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Sujet : Comment definir la folie?

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zebulonmartin2 zebulonmartin2
MP
Niveau 10
21 août 2014 à 02:30:12

Bonsoir, en cette heure tardive, apres avoir versé une larme sur la seul chanson qui me fait pleurer ( le bal perdu ), je me demande :
La folie est elle definisable, ici je ne parle de la folie en tant que maladie mais de la folie de chacun, du charactere humain. Quesqui fait qu'une action atypique ou non durant le quotidien d'un etre humain va etre acredité à de la folie par lui meme ou par autrui. Etant donné le caractére unique de chacun, qui a t'il de commun à la folie?
Cela depend de la culture?
Bon je viens de bouclé l'eloge de la folie d'erasme mais ça m'a pas trop aidé :hap:

Galbani Galbani
MP
Niveau 10
21 août 2014 à 03:11:37

De la culture ? Peut-être que c'est de l'empirisme...

Enfin je ne m'y aventure pas trop, la seule chose que je peux dire :
- Soit tu juges quelqu'un de fou.
- Soit tu te considères comme étant fou.

là, il y-a déjà quelque chose que l'on peut débattre parmi ces 2 notions :oui:

wilaya wilaya
MP
Niveau 5
21 août 2014 à 03:56:38

Rien compris.

Malverick_LeHa Malverick_LeHa
MP
Niveau 10
21 août 2014 à 11:03:22

Va voir sur wikipédia :honte: Bon sang.

zebulonmartin2 zebulonmartin2
MP
Niveau 10
21 août 2014 à 12:15:47

Malverick, je propose ici une vision philosophique et non pas une demande de reponse factuel

Sur quels criteres jugeon nous quelqun de fou? Et si, comment definir la folie?

Malverick_LeHa Malverick_LeHa
MP
Niveau 10
21 août 2014 à 12:37:02

Sauf que c'est scientifique. Il n'y a rien d'autre à proposer (de ce que tu demandes) qu'une réponse scientifique.
Après si tu poses la place de la folie dans un contexte c'est autre chose mais là encore observe des faits historiques au certaine personnes étaient considéré comme fou là encore wikipédia.

Malverick_LeHa Malverick_LeHa
MP
Niveau 10
21 août 2014 à 12:37:45

Et puis franchement c'est pas vraiment philosophique de la façon dont tu poses ta question :hum:

[jesuispartout] [jesuispartout]
MP
Niveau 18
21 août 2014 à 12:53:08

Les états de maladie, de pathologie, de morbidité sont, d'une manière générale, très difficiles à définir ; voir à ce propos Le Normal et le pathologique de Canguilhem. Quand en plus il s'agit de troubles psychologiques, il ne reste plus que des modèles de compréhension très hypothétiques.

Ce que nous appelons la folie semble lié à l'insertion et au traitement social de tels troubles ; penser que l'on peut la définir simplement et de manière satisfaisante relève d'une naïveté certaine. Je ne me suis jamais passionné pour le sujet mais Foucault a proposé une histoire de la folie sur laquelle l'auteur devrait se pencher.

Pseudo supprimé
Niveau 10
21 août 2014 à 13:30:07

De côté les aspects pathologiques, la folie est la manifestation d'une personne bornée à ne pas faire la part des choses. Le sens contraire même de la sagesse ?
Quoiqu'il en soit, penser faire la part des choses en toutes circonstances ne se révèle pas non plus raisonnable à tous les coups, car nous sommes influencés par notre caractère-même. C'est ce qui fait que la folie ne peut être jugée qu'au cas par cas et par soi-même, du moins si la conscience n'est pas physiquement altérée.

Valgame Valgame
MP
Niveau 10
21 août 2014 à 14:55:20

Je définirais la folie selon deux critères:

Anomalie psychologique : Il est très difficile de dire qu'est ce qui est une anomalie car il faut tout d'abord identifier la norme ( l'état le plus répandu statistiquement). Hors, quand il s'agit de psychologie, tous les individus sont très complexes et différents les uns des autres, il est donc particulièrement difficile d'identifier des traits psychologiques normaux au sein d'une population ou tous les individus sont particuliers.
Cela varie selon la culture puisque l'éducation joue un grand rôle dans le développement psychologique de l'individu.
De ce fait, la norme à l'âge adulte varie selon l'éducation recue.

Gène sociale/vitale: Ce comportement anormal doit être une gène pour l'individu dans la vie de tous les jours. Que ce soit une gène pour la vie en société ou bien simplement pour le bien être particulier de l'individu. C'est la aussi tres difficile à déterminer car il faut savoir définir un certain degré de gêne pour ne pas classifier tout le monde comme "fous". En effet, chacun est différent et donc certains sont plus gênés que d'autres mais il faut fixer des limites pour ne pas que le moindre trait de caractère comme par exemple la timidité soit considéré comme un trait de folie.
Ces gênes varies évidemment selon les cultures car chaque société ne requiert pas les mêmes comportements pour ses individus.

De toute manière, le terme de "folie" est inusité chez les spécialistes: on préférera parler de pathologies psychiatriques.

Red_Thunder Red_Thunder
MP
Niveau 10
21 août 2014 à 19:58:51

Bonjour,

Bon, je vous préviens, comme la question m'intéresse, et que je me la suis souvent posée, étant étudiant en médecine, c'est assez long, mais je voulais rebondir sur les différents messages du topic tout en essayant d'apporter un commencement de réponse (ou plutôt, un commencement de réflexion sous forme de grandes pistes que j'ai trouvées au fil de mes lectures).

D'abord, je ne peux que conseiller de lire « Le Normal et le pathologique » pour donner une idée de la complexité du problème, comme le conseille Jesuispartout. On pourra, du même auteur, lire d'autres textes, par exemple « Pouvoirs et limites de la rationalité en médecine ». En tous les cas, au niveau de l'épistémologie et de l'histoire de la médecine, Canguilhem est certainement une base, peut-être incontournable, de la réflexion sur les concepts de norme, de normal, et de pathologie et d'anormal.

