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Sujet : Rêves Mécaniques

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--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
15 mars 2013 à 13:50:58

Bonjour à tous :-) .

Après avoir posté l’intégralité d'Alter Ego, roman de SF prenant place dans les années 2090 et contant le récit d'un certain Kristian, je me devais de poursuivre l'histoire. Un second opus est donc né, un peu par hasard, devenu roman au fil du temps. Je viens donc vous le proposer.
Pour un soucis de compréhension, je vous invite vivement - si ce n'est pas déjà fait - à lire Alter Ego, disponible ici :d) https://www.jeuxvideo.com/forums/1-58-195602-1-0-1-0-alter-ego-2-0.htm

La narration particulière de ce roman m'incite à vous prévenir. Ne soyez donc pas surpris de l'énorme changement entre la première et la seconde partie, n même de la construction de la première partie, très "éclaté". Je serais ravi d'avoir tous les retours possibles là dessus.

Bonne lecture :-) .

RÊVES MÉCANIQUES

" Des commandants et des hommes au coeur noble, le cas de Gregor Mac Mordan est sans aucun doute celui qui a contribué le plus significativement à la création de la Confédération en temps qu'entité de pouvoir notable. Qui, aujourd'hui, pourrait décemment ignorer les causes et les effets qui ont abouti à son apogée ? Le dernier des fous."

Extrait des Anthologies de la structure du régime Confédéré, W.Lloyd, 2712

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
15 mars 2013 à 13:52:13

Première partie.

1.

2098.

On le poussa violemment hors des murs. La lumière, agressive, illumina douloureusement son regard usé, et des larmes se mirent à couler le long de ses joues.
Le soleil lui brûlait la peau, tissu flasque et pendant déchiré par endroits en de longues plaies suintantes. L’odeur qu’il dégageait l’écœurait, et il aurait vomi tout ce qu’il lui aurait été permis de vomir, s’il avait eu le ventre plein.
Son estomac. Organe mort qu’on avait atrophié sous le coup d’une diète totale et d’une nutrition intraveineuse à peine suffisante pour lui permettre de rester à l’état de loque humaine.
Ou l’avait sali, humilié, blessé. On avait fait de lui une bête gémissante, avouant des crimes imaginaires ou bien réels. On avait pris soin de le maintenir dans le noir le plus total, sans lui crever les yeux. Les dates n’existaient plus, il n’avait plus de repère pour tendre son esprit vers un hypothétique sursaut de dignité. Et lorsque la torture physique commença, son esprit se brisa en millier d’étincelles.
On l’avait conspué. Des crachats acides avaient couvert son visage. Ses doigts arrachés et disparus semblaient fourmilier, et la démangeaison qui les faisaient vivre dans son cerveau le rendrait bientôt fou. Des aiguilles et des trodes avaient transpercé sa boite crânienne, arrachant ses souvenirs, les modifiant ou les exacerbant. Il avait hurlé, demandé pitié, jusqu’à ce que sa langue rougisse et saigne. Mais il avait fini par se taire. Le souvenir des aiguilles qui un temps l'avaient transpercé fit remonter le long de son échine les tremblements d'une peur profonde, viscérale.

Comment cet homme aurait-il pu lutter ? Il n’était qu’une marionnette. Son corps meurtri, son esprit fracassé, il ne pouvait plus rien tenter.
— Approchez-le, demanda une voix froide et métallique.
Ses bras filiformes lui arrachèrent un spasme nerveux. Un gargouillis sonore s’étira de sa gorge à ses lèvres, pitoyable tentative d’extérioriser la douleur qui rongeait chaque organe, chaque veine, chaque cellule de son corps.
On le traina sans ménagement. Des milliers d’Hommes qui se tenaient dans l’immense salle servant d’écrin à la scène, aucun ne tenta d’intervenir. C’était inutile, cela ne servirait à rien. S'il se trouvait face à l’immense trône noir, il devait l’avoir mérité. Le Magister ne se trompait jamais. Bien au contraire, il ouvrait les esprits avec une telle force que tout mensonge sur son domaine relevait du défi. Mais même cela, il le pardonnait. Et ce jour-là, il pardonnerait tout autant à cet homme là, cet être corrompu.

Comment avait-il pu se laisser vivre ainsi ? La curiosité froide de Kristian ne s’éteignait jamais vraiment. Ce mélange calibré, de vouloir savoir et calculs colossaux effectués par l’alliance intime de ses cellules nerveuses et des composants cybernétiques qui formaient son intelligence, lui permettait de rester sans cesse à l’affût du moindre changement. Y compris les plus sordides et les plus bas, à ses yeux.
— À genoux !
Le ton dur de la voix contrastait avec le calme maîtrisé mais rayonnant du visage divisé. Une dichotomie étrange mêlait l’acier et le sang, mais hélas, ce fragile équilibre se retrouvait chaque jour plus menacé. La vieillesse, les assauts, tout poussait le Magister à transformer petit à petit la matière encore tendre de sa peau en un masque impassible qui dissimulait un peu plus la teneur de ses sentiments. On connaissait la Loi du Commandus, et on n’était pas sans savoir que les visions de Keller avaient fini par influencer le Magister Kris d’abord, puis toute la Confédération. Avec le temps, la Machine finirait par pallier les insuffisances de la Nature, même au prix d’une scission irréversible de l’humanité. Les ignorants et les contradicteurs paieraient seuls leurs erreurs, tôt où tard

