimulé.
-Alors les tourtereaux, siffla-t-elle. Les affaires vont bon train à ce que je vois.
-Tu peux parler, rétorqua Fidget, tu nous as mis très mal à l’aise hier.
-Tu parle, je vous ai donné l’exemple oui.
-Hum ? Peut-être, répondit le lion avec un sourire en coin.
-Enfin bref, je vois que vous êtes déjà habillés, mais je comptais vous emmener aux douches.
-Ça veut dire qu’on va devoir se redéshabiller ? Demanda Skye.
-Ça avait pas l’air de vous déranger tout à l’heure, répondit Betty, ce à quoi les deux sourirent en rougissant légèrement.
La colombe les guida dans les couloirs qu’elle semblait connaître par cœur. Elle les rassura ; ils connaîtraient bientôt la base aussi bien qu’elle. Sur le chemin, ils croisèrent d’autres soldats - que des monstres évidemment. Ils avaient l’impression d’être de retour dans l’Underground, seulement une version plus moderne de celui-ci. Et finalement, la comparaison n’était pas si éloignée. Ils entreprenaient le même combat que sous terre : ils se battaient pour leur liberté.
Au passage, ils s’arrêtèrent au niveau d’une sorte de buanderie. Betty les laissa choisir une tenue qui leur convenait parmi l’imposante variété de trois uniformes. Unisexes, évidemment.

Skye sentit ses chaussures coller au sol mouillé à l’instant même où elle entra dans la pièce. Le carrelage brillait au sol, signe qu’il valait mieux procéder avec prudence pour ne pas glisser ; la louve ne tenait absolument pas à tremper les vêtements qu’elle allait bientôt devoir porter.
Elle se demanda pourquoi personne n’était capable d’inventer un revêtement qui ne se transforme pas en patinoire dès qu’on y mettait un peu d’eau. Cela s’avèrerait extrêmement pratique, surtout pour les sols de salle de bain…
Fidget et elle se séparèrent pour rejoindre les vestiaires dédiés à leur sexe respectifs. L’endroit rappela au lion les sous-sols de l'hôtel où il avait connu Betty, mais il réprima prestement ces souvenirs. Ce n’était pas le moment de repenser au négatif.
Il se déshabilla rapidement, fourrant son attirail dans un casier, avant de s’entourer la taille d’une serviette. Numéro 30, c’était facile à retenir. Le lion ramassa les produits douche gentiment fournis qu’il avait posé sur le banc en bois, foncé par l’humidité, et se retourna pour regarder où il devait aller. Il passa une première ouverture, suivant l’endroit d’où venait l’eau, avant de faire un virage à quatre-vingt-dix degrés et de franchir un nouveau trou dans le mur.
Les douches étaient construites comme une sorte de long tunnel, pourvu de cabines de chaque côté, une vingtaine au total. Des petits murets justes assez grands pour bloquer la vue séparaient les cabinets les uns des autres, laissant toutefois un petit espace au niveau du plafond dont on voyait dépasser une poire de douche, et un rideau était dressé pour les séparer du couloir. Le lion rentra dans l’une d’entre elles et ferma le rideau derrière lui, reconnaissant de pouvoir jouir d’un peu d’intimité malgré la présence indéniable d’autres monstres autour de lui. Il réalisa d’ailleurs qu’il y avait probablement une dizaine d’autres créatures aussi nues que lui en train de s’enduire le corps de savon tout autour, et il n’était pas vraiment sûr de savoir comment se sentir vis à vis de cela. Il se dit qu’il aurait préféré être à la place de Skye, mais que, oui, c’était décidément une bonne chose que son mètre carré de douche soit isolé des autres. Entendre les sifflotements de ses semblables était largement suffisant pour lui.
Fidget posa sa serviette en hauteur, bien au sec, et laissa l’eau couler sur son corps. Il frissonna sous les caresses brûlantes. Cela faisait un moment qu’il se s’était pas sentit aussi bien ; à l’exception de la veille avec Skye. Rien que d’y penser, il sentit une vague de bonheur déferler en lui.

Skye quant à elle fut accompagnée par Betty. La colombe lui semblait pourtant totalement apprêtée, mais maintenant qu’elle regardait de plus près, il était vrai que ses vêtements étaient froissés ; signe qu’ils avaient probablement passé la nuit en boule comme les siens. Cela ne faisait pas particulièrement plaisir à la louve, mais que pouvait-elle dire ? Elle n’allait quand même pas empêcher Betty d’aller se laver à cause de sa propre pudeur ? Et puis, si on faisait abstraction du contexte, cela leur donnait l'occasion de faire vraiment connaissance. La colombe était restée principalement avec Fidget, Skye reléguée à l’extérieur de la conversation.
Elle avait d’ailleurs eut une assez mauvaise première impression de Betty. Une violente jalousie l’avait prise en voyant sa proximité avec Fidget, elle en était pleinement consciente. Mais réaliser qu’elle était avec le chef de la résistance l’avait rassurée, et elle s’était montrée plus ouverte vis à vis de la colombe. Après tout, si elle était l’amie de Fidget, pourquoi ne pourrait-elle pas devenir la sienne ?
Mais, pour l’instant, Skye était plus concentrée sur son combat contre la serviette trop courte. Elle se débattait pour trouver un arrangement qui puisse couvrir à la fois sa poitrine et son entrejambe, avant de finalement se résigner à un montage bancal qui la forçait à garder les bras croisés. Pratique…
Quand elle se retourna, la louve vit que Betty l’attendait patiemment, totalement dénudée et apparemment pas gênée le moins du monde. À la mine surprise de Skye, la colombe la taquina gentiment.
Évidemment, se dit Skye. Avec un corps pareil, pas surprenant qu’elle ne soit pas gênée. La louve se sentit encore plus complexée devant l’image de perfection qui se dégageait de la monstre en face d’elle. Telle une nymphe, ses plumes rayonnaient d’une blancheur de marbre, roche dans laquelle étaient taillées des courbes dignes du meilleur sculpteur, tandis que son visage était des plus aimables.
Alors qu’elle même se battait tant bien que mal avec une serviette, Betty embrassait pleinement sa nudité, dressée comme une statue grecque.
-Tu dois me trouver bête à galérer avec ma serviette comme ça.
-Non, pas du tout. Je comprends que tu sois plus pudique que moi.
-Ouais… C’est juste que… soupira la louve.
-T’en fais pas. J’ai simplement eu le temps de m’habituer à être nue autour des gens, et maintenant ça ne me fait plus rien.
-Qu’est-ce que tu veux dire ?
-Et bien, avant de rejoindre la résistance… Fidget t’as raconté le jour où on s’est rencontrés ?
-Hum… je ne crois pas non.
Betty lui conta alors l’histoire, essayant de passer sous silence les détails les plus sordides. Skye comprit rapidement de quoi il était question, et réalisa que la vie de Betty était exactement celle qu’elle avait le plus craint depuis sa capture.
-Je suis désolée… Répondit-elle une fois que la colombe eu terminé. Personne ne devrait avoir à subir ça.
Betty acquiesça.
-Mais bon, comme je le disais, je me suis habituée.
Skye frissonna, comment pouvait-on s’habituer à ça ?
-Enfin, reprit la colombe avec un sourire en coin, j’en ai vu beaucoup des gens nus. Des hommes, des femmes, des monstres. J’ai vu des grosses poitrines et des petites poitrines, des bourrelets et des corps squelettiques, et je peux te dire que t’as pas de quoi te cacher. De ce que j’ai vu, tu es bien mieux faite que la majorité d’entre eux.
-Vraiment ? Répondit Skye en rougissant.
-Hum hum, opina Betty.
À peine à l’abri dans une des douches, la louve baissa la tête pour se regarder. Elle la trouvait bien faite ? Mais pourtant, il y avait tellement de choses qui ne lui plaisaient pas, tellement de choses qui n’allaient pas avec son corps…