L'idée générale pourrait être celle-ci (je résume beaucoup trop pour être fidèle au texte) : un être vivant a la capacité non pas simplement de s'adapter de manière passive à son milieu, mais d'agir dans celui-ci pour le transformer. Pour Canguilhem, la particularité principale d'un organisme vivant est essentiellement son pouvoir d'être un centre de valeurs, c'est-à-dire que « Vivre, c'est, même chez une amibe, préférer ou exclure ». Chez l'homme, animal doué par la technique de moyens d'action étendus sur son milieu, cette préférence devient même une capacité de transformer de façon dramatique (au sens anglais de dramatic, dont je n'arrive jamais à trouver l'équivalent exact en français, mais qui correspond à, grossièrement : un changement brutal, important, un bouleversement) son milieu. La norme réfère donc à cette capacité fondamentale de se donner à soi-même son propre mode d'existence au sein d'un milieu, ce que Canguilhem nomme la normativité. Grosso modo, il n'y aurait pas de norme sans un centre de référence des valeurs, capable de poser un mode d'existence comme norme. Canguilhem va ainsi critiquer aussi bien la conception statistique de la norme que la conception bernardienne d'un vivant réductible à la physique et à la chimie. C'est que, malgré l'altération permanente de ses fonctions vitales, ces altérations peuvent être normales. L'exemple con, mais sans réel intérêt, c'est qu'il est normal que ma fréquence cardiaque augmente en cours d'exercice. Un exemple plus intéressant est l'existence de tribus africaines pour lesquelles la glycémie est beaucoup plus basse que celle des hommes français, et qui, pourtant, ont des activités physiques aussi importantes. La norme, au niveau physiologique, serait donc non pas quelque chose de fixé dans une quelconque nature humaine, mais clairement l'expression d'une façon de se rapporter à l'environnement qui me permette un rapport sans gêne à celui-ci – ce qui implique également que je puisse changer de mode de vie.

Toutefois, et Canguilhem le signale dès le début du « Normal et le pathologique », son analyse ne vaut que pour les pathologies dites somatiques. Pour la psychologie, on peut en effet s'orienter vers Foucault (peut-être autant « Maladie mentale et psychologie » et « L'histoire de la folie à l'âge classique » que le cycle de cours au collège de France sur l'expertise psychiatrique), en gardant bien en tête que beaucoup des intuitions, souvent passionnantes, de Foucault, se retrouvent aussi chez Canguilhem, notamment sur le pouvoir normalisant de la société bien qu'elles soient traitées différemment, mais également que l'approche foucaldienne est critiquable et critiquée, notamment par Marcel Gauchet et Gladys Swain (« La pratique de l'esprit humain »). Quoi qu'il en soit, il est en effet tout à fait possible que la maladie mentale soit à définir par référence à la (bonne) marche de la société. De même, une définition culturelle semble présenter un intérêt. On connait des troubles psychiatriques qui n'existent que chez certains peuples, comme l'Amok en Malaisie. Au niveau de l'ethnopsychiatrie, Devereux a notamment essayé de distinguer non pas le normal au sens propre du pathologique, mais ce qui est illégal de ce qui est proprement considéré comme une maladie. Si on peut considérer que le crime fait partie de phénomènes normaux (au sens statistique) de la société, la maladie mentale serait malgré tout une anormalité, eu égard même au crime. Par exemple, chez certains Indiens d'Amérique, une personne victime d'une profonde déception ou d'un déshonneur peut subir ce qui est considéré par ses congénères comme une maladie mentale (Le chien-fou-qui-veut-mourir) et qui consiste à tuer tout ce qui se présente à sa portée jusqu'à ce que lui-même meure – ce qui, sans cette situation initiale de déshonneur, est simplement un crime pour ces mêmes Indiens. Il y aurait donc un intérêt à superposer à la distinction par la société du normal et du pathologique, celle de l'illégal et du pathologique.

A partir de ces données, et de mon expérience d'externe, j'aimerais faire remarquer plusieurs choses, sur des approches qui ont été présentées ici par valgame :

1/ La définition statistique du normal et du pathologique se heurte assez rapidement à quelques problèmes. Elle correspondrait, grossièrement, à l'idée soutenue actuellement par Boorse (si je me souviens bien d'un cours que j'ai eu à ce sujet, car je n'ai personnellement toujours pas réussi à trouver un de ses textes en ligne) selon laquelle on reconnaîtrait, dans l'organisme, des fonctions, assignées chacune à un organe, et qui seraient quantifiables. Une fonction est décrite par Boorse comme ce pour quoi l'organe a été sélectionné au cours de l'évolution (je ne me souviens plus de la formulation, mais tout le problème est d'en éliminer la notion de finalité). Grosso modo, la fonction du cœur n'est pas de battre, mais de faire circuler le sang. La circulation sanguine aurait pu se faire à l'aide d'une chaudière, comme le disait Descartes, reste que la pulsation cardiaque est le moyen le plus économique et le plus efficace qu'on ait pu trouver pour accomplir la fonction de faire circuler le sang, et c'est sans doute la raison pour laquelle un cœur pulsatile a été sélectionné et pas un cœur-chaudière. La fonction serait ainsi quantifiable : par exemple, la fonction circulatoire peut être évaluée (et est évaluée en effet) par la pression artérielle. On peut alors faire une analyse statistique de cette fonction, considérée comme une variable X. Ensuite, si on considère que la variable X a une fonction de répartition gaussienne (ce qu'elle a souvent dans le domaine médical), on peut dire que 95% de la population a cette variable comprise dans l'intervalle moyenne plus ou moins un écart-type, ce qui, tout en tenant compte de la variabilité inter-individu, permet pourtant de donner une bonne description de la population. Bref, on considérerait objectivement comme malade une personne qui serait dans les 5% restants. Plusieurs problèmes se posent :
- Pourquoi 5% ? L'arbitraire de ce chiffre rend difficile la déclaration selon laquelle on aurait là une définition « objective » de la maladie.
- Que faire des « pathologies » fréquentes ? Soit l'hypertension artérielle, phénomène pathologique, qui touche plus de 20% de la population générale française. Doit-on la redéfinir pour qu'elle ne touche que 5% de la population ? Par exemple, au lieu de la faire commencer à 140/90, la faire commencer à 160/100. Le problème est qu'on change ici également le risque de mortalité lié à la maladie, de façon très importante (toute chose égale par ailleurs, le risque d'accident vasculaire est multiplié par trois). Notez ici que l'HTA n'est pas à mon sens le meilleur exemple, puisque c'est surtout un facteur de risque cardio-vasculaire. Toutefois, il s'agit bien d'un phénomène pathologique majeur, et Boorse s'intéresse au pathologique et non pas à ce que l'on appelle communément maladie.
- Enfin, peut-on vraiment quantifier les fonctions psychologiques ? Cela nécessiterait des études scientifiques non encore nécessairement réalisées, et l'échec récurrent de la psychométrie, notamment avec des tests de QI assez peu fiables pour définir l'intelligence (laquelle reste largement indéfinie), rend suspecte l'idée qu'on y arrive bientôt. De plus, la psychopathologie comprend également des dimensions fortement affectives, lesquelles sont très ardues à mesurer.