Il leur faudrait un exemple.
Un avertissement ultime.
Le porteur d’une nouvelle croix, cette fois sans aucun espoir de vie nouvelle.
La Vérité du Magister ne pouvait qu’être la seule. Tolérer un autre point de vue serait revenu à se nier soi-même.
Une pince se serra sans ménagement sur sa nuque. Il perçut clairement les ligaments de son cou craquer et se tendre sous la pression qu’exerçait son bourreau. Il ne pouvait même pas espérer se débattre, à peine obéir correctement. Sa vie se jouait au milieu de ces cyborgs, il le savait. Sa vie se jouait, mais il n’aurait rien à dire. Tout cela ne dépendait plus de lui.
Si on lui demandait quoi que ce soit, il devrait obéir : assassiner, voler, répandre le mensonge et l’opprobre contre sa famille, ses amis, sa nation, dispenser un poison latent à ses camarades, se précipiter d’une falaise ou bien s’arracher le cœur.
Tout faire pour qu’on le laisse tranquille. Même si c’était fou, amoral, impossible.
La silhouette massive du Magister le rassura, vue du sol. Il crut voir un sourire franc et paternel égayer la surface impassible du maitre absolu de ses bourreaux.
Une lueur d’espoir, inexplicable et imperceptible, se mit à briller au fond de ses yeux.

— Pourquoi es-tu là, Homme ?
Tous pouvaient clairement l’entendre. Le timbre grave et net de la voie demeurerait sans appel.
Kristian posait les formes, calculait chaque syllabe qu’il prononçait. Rien ne résultait du hasard. Tout était calculé, programmé, paramétré. La fin ne laissait aucun doute, hormis les paroles du prisonnier lui-même. Mais là non plus, aucun grand mystère ne planerait longtemps.
Le soleil embrassait l’immense hall. Le trône, placé dans l’axe de l’astre, semblait flotter au-dessus d’une foule compacte et forte de milliers d’individus, silencieuse et immobile. Le temps s’arrêta quelques secondes, temps suffisant à l’écho des paroles du Magister pour se répandre entre les piliers et les murs qui supportaient le lourd palais.
L'homme releva la tête.
Un sourire béat et des larmes de sang au coin des yeux, il ouvrit la bouche. Hoqueta, gémit, et s’aplatit contre le sol, secoué par de lourds et violents sanglots.
— Pourquoi es-tu là, Homme ?
Les sanglots redoublèrent. Kristian ne bougeait plus d’un millimètre. Son œil bionique vira au rouge grenat, tandis que quelques-unes des articulations de ses bras se tendaient et se détendaient alternativement. Le bruit, sinistre, ne choquait personne. Hormis l'homme.
Il ne savait que répondre, quoi dire ou faire. Comment pouvait-il renoncer ? Comment pouvait-il ne serait-ce qu’embrasser la cause de ce qu’il avait appris à haïr de plus en plus, chaque jour ?
La Mort ? Non, cela aurait été si simple. La Confédération ne tuait aucun de ses prisonniers, même les plus abjects, les plus terribles ou dangereux.
La Folie ? Elle aurait été bien douce, bien trop douce. On ne connaissait plus la folie humaine qu’en une dénégation de la technologie et du progrès, une tentative vaine de masquer la voie de la raison, aussi cruelle fût-elle.
Son cœur se mua en une masse compacte, insaisissable, qui arrachait chaque parcelle de ses entrailles. Il avait perdu. Quoi qu’il fasse, il comprit qu’aucune échappatoire ne serait plus possible. On allait le contraindre à se nier. À se contredire. À bannir de ses souvenirs ce qu’il chérissait le plus.
Alors, cruellement lucide, il se redressa, une dernière fois, et fixa le cyborg. Comment pouvait-on encore le prétendre humain ? Que ressentait-il derrière l’acier de son corps ? Pouvait-il seulement aimer, au moins ses enfants ?
L’avait-on contraint au point qu’il ne puisse plus faire autrement ?
Peut-être.
Peut-être pas.
Lui aussi avait dû choisir.
Une ultime étincelle, minuscule, flamboya dans les yeux sanguinolents de l'homme. Il ne pouvait pas en réchapper, mais au moins, être encore libre une poignée de secondes.
Soupir, contraction. Le silence était absolu, magnifique.
— Je suis là, car je n’ai pas foi en vous, Magister.
Murmure outré dans l’assistance. Kristian se pencha en avant, d’un mouvement à peine identifiable.
— Je suis là, car j’ai voulu croire en la liberté. Je suis là, car j’ai voulu rester un homme souverain de lui-même, quitte à en mourir. Je suis là, car je suis une aberration à vos yeux. Je suis là, car j’ai osé penser que l’Homme pouvait évoluer seul, sans votre technologie.
Il reprit son souffle. La dernière phrase serait un aiguillon dur, permanent, que personne ne pourrait retirer.
— Je suis là, car je ne vous aime pas, Magister.
Les protestations explosèrent dans la foule. Des paroles froides et dures comme du marbre percutaient chaque centimètre du corps de l'homme, coulant sur lui comme la pluie salvatrice d’une averse printanière.
Impassible, le pauvre homme souriait tranquillement. Il avait réussi à se libérer de ce poids une vingtaine de secondes. Maintenant, il pourrait tout endurer.
Kristian se leva, sans crier gare, et descendit les quelques marches qui le séparaient du prisonnier béat. S’approchant toujours plus prés, il le saisit par le col lorsqu’il se retrouva à sa hauteur, et lui glissa à l’oreille quelques mots qu’eux deux seuls purent entendre.
— Je n’ai pas d’autres choix.
Un spasme glacé coupa en lui toute envie de se débattre. Kristian reprit, de cette voix brute et mécanique qui emplissait tout son auditoire du même élan de joie.
— Puisse ce traître accéder à la Vérité.
La main libre du Magister s’empara du cou de Liam, et une série d’aiguilles lui transpercèrent la peau. Il hurla de douleur, sa vision se brouilla davantage, et il ne perçut bientôt plus du monde qu’extérieur qu’un brouillard flou et lumineux. Lorsque son ultime bourreau le lâcha et que son corps fragile percuta les marches en albâtre poli, il lutta contre un autre accès de souffrance, lent et pernicieux, qui tentait de faire exploser chaque cellule de son corps.
Le liquide épais détruisait ses artères et sa raison, son envie. Une torpeur désagréable saisissait sa conscience, la pliant en deux, quatre, seize, soixante. Le haut devenait le bas, la gauche, la droite. Une musique aux accents de jazz percuta ses tympans une fraction de seconde, pour ne plus laisser que le silence. Dehors, le brouillard de ses larmes devint mauve, cyan, vermillon. Son esprit gonflait, turgescent, avant de s’atrophier aussitôt, et de l’emporter, vague marine d’une nuit sans lune, vers les tréfonds de sa volonté.
Il revit, une dernière fois, les visages familiers. Griffant son visage, caressant d’un geste doux ou d’un sourire ses yeux usés, ils ne luttèrent guère avant de s’en aller à tout jamais. Même ses souvenirs le fuyaient. Bientôt il ne resta plus qu’un nom, et un visage, celui d’un homme blond aux traits durs et au regard froid. Un rictus sévère courant sur ses lèvres, il lui adressa un clin d’œil moqueur.
Gregor l’avait bien eu.
Et il avait échoué.
Seul.

