Film d'animation réalisé par Charlie Kaufman et Duke Johnson
Sortie : 20 janvier 2016
Durée : 1h30
Avec : Jennifer Jason Leigh, David Thewlis, Tom Noonan...

Premier film en stop-motion de Charlie Kaufman, centré sur un homme paralysé par la banalité de sa vie.

A noter que le film a été financé sur Kickstarter, qu'il a été présenté à la mostra de Venise récemment et qu'il sortira en janvier en France.

Je crée ce topic parce que je viens de voir que le film a eu le Grand Prix du Jury à Venise, qu'il a 99 sur metacritic et 100% sur rottentomatoes avec 9,6 de moyenne.

Autant dire qu'on a peut être un gros chef d'oeuvre en vue

Le trailer est dispo : https://www.youtube.com/watch?v=vrrU3is7qvU

C'est l'un des films que j'attends le plus.

En même temps c'est Kaufman

Il sort cette semaine.

Je l'attends de ouf celui là j'ai hâte de le voir !

Bon, j'y suis allé en avant première et j'en suis ressorti perplexe.
Voici mon avis, mais ne le lisez pas si vous voulez conserver toutes les petites surprises du film (qui ne sont pas dans la bande-annonce pour une fois).

Je ne connais pas beaucoup Charlie Kaufman, j'ai vu et aimé Eternal Sunshine mais cela s'arrête là. Apparemment, il a l'art et la manière de retourner la tête du spectateur dans les réalisations de Spike Jonze, aussi je me suis dit qu'avec les possibilités quasi infinies de l'animation, ce scénariste pouvait créer quelque chose de franchement intéressant.

En un sens c'est le cas, puisque Kaufman propose des choses qui ne se font pas habituellement dans le stop-motion, comme la scène de sexe ou celle du miroir. Certains choix sont d'ailleurs assez déroutants : on se rend compte que quelque chose ne va pas sans parvenir à mettre immédiatement le doigt dessus. Par exemple le fait que, en dehors des deux personnages principaux, toutes les marionnettes ont la même tête et la même voix (celle de Tom Noonan). Cela fait du sens par rapport aux sentiments du héros, mais l'effet est quand même assez grossier.

Concernant l'animation, c'est mi-figue mi-raisin. Bien sûr, les mouvements des marionnettes et des objets sont suffisamment travaillés pour permettre aux personnages d'évoluer dans l'espace de manière fluide et naturelle. Le problème vient des visages, qui sont séparés en deux au niveau des yeux pour animer le front indépendamment du nez et de la mâchoire. Cette rupture nette (et voulue) casse complètement l'immersion que le film tente d'instaurer. De plus, cela amène un changement de grain de peau entre le haut et le bas du visage, particulièrement visible dans les gros plans. Quelque chose dans la réflexion de la lumière ne fonctionne pas, et c'est dommage car c'est certainement l'élément le plus travaillé. En effet, l’hôtel où se déroule l'action profite d'un éclairage chaleureux et doux très agréable, qui vient même sublimer quelques plans. Les décors sont également travaillés, bien organisés, bien composés, à tel point que c'en est trop. Tout est tellement propre que cela donne à l'ensemble un aspect un peu lisse franchement dérangeant.

J'aurais aimé qu'une histoire prenante et farfelue vienne pallier ces défauts, mais ce n'est pas le cas. Ça ne raconte rien d'intéressant, d'autant plus qu'aucune action de cette journée n'a de conséquence sur quoi que ce soit. Quelque part, on peut voir le scénario comme une situation initiale et une péripétie, sans élément perturbateur ni conclusion. À ce stade là, l'intrigue n'est même plus linéaire, elle est statique. Et puis ces scènes s'étirent énormément, je me demande bien au service de quoi. La romance n'est pas non plus très bien amenée, mais elle a le mérite d'apporter quelques moments franchement beaux et vrais.