Red_Thunder Red_Thunder
MP
Niveau 10
21 août 2014 à 19:59:20

2/ Le critère de la gêne. Quoi que, de base, je sois largement inspiré par Canguilhem et sa normativité, force est de constater que ce concept de gêne me gêne (ironie !). Disons qu'il y aurait deux manières d'estimer la gêne. Soit la personne vient d'elle-même déclarer qu'elle ne se sent pas bien, et dans ce cas, j'ai beaucoup de chance car je peux vous assurer que beaucoup de patients, y compris atteints de troubles somatiques graves et « évidents » ne viennent consulter que très tard. De même, le fameux « Un fou ne dit jamais qu'il est fou » est juste dans une certaine mesure, à savoir qu'il existe bel et bien des états où le patient est incapable de percevoir qu'il est malade (anosognosie dans la maladie d'Alzheimer, dès le début des symptômes), notamment dans la psychopathologie, puisque l'une des composantes fréquentes de celle-ci est l'altération des facultés cognitives. Soit vous voyez chez cette personne un trouble de l'adaptation à son milieu, ce qui implique que vous vous sentez en droit de juger pour elle de la qualité de son rapport à son environnement. Là encore, on fait intervenir, en fin de compte, la possibilité d'une relation stable de l'individu à la société, et donc les besoins de la société. Ce que je veux dire ici, c'est que le critère de gêne est très difficile à évaluer que ce soit scientifiquement ou non, et pas uniquement quand il s'agit de savoir si la gêne est statistiquement significative ou non. (Remarquez que du problème de mesurer la gêne je ne parle pas ici, parce que ce message, déjà un pavé, ne se finirait plus, et j'admettrais donc, provisoirement, une dichotomie grossière gêne/absence de gêne)

Pourtant, si l'on prend le fameux DSM (depuis sa troisième édition), il n'y a pas un trouble psychiatrique dans lequel on ne trouvera pas mention d'un ressenti désagréable. La gêne est un critère pratique pour savoir si un patient peut être déclaré pathologique. Toutefois, il suppose déjà qu'on ait le patient devant soi, c'est-à-dire, ou qu'on l'a dépisté (donc : comment dépister sans s'appuyer sur la gêne ?), ou qu'il se soit présenté de lui-même devant nous. Or, dans l'état de trouble psychiatrique, il n'est pas certain qu'il soit parfaitement évident de déterminer si le patient est gêné ou pas. Disons donc qu'on pourrait, à l'extrême limite (je n'en suis pas convaincu, bien que l'idée est intéressante) déclarer que, si le patient ressent une gêne, c'est une condition suffisante à un diagnostic de maladie psychiatrique (reste à savoir laquelle). Pourquoi n'en suis-je pas convaincu ? En grande partie parce que poser un diagnostic est un acte qui se rapporte en général à quelque chose d'intrinsèque au patient. Mais le bien-être en lui-même comporte également une composante sociale, qui dépend du non-rejet de l'individu par la société : si l'individu est rejeté, il sentira une gêne, et sera alors pathologique. Mais également parce que la gêne peut ne pas constituer un trait pathologique au sens psychiatrique du terme, mais un simple mal être : la crise d'adolescence, souvent marquée par une humeur assez fluctuante, est-elle pathologique ? Au problème du normal et du pathologique, on pourrait ainsi ajouter le problème de ce qui est à proprement parler du ressort de la médecine (psychiatrie) et de ce qui ressortit à l'activité du psychologue, voire du simple fait de « prendre sur soi ».

Il me semble qu'une autre hypothèse est à étudier. Ces dernières années, la psychiatrie tend de plus en plus à se fonder sur les sciences biologiques. Bien que, par exemple, il me semble difficile de croire que quasiment toute la pathogénie de la schizophrénie est génétique, comme cela m'a souvent été dit, il n'est pas contestable que les facteurs biologiques ont un rôle, comme semblent le montrer des études d'agrégation familiale de cette maladie ou les rares études de jumeaux séparés. Maintenant, on peut se demander si l'agrégation familiale, dans la maladie mentale, ne viendrait pas également de l'interaction avec le membre de la famille déjà atteint. En étudiant la schizophrénie, Harold Searles (« L'Effort pour rendre l'autre fou ») a montré qu'il y avait, chez le schizophrène, une tendance non seulement à son auto-dissociation (non pas l'idée de personnalités multiples, mais plutôt celle de perte d'intégration) mais aussi à la dissociation d'autrui, perçu alors plus comme une chose que comme une véritable personne. Ainsi, dans le rapport à son parent schizophrène, l'enfant pourrait lui-même se développer dissocié. C'est l'idée de « mère schizophrénogène ». Quoi qu'il en soit, cette idée de dissociation ou, à mon sens, de désintégration, a pu être étudiée du point de vue neurologique par Edelman. La piste neurologique consistait à dire que la conscience étant un processus intégré, le substrat neuronal de la conscience devait l'être aussi. En cas de schizophrénie, où on a l'impression d'une perte d'intégration de la conscience, tout comme dans les cas d'hystérie, il serait possible que les communications entre les neurones, qui permettent l'intégration de ce substrat, soient fonctionnellement désactivées ou, en tout cas, moins actives. Pour l'instant, ce n'est qu'une hypothèse parmi tant d'autres, au reste relativement difficile à appuyer ou à infirmer, puisque les techniques d'analyse neurologique, notamment l'IRM fonctionnelle, l'EEG ou l'EMG, sont relativement grossières. En outre, Edelman déclare que même si l'on retrouvait une désintégration fonctionnelle du substrat neuronal de la conscience, cela ne signifierait rien quant à l'origine de la maladie (« Comment la matière devient conscience »). De manière générale, on pourrait considérer qu'il y a interaction entre une fragilité biologique et des expériences de vie, qui vont venir renforcer un état préexistant, ce qui concorderait d'ailleurs avec le fait que le cerveau ne cesse d'évoluer au cours de l'existence (établissement, renforcement, affaiblissement, des synapses).