Lorsque le corps se convulsa, Kristian ne détacha pas son regard, neutre et satisfait à la fois. D’un geste sûr et adroit, les fines aiguilles qui avaient sailli de sa pince droite se rétractèrent, terribles outils de torture maintenus en sommeil pour une durée indéterminée. Une Conversion n’était jamais un acte simple, encore moins une formalité. Elle engageait sa volonté la plus intime à chaque fois, pour lutter contre une conscience adverse souvent acharnée à lutter ou à mourir.
Épuisante, l’expérience ne lui semblait pas moins enrichissante.
Le Magister releva la tête, le visage gravé de cette expression impassible et absolu qui le couvrait si souvent.
— Malheur aux traîtres ! Voilà ce que nous réservons aux ennemis de la Confédération ! Exulta-t-il .
— Gloire à la Vérité et au Magister qui la répand ! Répondit la foule, électrisée, d’une seule et même voix.
— Souvenez-vous, frères et sœurs, des rêves que nous portons depuis une décennie. Souvenez-vous de la douleur, des pertes, mais aussi des promesses et des acquis. Souvenez-vous de ce long chemin, de nos actes bons comme mauvais, et de l’unique possibilité de sauver l’Humanité. Nous ne payerons pas le prix de l’ignorance, car les impies seuls le payeront.
— La liberté c’est l’esclavage ! Rugit l’assistance.
— La liberté est illusion. La seule liberté qu’il leur reste, c’est celle d’embrasser avec ferveur notre cause, et de s’y atteler avec ardeur et dignité. Nous ne tolérerons pas la faiblesse ! Seul l’effort comptera !
— Nous servirons le Futur dans la Force et dans l’Honneur. Le Magister Kris est notre guide et nous sommes à tout jamais ses fidèles serviteurs !
— Répandez la Vérité. Et rappelez-vous la peine qui attend chaque opposant à la Confédération, conclut-il.

Pseudo supprimé
Niveau 6
15 mars 2013 à 14:18:35

Salut,

Tu n'me connais pas et je n'ai probablement jamais émis une seule critique sur un de tes textes, mais j'en ai lus quelques uns. Si je n'ai jamais posté afin de te faire connaître mon avis, c'est que, bien souvent, je ne sais le dessiner de manière efficace, et cette fois restera coutume, puisque je me contenterais de simples mais sincères félicitations pour l'utilisation de ton imagination, ton travail de style et une franche réussite lorsqu'il s'agit d'emmener un lecteur dans l'histoire.

Petit conseil cependant : la mise en page des forums de JVC ne se prête que peu à l'exercice de la lecture, aussi, je t'invite à créer des PDF de tes textes, PDF que tu afficherais en ligne, avec un service quelconque et gratuit.
Ce conseil est valable pour tout le monde, car la lecture en serait bien plus aisée : d'une, coupée de l'ambiance JVC, de deux, faite pour être agréable, et de trois, cela n'empêcherait aucunement de poster sur JVC et de présenter au préalable un lien.

Pour ma part, au niveau de la science-fiction, tu fais partie des meilleurs écrivains que j'ai pu lire sur Internet ; le reste, je le laisse à l'espoir que ton univers SF soit tout aussi intéressant.

Très bonne continuation.

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
15 mars 2013 à 14:26:08

Merci de ta lecture, Darkcarot :-) .
J'y penserais, pour le PDF. C'est une très bonne idée. Je joindrais un PDF à la fin de chaque chapitre.

Pseudo supprimé
Niveau 10
15 mars 2013 à 18:58:57

Moi aussi je vais poster un commentaire laconique. Je n'ai pas eu le temps de tout lire car j'ai beaucoup de travail. C'est juste pour t'encourager à continuer sur cette voie. J'aime bien ton style et c'est agréable de lire un texte avec un vocabulaire riche. Le choix du titre est pas mal.

un détail : "Je n’ai pas d’autres choix" --> J'aurais écrit : "Je n'ai pas d'autre choix"

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
15 mars 2013 à 21:06:33

Merci pour ton avis. Je note la petite faute :-) .