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03 juin 2018 à 21:36:07

2

Fidget passa la serviette autour de sa taille, tira le rideau de douche, et retourna jusqu’au vestiaire tout en jonglant avec les bouteilles de savon glissantes. Par chance, il n’y avait toujours personne et il put se sécher consciencieusement, s’acharnant avec la serviette rapidement détrempée. Il savait qu’il allait rapidement souffrir s’il ne faisait pas attention ; ce n’était pas particulièrement agréable d’avoir la fourrure emmêlée.
Le lion s'habilla en vitesse et rejoignit les filles qui l’attendaient dans le couloir. En arrivant, il siffla Skye avant de dire :
-C’est fou, j’aurais jamais cru qu’on pourrait si bien porter cet uniforme.
-Oh arrête, tu me flattes...
-Non je suis sérieux.
-Merci, répondit la louve en souriant. T’es pas mal non plus.
-Les enfants, je veux pas vous déranger, mais on vous attend quelque part, les interrompit Betty. Fidget glissa un clin d’œil à Skye avant qu’ils ne se mettent en marche.
-Et tu nous emmène où comme ça ? Demanda-t-il.
-À l’entraînement. On a besoin que vous soyez opérationnels rapidement.
-Ok, et ça consiste en quoi ?
-Tu verras bien assez tôt, et ça dépend de votre affectation ; mais je pense que vous serez mis chez les soldats, donc grosso modo maniement des armes et de la magie.
-Magie ? Mais ma magie est-
-Totalement inutile ? Le coupa Betty. Je sais, t’es pas le premier à me le dire. Mais il n’y a aucune magie inutile, seulement des esprits trop fermés.
-Et puis, ta magie est pas inutile, le réconforta Skye. En combat elle peut s’avérer précieuse.
-Je sais, je m’en suis déjà servi mais… Quand tu vois ce à quoi certains ont eu le droit… J’ai de quoi être jaloux.
-Arrête de faire ta diva, rétorqua Betty. Y'en a qui s’en sortent beaucoup moins bien que toi.
-Tu sais même pas quelle magie j’ai !
-Oui, mais je sais qu’il y a pire.
Fidget ne répondit rien. Oui, il y avait toujours pire, mais n’empêche qu’il n’allait jamais se servir de son pouvoir. Peut-être une fois dans sa vie tout au plus. De toute façon, il ne savait même pas pourquoi on les formait au combat étant donné qu’ils ne pouvaient toujours pas attaquer les humains.
Betty les amena jusqu’à la salle principale, où étaient disposés deux grands tableaux répertoriant les affectations de chacun. Ils s’approchèrent pour regarder où ils avaient atterri, se sentant comme à la rentrée des classes ; pourvu qu’ils soient ensemble cette année. Bingo ! On les avait placés en formation militaire comme leur avait dit Betty, et ils étaient dans le même groupe.
La colombe leur souhaita une bonne fin de journée, les informant que le devoir l'appelait. Skye et Fidget se rendirent alors, main dans la main, au niveau du point de rassemblement. Ils étaient une quinzaine dans le groupe, et quelques autres monstres étaient déjà présents. Le couple prit place sur un banc qui traînait là. Personne n’avait l’air d’avoir envie de bavarder, alors ils discutèrent entre eux pour passer le temps ; leurs paroles n’avaient que peu d’importance, du moment qu’ils parlaient.
L’instructeur arriva finalement une dizaine de minutes plus tard. Il ressemblait à une caricature de vieux militaire : une cicatrice barrait son œil droit et il était vêtu de treillis camouflage. Le félin à la fourrure blanche était bardé de taches noires ; un léopard des neiges. Le fusil à sa ceinture tinta lorsqu’il s’arrêta devant le groupe. Ses yeux cachés par l’ombre de son couvre-chef se promenèrent sur chacun, jaugeant de ce qu’ils valaient. Ce n’était pas très bon, mais on ne l’avait pas affecté à la formation des nouvelles recrues pour rien ; il en ferait de bons soldats.
-Garde à vous ! Ordonna-t-il d’une voix qui ne laissait pas de place à la discussion.
Les monstres se regardèrent les uns les autres, pas sûrs de ce qu’ils devaient faire. Aucun n’osait bouger en premier mais, d’un lent geste de groupe, ils portèrent la main à leurs fronts.
-Du nerf !
Cette fois, il y eut un peu plus d'enthousiasme. Chacun se mit en position rapidement, certains venant même faire claquer leurs pieds au sol, se dressant droits comme des piquets. L’instructeur les regarda quelques secondes d’un œil mauvais avant de se radoucir.
-Repos soldats.
Un ange passa.
-Je suis votre instructeur, l’officier Rawings. J’ai que quelque jours pour vous apprendre à vous battre alors ça va carburer, c’est clair ? Vous allez en chier. Je vais vous faire regretter d’avoir échappé aux humains, mais après, vous serez des guerriers. Est-ce que vous êtes prêts à vous battre ?
-Oui, répondirent tous les monstres avec lassitude.
-Oui officier !
-Oui officier ! répétèrent-ils en y mettant plus de cœur.
-Est-ce que vous voulez faire leur peau aux humains ?
-Oui officier ! Firent-ils fièrement.
-Est-ce que vous voulez sauver les monstres ? Demanda-t-il plus fort.
-Oui officier ! S’écrièrent-ils.
-Est-ce que vous voulez être libre ? Cria-t-il.
-Oui officier ! Hurlèrent-ils.
-Bien. Alors suivez-moi et bouclez la.
L’instructeur fit un demi-tour rapide et reparti en marchant d’un pas martial. Le sol tremblait sous sa posture droite et son regard d’acier. Le groupe de monstres galvanisés se mit en marche derrière lui. Il avait réveillé en eux la colère, la rage qui les avait poussés à rejoindre la résistance. Il leur avait rappelé tout ce qu’ils avaient subi, toutes les raisons qui les poussaient à haïr les humains. Ils avaient tué, violé, pillé ; et bientôt, ils allaient payer. Ils allaient leur faire rendre des comptes, ils allaient rendre la justice.
L’officier Rawings les mena dans une pièce à l’écart, tout en longueur. L’entrée se faisait sur un des côtés, et le mur en largeur juste à côté d’eux était couvert d’armes placardées sur des râteliers. À quelques mètres du mur se trouvait un petit muret, bardé de cloisons formant des sortes de box ouverts. Et enfin, des cibles en forme de buste humain pendaient du plafond à l’opposé de la salle. Certaines étaient criblées de balles, d’autres neuves, mais aucune n’était en aussi mauvais état que le mur du fond qui avait dû recevoir son lot de balles perdues.
L’instructeur s’empara d’un des fusils que ni Skye ni Fidget n’auraient été capables de nommer. En revanche, ils reconnaissaient l’arme des militaires qu’ils avaient longtemps côtoyés.
-Ceci, soldats, est une arme à feu. Elle vous donne le pouvoir de vie ou de mort ; si vous savez vous en servir. Sinon ce n’est qu’une barre de métal inutile, et l’ennemi se fera une joie de vous réduire en charpie pendant que vous vous démerdez pour comprendre comment elle marche. C’est pour ça que nous sommes ici. Mais avant que nous ne commencions la pratique, il y a trois règles fondamentales que vous devez connaître.
L’officier leva trois doigts, bien en vue de tous.
-Premièrement, ne pointez jamais votre arme sur quelque chose que vous ne souhaitez pas voir mort, même sans chargeur. Il suffit qu’une balle ait été oubliée dans la chambre ; elles partent vite. On se passera d’accidents.
Il baissa un doigt.
-Ne touchez jamais la gâchette avant d’être prêts à tirer. Elles sont vraiment, très, sensibles.
Il baissa un second doigt.
-Soyez toujours conscients de votre environnement. Jamais d’arme laissée sans surveillance. Jamais de canon vers la salle. Jamais deux personnes dans un box. Jamais personne derrière le muret. Pas besoin de vous faire un dessin, j’ai vraiment pas envie de devoir compresser une hémorragie ou enterrer l’un d’entre vous aujourd’hui.
Les monstres présents hochèrent la tête. Ils n’avaient pas envie non plus de voir l’un d’entre eux succomber à un tir ami accidentel.
-Des questions ? Demanda l’instructeur.
Fidget en profita pour lever le bras et poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis tout à l’heure. L’officier Rawings lui fit signe de parler.
-À quoi vont nous servir ces armes puisqu’on ne peut pas attaquer les humains de toute façon ?
-Perspicace soldat, j’allais y venir. Vous ne pouvez pas attaquer directement les humains, mais pour les connes de machines que vous avez autour du cou, appuyer sur la détente ce n’est pas attaquer. On peut donc se servir des armes à feu.
-Mais c’est débile, répondit Fidget. Les humains ne peuvent pas avoir fait un oubli comme ça. Et puis, ça se saurait non ?
L’instructeur lui jeta un regard noir pour le punir d’avoir parlé sans en demander la permission, mais il répondit néanmoins.
-Et bien c’est comme ça soldat, et ne vous en plaignez pas à moins que vous n’aimiez vraiment les humains. On a veillé à ce que cela ne s’ébruite pas ; ce serait dommage que les humains apportent un correctif, non ? Ils sont si sûrs de la perfection de leur système qu’ils croient nos attaques faites par d’autres humains.
Fidget hocha la tête.
-Gardez bien cela en tête soldats, reprit l’officier, ne montrez jamais vos cartes à l’adversaire. Le savoir stratégique vous apporte un avantage inestimable sur l’ennemi. Jouez dans l’ombre, gardez vos secrets, trompez l’ennemi ; utilisez tout ce qui vous est fourni pour gagner. À la guerre, il n’y a d’honneur que pour les vainqueurs ! Alors oubliez vos préceptes foireux de pitié, car les humains, eux, n’en auront aucune pour vous. Ils vous tortureront, ils tortureront votre famille, vos amis ; ils feront tout pour que vous leur fournissiez tout ce que vous savez. Puis ils se débarrasseront de vous.
Il n’y eut plus un bruit dans la salle. Aucun ne savait comment réagir, mais tous avaient bien assimilé la leçon ; tout était bon pour l’emporter. L’instructeur laissa le silence planer quelques instants, avant de demander :
-D’autres questions ?
Les monstres se regardèrent les uns les autres, tentant de jauger si l’un d’entre eux aurait l’audace de demander autre chose. Mais aucune main ne se leva, et l’officier reprit donc sa leçon. Il s’empara d’une des armes sur le mur, démunie de tout chargeur. Le monstre vérifia ensuite la chambre ; vide également. Enfin, il présenta le fusil à l’assemblée perplexe.
-Ceci est votre meilleur ami en ce bas monde. Sans lui, vous n’êtes rien d’autre qu’un sac de viande attendant de passer à l’abattoir. Alors vous avez intérêt d’apprendre à vous en servir.
Il leur fit signe de venir se munir d’une arme. Chacun son tour, les monstres présents décrochèrent un fusil du mur, s’assurèrent qu’il était vide, et vinrent se remettre en place devant l’officier. Une fois ceci fait, il leur fit une présentation de l’arme ; leur indiquant où se trouvait chaque composant et comment s’y prendre pour la manier correctement. Puis il leur montra la posture à adopter en tirant. Chaque soldat présent l'imita, et il passa dans les rangs pour s’assurer que tout le monde était capable d’effectuer correctement cette base, ou au contraire pour corriger des petites erreurs dans la pose ; la crosse devait être bien placée, l’écart des jambes respecté, les muscles contractés…
Skye n’osait dire mot, mais les bras de la louve commençaient doucement à protester. Cela faisait presque un quart d’heure que l’officier se baladait dans les rangs, et presque autant que sa posture à elle était correcte ; elle commençait donc à fatiguer. La monstre avait bien tenté d’esquisser un repos, mais s’était fait immédiatement réprimander. Alors elle endurait en silence les quatre kilos et demi de métal posés dans ses bras, attendant avec impatience l’ordre de relaxer la pose.
-Ça commence à brûler hein ? Demanda l’instructeur avec un sourire moqueur.
Il percevait les gouttes de sueur qui commençaient à perler au front de certains soldats, ce qui couplé à la chaleur insoutenable de la pièce lui indiquait qu’il était temps de leur laisser un peu de lest.
-Vous avez deux minutes pour souffler et aller boire, annonça-t-il.
Un soupir de soulagement traversa le groupe alors que chacun pouvait relaxer ses bras meurtris. Mais à peine eurent-ils tenté de poser leurs armes sur les râteliers, la voix de l’officier tonna.
-Je crois que vous m’avez mal compris. Je vous ai dit d’aller boire, pas de poser vos armes. Si un assaut avait lieu maintenant, vous devriez pouvoir répondre dans la seconde. Il y a une bandoulière sur vos fusils, servez-vous en bordel.
Marmonnant quelque peu, les soldats obtempérèrent. Ils se ruèrent tous jusqu’au distributeur d’eau le plus proche dans un fracas de tintements métalliques. Fidget et Skye en profitèrent pour échanger quelques mots.
-Alors ? Demanda le lion. Pas trop fatiguée ?
-J’ai mal aux bras, mais ça va. J’ai juste besoin de quelques minutes de repos.
Fidget approuva au travers de son gobelet en plastique, avant d’ajouter.
-Je trouve quand même ça bizarre que ce soit aussi facile de se battre contre les humains. Comment c’est possible qu’ils aient laissé passer ça ?
-J’en sais rien, mais on ne va pas se plaindre hein ? De toute façon, il y aurait bien eut un autre moyen de contourner les sécurités étant donné que le collier est restreint aux limitations de base.
Et, comme si elle ne réalisait que maintenant à quel point ils étaient libres désormais, son visage se fendit d’un grand sourire. Fidget la regarda étrangement, perplexe.
-T’as entendu ce que je viens de dire ?
-Oui, et ?
-On peut parler des colliers, répondit-elle en insistant sur ce dernier mot.
Le visage de Fidget se mua en une expression de surprise béate.
-On peut parler de tout, ajouta la louve.
Le lion resta bouche bée, mais, s'apercevant de son mutisme, murmura quelques mots :
-Oh merde… C’est…
-C’est magnifique, s’écria Skye en sautant dans les bras de son amant, encore surpris par ce qu’il venait de réaliser. C’était si grisant d’être à nouveau maître de soi au point que nul tabou ne subsistait.
Leur joie fut rapidement calmée par la fin de leur pause. Le maître d’armes reprit sa leçon, déposant un lourd sac sur le sol. Les soldats regroupés autour de lui tentèrent de voir ce qui se trouvait à l’intérieur, sans succès.
-Désormais, il est temps de passer à l’étape suivante de votre entraînement.
Il défit la corde qui maintenait le sac fermé, et des balles se mirent à couler à flot, formant une flaque métallique sur le sol.
-Tir à balles réelles. Il y a des chargeurs posés sur les tables là-bas. Prenez en un, remplissez-le, et mettez-vous dans les box.
Personne ne savait vraiment comment remplir un chargeur, mais ce ne devait pas être très sorcier, pas vrai ? Il suffisait de faire glisser les munitions à l’intérieur…
Première difficulté, trouver dans quel sens enfiler les balles. Fidget comprit rapidement qu’il fallait enfoncer le plateau avant de placer les munitions, le ressort placé en dessous était d’ailleurs assez puissant, mais de quel côté devait-il ensuite glisser les balles ?
Il réfléchit quelques instants et regarda l’arme posée à ses côtés. Les balles devaient forcément être orientées vers l’avant, suffisait alors de trouver dans quel sens s’emboitait le chargeur. Le lion fit alors mine de charger le fusil. Non, décidément, c’était dans l’autre sens...