Beaucoup de points restent donc à élucider. Pour ma part, après un intérêt assez intense porté à la question, j'ai décidé de faire tout plein de détours, notamment par la philosophie de l'esprit, et en général par l'ensemble des problèmes philosophiques posés par la conscience, mais aussi, plus récemment, par les neurosciences. Je dirais, en résumé, que se posent les problèmes suivants :
1/ Le rôle de la société dans la définition des normes et de la folie, notamment quand il s'agit de différencier la maladie mentale de la criminalité « normale ». A ce sujet, les mutations du regard chez les experts psychiatres sont très intéressantes à étudier, et c'est ce que fait Foucault dans « Les Anormaux ». L'étude de l'ethnopsychiatrie aurait aussi sa place dans ce cadre. Il s'agit, en général, de bien voir que la maladie mentale se définit socialement aussi en amont de ses effets comportementaux dramatiques.
2/ Ce que signifie gêne, en termes médicaux. Est-elle observable ? Doit-elle nécessairement être rapportée par le patient ? Peut-on alors espérer que le patient viendra de lui-même nous la rapporter ? (ce qui questionne la relation médecin-malade) Peut-on l'espérer d'un patient hypothétiquement vraiment malade psychiatrique ? (question de l'anosognosie)
3/ Existe-t-il un moyen objectif d'évaluer une fonction cognitive ou morale, ou bien la conscience étant qualitative, elle se dérobe à toute évaluation quantitative ? Par là, je veux dire : y a-t-il beaucoup à attendre de la psychométrie ? De la génétique ? Des neurosciences ? Ou, plus classiquement, de la psychologie clinique ? Notamment, quel pourrait être le rôle de la consultation psychiatrique/psychanalytique/psychologique, dans le diagnostic d'une maladie mentale ?
4/ Enfin, quels réaménagements éthiques permettraient de répondre à une redéfinition de la psychopathologie ? On parle malgré tout de se substituer à la volonté de patients qui peuvent se sentir parfaitement bien, alors qu'ils ont « visiblement » des « problèmes ». Peut-on se contenter de dire que la psychiatrie a pour tâche de faire que les patients puissent de nouveau avoir une liberté qui leur a été obérée par la maladie (thèse qu'on retrouve chez Henry Ey ou encore chez Gladys Swain, en caricaturant beaucoup), ce alors même que tout le problème est bien de savoir si cette liberté est, ou non, obérée ? Le problème se pose également à propos de la psychologie de l'enfant : le psychologue a-t-il pour tâche de s'occuper de problèmes qui relèvent de l'éducation ? (Anna Freud et Mélanie Klein aboutissent à ce sujet à des résultats divergents, en partant de théories de la pathologie infantile différentes)

Aux niveaux épistémologique, moral, mais aussi métaphysique, il reste beaucoup à faire. Il ne faut surtout pas oublier que sur les questions de santé et de maladie, aucune science – de la nature comme de l'homme – n'est à oublier, non plus que, de façon générale, l'ensemble de la culture. C'est sans doute à la fois ce qui rend ce problème passionnant, et, peut-être, insoluble. Surtout, il faut se souvenir que si le fou est une figure culturelle, le malade mental est une figure médicale, et que la reconnaissance de la psychopathologie répond en fait à des impératifs techniques autant que théoriques. Le but de définir la maladie mentale n'est pas exclusivement de savoir qui est malade, mais qui il faut soigner et comment. Le traitement moral des aliénés, proposé par Pinel, correspondait par exemple à une certaine conception de l'aliénation mentale, comme « essentiellement guérissable », ce qu'elle n'était jamais auparavant.

[jesuispartout] [jesuispartout]
MP
Niveau 18
21 août 2014 à 20:32:33

J'ai pris plaisir à lire ce condensé écrit du cheminement de quelqu'un qui s'intéresse à ces questions. N'étant pas moi-même très calé sur ces dernières, je ne pourrai malheureusement pas faire suite à cet exposé au-delà des quelques bribes que j'ai retenu de Canguilhem et d'un vieux cours sur ce dernier.

Cependant la notion de "ce pour quoi l'organe a été sélectionné au cours de l'évolution" de Boorse, que je ne connais pas du tout, m'intéresse grandement pour résoudre certains paradoxes finalistes qui apparaissent dans les discours que je me tiens à moi-même quand j'essaie de concilier ma compréhension des fonctions organiques avec ma compréhension de la théorie de l'évolution ; je me désole que tu en ignores la source exacte.

wilaya wilaya
MP
Niveau 5
21 août 2014 à 21:40:16

Super ton exposé Red_Thunder.

Ce pdf complète assez bien les points qu'à abordé notre ami en apportant des détails supplémentaires qui plairont à ceux qui s'intéressent à la question : https://www.dropbox.com/s/3t1tc50ht8lhf01/7.2_Lefeve_Le%20normal%20et%20le%20pathologique%281%29.pdf

Je me demande si tu l'as lu?

wilaya wilaya
MP
Niveau 5
21 août 2014 à 22:04:14

Pour le DSM je ne sais pas où la gêne est un critère? C'est ta conclusion? Car les seuls critères admis pour parler d'une maladie psychiatrique sont des marqueurs biochimiques et la psychiatrie se distingue de la psychologie en ceci que les pathologies relèvent d'un dysfonctionnement neuronal.

Le DSM est fondé sur une analyse non-étiologique des troubles et une mesure plutôt qu'une interprétation. Il serait inadmissible dans ce milieu actuellement de poser la gêne comme critère suffisant.

C'est à la fois ce qui fait sa force et sa faiblesse : d'une part nous sommes certains que la pathologie est traitable par la biomédecine puisque consiste en dérèglement ; d'autre chaque dérèglement signifie alors une pathologie (raison pour laquelle le DSM est mal vue : ex, les modifications comportementales durant la grosses portent un nom, sont classé et définis comme pathologiques).

La question de discerner le normal de l'anormal en psychiatrie, qui se lit maintenant plutôt comme comment discerner le fonctionnement neuronale normal et de l'anormale? est plus floue que jamais.

Pour la question éthique de substitution à la place du patient atteint, les dix questions et l'analyse subséquente par un comité me paraissent convenables. Examen quantitatif est pour vous synonyme de manque de rigueur?

Red_Thunder Red_Thunder
MP
Niveau 10
22 août 2014 à 01:08:34

Jesuispartout, le problème avec la théorie de Boorse, c'est que je la connais de source secondaire; c'est pourquoi j'aimerais redire que ce que j'en dis est incertain. J'ai cherché à en savoir plus, mais l'essentiel de sa théorie est exposée dans des livres publiés uniquement aux Etats-Unis (ce qui implique des frais de livraison que je ne peux me permettre). Peut-être faudrait-il que je cherche sur pubmed des articles de sa main. Si tu veux chercher de ton côté, il soutient une théorie dite biostatistique, mot-clé plus utile que Boorse (nom courant que google corrige par bourse).

Au niveau du problème des écarts finalistes dans les discours sur la théorie de l'évolution, le terme même de sélection, et le fait que la sélection naturelle soit pensée par Darwin en analogie avec la sélection artificielle, impliquent une difficulté. Bien entendu, Darwin n'était pas finaliste, mais son analogie nous poursuit. A propos de la définition de fonction, j'avais proposé pendant le cours que la fonction d'un organe serait ce qui en lui permettait la survie de l'organisme. Mais Boorse a apparemment rejeté cette définition, en déclarant que, dans ce cas, la queue du castor aurait pour fonction de se faire écraser par une pierre, dans la mesure où cela pourrait l'empêcher de traverser l'autoroute et de s'y faire renverser. Je crains que mes notes ne comportent pas plus d'indication à ce sujet.