Pseudo supprimé
Niveau 10
15 mars 2013 à 21:36:41

Si ça ne te dérange pas, pourrais-tu m'envoyer par MP les liens vers tes textes? J'aimerais regarder en détail un peu plus tard. Ça m'intéresse. Bien sûr, je te donnerai mon avis.

Ne t'inquiète pas, je ne dis rien du genre : C'est génial POINT ou C'est de la merde POINT
D'ailleurs, si vous trouvez que c'est inintéressant, n'oubliez pas de le justifier ou de montrer ce que vous êtes capables de faire. Ça évite les remarques gratuites un peu trop nombreuses sur ce forum.

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
16 mars 2013 à 00:24:55

Je m'en occuperai :-) .

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
09 avril 2013 à 19:01:04

Bon, j'envoie la suite. Après le passage un peu trash de ce second chapitre, cela s'annonce comme plus calme :-) ...

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
09 avril 2013 à 19:01:54

.

2098.

— Je l'ignore, monsieur.
Elle se tient raide, appuyée et tendue sur ses talons. L'amplitude de sa robe la fait ressembler à une femme, plus petite cependant. Elle respire avec insistance. En fait-elle exprès ? Elle est sujette à ce genre d'angoisse. L'autorité la harponne comme une lance trop raide. Elle pâlit à la simple idée de revoir bientôt son père. Et cette réponse négative n'arrange en rien le peu de confiance qui existe en elle.
— Inutile de vous dire, Aïda, qu'il sera fait un compte-rendu détaillé de la situation à votre père.
Le professeur se mord la joue pour ne pas dire « au Magister ». Il sait qu'il lui serait vivement reproché une telle entorse à la méthode éducative « prescrite » par quelques cybernautes influents. Il ne comprend toujours pas pourquoi lui, un instituteur tout ce qu'il y a de plus simple, de plus neutre sur le plan idéologique, se soit vu appelé à l'éducation d'une héritière de ce rang.
Aïda Standberg n'est que la fille gémellaire du Magister Kris. Même aussi loin de Paris, certains fanatiques auraient accepté avec plus de joie, plus d'entrain, la lourde et noble charge de pourvoir à l'éducation de la « petite précieuse ».
— Je comprends, monsieur.
Elle attend poliment que le professeur lui indique de retourner s'asseoir. Quand elle marche, rien ne la distingue des autres élèves. Ses cheveux sont raides, bien attachés par une boucle en bande de satin rouge, tombante. La bande s'illumine de la même teinte que les insignes cousus sur le chemisier immaculé que recouvre la robe. Bichromie quotidienne, qui ne fait que mieux ressortir la couleur de ses yeux, ce gris vert particulier qui semble perdre son regard trop grand dans des nuées inaccessibles. Voilà sans doute le seul élément caractéristique identifiable sans difficulté. Le reste n'est que ce qu'on peut en attendre : visage rond qui laisse paraître une ossature frêle, bouches aux lèvres déjà charnues, nez et narines un peu larges, épatés, menton appuyé et saillant. Le port de tête n'est pas assuré, masque mal un cou légèrement trop long, des épaules fuyantes, un dos raidi et imperceptiblement courbé en avant.
À peine s'est-elle assise que l'instituteur se lève de son bureau. Il ne peut pas se soustraire aux règles de bienséance qu'imposent la présence de la fille du Magister.
Et c'est pour cette unique mission que je suis ici. Pour veiller à ce que lesdites règles soient respectées en toutes circonstances. La vue de la fillette peut me causer parfois la nausée, particulièrement lorsqu'elle me fixe. Mon devoir est d'assurer sa sécurité et la validité des préceptes édictés par la cybercratie pour son intégration. Et en bon soldat, je n'ai pas un seul mot à dire sur le bien fondé de cette pratique.
— Je pense qu'une pause serait bienvenue, mesdemoiselles.
Elles ne sont que quatre. Quatre dans la bibliothèque lambrissée d'une vieille villa niçoise, accrochée sur les contreforts d'une colline dominant la mer. Le soleil brûle les carreaux soigneusement astiqués chaque matin. Cette pièce se transforme en four l'après-midi. Le jeune âge des élèves explique sans doute la fréquence de ces repos, dix minutes à chaque heure. Après tout, elles ne sont pas encore implantées. Impossible pour elles de rester concentrées sur des plages horaires trop conséquentes. Cette école est un passe-temps jusqu'au moment fatidique où leurs esprits rentreront en collision avec l'Esprit Mécanique, et que la somme des connaissances humaines les inondera définitivement sous un flot imperturbable d'information. Elles qui ont entre cinq et neuf ans devront attendre leur quinzième anniversaire pour goûter à ce fruit divin. Punition du sexe faible, quand les individus mâles y accèdent cinq années plus tôt. L'instinct de préservation conserve la gent féminine dans ce carcan du quotidien qui les condamne à l'action passive du foyer, à servir sans implication la force vive de la Confédération. Est-ce la présence d'une fille dans sa descendance qui a fait prendre au Magister la décision de les retirer des interventions directes et de la mécanisation corporelle ? Personne ne le sait vraiment, moi sans doute moins que d'autres.
Je dois surveiller sa fille. Voilà tout ce qui compte, voilà ce que je saisis parfaitement. La moindre aventure désagréable sur sa personne serait une catastrophe pour moi, une rétrogradation, un retour à Paris. Vivre avec la peur de devoir abandonner ma liberté est un quotidien en demi-teinte, une ombre parfois inexistante et parfois immense qui se dressent en un mur infranchissable.
Je la hais pour cela.
Mais je dois la surveiller.
Et tandis que la pièce se vide, que l'instituteur reste face à l'une des fenêtres qui inondent la pièce de cette lumière blanche et crue qui existe près de la Méditerranée, je me prends à espérer engager une conversation. Je m'avance vers lui. Dehors, quelque part entre les couloirs et le jardin asséché de la propriété, j’attrape les cris de ces petites filles. Le vent qui souffle n'atténue rien. J'aurais envie de les voir s'amuser, de les entendre longtemps. Dans huit minutes à peine pourtant, tout sera à nouveau fini.
— Seyrat, vous aviez besoin de quelque chose ?
Il m'appelle par mon prénom, non pas par mon grade. J'en suis presque gêné, je mets plusieurs secondes à réagir.
— Non, absolument pas, Andreï. Seulement l'envie de discuter.
— Nice vous peine ?
— Un peu… La ville n'est qu'un désert de ruine entre les collines…
— Les déblaiements ont bien avancé pourtant.
— Ce n'est pas une question de bâtiments.
Il se penche vers moi. Réflexe stupide, mes amplificateurs audio fonctionnent au même moment.
— À moi aussi Seyrat. Et je ne peux même pas espérer m'en aller avant six ou sept ans encore. Je pourrais presque envier votre statut de caporal.
Je souris.
— Ce n'est pas aussi simple que cela en à l'air, Andreï.
— Je le sais. Même si c'est au moins la… vingtième fois que nous avons cette conversation.
Remarque pertinente. Nous discutons pour ne rien dire. Voilà une habitude acquise par les mois de tenue et un climat toujours lourd sous le soleil de la Provence. Est-ce ma seule présence, ou bien celle d'un régiment complet dans les vieilles pierres de la cité qui appuie ce fait ? Sans doute. Quelques attentats n'y sont pas non plus étrangers.
— Reparlons donc de tout cela à tête reposée, dans la soirée. Je pense que c'est la chose la plus intelligente à faire.
J’acquiesce, reste silencieux, tente de sortir pour surprendre Aïda. Dans ce dehors éclaboussé par les couleurs astrales, dix autres de mes semblables se tiennent en position dans le jardin en pente qui s'égaye face à la mer. Mêmes armes, mêmes visages gravés dans cette attente indifférente et dans cette crainte de l'échec.
Aïda ne me laisse plus le choix. Lorsqu'elle surgit face à moi, dans le hall qui précède la bibliothèque, elle tente à nouveau de me dévisager. Mais son regard a changé.
Elle va tenter quelque chose. Bientôt. Dans quelques heures tout au plus.
Elle me lance un test. Je ne peux pas échouer.
Je dois la surveiller. Voilà ce que je dois faire.