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03 juin 2018 à 21:36:54

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Une fois ce problème réglé, un second se présenta à lui ; il était de plus en plus dur d’enfoncer le plateau sans se ruiner les doigts sur les balles glissantes et le métal effilé. Fidget serra les dents malgré les traces de plus en plus profondes dans ses doigts. Il se dit que, en plein combat, il n’aurait pas le temps de se plaindre, ce qui le poussa à redoubler d’efforts. Ça, et la pression sociale de voir que personne ne bronchait autour de lui.
Une fois son chargeur plein, le lion se leva et alla prendre place dans l’un des box vides. Ni premier ni dernier, il ne s’en sortait pas si mal finalement ; il était dans la moyenne. Skye le rejoint quelques instants plus tard, prenant la place adjacente à la sienne. Les deux monstres posèrent leurs armes encore vides et leurs chargeurs respectifs sur le petit rebord au-dessus du muret, et attendirent la suite des opérations.
L’instructeur passa vérifier que tout le monde avait réussi la tâche, ce qui semblait être le cas, avant de leur expliquer comment charger leurs fusils. Les soldats suivirent donc ses consignes, enfonçant uns à uns leurs chargeurs dans la fente prévue pour.
Puis il leur dit de reprendre la posture précédente, et ils s’exécutèrent. Cette fois seulement, ils faisaient face aux cibles et n’attendaient que l’ordre s’appuyer sur la détente. L’officier leur indiqua le cran de sûreté, et comment le défaire. Il leur expliqua ensuite rapidement comment viser, avant de leur rappeler de bien porter le casque anti-bruit, sous peine de très douloureux sifflements auditifs.
-Prêts ?
Fidget vérifia rapidement sa pose, passant mentalement en revue la liste des points importants.
-Visez.
Le lion fit ce qui lui semblait le plus rationnel ; il approcha la tête de l’arme pour aligner son œil et les fentes faites pour viser. Il tenta d’aligner du mieux qu’il put le centre de la cible et le canon, retint son souffle, et posa le doigt sur la gâchette.
-Feu.
Il y eut une série de détonations plus bruyantes les unes que les autres, et malgré la protection Fidget fut assourdi durant quelques secondes. Mais ce qu’il sentit en premier fut le recul, puissant et dur, puis la brûlure du métal contre sa joue. Le lion avait oublié d’écarter sa joue et le frottement doublé à l’explosion de la poudre le lui fit regretter. Mais au moins, il avait sûrement dû faire un bon tir ; la cible était droit dans son viseur quand il avait tiré.
Fidget regarda la plaque de carton ; encore intacte. Il n’en revenait pas, il avait tiré droit dessus ! Mais l’instructeur ne lui laissa pas le temps de s'apitoyer sur son sort.
-Prêts ? Reprit-il déjà.
Le lion se remit en position, et tira à nouveau. Cette fois ci, il ne commit pas les mêmes erreurs, mais la balle passa tout de même loin de ce qu’il visait. Fidget jura entre ses dents, mais ne perdit pas d’aplomb. Il allait finir par toucher, il fallait juste se concentrer.
Skye de son côté s’en sortait mieux. Elle ne s’attendait pas à une telle force de recul et avait failli lâcher son arme, mais finalement son deuxième tir avait traversé le bord de la cible. Cela la motiva à se concentrer davantage ; elle affina sa posture et sa visée, et tira à nouveau. Toujours au bord de la cible, mais de l’autre côté cette fois. La louve commençait à comprendre : le fusil ne tirait pas parfaitement droit, mais avec un léger décalage sur le côté qu’il fallait prendre en compte.