Wilaya, j'ai actuellement une connexion instable et trop lente pour ouvrir un document. Toutefois, celui que tu me passes doit correspondre à un cours de C. Lefève, une de mes enseignantes en philosophie de la médecine, qui m'a fait découvrir Canguilhem. Après, bien que je sois évidemment redevable de ses cours quant à ma compréhension du « Normal et le Pathologique », j'ai tâché de lire ce livre l'esprit ouvert, pour me faire une opinion aussi personnelle que possible; ce qui est difficile, parce que Lefève est très passionnée. Toutefois, nos centres d'intérêt sont un peu différents : elle est plus préoccupée par l'aspect éthique, notamment en rapport avec la philosophie du care, je m'intéresse plus à l'épistémologie de Canguilhem, et à sa philosophie du vivant comme porteur de valeur. Mais chez Canguilhem les deux problèmes sont liés.

Pour le DSM, je parle essentiellement des troisième et quatrième éditions, ne connaissant pas la cinquième. Le DSM ne pose pas la gêne comme critère suffisant, et je pense m'être mal exprimé à ce sujet. Toutefois, ses descriptions impliquent fréquemment des critères non entièrement objectifs. La description d'une entité pathologique dans le DSM, qui est, comme tu le rappelles, un manuel non étiologique mais diagnostique, fondé sur les signes et symptômes, pourraient être exposée ainsi : d'une part, comme tu le dis, des éléments biologiques (en général, donc pas strictement biochimiques); d'autre part, des éléments psychologiques; enfin, le fait que le trouble est ressenti par le patient comme dérangeant valide l'idée qu'il est significatif.

Pour prendre l'exemple de l'anxiété généralisée, dans le DSM IV, elle répond à cinq critères (http://www.rvd-psychologue.com/anxiete-generalise
e.html)
:

A/ Anxiété et soucis excessifs sur plus de 6 mois
B/ Incapacité de la personne à contrôler cette préoccupation
Ici, on a des facteurs émotionnels et cognitifs.

C/ Trois éléments parmi : agitation, fatigabilité, difficulté de concentration ou de mémoire, irritabilité, tension musculaire, perturbation du sommeil
Autant l'agitation est un trouble comportemental, autant la fatigabilité et la tension musculaire peuvent être constatés cliniquement, autant les troubles du sommeil sont rapportés par le patient. Pour prendre un autre exemple, dans le syndrome de stress post-traumatique, il y a sursaut du patient pour des stimuli banals comme l'élévation de la voix du médecin. On a ici une manœuvre qui dévoile un signe qui, sinon, resterait caché (ce qui est la définition même du signe clinique; à ce sujet, tu peux voir l'analyse de la percussion thoracique par Foucault, "Naissance de la clinique"). Donc, éléments cliniques rapportés par le patient (symptômes) ou constatés par le médecin (signes).

D/ On élimine de la définition de l'anxiété généralisée un ensemble de diagnostics différentiels.

E/ Enfin, élément nécessaire (mais non suffisant, comme tu le fais remarquer), une souffrance cliniquement significative. Toutefois, que l'on soit bien d'accord, en médecine, parler de souffrance, c'est parler d'un ressenti constaté par la clinique, mais rapporté par le patient, lequel seul peut nous dire ce qu'il ressent. En pratique, donc, la notion de gêne se retrouve ici.
La suite du critère E/ élimine l'ensemble des troubles physiologiques qui peut donner un effet similaire. Par exemple, si je constate une hyperthyroïdie chez un patient à symptomatologie anxieuse, je dois régulier la fonction thyroïdienne pour poser mon diagnostic psychiatrique.

Donc : la définition d'une entité par le DSM comprend des facteurs biologiques, cliniques (comportementaux, cognitifs, émotionnels, etc.) mais aussi la référence nécessaire à une souffrance. C'est ce que j'entendais en disant que le DSM incluait la gêne parmi ses critères. J'avoue ne pas avoir été clair. Il n'y a pas de rapport entre le DSM et l'idée que la gêne serait en soi suffisante à poser le diagnostic de maladie psychiatrique. J'ai voulu étudier cette idée là parce que tout un faisceau d'arguments, dont le DSM et la philosophie canguilhemienne, me font penser que la « souffrance cliniquement significative » ou la gêne en général, pouvait être prise comme critère important de pathologie. Autrement dit, on pourrait « à la limite » considérer la gêne comme condition suffisante. Cette thèse n'est pas inventée, elle revient fréquemment dans les conceptions subjectives de la maladie. D'ailleurs, l'anglais emploie deux termes pour désigner la maladie : illness (sentiment désagréable de maladie) et disease (pathologie objective).

Voilà ce que je voulais dire, pour corriger ma façon un peu désastreuse d'avoir présenté ce point. C'était plus une expérience de pensée, à mettre en relation avec l'importance que l'on accorde souvent à la gêne dans la définition de la santé et de la maladie. Cela me permettait de répondre à une conception cette fois-ci subjective de la maladie (qui n'est évidemment pas celle du DSM). Comme tu le remarqueras, je ne dis pas que combiner le concept d'anomalie avec celui de gêne, comme valgame le fait, est absurde. A mon sens, à condition de bien définir l'anomalie, c'est une idée relativement efficace. Toutefois, il faut également prendre en compte d'autres facteurs, dont le fait que les quatre pistes que j'ai proposées (socio-culturelle, statistique, de la gêne, biologique) interagissent. D'où une conclusion qui est la tienne : la distinction normal/psychopathologique est plus floue que jamais; à ceci près que cela viendrait d'une prise de conscience de la confusion du concept (d'où, historiquement, l'abandon des notions de fou et d'aliéniste). Je crois notamment qu'il faut se méfier de l'idée que, maintenant, discerner un trouble psychiatrique, c'est discerner un fonctionnement neuronal anormal. Il existe à vrai dire une véritable tension à ce sujet entre les psychiatres eux-mêmes. D'où un agnosticisme sur la nature de la maladie mentale, qui fait du DSM un outil faute de mieux, puisqu'il permet de reconnaître les entités pathologiques sans définir la pathologie (à ce sujet, et sur l'histoire du DSM III et de ses relations avec la montée en puissance de la branche non psychanalytique de l'Association psychiatrique américaine, je conseille « Aimez-vous le DSM ? » de Kirk et Kutchins).