La nuit. Belle, pure, dangereuse.
Le tronc de l'arbre est fendu en deux, à cause de l'orage peut-être. Au pied, sur les racines noueuses et nues, Aïda gît sans connaissance. On dirait qu'elle dort. S'il n'y avait pas ces spasmes, je pourrais être tenté de la prendre dans mes bras et la ramener, sans rien dire.
Elle bave beaucoup. Des traces d'urines salissent sa robe. Le spectacle est aussi pitoyable que répugnant.
Pourquoi ? Comment ? J'ai la sensation floue qu'elle a fui par peur, encore une fois. Lorsque la dernière heure de cours s'est amorcée, cette après-midi, elle n'était plus là. Aucun garde pour la voir, aucune piste à privilégier. Laisse-t-elle le hasard décider de ses pas à chaque fois qu'elle fait ça ? Je serai tenté de dire oui, je n'en sais rien dans l'absolu.
Et si d'habitude elle revient seule quelques heures plus tard, ce n'est jamais qu'en silence ; un silence lourd de sens, rempli comme une coupe de culpabilité et d'excuses sans mots, rempli de tristesse aussi, et elle nous invite à boire à ce vin âpre.
Pas ce soir.
Parce qu'elle n'est plus comme d'habitude. Que ces membres frénétiques s'agitent et des mouvements compliqués, saccadés, scène grotesque et pathétique qui frôle la tragédie.
Il faut pourtant bien que je m'approche du corps tout frêle, que je maintienne sa tête contre mon torse, en sentant les spasmes violenter ses muscles, s'appuyant comme des oiseaux prêts à l'envol sur ma peau de métal à moi. Je ne veux pas m'envoler. Je veux simplement la sauver pour me sauver, car c'est ma mission. C'est mon salut aussi. Avec dextérité, je finis par repérer une veine d'assez bon calibre, dans laquelle j'enfiche sans ménagement une longue aiguille reliée à diverses seringues médicamenteuses. Du clonazépam part en urgence, je n'ai même pas pris la peine de contacter un médecin par Rezo interposé. Inutile de chercher à savoir pourquoi trop vite.
Peut-être a-t-elle succombé aux appels de son sang ? La fille du Magister ne pouvait pas rester trop longtemps sans entrer en contact direct avec l'assemblée des consciences connectées, et du Dieu-Machine aux mille vies entrelacées entre les vivants et les morts. Ses gênes la trahissent, elle n'a même pas besoin d'implant ou de stimuli quelconques pour tenter l'expérience.
Je sais ce qu'elle veut. Encore une fois, elle a voulu montrer à tous qu'elle pouvait le faire ; qu'une fillette pouvait braver l'Interdit absolu, et rentrer au cœur même de ce qui est l'essence de ce monde.
Elle a rencontré Diogène. Cynique enfant au visage d'homme, allié du Magister Kris, conseiller numérique sans pitié.
Il n'a pas voulu d'elle. Et il l'a combattu, plus fortement que d'habitude.
Pauvre Aïda.