Au bout d’un moment, les détentes claquèrent dans le vide. Les soldats regardèrent leurs armes, perplexes, avant de réaliser ce que cela signifiait.
-Posez vos armes soldats, et préparez un nouveau chargeur.
Le manège recommença plusieurs fois ; une trentaine de tirs, un nouveau chargeur, trente autres tirs, et cætera… Les soldats s’en sortaient de mieux en mieux à mesure qu’ils s’entraînaient, et bientôt tous parvinrent à toucher la cible à chaque coup, toujours plus proche du centre.
Finalement, l’instructeur déclara la session finie. Skye et Fidget se rejoignirent bien vite une fois délestés de leurs armes, réalisant avec surprise que c’était déjà l’heure du déjeuner. Pourtant, ils avaient l’impression de s’être entraînés à peine une heure...
-Je sens plus mes bras, dit la louve.
-Moi non plus, le premier tir j’ai eu l’impression que ça allait m’arracher l’épaule.
-C’est fatiguant en fait… On dirait pas comme ça mais…
-C’est clair. Enfin j’ai regardé autour de moi et personne n’avait vraiment l’air de faire le malin.
La louve acquiesça.
-Alors, t’as réussi à toucher au final ?
-J’ai mis du temps, mais à la fin ça allait plus ou moins. Mais heureusement que c’était des cibles statiques…
-Je te rassure, j’ai eu du mal aussi, dit Skye en souriant. Ils sont bizarres leurs trucs pour viser aussi.
-Oui ! C’est pas censé être une lunette normalement ? Ou au moins un truc fiable quoi. Là quand j’avais la cible en plein centre la balle partait à cent mètres.
-J’en sais rien. À part les armes des humains, j’en ai pas vu beaucoup.
-Hum hum, moi non plus. Seulement dans les quelques films encore en état qui sont tombés et que j’ai pu voir.
-T’as pu en voir ? S’exclama Skye. La chance !
-Héhé, rit le lion. Ils en passaient des fois en ville. L’avantage d’habiter pas loin de Hotland et des labos.
-Hum… soupira Skye. C’est sûr que c’était pas à Snowdin qu’on allait avoir ça...
-Vous aviez vos propres trucs. J’adorais aller en voyage dans la région. C’était pas à Hotland et vers le Core qu’on allait voir un si joli paysage et des gens si accueillants.
-Évidemment que t’aimais bien ; tu y venais en vacances ! Mais je te jure que la plupart du temps, la question était davantage quels vêtements mettre pour ne pas geler en sortant que quel coin de la forêt aller visiter.
-Chez moi c’était pas si bien non plus hein ! Passer à côté de la mort par déshydratation quatre fois par jour c’est pas super fun.
-L’herbe est toujours plus verte ailleurs pas vrai ? Soupira la louve en venant s’accrocher au bras de Fidget. Le bon vieux temps…
-C’est sûr, mais bon, regarde autour de toi, dit-il en balayant le réfectoire où ils venaient d’entrer de son bras libre. Tout autour d’eux s’étendaient des rangées de monstres en pleine discussion. Certains riaient, d’autres s’empiffraient ; ils avaient tous l’air d’apprécier le moment.
-Regarde, répéta-t-il. Tu sens cette odeur dans l’air ?
-La sueur et le gras ? Répondit la louve.
-Non, rit Fidget. La détermination. Le changement. Bientôt, tout sera comme avant, je te l’assure. Grâce à nous. Tu sens les courbatures qui te font déjà mal ? C’est la preuve que le changement est en marche, que nous pourrons bientôt jouir de la surface comme il nous plaira.
-Quel poète, le taquina Skye.
-Qu’est-ce que tu veux, j’ai toujours été un optimiste.
-Mouais. J’espère juste que tu as raison…
-Bien sûr que j’ai raison.
Il le faut, pensa-t-il. Au fond, il était convaincu que la résistance était la meilleure chose qui leur soit arrivée. Enfin ils avaient une chance contre les humains, enfin ils pouvaient réunir leurs forces pour récupérer leur liberté.
Skye de son côté était moins enthousiaste. Évidemment, l’union faisait la force. Mais l’étaient-ils assez ? La louve craignait que leur plan ne soit voué à l’échec depuis le départ. Elle avait vu ce dont les hommes étaient capables. Elle savait que ce ne serait pas un combat simple. Les hommes étaient de milliards ; alors qu’eux n’étaient que quelques centaines. Skye avait beau vouloir se raccrocher de toutes ses forces à la vision de Fidget, quand elle regardait les tables remplies, elle voyait un purgatoire. Elle voyait un désert de désolation ; bientôt, tous seraient morts ou captifs. Pas de négociations, pas de pitié ; les hommes leur feraient regretter leur petite contestation.
Ne fallait-il pas plutôt se retirer loin et vivre en autarcie ? Attendre que le changement se fasse de lui-même, que l’esclavagisme soit passé de mode ? Parfois - souvent - elle en venait à regretter la sécurité de l’Underground. Ils n’avaient pas grand-chose, mais c’était toujours mieux qu’ici ; l’herbe était décidément plus verte ailleurs. Et ils étaient tombés dans le piège alléchant de la surface, comme si la première fois ne leur avait pas suffi.
Non, elle devait y croire. Elle devait garder espoir. Quand elle pensait au futur, elle voulait voir un monde rayonnant, un monde libre, un monde où elle ne sentirait pas en permanence la main de métal serrée autour de son cou. Et ce futur n’existait que tant qu’elle se battait. Abandonner la résistance, c’était abandonner tout espoir pour ce futur.
Alors elle s’accrocherait. Elle donnerait tout ce qu’elle avait pour ce combat futile ; car c’était encore celui qui avait le plus de chances de réussir.
La louve s’installa à une table un peu isolée avec Fidget. Le lion lui parlait et elle répondait évasivement, perdue dans ses pensées. Et ce n’était pas la nourriture qui allait lui redonner bonne humeur.
Soudain, Fidget lui prit la main avec douceur et caressa sa paume du bout des doigts. Le contact ramena Skye à la réalité, absorbant toutes ses pensées négatives et faisant rayonner en elle une sensation de plénitude. Fidget était là pour elle. Il l’aiderait, il la sauverait. Ils partiraient tous les deux s’il le fallait, mais ils seraient toujours ensemble, toujours là l’un pour l’autre.
-Écoute Skye, je sais que tu as des doutes vis à vis de tout ça, mais ça peut marcher. Tu as assisté au même entraînement que moi ce matin, les gens ici sont compétents, et il y a de plus en plus de recrues.
-Mais il n’y en aura jamais assez pour faire face à tous les humains, répondit Skye.
-Mais nous n’avons pas besoin de vaincre tous les humains. Il suffit de remporter des victoires stratégiques.
-Désactiver les colliers, tout ça, d'accord je veux bien. On a peut-être une chance. Mais qu’est-ce qui te fait croire que les humains nous laisseront vivre après ça ? Qu’est-ce qui les empêche de simplement recréer d’autres colliers ?
-Tu vois, les humains ont ce super principe qui s'appelle la démocratie, et qui fait qu’il nous suffit de convaincre la majorité de nous laisser libres.
-Plus facile à dire qu’à faire… Tu t’entends parler ? On parle de convaincre des gens qui tuent, violent, saccagent sans pitié. Et puis c’est pas parce que le peuple est convaincu que ceux qui dirigent feront quoi que ce soit.
-Je sais, et je comprends ton ressentis vis à vis des humains. Mais j’ai pu discuter avec Betty hier, et en réalité, le commerce des monstres est assez limité à l’échelle de l’humanité entière. Ici, évidemment il est d’une importance capitale, mais de l’autre côté de la planète, les plupart des humains n’ont jamais vu de monstre en vrai.
-Et pourtant, ils nous haïssent déjà. Ils n’ont jamais rencontré un monstre mais souhaitent quand même nous exterminer.
-En fait, la plupart des hommes ne sont pas forcément hostile envers nous. Ils sont juste passifs, ils laissent faire, ils ne voient pas l’intérêt de nous défendre. Le problème est que la propagande en convainc de plus en plus. Mais une fois qu’ils verront qui nous sommes réellement, alors c’en sera fini de tout ça.
-Combien d’entre nous seront morts pour ça Fidget ? Et si on n’y arrive pas ? Si les humains décident de ne pas changer ?
-La seule raison pour laquelle nous somme asservis c’est parce que les intérêts de quelques hommes sont dans la balance. Des hommes qui ont bien compris comment exploiter la peur des autres hommes. Mais une fois que la majorité aura réalisé qui nous somme vraiment, ils n’auront plus aucun pouvoir. On a des plans Skye, ça va marcher, il faut juste que nous restions déterminés.
-Dis comme ça, ça a l’air si facile, se lamenta la louve. Mais ce n’est pas comme si on avait beaucoup d’alternatives. Il faut juste faire tout ce que l’on peut pour que ça marche.
Le lion opina, caressant davantage la main de son amante, un sourire sur le visage. Ce simple geste faisait tant de bien à la louve. Elle aurait voulu rester là des heures. Là, elle voulait le croire, elle voulait croire à ses paroles et faire taire cette voix stupide qui lui criait que rien n’allait marcher. Elle voulait avoir foi en leur projet, foi en l’avenir.

