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Sujet : [One-Shot] Carambolage

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Psyclo Psyclo
MP
Niveau 10
21 juillet 2014 à 20:59:44

CARAMBOLAGE

Après l'accident, un flic est venu me parler. J'étais visiblement le seul témoin dans une rue pourtant très passante, véritable poumon artificiel d'une ville en soin palliatif.

« Bonjour.
- Monsieur l'agent. » Fis-je en me cambrant respectueusement.

Au lieu du bloc-note à l'ancienne il s'est pavané quelques temps avec sa tablette tactile qui comportait pourtant quelques éraflures de négligence sur la coque. Au total, quatre. Quatre petites griffes rayant de blanc le revêtement noir et mat de l'ustensile, tel un zèbre inversé et digital.

Aussi, les trottoirs, habilement disposés de chaque côtés de l'avenue, me parurent soudainement très étrangement larges. En fait, en comparant les trottoirs et la route, je me suis rendus compte que ce n'était pas cohérent. A moins que, hum, à moins qu'il ne s'agisse du contraire... Serait-ce donc deux voies réservés aux véhicules motorisés et une voie centrale destinées aux piétons ?
C'est une idée comme une autre et je ne suis pas descendu en ville depuis longtemps, la dernière fois c'était quand, ça devait être...Lors de ma dernière montée. Tout ça me semble si loin...
J'ai arrêté les conneries.

Pour ainsi dire, ce flic avait quelque chose en plus. Une certaine originalité, peut-être. En tout cas, il se démarquait du troupeau. Je me suis donc assis contre la barrière de la propriété à côté de laquelle je marchai lorsqu'il m'a alpagué. Puis j'ai tendu l'oreille, l'air détaché ; l'effroyable spectacle qui venait de se dérouler sous mes yeux m'avait laissé un drôle de goût douceâtre sur les lèvres, un goût de sueur de nombril, en fait – et j'ai fais balancé mes fins mollets à quelques centimètres du sol, en sifflant un air anonymement célèbre.

J'ai attendu. Lui aussi. . Quoi ? Bonne question. N'ayant jamais été confronté aux forces de l'ordre qu'à travers le prisme cinématographique, je n'avais qu'une connaissance très limitée de ce genre de rituel régalien – en France, en tout cas – Bon, je me disais que ça devait être très similaire d'un côté à l'autre de l'Atlantique, mais, ne souhaitant pas le vexer en singeant mon attitude sur celle des témoins des séries policières américaines, je me tus religieusement.

Cependant, il ne semblait pas décidé à faire le premier pas. Autour de moi des feuilles d'automnes flottaient paisiblement vers le mois de décembre. Il avait plu toute la nuit mais, à cause de la canicule, tout avait séché en moins de vingt minutes. Quelqu'un frétillait dans ma moustache, sans doute l'une de ces satanées fourmis rescapée de cet holocauste à échelle minuscule que j'avais perpétré, ce matin, sur mon palier, en sortant de ma maisonnée pour récupérer le journal. J'aurais dû prendre cette subite tentative d'invasion comme un mauvais présage et retourner me coucher. Je n'avais pas été assez superstitieux et ce carambolage constituait une preuve parfaitement homologable aux yeux des huissiers de ma guigne. Les cris du vent dessinaient des vagues pourpres sur les toits rabougris et uniformes de cette résidence aux accents Beverly Hills.

« Euh, ai-je fait en me raclant la gorge, vous ne devez pas me, euh, enfin, m'interroger. »

Ce flic ne portait pas de lunettes. Il me fixait brutalement et la calcification précoce de son front avait entraîné la formation de plusieurs petites boules osseuses et m'évoquait une planète lointaine et désertique, peuplé d'insectes anthropomorphiques. J'eus un frisson alors que derrière moi, les rosiers de la propriété tentaient une escapade, ou, plus pragmatiquement, essayaient juste de savoir ce qui pouvait bien se tramer devant chez eux.

« Exact, m'a-t-il répondu, c'est ce que j'allais faire, mais vous m'avez perturbé. »

Il n'y avait ni raillerie ni fanfaronnade dans sa réplique et je recevais des flots ininterrompus d'ondes fluides et continues, une aura de fonctionnaire sérieux et dévoué, souhaitant exécuter la procédure adaptée malgré les difficultés morales que cela occasionnait. Néanmoins, l’atmosphère se refroidissait à vue d'épiderme, une tremblotante chaire de poule avait colonisé mon corps jusqu'à ses recoins les plus intimes et s'il ne neigeait pas d'ici cinq à six minutes, me suis-je dis, et compte tenu des bouleversements climatique à répétition qui pourrissaient allègrement mon horloge biologique depuis bientôt six mois sans jamais discontinuer, je voulais bien changer de sexe.