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
08 mai 2013 à 22:13:15

Next coming soon ...

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
21 mai 2013 à 11:50:57

2098.

Le vent soufflait doucement. Fin d’été, les feuilles rousses voletaient sur la place en délicates arabesques, avant de s’écraser ou de s’éloigner, poussées par une volonté qui les dépassait.
Un jeune garçon souriait, visiblement ravi de revoir le soleil et la douceur estivale après des semaines de grisaille et d’humidité. Non pas que la météo fût capricieuse, mais pour un autre motif.
— Dis tonton, tu crois qu’Aïda, elle va revenir bientôt ?
Ses yeux, d’un gris dur et étincelant comme ceux de son père, luisaient de cette pépite de vie propre à l’enfance. Son nez légèrement épaté, un front qu’on devinait déjà comme large et haut, et qui se plissait sur des paupières laiteuses, la faute au soleil trop mordant.
— Non, Oddarick. Ton père est clair sur ce sujet. Elle ne reviendra pas tant qu’elle n’aura pas réussi ses examens.
Le garçon soupira, fit mine de bouder, avant de se rapprocher de l’homme qu’il tenait pour son oncle. Une main métallique se tendit devant son regard avide et curieux, il l’attrapa et se laissa tracter jusqu’à être assis sur les puissantes épaules mécaniques de son mentor. Un sourire tendre perça le masque sans expression, perclus de métal lisse et d’une magnifique lentille de silice aux couleurs changeantes. Le Commandus Magnus savait l’admiration que lui portait le garçon, et il en jouait habilement pour le mener là où ils devaient aller.
— Il est temps de retourner au Palais, mon cher Oddarick.
— Mais, Tonton, il fait encore jour ?
— Je sais mon grand. Mais il y a une belle surprise qui t’attend.
Un pas. Lourd, puissant, ajusté.
Javier fixait l’horizon. Paris s’étalait mollement devant lui, du haut de cette esplanade magnifiquement endommagée que fut le Trocadéro. Un calme insolent, silencieux et terrifiant de beauté couvrait les lieux. À part lui, le jeune Regalium et quelques hommes placés sous son commandement, personne ne s’y tenait. La zone était interdite, l’accès fortement restreint, et, doucement, la nature reprenait ses droits. Neuf longues années après la fin de la guerre civile, les herbes folles avaient germé dans le moindre interstice des dalles d’albâtre cimentées, qui, défoncées, n’étaient plus que de pauvres pavés hétéroclites et branlants.
Un autre pas. Une dalle éclata, aussi peu solide que du sable aggloméré. Oddarick tentait de fixer l’oeil artificiel du Commandus Magnus, mais, à chaque fois, il détournait le regard, admiratif et effrayé à la fois. De toute sa courte vie, il avait uniquement côtoyé des hybrides, à de rares exceptions prés. Puissants, silencieux, terriblement distants la plupart du temps. Et malgré toute l’affection que pouvaient lui donner son père et son parrain, rien ne remplaçait les bras angéliques de Thelma. Il savait qu’il ne fallait jamais l’appeler maman. Les rares fois où il avait osé le faire, son contact lui avait été retiré de longues semaines. Il pensait, sans doute à tort, que c’était uniquement de sa faute. Alors, Oddarick préférait se taire, ou juste dire « Thelma ». Même si au fond, sans les mots d’adultes, il comprenait que cela ne changeait rien à leurs rapports, de mère à fils.
Un troisième pas. Javier ajusta sa vue sur le soleil couchant, et se retourna. Un cyborg vêtue de sa tenue réglementaire inclina furtivement la tête.
— Commandant, veuillez prévenir le Maréchal Jurdard que j’aurais quelques minutes de retard.
— Bien, Commandus Magnus.
L'officier fit quelques pas en arrière, avant de s’arrêter au pied d’un transporteur de combat rutilant.
— Oddarick, promets-moi quelque chose…
— Oui Tonton ?
— Ne tente pas de rejoindre Aïda. Tu sais pourquoi elle est partie loin de toi, n'est-ce pas ?
Le jeune garçon secoua la tête.
— Je sais que tu veux rester le préféré de ton père. Alors, n’essaye pas de le fâcher.
— Aïda n’est pas allée à Athènes pour réussir ses examens ?
Javier se contenta de sourire, faiblement.
— Il y a des choses que tu comprendras plus tard.

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
28 mai 2013 à 20:46:35

Suite en approche.

Scarytaupinet Scarytaupinet
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Niveau 10
29 mai 2013 à 10:40:25

Arf, j'dois déjà lire Alter Ego (j'ai lu le 1er chapitre : excellent :-))) )

Allez, hop, j'm'y mets et j'arrête de blablater

Dark_Hit Dark_Hit
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Niveau 10
29 mai 2013 à 13:32:50

Bah si toutes la SF est ainsi, je vais peut-être me réconcilier avec le genre :ok:

--crazymarty-- --crazymarty--
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Niveau 10
29 mai 2013 à 14:35:26

Super, merci à vous deux :-) .

--crazymarty-- --crazymarty--
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Niveau 10
17 juin 2013 à 10:42:38

Next coming soon ...