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03 juin 2018 à 21:38:29

4

Ils furent séparés par l’arrivée de l'entraînement de l’après-midi. L’officier Rawings réunit à nouveau le groupe autour de lui, avant d’annoncer le programme de la fin de journée. Les futurs soldats avaient regagné quelques forces, et se sentaient d’aplomb pour la leçon suivante. Peut-être que cette fois ils allaient enfin pouvoir toucher en plein centre, ou passer aux armes de poing. Il y allait forcément y avoir un entraînement aux armes de poing. D’ailleurs ils s’étonnaient que ce ne fût pas le premier.
-Vous savez, on ne peut pas tout retirer aux humains. En particulier, il faut leur reconnaître leur goût pour la guerre, et pour la pensée. Cela peut vous sembler contradictoire, soldats. Je vous entends déjà : “mais celui qui pense ne voit-il pas au-delà de la guerre ? Ne voit-il pas son inutilité ?”. Et vous passeriez à côté de l’important. Car pour gagner la guerre, il ne suffit pas d’être le plus fort. Avez-vous étudié l’histoire humaine soldats ?
Comme il semblait attendre une réponse et non pas poser une simple question rhétorique, les monstres secouèrent la tête ;
-Non officier.
-Vous devriez. Il en ressort que de nombreuses fois, une armée faible en a vaincu une plus forte. “Comment ?” Me direz-vous. Car ils avaient gagné avant même que la bataille ne commence. Car la guerre, soldats, ne se joue que rarement sur le champ de bataille. Informations, stratégies, sabotage ; exploitez les faiblesses de l’ennemi, laissez-le vous sous-estimer, et la victoire vous sourira. Comme l’a dit un de leurs grands stratèges il y a fort longtemps : Connais ton ennemi et connais-toi toi-même ; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux.
L’instructeur fit une pause, laissant à chacun le temps de s’imprégner de la sagesse ancienne.
-Ce matin, vous en avez appris plus sur l’ennemi. Vous vous êtes immergés dans sa stratégie, dans son comportement. Vous avez manié ses armes, vous avez enduré ses peines. Désormais, il est temps d’empoigner vos propres armes, d’apprendre à vous connaître vous-même.
L’officier Rawings claqua des doigts, et une myriade de lames se matérialisèrent autour de lui, en suspension dans l’air. Leur métal était luisant, reflétant sa fourrure blanchâtre jusqu’à leurs pointes effilées.
-Désormais, vous allez apprendre à manier la force que le monde ne comprend pas. L’anomalie qui vit en vous depuis toujours. Celle qui vous donne toute votre force et votre faiblesse. Vous allez apprendre à ne faire qu’un avec votre magie. Car elle est votre corps et vous êtes son incarnation. Vous allez apprendre à la maîtriser, à pouvoir vous en servir parfaitement à chaque instant, comme l’outil le plus puissant que vous ne manierez jamais. Et croyez-moi sur parole soldats, vous êtes les plus grosses merdes de cette terre pour contrôler votre magie. Vous savez l’utiliser, mais vous ne savez pas vous en servir.
Les monstres se regardèrent uns à uns. Bien sûr que si ils savaient se servir de leur magie ; c’était naturel pour eux, aussi naturel que marcher ou parler. Ils avaient un contact privilégié avec la magie, depuis toujours ils avaient senti cette force en eux, juste là, prête à être exploitée. Qu’est-ce qui lui prenait avec ce discours stupide ?
-Mais une démonstration vaut mieux qu’un long discours. Suivez-moi, soldats.
L’officier les emmena dans le même couloir que le matin, mais il bifurqua plus tôt. La salle dans laquelle il les emmena avait tout de la surface, sinon le ciel au-dessus de leur tête. Des arbres avaient été plantés et des rochers ramenés, un large terrain sablonneux occupait le centre, bordé de plantes et de décors visant à recréer l’ambiance d’un combat dans la nature.
L’officier vint s’asseoir sur une souche d’arbre, les invitant à prendre place tout autour de lui. Les soldats restaient perplexes, ne sachant s’ils devaient s’asseoir. Ils eurent toutefois un mouvement de recul lorsque l’instructeur réinvoqua ses lames.
-Le but de la séance est simple soldats. Touchez moi, avez votre magie. Cela ne fait aucun doute que, si vous êtes si doués que cela, ce ne sera d’aucune difficulté, n’est-ce pas ? Après tout, je suis seul et vous êtes quinze ; du gâteau.
Les monstres étaient de plus en plus perplexes. Fidget et Skye se jetèrent un regard d'incompréhension totale, avant que l’instructeur ne commence un décompte.
-Vous avez dix secondes pour vous placer. Après cela, que la bataille commence.
-Dix…
Il resta placé là tranquillement alors que les soldats réalisaient doucement ce qu’il attendait d’eux.
-Neuf…
Ils commencèrent à regarder autour d’eux, cherchant une meilleure position.
-Huit...
Fidget et Skye se rapprochèrent l’un de l’autre.
-Sept…
Ils savaient qu’ils pourraient compter l’un sur l’autre.
-Six…
Leur magie n’était pas des plus efficaces, mais ils auraient leur chance pendant que l’officier était distrait par les autres.
-Cinq…
Désormais, tous formaient un cercle de quelques mètres de rayon autour de la souche.
-Quatre…
Les mains commencèrent à briller, les yeux à se froncer, l’adrénaline à couler.
-Trois…
La peau de Skye se mua. Ses mains devinrent des pattes, son museau s’allongea, ses lèvres se retroussèrent, laissant apparaître des canines affûtées.
-Deux…
Elle était désormais à terre, à quatre pattes, totalement métamorphosée. La louve ne ressemblait en rien à son double monstre.
-Un…
La tension était palpable, comme juste avant que le tonnerre ne frappe. Et elle allait éclater d’une seconde à l’autre.
-Zéro…
Les lames commencèrent à voler aux quatre coins de la pièce alors que chacun s'élançait dans un effort pour sortir victorieux de l’affrontement. Les armes éthérées de l’officier menaient un ballet gracieux dans la salle, frôlant les soldats qui eux se mouvaient dans une cacophonie atroce. Plus que les armes, leurs plus grands ennemis étaient eux même. Pour l’instant, l’instructeur n’avait mené aucune offensive et des monstres se retrouvaient déjà à terre en tentant d’esquiver des attaques imaginaires ou en rentrant les uns dans les autres. Personne ne regardait autour de lui et les accidents s’en retrouvaient ainsi démultipliés ; un coup d’épaule à gauche, un croche patte à droite...
Plus proches de la source, les lames s’activaient comme un milliard de minuscules boucliers divergeant les multiples attaques. Des projectiles éclataient dans tous les sens, des gerbes de flammes, d’énergie, de boue et de tout un tas d’autres matières arrosèrent la salle, ne touchant que le sol. Les monstres attaquant à distance avaient beau donner tout ce qu’ils pouvaient, aucune de leur tentative ne parvenait à pénétrer la forêt de métal.
Du côté des attaquants au corps à corps, le bilan n’était pas plus glorieux. Les lames se précipitaient pour parer chacun de leurs coups, telles des armures animées chargées de ne rien laisser passer. Les glaives et les haches s'abattaient lourdement, seulement pour être bloqués par quelques ridicules lames qui ne semblaient même pas flancher. On aurait dit qu’une force divine les maintenait en place, alors qu’elles bougeaient pourtant avec tant de légèreté. Skye quant à elle s’acharnait pour tenter de faire une percée au-delà du mur de lames, sans grand succès. La louve sprintait pour tenter de distancer le métal, de créer une minuscule ouverture où elle aurait pu s'engouffrer, mais les lames étaient plus rapides qu’une tornade et parvenaient toujours à la devancer, où qu’elle aille.
Du centre de sa clairière, l’instructeur décida qu’il en avait vu assez, et passa à l’offensive. Comme il s’y attendait, aucun n’avait pu passer sa ligne de défense. Il était néanmoins satisfait : les soldats commençaient à travailler en groupe, concentrant leurs efforts au même endroit pour tenter de l’affaiblir ou le prendre par surprise. L’union faisait la force, mais ici ce n’était absolument pas une question de force.
Les lames quittèrent leurs lignes de tranchées pour venir filer droit vers les assaillants. Désormais, c’était eux qui étaient repoussés en position de défense, et ils peinaient à contrer les centaines de projectiles qui s’attaquaient à eux. Telle une nuée d’insectes, les lames venaient de toute part, ne semblant connaître aucune fatigue.
La vague au corps à corps se retrouva bientôt submergée, et les assaillants cloués au sol ; littéralement. Les lames étaient venues s’enfoncer dans le moindre espace de leur vêtement qui n’abritait pas de peau, si bien qu’ils étaient comme ficelés au sol ; sain et saufs, mais incapables du moindre mouvement.
Seule la louve parvenait encore à se soustraire à ce sort. D’une part grâce à son agilité, et d’autre part car l’instructeur ne voyait pas par quel vêtement la contraindre étant donné qu’elle n’en portait pas sous cette forme animale. Il devait dire que l’aptitude avait du potentiel, mais il verrait cela plus tard.
Fidget, voyant cela, saisi l’opportunité. Il était resté plutôt à l’écart depuis le début, n’ayant que peu d’idées quant à comment utiliser sa magie pour toucher l’instructeur - et il se doutait que les simples photons ne comptaient pas. Ils n’étaient plus qu’une poignée encore debout, plus que quelques secondes avant la fin du combat. Alors Fidget réunit toute la force qu’il avait en lui, et se mit à courir vers la souche.
Les lames se mirent sur son chemin, mais il les esquivait dans une sorte de danse tribale improvisée. Lorsqu’il vit que tous les autres monstres à distance étaient tombés, le lion se jeta au travers des projectiles, libérant toute l’énergie qu’il contenait. L’attaque n’avait pas pour but de toucher, il ne se méprenait pas, mais l’attention de la panthère lui était pleinement dédiée, et c’était tout ce qu’il voulait.
L’explosion de lumière fut si forte qu’elle l’aveugla lui-même au travers de ses paupières fermées. Des râles de douleurs s’élevèrent de la foule au sol alors qu’il sentit les lames entailler sa tenue.
Skye avait prévu ce qu’il comptait faire. La louve s’était mise de dos à l’explosion, si bien qu’elle put profiter de l’aveuglement de l’instructeur pour foncer au travers d’une brèche, fondant sur sa proie. La faille qu’elle attendait était là, la trajectoire de son saut était parfaite, elle allait lui montrer qui savait se servir de sa magie.
-Je n’ai pas besoin de mes yeux pour vous voir, dit l’instructeur avec un sourire narquois. Malgré sa vision entièrement blanche, il étendit le bras avec tranquillité et attrapa la louve au vol. Quand Fidget ouvrit les yeux, il put voir Skye retenue par la gorge, se débattant dans les airs.
L’officier se leva, et toutes les lames disparurent. Skye reprit sa forme humaine, ses vêtements réapparaissant comme par magie. Les autres monstres se relevèrent eux aussi, frottant leurs membres endoloris par la chute.
-Beau combat soldats, mais ce n’était pas suffisant.
Tous le regardaient avec une sorte d’admiration dans les yeux. Rares étaient ceux qui maîtrisaient si bien leur don, et ils n’avaient d’ailleurs jamais vu ça de leurs propres yeux. Tout le monde avait entendu parler de la capitaine de la garde et de ses aptitudes hors normes, les légendes qui entouraient son nom ; comment elle avait capturé un à un tous les humains tombés pour les amener au roi, comment elle avait vaincu ceux que l’on pensait invincibles. Et les monstres avaient l’impression de se retrouver face à son alter-ego masculin.
-Ne faîtes pas ces têtes-là soldats. Bientôt, vous serez aussi bons que moi, vous manquez simplement d’entraînement.
L’officier se rassit calmement sur son trône naturel, invitant les monstres à s’asseoir autour de lui. Son calme contrastait avec son comportement martial de la matinée. Il ressemblait à un vieux sage prêt à transmettre son savoir.
-Savez-vous comment fonctionne la magie, soldats ? Vous savez puiser dans ce puissant réservoir en vous, mais percevez-vous le flux qui habite chaque chose ? L’énergie qui habite le monde, qui remplit l’espace. Vous devez la visualiser, la contrôler. Votre magie doit être une extension de votre corps, et non pas juste un objet physique comme un autre.
L’officier les regarda, avant de reprendre ;
-Comme vous le savez, vos corps sont faits de magie. Ils ne sont que la projection de votre âme dans le monde physique. En réalité, c’est dans votre âme que tout se passe. Lorsque vous pensez à bouger un bras, votre bras bouge sans que vous n’ayez à réfléchir à tout ce que vous devez faire ; votre esprit crée un ordre, et votre âme se mue en fonction, ce qui change votre corps. Alors pourquoi cela serait différent pour votre magie ? Pourquoi devez-vous réfléchir à comment vous en servir, comme si vous étiez en train de manier une arme réelle ? Alors qu’en réalité vous ne contrôlez qu’une projection de votre âme, une partie de votre corps. C’est là que vous péchez soldats, vous devez voir votre magie autrement.
Skye comprenait ce qu’il voulait dire, même si elle voyait mal comment appliquer ses conseils à elle-même. Sa transformation était magique, mais une fois transformée, c’était comme contrôler son corps normal, tout se faisait naturellement.
-Une fois que vous aurez compris consciemment comment envoyer un message depuis votre esprit vers votre âme, vous devrez réaliser comment faire l’inverse, comment percevoir le monde au travers de votre âme. De la même façon, vous le faites déjà inconsciemment ; lorsque vous touchez un objet, c’est votre âme qui s’en trouve modifiée, et elle communique ensuite avec votre esprit. Vous voyez où je veux en venir soldats ? Votre âme n’est pas limitée aux interactions avec le monde physique ; elle peut également sentir les autres âmes, ou les corps projetés, c’est à dire aussi bien le corps normal que la magie des autres monstres. C’est un concept complexe à assimiler, je ne le sais que trop bien, mais c’est là la clé au maniement parfait de vos habilités : élargir le lien inconscient entre votre âme et votre esprit, et le manipuler à votre avantage.
Les élèves étaient pendus aux lèvres de l’instructeur. C’était un point de vue totalement nouveau, et qui expliquait bien des choses. Cela faisait tellement de sens désormais qu’ils étaient au courant, cette interaction était évidente, et pourtant, ils ne l’avaient jamais considérée. Ils ne l’avaient jamais observée de cet œil analytique, ils n’avaient jamais cherché à comprendre. Ceux qui avaient voulu améliorer leurs habiletés magiques s’étaient entraînés à la manier, mais c’était comme s’entraîner aux échecs sans connaître les mouvements des pièces, s'entraîner à l’arc sans comprendre la nature de la flèche ; ils étaient condamnés à s’améliorer à tâtons, mais sans jamais percer le mystère qui leur permettrait de passer maîtres.