« Et pourquoi, si je puis me permettre ? 
- Je ne sais pas, vous êtes tout rouge, vous tremblez, et puis il y a ces petits paquets blanchâtres dans les coins de vos lèvres, ce n'est pas très, hum, vous voyez, c'est très...Déplacé.
- Oh, fis-je non sans gêne, veuillez m'excusez, monsieur, c'est que j'ai reçu ma cabine U.V hier matin et je l'ai testé hier soir mais elle n'est pas encore très bien réglée... Je pense faire appel à un pro parce que comme vous le savez sans doute, la peau est le premier organe du corps humain. »

Ce flic ne fumait pas de cigarillos, n'avait ni embonpoint, ni accointance particulière pour les concours de beignets à la crème. Et il ne puait pas la café même si en raison de l'odeur dans l'air, très piquante, comme une chemise pleine d'humidité, je ne pouvais en avoir la certitude

« Vous vous droguez, monsieur ?
- Euh, je mange bio, euh... »

Il leva vers moi une paire d'yeux assassins, comme deux canons de magnum XXL prêt à cracher la poudre. Puis son expression devint nettement plus douce et surtout, nettement moins suspicieuse.

« Je note, « non », ça vous conviens.
- Ben, dis-je en laissant tomber mes paumes contre mes hanches, oui, c'est vous le patron. 
- Ce n'était pas spécialement une question. Vous avez un prénom ?
- Eddy.
- Nom ?
- Eddy. »

Ce flic ne portait même pas d'uniforme... Complètement en avance sur son temps, il m’impressionnait de part l'acuité de son esprit et la pertinence de ses questions. Il ne fit aucune remarque sur la manière dont on m'avait nommé, acquiesça simplement en haussant les épaules comme si ce n'était pas grave.

« Pouvez-vous maintenant me faire part de votre témoignage ? Qu'avez-vous vu, Mr. Eddy ?
- Bien, euh, je marchais dans la rue, j'avais mon walkman...
- Qu'est-ce que vous écoutiez ?
- Allan Parsons Project, vous connaissez ?
- Je déteste la musique. »

Sa réponse, sèche et dure, trahissait probablement les relents acides d'un traumatisme remontant à l'enfance, dû à tel ou tel instrument. Submergé par l'émotion, il parvint néanmoins à poursuivre son interrogatoire.

« Quelle heure est-il, s'il vous plaît ? »

Paniqué, je regardais ma montre semi-digitale – l'heure en aiguille, les minutes, secondes et centième en numérique - également équipée d'une option compte à rebours, un mode réveil et une connexion en 3G ; cela réduisait d'un cran la pression à laquelle j'étais soumis.

Psyclo Psyclo
MP
Niveau 10
30 juillet 2014 à 20:33:29

et :up: :hap:

Tanaziof Tanaziof
MP
Niveau 3
30 juillet 2014 à 20:48:59

J'aime bien, c'est plutôt farfelu. Ça m'a même fait sourire deux trois fois. En plus, la moustache qui frétille c'est un gage de qualité. :oui:

Psyclo Psyclo
MP
Niveau 10
02 août 2014 à 13:30:59

Ouais c'est un gros what the fuck sans queue ni tête, sans réflexion, sans rien, ça fait du bien des fois.

merci pour ta lecture.

Et les autres vous vous en foutez ? :hap:

Tanaziof Tanaziof
MP
Niveau 3
06 août 2014 à 18:30:15

On dirait que oui. :hap:

C'est dommage parce que c'est bien écrit.

electro28_2012 electro28_2012
MP
Niveau 9
09 août 2014 à 18:52:00

En ce qui me concerne j'ai vraiment adoré, en plus c'est vraiment bien écrit :oui:

Après c'est sûr que c'est un peu du grand n'importe quoi mais c'est ça qui est bien :hap:

Psyclo Psyclo
MP
Niveau 10
10 août 2014 à 12:52:09

merci electro :)

Pseudo supprimé
Niveau 9
10 août 2014 à 21:03:16

J'ai lu :oui:

Bon c'est écrit comme si l'on était dans les pensées du personnage-narrateur, donc de ce point de vue là c'est plutôt réussi.

"Ils ont rit au combo nom+ prénom." :d) Cette phrase, j'ai eu un peu de mal :hap: Même si l'on est dans ses pensées :( (on a l'impression de lire un poste lambda des forums jvc)

Sinon ce dialogue m'a bien fait marrer :

« Pouvez-vous maintenant me faire part de votre témoignage ? Qu'avez-vous vu, Mr. Eddy ?
- Bien, euh, je marchais dans la rue, j'avais mon walkman...
- Qu'est-ce que vous écoutiez ?
- Allan Parsons Project, vous connaissez ?
- Je déteste la musique. »

Après je trouve que ton personnage change un peu de personnalité au cours du récit, au début il est un peu fifou et fait des métaphores drôles et particulières. Puis il devient plutôt sérieux après :( Je préférais quand il était un fifou. Genre c'est à partir de cette phrase qu'il commence à devenir plus lucide et sérieux :
"C'était débile et j'en avais parfaitement conscience, d'où ma difficulté à l'expliquer et d'où mon teint cramoisi, mais voilà, c'était dit et le flic tabulait scrupuleusement chacun de mes mots."

Globalement j'ai trouvé ça sympathique surtout la partie avec le faux flic :)

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