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
17 juin 2013 à 16:20:24

5.

2098.

Le Palais se composait d'un ensemble gracieux de bâtiments, la plupart entièrement vitrés, qui luisaient dans la lumière crépusculaire de l’automne. Alors qu’une grande partie du quartier du Montparnasse demeurait un vaste désert de constructions, les lignes délicates du siège de la Confédération se déployaient majestueusement sur une bonne partie du boulevard éponyme. L’architecture mêlait astucieusement les différents organes de ce lieu de pouvoir, reliant au travers d'improbables passerelles de verre et de fer ce qui s’apparentait à des pavillons hauts d’une vingtaine de mètres. Seule une profonde trouée au milieu de cet enchaînement venait interrompre le rythme de ses façades.
Une chape de mystère plombait l’édifice, que l’état-major se gardait bien de conserver.
De sordides rumeurs circulaient sur les activités qui animaient son cœur : tortures, expériences douteuses, conservation de documents accablants la Confédération, sans parler d’orgies cybernétiques connues sous le nom de Rêves des Mécaniques.
Le Magister ne tentait même pas d’y prêter une oreille, aussi peu attentive fût-elle.
Thelma se tenait à côté de lui tandis qu’il examinait une série de notes diffusée dans la substance vaporeuse d’un hologramme gigantesque. Enfermés dans un bureau à la dimension des engins qui y étaient disposés, les deux êtres ne s’adressaient guère la parole. Kristian entretenait un silence inquiétant, ne jetant pas même un regard vers la mère de ses deux enfants. Il savait bien la peur qu’il produisait chez elle, involontairement.
Contrairement aux hommes qui vivaient ici à l’épicentre de la Confédération, on l’avait autorisée à garder son corps organique, n’y intégrant aucune substance ou élément artificiels. Elle résistait sans brutalité à cette mécanisation outrancière, malgré les remarques blessantes de son maître et mari. Ce faisant, Kristian avait cédé, aussi calmement qu’il en avait été capable. Après tout, elle ne constituait aucune menace pour lui et ses proches, se tenant dans son ombre sans jamais chercher à en sortir.
Hormis les plus fidèles officiers, personne ne la connaissait, sinon de loin. Seuls le Commandus Magnus et le Maréchal Jurdard savaient le rôle qu’elle jouait. Sans vraiment l’approuver, ils avaient dû accepter cette condition, cette femme presque muette qui hantait les longs couloirs et les hautes salles du Palais depuis sept ans déjà.
Elle contemplait distraitement les cartes sur lesquelles Kristian réfléchissait. Elle esquissa un pas vers la sortie, sa robe blanche et ample s’ajustant au rythme des ondulations de ses longs cheveux cuivrés.
— Thelma ?
— Oui, Magister.
Elle savait se faire oublier et chuchotait à peine, apprenant difficilement à contrôler la conscience double de celui auquel elle avait donné des jumeaux.
— Thelma, revenez, je vous prie.
Elle se retourna, contenant sa déception lasse sous un sourire attiédi. Elle ne servait à rien, n’avait aucune utilité, si ce n’était de rassurer le Magister en qui restait une part d’humanité, coincée sous les assemblages glacés et mécaniques de son corps.
Elle s’approcha de Kris et se pencha sur son bras gauche. Son œil cybernétique brillait d’olivine, signe extérieur du calme absolu qui l'habitait à ce moment-là.
— Thelma, vous resterez dans votre chambre ce soir. Oddarick ne viendra pas vous voir, je dois lui parler.
— Bien, Magister.
— À présent, disposez. Le Commandus Magnus m’a fait savoir qu’il serait là sous peu.
Bruit mat de ses pas sur le béton froid. Elle quitta la pièce, laissant la porte lourde se refermer dans un chuintement sinistre.
Kristian resta seul de longues minutes. Le silence accablant qui plombait la pièce alors que Thelma s’y tenait quelques instants plus tôt devenait obsédant. Hormis les chuintements mécaniques de son corps, rien ne venait le troubler. Seul, avec ses idées, il faisait défiler à grande vitesse une série de cartes tout en repensant à l’étrangeté de cette journée.

D’abord, les nouvelles quotidiennes que lui communiquait le précepteur d’Aïda à Nice demeuraient préoccupantes. La fillette ne répondait pas aux traitements par neurostimulants. Pire encore, on l’avait retrouvé dans sa chambre, un lacet noué à son cou, alors qu’elle s’apprêtait à se pendre au pied de son lit. Son précepteur avait timidement suggéré son rapatriement, avant de se voir intimer l’ordre de la surveiller plus sévèrement. Bien que la situation le préoccupât, il s’interdisait de montrer la moindre preuve d’affection envers sa fille. Elle devait s’adapter, même si le prix à payer dans son rôle de père était exorbitant.
Ensuite, les rapports détaillés du front ouvert sur la péninsule arabique. La situation stratégique de la région ne devait pas le transformer en bourbier pour la Confédération. Certes le pétrole qu’elle avait produit par le passé avait engagé plusieurs conflits, au point de faire s’effondrer la puissante monarchie saoudienne. Mais ce même liquide était devenu obsolète à cause de l’incroyable développement de la fusion nucléaire, puis par sa miniaturisation. À présent, seule la construction de poste avancé pour le contrôle de l’Océan Indien intéressait les belligérants, la Confédération et ses alliés d’une part, la Chine et l’Inde de l’autre. Il faudrait prendre très rapidement des mesures décisives pour relancer la marche implacable des corps armés, sans toutefois menacer les arrières bases qu’étaient devenues Jérusalem, Damas et Bagdad.
Enfin, de mystérieuses missives lui étaient parvenues. Une dizaine d’actions terroristes revendiquées par des forces hostiles à la Confédération y étaient notifiées, tout en menaçant d’un « acte de grande ampleur » dans les jours à venir, à Reykjavik. Plusieurs confédérés fanatisés par le culte de l'Esprit Mécanique l’avaient rencontré, mais il avait souhaitait attendre la soirée pour les recontacter, avant de les envoyer vers l’ancienne capitale islandaise.