Anomalisa vaut donc beaucoup plus le détour pour son animation (parfois imparfaite) que pour son histoire peu intéressante de crise de la cinquantaine. Le spectateur ne sombre jamais dans l'ennui, mais le film lui laisse la fâcheuse impression de tourner en rond en n’ayant rien à dire.

http://www.senscritique.com/film/Anomalisa/critique/82742287

Personne d'autre ne l'a vu?

Je vais le voir dans la semaine moi, peut-être même aujourd'hui si je me bouge le cul.

Pas intéressant, c'est vraiment un bide. Une seule scène vaut le coup dans le film, mais le reste... très moyen, très dispensable.

Ouais c'est bizarre il y a une hype assez folle autour de ce film alors que les critiques ne sont pas emballées ...
En tout cas je suis quand même assez curieux de le voir.

Bon j'en ressors et je ne suis pas trop d'accord avec memorycard. Je suis un peu déçu aussi, mais pas pour les mêmes raisons. Car au contraire j'ai trouvé l'animation très réussie. Encore que "très réussie" c'est gentil, car elle est vraiment dingue ! D'autant plus que Kaufman prend beaucoup de risque en tentant de créer de l'émotion via des jeux de regards, ce qui est tout de même particulièrement difficile en stop-motion... Et pourtant ça fonctionne ! On a vraiment l'impression d'être face à des personnages totalement humains, c'est impressionnant. Ça nous donne une scène de sexe sublime, qui sonne bien plus vraie que dans beaucoup de films live.

Le problème, selon moi, vient plutôt du concept. A la base, il est intéressant, et son traitement dans les gros traits l'est aussi (les personnages qui ont tous la même tête et la même voix), mais le soucis c'est que ça ne va pas plus loin que ça. On nous pose ce personnage qui se sent seul face à des gens qui sont tous pareils, mais on n'en fait rien. Des pistes sont lancées mais jamais explorées. C'est vraiment dommage car le sujet est passionnant. Personnellement c'est quelque chose qui me parle et j'aurais pu adorer Anomalisa si il était allé au bout de sa démarche, mais là ça m'a plutôt fait penser à court-metrage type Schizen, qui est très bien mais qui n'a aucune raison de devenir un long-metrage. Alors ça peut paraitre paradoxal que je dise ça après avoir encensé la scène du sexe, mais voilà, j'ai eu cette impression d'inachevé, comme si le scenariste avait voulu aller plus loin que ces scènes très simples (mais très belles) entre Lisa et Michael et c'était arrêté en route.

Malgré tout, c'est tout de même un film que je conseillerais, car il est étrange, novateur en un sens et plutôt agréable à suivre.

Critique un peu plus complète et structurée :

Anomalisa est un film qui a beaucoup fait parler de lui. Déjà parce qu'il est réalisé par Charlie Kaufman, dont tout le monde ne cesse de rabâcher qu'il a scénarisé le très bon Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Gondry (mais aussi des deux premiers films de Spike Jonze !), ce qui semble être un gage de qualité, mais aussi parce qu'il est entièrement confectionné en stop-motion, et que les premières images auguraient quelque chose de très beau.

En effet, c'est très beau. C'est même absolument magnifique. La direction artistique, mêlée à une mise en scène très proche d'un film live, donne vie à ces personnages. On en viendrait presque à se demander si ce ne sont pas des humains que nous avons devant nous. C'est d'autant plus fort que Kaufman prend des risques en tentant de faire passer des émotions par de simples regards, chose déjà peu aisée dans un film-live, qui devient presque suicidaire lorsqu'il s'agit de stop-motion. Pourtant ça fonctionne. Le niveau de maîtrise est tel qu'on est touché par ces échanges de regard. Impressionnant.