Pour ton dernier paragraphe, premièrement, non, à mon sens, l'évaluation quantitative n'est pas un manque de rigueur. Mais, si pas mal de mesures, en médecine somatique, sont aisées à effectuer de manière quantitative, l'aspect subjectif et psychologique nous met dans une situation où elles sont au mieux reproductibles (ce qui ne signifie pas qu'elles sont exactes), au pire encore impossibles. Par exemple, l'échelle numérique analogique (coter de 1 à 10 la douleur ressentie) fonctionne à partir d'un certain âge (j'ai demandé une fois à un enfant de trois ans, qui grimaçait un peu, à combien il cotait sa douleur, il m'a dit 10), et est reproductible pour un même sujet. Si A me dit qu'il a une douleur à 5 et B une douleur à 7, ils peuvent avoir des douleurs comparables. Mais si à un instant t, A me dit avoir une douleur à 5, et à t+1, une douleur à 8, je suis quasiment sûr que sa douleur s'est accrue. J'ai donc une mesure rigoureuse non de la douleur elle-même, mais de son évolution. Bref, pour qu'une évaluation quantitative soit rigoureuse, il faut savoir rigoureusement ce que l'on évalue.

Deuxièmement, les avis d'un comité d'éthique ont des avantages et des inconvénients. L'avantage principal est, peu ou prou, l'inconvénient majeur : on simplifie la décision par des procédures éthiques validées. C'est un inconvénient dans le sens où l'éthique médicale se base sur le concept clé de relation médecin-malade, et sur le postulat que le médecin et le malade sont des sujets singuliers. La décision éthique a donc une dimension de cas-par-cas s'accordant difficilement avec l'avis du comité éthique. En outre, devant un phénomène aussi peu uniforme que la maladie mentale, l'exhaustivité dans la réflexion éthique est difficile. Bref, il y a des principes et des cas singuliers. C'est dans le passage des uns aux autres que le médecin a un pouvoir de décision important, auquel ne peut se substituer un comité. Au demeurant, il n'y a sans doute pas d'éthique qui n'ait ce problème, à savoir, qu'elle ne doit pas dispenser l'individu de s'interroger sur sa conduite même s'il suit une procédure éthiquement validée.

wilaya wilaya
MP
Niveau 5
22 août 2014 à 05:30:47

Red_Thunder il s'agissait bien d'un ouvrage de C. Lefeve. Je suis étonné que tu l'aies eue comme professeure. Un de ses acolytes nous a fait un présentation fin mars, le monde est vachement petit.

J'adhère à ce que tu dis pour la substitution mais tu m'as mal compris pour les 10 questions car en fait je ne connais pas le nom exact de l'examen. Peut-être qu'il se donne qu'au Québec, mais il consiste en une série de questions visant à mesurer l'état de conscience d'un individu et sa capacité à disposer de lui-même.

Là où je ne partage pas ton opinion c'est concernant la souffrance significative et surtout la lecture que tu en fais en la plaçant parmi les critères principaux d'une maladie psychiatrique. Tu valides cette interprétation en la conciliant avec ce qui ressort parmi troubles comportementaux d'une pathologie tels que les énumère le DSM.

Premièrement, il faut d'emblée préciser que cette souffrance diffère absolument d'une douleur somatique ou d'un signal nociceptif ; ni l'imagerie ni l'étude biologique nous permettent d'en appréhender la nature. Dès lors on entre dans un discours phénoménologique quant à la souffrance du patient, imputable uniquement au ressenti de son interaction avec l'environnement. En effet, cette gène propre aux maladies mentales ne peut être considérer en dehors du milieu, et donc d'un ensemble de facteurs extrinsèques. Comme c'est le cas chez le dépressif, ou l'anxieux, l'oppression vient d'une perte d'autonomie qui se traduit par un sentiment d'isolement pouvant se développer jusqu'à affecter la perception de la réalité.

Ainsi, parlons-nous d'une cause apte à nous permettre de manière suffisante à déterminer le syndrome pathologique? Quant à moi je répondrais que non ; la médecine doit rester systématique et ne pas perdre de vue ses préceptes de normalisation. Décrypter l'idiome de douleur chez chaque patient n'est pas une tâche réalisable et ne saurait constituer un socle dans l'établissement de ce qui est pathologique. Effectivement, la maladie étant normalement définie comme un dysfonctionnement en regard d'une normalité, le sentiment de gêne n'est pas déterminant d'un dysfonctionnement. La tristesse, la mélancolie, par exemple sont des états de gênes dits normaux, non-pathologiques. On bascule vers l'affection clinique lorsqu'un décalage est perçu entre l'activité biologique normales et anormale, ce qui permet actuellement de dresser une frontière entre dépression et tristesse. C'est une chose qu'on remarquera aussi dans le DSM, où, autant que faire se peut, chaque trouble est assigné à un dérèglement observable. Les comportements déviants sont la conséquence manifeste de ses dérèglements, ce qui permet alors la procédure diagnostique et l'administration de traitements relatifs au trouble étudié (tricycliques pour la dépression agissant sur un canal précis dont la fonction est présumée déficiente).

D'ailleurs, l'une des raisons pour lesquelles la biomédecine a autant étalé sa sphère d'influence dans les décennies dernières est cette opération de distinction qu'elle effectue entre le sujet normal et l'anormal. L'efficacité du modèle biologique à comprendre notre vie de tous les jours motive un considérable mouvement de médicalisation, littéralement dans le sens d'affectation à l'autorité de la médecine d'aspects quotidien jusqu'alors considérer comme ordinaires. Ne pas ranger sa chambre devient un syndrome d'accumulation excessive ; l'oublie, un trouble cognitif mineur.

Le revers d'une telle mouvance est que le passage sous l'emprise médicale d'un problème, le rend médical et non pas social ou environnemental. Lorsque le DSM prescrit 20mg d'Amitryptiline à qui souffrent de tels symptômes, l'omnipraticien écrit l’ordonnance et ne réinvente pas la roue en dix minutes. Les conséquences sont d'autant plus catastrophiques que la frontière du normal, malgré le fond objectif de la biologie, est tracée d'après des réclames culturels de productivité et d’autonomie.

Les années à venir seront forts intéressantes quand on sait que la prescription d'antidépresseurs a explosé de 325% depuis 1981 et qu'on calcule un taux de dépressifs à 52% de la population adultes en 2020. Les troubles mentaux seront le premier problème de santé et nous connaissons déjà les limites du modèle actuelle de distribution médicamenteuse dont l'inobservance thérapeutique de plus en plus en vogue.