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Niveau 10
03 juin 2018 à 21:39:21

5

-Fermez les yeux soldats, et essayez de percevoir ce lien. Essayez de comprendre comment communiquent votre âme et votre esprit. C’est un exercice complexe, qui nécessite une gymnastique mentale, mais vous y parviendrez.
Fidget s'exécuta, mais il n’avait aucune idée de comment s’y prendre. Analyser ses propres pensés et leur fonctionnement était bien trop complexe ; à peine tentait-il de se dédoubler pour être à la fois acteur et spectateur que sa concentration s'effondrait, et l’un des deux rôles prenait le dessus. Il tenta de penser très fort à lever son bras, sans réellement le faire, pour voir s’il pouvait sentir l’ordre se propager ; en vain. C’était frustrant, mais plus il s'énervait, moins il y parvenait.
Il décida d’attaquer le problème depuis un autre angle. Après tout, cette façon de penser était radicalement différente de ce qu’il avait toujours entendu, alors la solution au problème devait elle aussi être originale. Plutôt que d’intercepter l’ordre à l’émission, et essaya de se placer au niveau de la réception. Le lion se concentra sur son âme, percevant le petit cœur voletant dans sa poitrine. C’était bizarre de faire ainsi la distinction entre les deux entités qui le composaient - l’équivalent pour un humain aurait été de considérer son corps telle une simple coquille pour son cerveau - mais cela allait peut-être l’aider. Encore une fois, il pensa à une action physique, prêtant une grande attention à son âme pour voir si quelque chose changeait.
Et, en effet, il perçut quelque chose. Décidément, l’expérience était étrange, s’apparentant à la sensation que l’on aurait eue en sentant ses propres nerfs s’actionner. Le lion n’avait de mots pour décrire cette sensation, mais il savait qu’il était sur la bonne piste.
Il continua ainsi ses efforts, perdant la notion du temps, pour essayer de préciser le phénomène. Mais c’était de plus en plus clair, son âme réagissait à ses ordres mentaux, se muait de façon infinitésimale. L’exercice était des plus complexes, car dès qu’il réfléchissait à ce qu’il était en train de faire, toute la construction s’effondrait et il était ramené de force à l’état naturel unifié.
Car en effet, tout ce modèle pour visualiser le lien n’était qu’une construction, une simulation pour donner un sens aux sensations qui s’imposaient à lui. Ce qu’il ressentait ne venait pas de son corps, ce n’était pas comme toucher une chose du bout des doigts ou l’observer avec attention, mais plutôt comme recevoir directement le stimulus dans son esprit. La sensation ne venait pas d’un quelconque organe, mais était simplement.
Skye de son côté peinait également à mener à bien l’exercice. Elle comprenait peu à peu le fonctionnement de ce lien entre son esprit et son âme, mais ce n’était pas pour autant qu’elle pouvait l’exploiter. Pour l’instant, tout n’était qu’hypothèses fumeuses et sensations vagues. La connexion lui semblait trop mystique, trop profondément enfouie dans son inconscient. Comme toutes les choses qui touchaient à la magie finalement ; tout n’était que perceptions indescriptibles et instincts automatiques. Sauf que cette fois, elle devait analyser consciemment le processus, et c’était un casse-tête sans fin à lui donner des migraines.
Au final, elle ne pouvait procéder que par analogies. Skye avait l’impression de s’être inscrite à un sport dont elle ne connaissait rien, et d’apprendre douloureusement les gestes de base, de répéter mille fois le même mouvement dans l’espoir qu’il se grave dans son inconscient, et qu’elle puisse l’exploiter quand elle le voulait. C’était comme recâbler l’entièreté de son esprit et de son âme, afin de déterrer le lien et de le rendre plus grand, y faire transiter plus d’informations. Et encore, elle n’avait même pas commencé à tenter d’utiliser sa magie ou de percevoir autre chose.
Quoique, maintenant qu’elle avait exhibé une partie du lien, la louve avait effectivement l’impression de percevoir autre chose. Quelque chose de proche et d’étranger à la fois. Elle en était certaine, cette vague entité était disjointe de son couple âme/esprit, mais pourtant elle avait beaucoup de similitudes.
Toutefois, quoi que fut cette chose, la perception qu’elle en avait était bien trop faible. Elle rampait aux abords de sa conscience, et dès que Skye tentait de se concentrer dessus, elle disparaissait totalement. Mais c’était un début prometteur, la preuve qu’il y avait bien des progrès à faire, des progrès qui étaient juste là, à portée.
La chose, quant à elle, percevait aussi une entité distincte d’elle-même. Pourtant, aucun d’eux ne semblait comprendre ce qui aurait dû leur paraître évident avec un peu de recul. Peut-être étaient-ils trop absorbés par leur tâche actuelle, mais ils ne tarderaient pas à s'apercevoir de leur bêtise dès qu’ils s’aventureraient à l’extérieur.
Finalement, Skye fut prise d’une soudaine fatigue. La louve se rendit soudain compte que disjoindre ainsi son esprit et son âme l’avait totalement épuisée, et elle abandonna finalement l’entraînement pour aujourd’hui. Elle ne savait pas si elle pouvait se blesser à cause de la fatigue, et n’avait aucune envie de le découvrir. Skye revint alors au monde réel, ouvrant lentement les yeux.
Autour d’elle, certains méditaient encore tandis que d’autres s’étaient levés. L’officier avait posé ses yeux sur elle, et la louve ne put s’empêcher d’essayer de lire son regard ; sans succès.
Fidget s’éveilla peu après. Il balaya les alentours du regard, reprenant peu à peu pied avec la réalité. Les deux amants se regardèrent, ne prenant même pas la peine d’échanger le moindre mot. Ils comprenaient dans le regard l’un de l’autre qu’ils avaient bien vécu la même chose, mais manquaient de mots pour la décrire.
Et la grande lassitude qui les prenait ne les motivait absolument pas à en chercher. Skye regarda la pendule à l’entrée de la salle et réalisa, avec la plus grande surprise, que cela faisait déjà trois heures qu’ils étaient sortis du réfectoire. Le combat avait duré à peine un quart d’heure ; ils avaient passé plus de deux heures et demi endormis ! La louve n’en revenait pas, elle avait l’impression d’avoir réfléchit pendant quoi, peut-être une demi-heure, grand maximum ! Cela la fit se questionner sur leur aptitude à maîtriser ce lien étrange. Comment pourraient-ils faire cela sur le champ de bataille si le temps était si distordu ? Elle fit part de sa réflexion à Fidget, qui haussa les épaules pour signifier qu’il n’en savait pas plus qu’elle.
Au bout de quelques minutes, le couple réalisa que l’instructeur les regardait avec insistance, comme s’il réfléchissait à leur sujet. Fidget et Skye lui rendirent son regard, et il se sentit finalement obligé de s’approcher. Sa voix était basse, presque un chuchotement pour garantir l’intimité de leur conversation.
-Vous deux, vous avez quelque chose de spécial. Une alchimie intéressante.
Les monstres l’interrogèrent du regard, cherchant davantage de précisions.
-Tout à l’heure au combat, c’était une belle tentative de coopération. Contre un ennemi normal, cela aurait probablement été efficace. Puis lors de votre introspection - ça n’a pas vraiment de nom mais j’appelle ça comme ça - vous vous êtes presque perçus l’un l’autre. C’est très prometteur.
-Alors c’était toi ? Répondit Fidget en se tournant vers son amante. Vraiment encore plus bizarre…
-Comme tu dis. Mais enfin, j’ai vraiment du mal à faire du sens de tout ça. J’ai senti quelque chose, oui. Le lien j’imagine, et puis autre chose ensuite - Fidget apparemment - mais de là à analyser tout ça et comprendre exactement qu’est-ce qui est quoi…
-En effet soldats. La maîtrise du lien prend du temps.
-C’est grâce à ça que vous étiez si serein pendant le combat tout à l’heure ? Demanda le lion.
-Oui. Je pouvais sentir aussi bien vos corps que vos attaques. Vous verrez bien assez tôt comment tout cela s’exploite, mais c’est comme avoir un sixième sens pour percevoir son environnement. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai réussi à intercepter votre offensive à la fin, vous ne pouviez pas me prendre par surprise étant donné que je savais à chaque instant où chacun de vous était.
Les deux monstres murmurèrent quelques mots d’admiration. Ils étaient plus qu’impatients de disposer des mêmes capacités.
-Mais ce n’est pas fatiguant de faire attention aux milliers de petits détails ? S’interrogea la louve. Comment est-ce que vous parvenez à rester assez concentré ?
-Ce sera l’une de nos prochaines leçons soldat, ne soyez pas trop pressée. Mais, à force d’entraînement, l’esprit parvient à analyser toutes ces informations pour former un tout gérable. Cela devient un instinct, le processus est automatique et vous n’avez plus qu’à considérer les résultats de l’analyse au lieu des données. Un peu comme votre vision.
Skye hocha doucement la tête. Oui, c’était évident que l’utilisation de cette technique n’allait pas rester aussi épuisante qu’elle l’était actuellement. Il lui suffirait d’entraîner son esprit, comme un sportif entraînerait son corps.
-D’ailleurs, maintenant que j’y pense, on est vraiment restés endormi trois heures ? Demanda Skye.
-En effet soldat, ce qui est plutôt classique pour une première fois. Mais vous vous en êtes mieux sortis que la plupart ; la majorité ne perçoivent pas le lien, alors de là à aller jusqu’à sentir quelqu’un d’autre… Mais, en réalité, c’est complètement logique au final.
-Comment ça ? Fit Skye.
-Voyons, ne jouez pas les innocents, votre relation crève les yeux. Et c’est une bonne chose. C’est pour cela que vous coopérez si bien. Votre binôme laisse présager un certain potentiel.
-Erm… Merci ?
-Mais du coup, enchaîna Fidget, pourquoi est-ce que sous terre, personne n’a jamais parlé de quelque chose comme ça ? Les soldats maîtrisaient pourtant parfaitement leur magie alors qu’il n’avait jamais suivi ce genre d’entraînement.
-La guerre est le moteur de l’innovation soldats. Sous terre, ils passaient des années à s’entraîner. Mais ici, nous n’avons pas ce temps. Alors nous nous sommes inspirés des techniques des anciens, et nous les avons améliorées. Il existe diverses façons de maîtriser sa force, et celle-ci nous semblait optimale pour les conditions.
-Mais si c’est si rapide, pourquoi est-ce qu’ils ne faisaient pas ça avant ?
-Parce qu’il n’y avait pas urgence, alors ils y allaient plus doucement. Et l’entraînement traditionnel forge d’autres compétences, c’était comme une sorte de grande machine qui visait à améliorer toutes les capacités des soldats. Mais étant donné l’urgence de la situation, nous devons nous concentrer sur quelques points essentiels, d’où l’originalité et l’intensité.
Fidget et Skye hochèrent la tête. Ce que l’officier leur racontait faisait du sens, et ils ne pouvaient que s’en remettre à son expertise. Après tout, s’il avait acquis le talent dont il avait fait preuve grâce à cette méthode, ils avaient toutes les raisons d’y adhérer.
-En bref, je tenais à vous dire de continuer à travailler ensemble. L’union fait la force, comme on dit, surtout si les partenaires sont en symbiose parfaite.
Que de sagesse. De toute façon, les amants comptaient bien former une équipe, pour pouvoir toujours s’épauler et veiller l’un sur l’autre. Les moments difficiles rapprochent, pour reprendre une autre maxime populaire, et ils ne pouvaient que profiter d’être plus proches. Ils se voyaient déjà, équipe de choc sur le terrain réglant leur compte aux humains. Ils feraient la fierté de la résistance, formant un couple parfait ; l’un compensant toujours les faiblesses de l’autres, régis par le même instinct comme un seul organisme.
Mais pour l’instant, leur entraînement ne faisait que commencer, et ils étaient contraints d’attendre que les autres aient percé à jour le secret de leurs âmes pour continuer. Fidget et Skye se sentaient déjà légèrement mieux, comme s’ils avaient eu le temps de récupérer un peu après une longue course. Ce n’étaient pas tant leurs corps qui étaient éreintés, mais leurs esprits usés par la totale nouveauté de ce qu’ils avaient vécu. L’introspection n’était en rien comparable à tout ce qu’ils avaient pu vivre auparavant, et révélait un fonctionnement de la magie bien plus complexe que ce qu’ils avaient pu croire toute leur vie.
Mais c’était aussi excitant. Ils envisageaient déjà les possibilités, leur curiosité piquée comme s’ils venaient de découvrir la cellule ou l’atome ; soudain, le processus sous-jacent à un phénomène qu’ils avaient toujours cru fondamental leur était révélé.