C'est ainsi que l'on suit Michael Stone, écrivain en voyage à Cincinnati pour une conférence, cinquantenaire mélancolique évoquant Bill Murray dans Lost in Translation. Il a atteint une forme d'autisme dépressif qui lui fait voir et entendre les gens qui l'entourent comme s'ils n'étaient qu'une seule et même personne. Puis il rencontre Lisa, cette fille pas comme les autres, et vit une nuit idyllique en sa compagnie, nous gratifiant d'une scène de sexe audacieuse, bien plus vraie et touchante que la plupart de celles que l'ont peut voir dans les films live.

Malheureusement, c'est aussi là que les choses se gâtent. Ne se contentant pas de montrer une histoire d'amour simple mais touchante, le scénariste a voulu aller plus loin, et faire d'Anomalisa un film riche, abordant de nombreuses thématiques. En soi, c'est ce qu'il fait, mais il le fait mal, ou en tout cas de manière totalement superficielle. On nous pose ce personnage qui se sent seul face au monde qui l'entoure, ce qui est absolument passionnant, mais on n'en fait rien, on n'exploite ni le filon politique, qui aurait pu donner lieu à une critique intéressante de la société de l'uniformisation et la "dictature de la norme" ni le filon plus intimiste visant à parler de la dépression. Donc le résultat donne ce goût amer du film inachevé se reposant sur son concept.

Anomalisa reste néanmoins une oeuvre intéressante pour toutes les pistes qu'elle lance (même si celles-ci ne sont qu'effleurées), pour quelques moments touchants, et surtout parce que c'est visuellement somptueux. Mais est-ce bien suffisant ?

nous gratifiant d'une scène de sexe audacieuse, bien plus vraie et touchante que la plupart de celles que l'ont peut voir dans les films live.

Ah oui je suis entièrement d'accord, c'était vraiment beau ce passage.

Bon c'était l'un des films que j'attendais le plus en ce début d'année et j'en ressors super déçu

Je pense que le film a de superbes qualités, l'animation est assez dingue et la direction artistique en général est vraiment réussie, y'a de super idées de mise en scène également et ça prend parfois habilement parti de la technique. Puis ça reste assez particulier, très différent de ce qui se fait en stop-motion d'habitude, enfin le film a un cachet unique qui donne envie de l'aimer.

J'adhère aussi à la thèse du film, à ce que ça essaie de dire sur le personnage, sur la vie, je trouve qu'il y a matière à creuser. Après ça m'a clairement laissé un goût d'inachevé, comme si le film n'osait pas aller au bout. C'est très court mais en même temps assez lent, du coup on a l'impression que le film ne raconte pas grand chose, quand ça se finit je me suis un peu dit "tout ça pour ça". Après quelque part le film raconte ce qu'il y a à raconter mais je ne peux m'empêcher de ressentir un goût de trop peu.

Puis y'a rien à faire, la romance ne passe pas chez moi. Je n'ai pas trouvé ça beau, je n'ai pas ressenti d'étincelle. Dans Eternal Sunshine, tu as quelque chose qui se crée à l'écran immédiatement, deux personnages imparfaits mais avec une telle connexion, c'est assez magnifique. Ici, boarf, j'ai l'impression que Lisa est un peu un cliché de la fille décalée, maladroite mais censée être super attachante malgré tout. Sauf que je ne l'ai pas trouvée attachante du tout. Je trouvais qu'il y avait des idées intéressantes dans la manière dont la relation est racontée mais ça m'a laissé complètement indifférent. Après le personnage principal est assez peu empathique, je ne sais pas s'il a vocation à l'être d'ailleurs. Et globalement y'a pas mal de passages sympas, de bonnes idées, quelques touches d'humour décalées et parfois assez osées (comme le coup du "jouet" ). Mais voilà, dans l'ensemble ça ne prend pas.

Ça reste un film dans lequel j'aime plein de trucs, que j'avais envie d'adorer, je voyais déjà mon coup de coeur de l'année en animation. Eh bien finalement non

Je te rejoins totalement dans ton avis (qui est d'ailleurs assez proche du mien dans le contenu) sauf au niveau de la romance, que j'ai plutôt aimé. En tout cas elle m'a suffisamment touché pour que j'adore la scène de sexe.