Enfin, tu fais bien de rappeler que le DSM ne constitue qu'un outil ; son autorité offre un représentation de plus en plus erroné de la pathologie clinique, occultant presque entièrement la dynamique sociale et culturelle ainsi que la vision du patient et de son trouble. Le corps étant le site ultime de l'articulation de différents facteurs ou variables sociales, économiques et politiques, il est absurde d'accorder cette souveraineté à la médecine comme c'est le cas.

Je suis sur tablette désolé pour les fautes ou si j'ai mal compris ton propos de départ.

Red_Thunder Red_Thunder
MP
Niveau 10
22 août 2014 à 12:40:50

Je suis en général d'accord avec ce que tu dis. Je tiens à préciser plusieurs choses.

Distinguer souffrance et douleur est tout à fait adéquat, et loin de moi l'idée de les rendre identiques, bien qu'une douleur puisse causer un phénomène cette fois-ci non objectif de souffrance. Si la souffrance ne peut pas, en elle-même, être assignée à l'objectivité, elle peut être étudiée du point de vue phénoménologique (c'est ce que tente Ricoeur, d'ailleurs d'une façon trop rapide, imposée par le cadre restreint d'une conférence). De même, déclarer que la souffrance doit être étudiée du point de vue de la relation au milieu n'est pas loin de ce que je propose moi-même. Toutefois, là où il faut être particulièrement attentif, c'est que la souffrance peut être primaire ou secondaire. La maladie, comme désordre des fonctions (définition assez vague pour qu'on la conserve en première intention) cause bien sûr une souffrance, mais parce que le rapport au milieu est altérée. Inversement, la souffrance cause une obnubilation et un repli, donc un accroissement du désordre fonctionnel. On est dans un cercle vicieux.

Le médecin étant en rapport avec un patient, et ce rapport exigeant, de façon générale, l' « empathie », il faut comprendre ce qui, pour le médecin, permet de savoir si cette souffrance ressentie par le patient est ou non une souffrance réelle; non pas qu'il existerait des souffrances fausses ou simulées, mais bien que certaines souffrances ne témoignent pas de maladie. Cette difficulté correspond à ce que j'appelais l'évaluation du degré de gêne dans mon premier message. Elle vient s'ajouter à une autre, qui est la reconnaissance de l'existence ou non de la gêne chez le patient, surtout dans le cas extrême où il ne communique pas ou ne ressent pas cette gêne. Je ne prends pas ici gêne comme identique à souffrance, pour ma part, bien qu'à mon sens, les deux ont tendance à se produire l'un l'autre (d'où ce raccourci facile, je te l'accorde, entre gêne et souffrance). Quoi qu'il en soit, les problèmes évoqués quant à la gêne sont strictement ceux que l'on peut évoquer quant à la souffrance, dans la mesure où l'une et l'autre témoignent de la subjectivité du phénomène étudié.

Si je reprends mon analyse, dans le premier message, ce que je dis de la gêne est à peu près ceci. Elle n'est ni nécessaire (cas de l'anosognosie), ni suffisante (distinction de ce qui relève de la médecine et de ce qui relève de la psychologie). Toutefois, on l'évoque fréquemment, aussi bien dans le langage courant, que dans les théories les plus fréquentes, ou chez les philosophes (Canguilhem a apporté un éclairage particulier de la notion de souffrance comme perte de normativité, il n'empêche qu'il se sert toujours d'un concept subjectif et rigoureusement inconstatable pour le coup, comme d'une définition du pathologique). Le DSM évoque également cette notion de souffrance cliniquement significative; mais il ne donne ni un moyen d'évaluer la souffrance, ni une définition de cette significativité statistique : à ce niveau, le médecin doit se débrouiller.

Maintenant, que le DSM se serve d'autres critères, c'est là une évidence. On est dans une perspective objectiviste, ici. Toutefois, elle n'exclut pas le recours à des critères dont l'objectivité est tout sauf évidente. C'est d'ailleurs l'une des failles principales du DSM. L'autre faille étant que définir une entité pathologique sans définir le pathologique, c'est constituer des classes sans savoir ce que l'on met dedans – d'où le reproche de surpathologisation, par exemple, fait à l'hyperactivité. Dans la mesure où la classe diagnostique est décrite indépendamment de savoir si l'entité qu'on y range est bel et bien pathologique, n'importe quel comportement, n'importe quel mode de conduite, cognitive, sociale, comportementale, émotionnelle, etc., peut se trouver décrite comme une pathologie. Après, il a été facile de se saisir de cette critique pour lui faire dire ce qu'elle ne dit pas, à savoir qu'au fond, la dépression, ce ne serait qu'un mode de vie indûment pathologisé (j'entends ça y compris parmi des camarades à moi).

Tout ce que tu dis sur la médicalisation excessive est parfaitement correct. Le tour particulier que la biomédecine fait prendre aux concepts de santé et de maladie tend à les définir d'une façon singulière, sans référence notamment avec tout son aspect social, alors qu'on peut reconnaître dans la définition même prétendument objective de la maladie mentale, une certaine forme de pression de la société et même des laboratoires pharmaceutiques. C'est pourquoi il me semble qu'il faut prendre en compte toutes les pistes que j'ai évoquées, mais qu'aucune d'elle ne peut être nécessaire ou suffisante. Par exemple, la souffrance est un indice à prendre en compte, à évaluer au mieux, mais qui, à lui seul, ne peut servir à établir des frontières. La piste socio-culturelle est intéressante, mais il y a quelque chose de très problématique à son sujet, c'est qu'elle tend, si on la laisse seule, à dire un peu tout et son contraire. La piste statistique, outre ses défauts évidents, qui tiennent de l'outil statistique lui-même, pose aussi un autre problème : celui de savoir si le type-moyen que les statistiques décrivent est – ou pas – une caractéristique de l'espèce, qui peut signer une quelconque normalité. Enfin, la piste biologique, si elle permet des traitements médicamenteux pas trop inefficaces (toutefois, il a été montré que la pharmacologie doit se doubler, dans la psychopathologie, d'une psychothérapie), en reste encore à ses débuts, et il est difficile de juger de ce qu'elle pourrait apporter. On en fait grand cas, mais il s'agit plus d'un ensemble de recherches très disparates, et dont les résultats manquent de consistance. Quand on voit le peu que l'on sait de la biologie de la conscience normale, on peut se demander si on est vraiment aptes à parler de biologie de la conscience pathologique.