Finalement, l’instructeur ne leur apprit rien de nouveau. Une fois que tout le monde fut réveillé, il expliqua d’un ton qui ne laissait pas la place à la discussion que durant le restant de leur service ici, ceci serait leur quotidien. L’entraînement, disait-il, était ce qui distinguait les vainqueurs des tas de poussière.
Il leur fit également savoir qu’ils seraient bientôt affectés en mission, pas plus tard que la semaine suivante ; largement suffisant d’après lui pour qu’ils soient aptes à se débrouiller seuls. Leurs capacités sur le terrain seraient jugées et ils se verraient confier des missions plus importantes si on estimait qu’ils en avaient la compétence.
À ces mots, l’officier Rawings avait regardé Fidget et Skye. Il semblait fonder beaucoup d’espoir en eux, et ils n’avaient pas l’intention de le décevoir. Malgré ses doutes, la louve comptait bien donner tout ce dont elle était capable pour agrandir leurs chances de succès.
Enfin, il leur conseilla de se reposer et de ne pas trop faire fonctionner leurs méninges, expliquant qu’ils les avaient déjà bien surmenés durant l’introspection.
Fidget et Skye repartirent donc vers leurs quartiers. Ils ne savaient pas trop comment tuer ces quelques heures avant le repas, mais ils se doutaient bien qu’ils ne tarderaient pas à trouver.

Le repas du soir s’effectuait sur plusieurs plages, afin d’assurer que le réfectoire pourrait accueillir les équipes de jour et de nuit à la fois. Le midi, ce genre de problème ne se posait pas, mais à cette heure tardive de la journée tous les monstres au service de la résistance se croisaient, complexifiant d’autant la logistique.
Fidget et Skye passaient en second, les noctambules ayant pris leur petit déjeuné avant eux. Ils s’installèrent à table avec leurs plateaux fumants, contemplant leur service pas forcément très appétissant. Ils poursuivirent la discussion qu’ils avaient eue dans leur chambre, parlant de tout et de rien, se réjouissant de pouvoir échanger quelques banalités des plus plates. C’était bon aussi par moments de simplement parler, sans discuter de l’horreur, de l’espoir, du futur et de la peur. De parler de choses normales, de choses sans aucune importance, comme ils auraient pu le faire avant. Ils parlèrent de la bouffe immangeable, de leurs livres favoris, de sport ou de leurs expériences insolites sous terre.
Ils eurent tout du long un pincement au cœur à l’évocation de ces moments heureux, mais c’était justement ça qui était bon, c’était ça qui rendait ces conversations rassurantes, de pouvoir revivre la joie de ses souvenirs quand le monde ne leur en apportait plus. De se souvenir que le bonheur existait, que tout n’était pas crainte et désespoir.
Mais soudain, leur discussion fut interrompue par un mouvement de foule. D’un coup, tous les monstres proches des sorties se levèrent comme un seul homme pour se précipiter dehors, criant les uns aux autres dans un brouhaha incompréhensible.
Le couple se leva lentement, s’interrogeant du regard quant à la raison qui les poussait à être si pressés, craignant un instant une attaque contre la base. Mais, s’il y avait vraiment un assaut, on aurait sûrement activé les alarmes…

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Niveau 10
03 juin 2018 à 21:39:46