Le 15 février 2016 à 00:18:31 -no_more- a écrit :
Pas encourageant tout ça.

Va le voir, osef de ces sans-goûts !

Tu as aimé Fyndim ?

Au delà du fait que ce n'est pas tous les jours que j'ai pu voir des longs métrages d'animation dans un ton proche de celui d'Anomalisa, il est amusant de souligner que c'est également le premier film financé par kickstarter que je vois ! Et je dois dire que voir ce genre de projets aboutir est un sentiment étrange, mais en tout cas ça donne quand même envie de croire en la pratique.

Parce que oui j'ai vraiment aimé cet Anomalisa, même si je ne sais pas si c'est pour les bonnes raisons. Enfin déjà il faut évidemment saluer l'aspect technique du film, qui est assez impeccable. L’animation est d'une fluidité impressionnante et les décors, bien que relativement épurés, sont très crédibles. Mais alors mention spéciale à la photo ! Personnellement je n'avais jamais rien vu de tel dans un film d'animation, ça donne totalement vie à ce petit monde, c'est les vraies couleurs de la vie, les vraies rayons du matin, les vraies couleurs de la nuit, j'ai trouvé ça bluffant, et magnifique évidemment. Tout cela forme vraiment une esthétique géniale, qui m'a happé dès la première seconde, avec ce début de soirée au milieu des nuages.

Pour ce qui est des émotions, hé bien j'ai trouvé le film vraiment malsain, mais dans le bon sens du terme, c'était viscéral. Mais c'est là le plus gros problème que j'ai avec le film, je n'arrive pas à être sûr du fait que ça soit volontaire ou non ! En l'état, moi cet homme à la mélancolie maladive qui supporte le monde comme une entité au visage monochrome, et qui occasionnellement suce la vie de jeunes femmes fragiles, il m'a terrifié, mais parce que je m'y reconnais, il n'est pas spécial, il est anodin au contraire; il semble traverser une crise tout ce qu'il y a de plus normale. Il m'est apparu comme une représentation dramatique de la société, comme un espèce de vampire banalisé qui vit sa vie de vampire.

Parce que cette histoire d'amour, aussi fulgurante qu’inexorable, elle n'est pas fondamentalement malsaine. D'une certaine manière, elle est d'une belle exaltation, avec une scène d'amour qui est justement très pure parce qu'elle est terre à terre, sans artifices, ça la rend vraie et sincère. Mais ce qui en fait quelque chose de vraiment unique, c'est le contraste terrifiant avec le banalité incongrue du reste de l'existence. Au milieu, elle fait figure d'îlot, fondamentalement déséquilibré et étrange, avec des personnages qui se repoussent plus qu'il ne s'attirent finalement. Pris hors de leur contexte, les dialogues sont plus morbides que naïfs, et c'est justement cette science du contexte qui rend le tout cohérent.

Et puis il y a un travail très intéressant sur le son, évidemment le doublage qui joue une part très importante dans l'ambiance, mais aussi la musique, le ton, j'ai vraiment ressenti un travail tout particulier sur la mélodie des mots, des syllabes, la chanson finale par exemple m'a hypnotisé...

On dirait que beaucoup ont été assez déçu, et j'en suis assez étonné

Franchement j'ai adoré ! C'est vraiment aller en crescendo pour moi, je trouvais le début long, et je ne comprenais pas pourquoi il y avait autant de hype, et peu à peu, je me suis retrouvé à être embarqué dans le film jusqu'au générique de fin, où un seul mot me venait en tête "waouh".
Le film arrive vraiment à conserver une part de mystère dans cet histoire quelque part assez banal, je trouve ça vraiment beau, et si j'avais un seul défaut à donné au film, se serait surtout son début qui prend quand même beaucoup trop son temps, ça met vraiment beaucoup trop de temps à démarrer. Ceci dit, on sent dès la première seconde l'univers de Kaufman !