Maintenant, le médecin ne décrypte pas la souffrance du patient, c'est un fait, au sens, du moins, qu'il ne rend pas ésotérique quelque chose d'exotérique. Pour autant, l'exigence d'empathie lui est faite, à bon droit selon moi, et il est capable de cette empathie. Bien que la souffrance ne soit pas et ne doive pas être quantifiable (quantifier la souffrance est imposer à un état de vulnérabilité du patient une agression qui l'objective), elle est néanmoins passible d'un ressenti. Cependant, la seule chose de certaine au niveau du raisonnement médical est qu'on ne sait pas ce qui se passe dans la tête du médecin au cours de son diagnostic. Il serait intéressant, à mon avis, d'étudier le raisonnement médical comme résultant de la discussion du patient et de l'équipe soignante, c'est-à-dire de voir le patient non pas comme source d'information, mais comme apte à interpréter sa propre situation. Toutefois, je n'ai pas encore trouvé de recherches de ce type.

En résumé, ma réponse serait celle-ci :
1/ La gêne n'est pas déterminante d'un état pathologique. Elle est un indice que le médecin peut et sans doute doit prendre en compte. Le raisonnement médical n'est pas si clair, et aboutit en général à une sorte de vraisemblance plus qu'à une vérité; en tous les cas, il semblerait qu'il n'y a pas que des facteurs explicites qui entrent en ligne de compte, mais aussi une certaine façon d'évaluer la situation du malade, dépendant moins d'une réflexion que d'une sorte de perception immédiate.
2/ Si la gêne d'autrui m'est à jamais inaccessible, puisqu'un état de conscience est a priori privé, je peux toutefois ou la deviner, ou l'entendre exprimer de la bouche de cet autre. Reste à savoir comment je la devine et comment je l'évalue, et là, on retombe sur le problème du raisonnement médical, mais aussi de la communication entre équipe médicale et patient (patient étant différent de malade).

Pour les 10 questions, je n'en ai personnellement jamais entendu parler. Toutefois, je sais qu'outre-Atlantique, les psychiatres et les éthiciens ont souvent une longueur d'avance à propos de l'autonomie du patient psychiatrique. Je suis personnellement intéressé par le questionnaire, si jamais tu le retrouves.

--

En guise de notes de bas de page, la conférence de Ricoeur a été éditée sous le titre évocateur : "La douleur n'est pas la souffrance".
J'avais également fait un exposé en philosophie de la médecine sur la notion standardisée de maladie en général et l'Evidence-based Medicine, en me servant de l'exemple de la maladie psychiatrique. J'aimerais rebondir sur le point que tu évoques de la perception par le patient de son trouble et de la dynamique sociale qu'il implique en évoquant le modèle de Levanthal en psychologie de la santé (je l'ai trouvé dans le livre éponyme de J. Ogden : "Psychologie de la santé), qui jette un pavé dans la mare en disant : "C'est plus compliqué que ce que vous dites, messieurs-dames, et encore, ce que je dis est simplifié". La maladie est très certainement une entité dynamique, y compris pour le médecin.

wilaya wilaya
MP
Niveau 5
23 août 2014 à 06:23:30

Je comprends beaucoup mieux ta démarche concernant la gêne et l'importance que tu lui portes. Il m'apparaît maintenant que tu la considère surtout dans une optique de diagnostique plutôt que normative. Car il y a une marge entre l'établissement de la pathologie et son incarnation chez le sujet. En fait, au départ, en te lisant, il me semblait qu'aux critères biologiques jugés floues tu entreprenais d'y substituer la manifestation de cette souffrance, qui, à partir d'un certain seuil devrait signifier le cas pathologie. Là où il faut standardiser, établir les bases objectives d'un trouble il est clair que cette notion de gêne me paraissaient caduque.

Néanmoins, en tant qu'indice je suis parfaitement ton raisonnement et surtout pour ce qui est du caractère vraisemblable du raisonnement médical. Le diagnostique dans son ensemble table sur la prépondérance des probabilités et c'est particulièrement le cas en psychiatrie.

D'ailleurs j'ai fait quelque recherche sur la biostatistique, dont je ne savais pas les théories touchants à la médecine. Les quelques articles pubmed sur la méthode de Boose et sa conception du malade sont novateurs bien qu'inscrits dans une mouvance déjà entamée. De ce que j'ai compris il statue un état de santé dont il dégage des valeurs quantitatives de références. La question du modèle-type de l'individu en bonne santé mentale m'était à moi aussi venue à l'esprit; mais on pourrait poser la même interrogation quant à d'autres maladies mieux connues - ou du moins mieux soignées - comme le diabète ou l'hypertension. Ces valeurs, tu l'as toi même dit, sont proposées selon un modèle complexe où la prévalence doit se tenir dans un plage particulière selon les moyens disponibles et une séries facteurs autant économiques qu'organiques. Le défaut n'est pas tellement dans la mise en place d'un étalon que dans la manière de se procurer ses données: l'activité consciente peut-elle vraiment être quantifiable? Notons tout de même que la circulation de la sérotonine, de la dopamine, de l'ach sont mesurables et un nombre croissant de psychiatres leurs incombe toute la responsabilité des pathologies mentales. Sont-ils finalement du ressort de la seule neurologie? Force est de constater que bons nombre de troubles actuellement traités en neurologie étaient jadis placés entre les mains de la psychiatrie.

Cela nous amène à nous demander si au fond le corps de n'est pas que données et paramètres, c'est en tout cas la tendance: la biomédecine considère de plus en plus le vivant comme une source d'information. La biologie elle-même devenue, comme l'informatique, une science du traitement. À ce propos le livre Le gène comme patient de Le Breton apporte un avis intéressant bien qu'opposé à ce qui me paraît à moi le plus juste.

En effet, comme tu peux le voir je suis beaucoup plus emballé par la conception numérique de la maladie, quantitative et objective plutôt que par le discours phénoménologique qui me paraît moins prometteur. Je lui accorde une place importante, faute de mieux seulement; d’où la ma gêne à parler de gêne. J'efface, sûrement à tort, l'illness du domaine purement biomédicale qui a pour objet la desease et la sickness selon, pour illustrer plus clairement mon avis. Tu en penses quoi?

Et je tiens à te remercier pour toutes ces œuvres que tu as cité, Aimez-vous le DSM est disponible chez nous je suis résolu à souffrir une pénible recherche dans notre vétuste bibliothèque de la santé pour me le procurer. Aussi, votre cours de philosophie de la santé semble super intéressant, pourrais-tu me dire ce que vous y avez vu grosso modo?

Qelow Qelow
MP
Niveau 8
23 août 2014 à 18:18:42

Moi aussi j'ai rien compris au post.

Pour repondre au titre (la question), la folie c'est un élan abusif à l'excès sans préméditation.

Genre, t'es au Macdo et tu fais genre de chercher une place pour bouffer alors que tu en profite pour chourav' les bigmac à 4,20 € des autres client assis, sauf que t'a pas regardé leur tronche avant de faire sa. Dommage c'était un flic.

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