6

Leur curiosité piquée à vif, Fidget et Skye se dirigèrent vers le hangar principal, guidés par les bruits de foule de plus en plus importants. C’était comme si tous les monstres de la base s’était rassemblés.
Ce qui était probablement le cas. Ils furent stupéfaits de voir l’énorme attroupement au centre de la salle. La foule leur transmit son excitation, et bientôt ils en vinrent à jouer des coudes pour ses rapprocher du centre, pour voir ce qui était si important.
Fidget s’arrêta brutalement, retenant Skye par la main. Il voyait, il voyait ce qui avait réuni tout le monde. Le lion n’en cru pas se yeux, bouche bée, une expression de joie incrédule gravée sur le visage. Il perçut la voix de Skye juste à ses côtés, soufflant dans le brouhaha des soldats.
-Non… Impossible…
Mais pourtant c’était bien lui, le géant qui venait de s’extirper du camion. Le roi, il était encore en vie, il était avec eux. Leur roi les avait rejoints ! Une vague d’exaltation passa dans la foule ; le roi les avait rejoints ! Il légitimait leur combat, il leur apportait son soutien, il venait leur dire qu’ils avaient une chance, qu’ils devaient continuer. Le roi les avait fait tenir des millénaires sous terre, il les avaient sauvés. Il était comme un dieu pour la foule en furie, scandant son nom en hommage à sa légende.
-Roi Asgore ! Roi Asgore ! Hurlaient les monstres.
Et puis une autre monstre s’extirpa de la boite en métal. Un symbole. Celui de leur force, celui de leur résilience, celui de leur détermination. Celle qui avait osé braver les humains malgré les risques. La capitaine de la garde posa pied à terre, passant son regard sur tous les soldats qui ne savaient même plus quoi hurler pour extérioriser leur frénésie.
Quelques monstres reconnurent la petite fille et le squelette qui sortirent après eux. Leur apparition ne décupla pas l’exultation, mais s’ils accompagnaient le roi c’était qu’ils devaient être puissants. D’ailleurs, la fille était une humaine, et la rumeur expliquant qu’elle était l’ange de la prophétie se répandit en quelques secondes, excusant sa nature.
Mais il restait une personne dans l’encadrement de la remorque. Une brebis galeuse qui n’osait avancer ni reculer, figée sur place à la vue de tous ces monstres. Les soldats prétendaient ne pas la voir, mais elle semblait plus bouleversée que menaçante.
-C’est qui elle ? Demanda le lion à son amante.
-J’en sais rien. C’est une humaine, c’est bizarre.
-Pourquoi est-ce que le roi Asgore ramènerait une humaine ?
-Regarde son cou, fit la louve en plissant les yeux.
-À qui ?
-Au roi. Il a un anneau. Si je devais donner mon avis, je dirais que c’est celle qui l’a couverte.
-Donc c’est une gentille ?
-Si on peut dire ça d’un humain.
-Hum, approuva-t-il, pas faux.
-Enfin, si le roi lui fait confiance, j’imagine qu’on le peut nous aussi. De toute façon, qu’est-ce qu’elle va faire seule ? Personne ne sait où on est, et la sécurité va la fouiller.
Là encore, Fidget opina. En effet, à lui aussi l’humaine lui inspirait confiance, comme si elle l’avait déjà convaincu.
Soudain, la foule se tût. Aussi rapidement qu’ils étaient nés, les cris de jubilation moururent. Le couple se dévissa le cou pour tenter d'apercevoir la cause de ce soudain sérieux, avant de repérer la silhouette en plumes noires qui traversait la masse de corps d’un pas déterminé.
Lui et le roi se toisèrent quelques instants. Le couple était trop loin pour discerner leurs expression, mais ils furent rassurés lorsque les deux dirigeants partirent d’un geste amical et que les paroles d’Adalric retentirent.
-Bienvenue dans la résistance mes frères !
Un frisson parcourut la foule, qui s’élança bientôt dans une nouvelle salve de cris de joie. La parade rebroussa chemin dans l’allée, ralentie par tous ceux qui voulaient serrer la main du roi et lui glisser quelques mots d’admiration. Eurent-ils eut des papiers, le roi aurait été bon pour subir une session d’autographes. Heureusement, leur arrivée avait été tenue secrète.
Une fois qu’ils eurent disparu dans une des salles verrouillées dédiées à l’état-major, l’attroupement se dispersa peu à peu et chacun retourna à ses occupations, leur entrain décuplé par l’évènement. Tous avaient galvanisés par l’apparition du roi, Fidget et Skye y compris.
Ils regagnèrent la cantine rapidement et avalèrent leurs repas d’une traite, impatients de pouvoir regagner leur chambre et discuter librement. Toutes les lèvres s’agitaient pour parler de l’arrivée des héros souterrains, et il leur manquait de s’isoler pour réfléchir dans le calme.
Dans les minutes qui suivirent, le couple quitta le réfectoire et s’enferma dans la pièce qui était sienne, leurs langues se déliant en quelques secondes.
La présence d’Asgore et d’Undyne modifiait tous les aspects de leur combat : de leur capacité sur le champ de bataille à leur stratégie de communication. Le commandement de leur armée était enfin au complet, et le roi incarnerait l’espoir de la résistance, il saurait trouver les mots juste pour booster le moral des troupes et rallier toujours plus de combattants. Peut-être même pourraient-ils attaquer verbalement les humains, à la façon des grands prêcheurs des droits civiques.
-C’est complètement dingue ! S’exclama Skye à peine eurent-ils fermé la porte. Elle n’avait pas d’autre mot pour décrire la situation.
-J’aurais du mal à y croire si je ne l’avais pas vu moi-même, renchérit Fidget. Ça change tout !
-Peut-être que je me suis trompée ce midi finalement, reconnu la louve en se jetant sur son matelas. J’ai l’impression de dire l’évidence, mais avec eux de notre côté, notre puissance militaire vient d’exploser.
-Je te rassure c’est tellement énorme que moi aussi j’ai du mal à l'assimiler. Ça a tellement de conséquences dans tous les sens.
-Avec eux, je veux bien croire que la résistance à ses chances désormais.
-Tu veux dire qu’on va réussir oui ! Fidget avait toujours ce sourire béat sur le visage, totalement euphorique. La situation était comme un puissant rayon de lumière frappant la lentille pessimiste au travers de laquelle il voyait le monde ces temps-ci. L’entrée dans la résistance l’avait fait se réjouir, mais ça c’était d’un tout autre niveau.
-Je reste sceptique, mais c’est de plus en plus plausible oui, répondit la louve. Elle ne préférait pas se laisser emporter par l’émotion et regretter ses faux espoirs plus tard.
Mais en voyant le sourire de Fidget, elle réalisa qu’en réalité l’arrivée des deux légendes n’était pas tant une bénédiction militaire qu’un miracle pour leur moral. Ils apportaient avec eux l’espoir dont tous manquaient cruellement. Ce qui n’était le matin même qu’un tas de rêves illusoires pour lesquels on se battait dans l’infime espoir qu’ils se réalisent était désormais un futur plausible pourvu que l’on donne tout ce que l’on avait. Et face à la joie qui irradiait de Fidget, Skye ne put se résoudre à calmer son optimisme. Elle ne pouvait pas lui faire ça, il était si beau à voir heureux comme cela, c’était la plus belle chose qu’elle pouvait voir. Ici, dans cette chambre spartiate et dans ce monde hostile, rien n’était plus important pour elle que le bien-être de son amant. Tout le reste pouvait aller se faire foutre, pourvu que Fidget garde ce sourire véritable si rare.
-Et tu sais le meilleur dans tout ça ? Dit-elle alors en s’approchant de lui. C’est qu’on n’aura peut-être même pas besoin de se battre.
-Qu’est-ce que tu veux dire ? L’interrogea Fidget avec un regard dubitatif.
-Imagine, dit-elle en s’asseyant à côté de lui. La louve lui passa un bras autour des épaules, décrivant d’un geste de la main une scène illusoire. Imagine Asgore demain face à tous les soldats de la base. Il va donner un discours, c’est sûr, et ses paroles vont résonner en chacun de nous. Il va trouver les mots pour nous motiver, nous donner espoir, nous pousser de l’avant.
-C’est sûr que niveau encouragement, on pourrait difficilement faire mieux.
-Imagine le maintenant dans deux, cinq, dix ans, sur une estrade devant des milliers de personnes. Des monstres, des humains, des enfants, des journalistes, des politiques. Devant tous ces gens dont il saura de la même façon toucher les sentiments les plus profonds.
Fidget s’imaginait facilement la scène, oui. Leur roi qui mettait tout le monde d’accord grâce à un discours passionné, savamment élaboré. L’image était alléchante, mais pas crédible pour autant.
-On ne pourra pas convaincre les humains avec de simples mots Skye. Toi qui te veux sceptique, c’est encore moins plausible que le reste.
-Les mots sont une arme Fidget. Je ne te dis pas que ça se fera en un jour, que ça sera facile ou que nous n’aurons pas besoin de coupler ça à des opérations militaires. Mais peu à peu, on parviendra à rallier des gens à notre cause, des humains. Des humains qui nous défendront, qui nous crédibiliseront. Et finalement, on sera libres Fidget.
-Honnêtement je vois mal des humains nous rejoindre Skye.
-Pas dans l’état actuel des choses, mais si nous parvenons à faire changer les mentalités…
-C’est tout ce que je souhaite. Mais tu me semble bien optimiste pour quelqu’un qui m’expliquait à midi que notre combat était voué à l’échec.
-Je me laisse peut-être un peu emporter, mais c’est un retournement de situation total.
-Tu l’as dit.
Le couple débattit davantage des tenants et des aboutissants de l’évènement, avant de laisser la conversation mourir peu à peu. Ils avaient dit tout ce qu’il y avait à dire, et désormais, ils ne pouvaient plus que spéculer. Mais, d’un accord tacite, ils décidèrent de parler d’autre chose ; ils auraient le temps de voir les répercussions de leurs propres yeux.
À la place ils se contentèrent de laisser la fin de soirée s’écouler lentement, blottis dans les bras l’un de l’autre. Fidget caressait le dos de son amante, perdu dans ses souvenirs du passé. Il se surprenait à oser espérer retrouver un temps aussi joyeux que sa vie sous terre, avec Skye, dans un monde libre. Le lion se voyait déjà des années plus tard, jouissant de sa liberté et de son amour avec la louve. Peut-être auraient-ils une maison, un travail dans lequel ils pourraient s’épanouir, une famille...
D’autant de plans tirés sur la comète…
De son côté, la louve profitait simplement de l’instant. L’étreinte de Fidget la protégeait de ses démons ; un abri contre les pensées négatives qui ne cessaient de la harceler. Là, elle était en sécurité. Là, tout était possible, tout semblait facile, tout le mal qui les entourait ne semblait qu’un léger contretemps qui ne saurait les priver longtemps du bonheur véritable. Skye ne pensait à rien, se contentant de ressentir les doigts délicats de Fidget dans son dos et le souffle chaud qu’il projetait dans son cou.
Les deux amants passèrent un moment ainsi, dans une douce étreinte, telles deux pièces de puzzle se complétant parfaitement. Là, ils pouvaient sentir le cœur et l’âme de l’autre battre doucement, réalisant au passage leur place dans l’univers ; place qui était au sein de cette union magique. Ils ne voulaient plus se séparer, plus avoir à affronter ce monde hostile loin du contact rassurant de sa moitié.

Mais ils furent rattrapés par les obligations de la vie. Malgré leur volonté de veiller pour profiter l’un de l’autre, leurs yeux picotants et leurs corps las ne leurs laissèrent pas le choix. Se séparant à contre cœur dans un dernier baiser, le couple se déshabilla avant de glisser sous les couvertures - chacun dans son lit respectif - et d’éteindre la lumière.
-Bonne nuit Skye, dit le lion en se retournant. Il voulut ajouter un je t’aime, un surnom affectif, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge.
-Bonne nuit Fidget, murmura la louve en réponse.
Et, avant même qu’ils n’aient le temps de se questionner davantage sur ce qu’ils devaient dire ou faire de plus, le couple sombra dans un profond sommeil, leurs corps exténués par l'entraînement intensif.

Gamopli Gamopli
MP
Niveau 10
03 juin 2018 à 23:01:31

Poce blo

Karma251 Karma251
MP
Niveau 2
04 juin 2018 à 00:50:32

Tous à bord du Hype Train les enfants :noel:

Je tiens à dire que j'érige un temple à la gloire du premier qui m'anime cette Fic.

SheogorathEV2 SheogorathEV2
MP
Niveau 14
04 juin 2018 à 02:07:18

Oh my dog cette longueur de chapitre.

erosdog erosdog
MP
Niveau 10
04 juin 2018 à 08:18:46

@karma
Écoute si quelqu'un faisait un fanart de la fic je serais déjà aux anges, alors faire carrément un animé, faut peut-être pas pousser :hap:

@gamopli @sheo
Merci pour vos commentaires ça fait plaisir

Zack58 Zack58
MP
Niveau 10
04 juin 2018 à 17:53:46

https://image.noelshack.com/fichiers/2018/23/1/1528127495-capture.png C'est un signe :fou:

Plus sérieusement... J'ai pas le courage de tout lire, mais de ce que je vois en diagonale, c'est tellement qualitatif :coeur:

Karma251 Karma251
MP
Niveau 2
11 juin 2018 à 01:17:37

Tiens maintenant que j'y pense...
J'ai loupé un truc ou on a toujours pas vu cette enflure végétale qui mange ses ennemis au petit déjeuner :noel:

SheogorathEV2 SheogorathEV2
MP
Niveau 14
11 juin 2018 à 02:02:11

[01:17:37] <Karma251>
Tiens maintenant que j'y pense...
J'ai loupé un truc ou on a toujours pas vu cette enflure végétale qui mange ses ennemis au petit déjeuner :noel:

Ah non je confirme, on l'a pas vu.

M'enfin on a pas encore vu Mettaton non plus.

Steellar Steellar
MP
Niveau 10
11 juin 2018 à 07:48:42

On a vu Jerry ? Non. Alors laissez tomber vos flowey et mettaton, faut faire des priorités pour Jerry.

Akameka Akameka
MP
Niveau 6
11 juin 2018 à 11:41:33

Le 11 juin 2018 à 07:48:42 Steellar a écrit :
On a vu Jerry ? Non. Alors laissez tomber vos flowey et mettaton, faut faire des priorités pour Jerry.

Jerry est en vie. Personne d'autre que le joueur n'a assez de DETERMINATION pour le tuer :peur:

SheogorathCDC SheogorathCDC
MP
Niveau 10
11 juin 2018 à 12:27:36

Le 11 juin 2018 à 11:41:33 Akameka a écrit :

Le 11 juin 2018 à 07:48:42 Steellar a écrit :
On a vu Jerry ? Non. Alors laissez tomber vos flowey et mettaton, faut faire des priorités pour Jerry.

Jerry est en vie. Personne d'autre que le joueur n'a assez de DETERMINATION pour le tuer :peur:

Même le joueur en a pas assez. https://image.noelshack.com/fichiers/2017/14/1491484186-risitasueur.png

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