--crazymarty-- --crazymarty--
MP
Niveau 10
17 juin 2013 à 16:20:35

Taraudé par ses questions, Kristian ne remarqua pas l’arrivée discrète du Commandus Magnus et de son fils, qui se tenaient debout, dans l’embrasure de la gigantesque porte.
Une mécanique claqua fortement, dans le corps de Javier, et tira le Magister de ses interrogations. Il leva la tête, sourit, et s’avança à leur rencontre.
— Je ne vous attendais pas si tôt, Commandus Magnus, lança Kristian dont la voix rauque résonna sur les parois en verres de la pièce.
Javier s’immobilisa en parfait salut militaire.
— Repos, Javier.
Le cyborg s’exécuta.
Oddarick, qui l’avait suivi, continuait de le fixer d’un regard émerveillé, ne pipant mot.
— Notre jeune Regalium ne souhaitait pas prolonger cette promenade, commença Javier. Voilà la raison de notre venue si rapide.
— C’est parfait. Oddarick, tu resteras avec nous quelques minutes. Quand je te l’indiquerai, tu iras t’asseoir dans le siège à connectiques. Je t’ai préparé une belle surprise.
— Oui, père.
Le groupe s’avança, Kristian et Keller devant, Oddarick derrière, afin de se placer autour de la projection holographique qui changea instantanément.
— Javier, je connais le travail formidable qui vous fournissez pour les missions d’infiltration en Arabie.
Son ton se fit plus franc.
— Mais j’aimerais votre avis concernant la situation générale sur la ligne de front. Qu’avez-vous vu là-bas, Javier ?
Impassible, le haut officier laissa passer un long silence, avant de se lancer.
— Les ordres du commandement général sont respectés dans leur ensemble, Magister… Mais les hommes sont fatigués. Certains soldats y sont stationnés depuis des mois sans que nos armées n’aient connues de véritable avancée. Pour être honnête, leur sort me préoccupe quelque peu, bien que la situation ne soit pas catastrophique.
— Selon vous, Javier, est-ce de l'épuisement physique, ou bien de la lassitude ?
— Sans doute un peu des deux. Hélas, sans action convaincante de notre part, je ne vois pas comment remotiver les moins convaincus de nos guerriers.
Cette fois, Kristian laissa passer un temps.
— Restent-ils en parfait accord avec nos Lois, Commandus Magnus ?
— À ma connaissance directe, aucun acte de désobéissance ne s’est produit. Peut-être devriez-vous vous rendre sur le front, Magister. Cela pourrait grandement rétablir la ferveur dans le cœur de chacun.
Kristian sourit doucement.
— Vous êtes si prévisibles dans vos attentions, Javier. C’est une qualité bien rare que de voir un chef s’occuper avec tant de sérieux de ses troupes.
— Je ne fais qu’appliquer nos Lois, Magister.
— Et vous le faites bien.
— C’est trop d’honneur que de pareils propos en votre bouche, Magister.

Keller s’était figé en une attitude profondément respectueuse et noble. Un sourire à peine perceptible mais sincère rendait son visage méconnaissable. Comment un militaire si dur, si implacable sur les champs de bataille, pouvait-il devenir si courtois et chaleureux ? Seule l’impeccable dévotion qu’il vouait au Magister de la Confédération pouvait expliquer ce geste.
Lui qui, huit années auparavant, avait confié sa dépouille mortelle aux soins de la technologie, et qui était devenu un cyborg redoutable d’efficacité. Simple capitaine lorsque Kristian avait pris le commandement de l’Ordo Humanis devenu Confédération, empire technologique craint par toute la planète, sa progression hiérarchique militaire fut fulgurante. Commandus d’un bataillon d’infanterie parfaitement mené, la justesse de ses décisions l’avait mené à ce statut spécial de Commandus Magnus, maître de l’Ordo Magister, cette armée aux codes et aux rites constitués par la dévotion totale de ses soldats à la technologie et à la conviction de la nécessité pour l’Homme de fusionner avec la machine.
Sa place prestigieuse n’était en aucun cas remise en cause, son génie de commandement la justifiant pleinement.
La confiance du Magister s’était trouvée scellée au jour de la naissance des jumeaux, Oddarick et Aïda, lorsqu’il se vit confié l’éducation du jeune fils. Javier s’était totalement dévoué à cette mission qui l’honorait profondément, guidant le Regalium, promis à la succession de son père, le jour venu, dans les lois implacables mais protectrices de la technologie.

Oddarick détourna son regard vers les projections, ne soufflant mot. Il observait avec attention les points signalant les forces alliées et ennemies en présence, les annotations détaillées de son père et le mouvement perpétuel qui animait l’ensemble des cartes.
Kristian le remarqua, et s’agenouilla à son niveau.
— Il est temps pour toi de découvrir cette surprise, Oddarick.
Le jeune garçon le regarda sans crainte ni défiance, comprenant sans mal l’attention que son père lui portait.
— Oui, père.
Il se dirigea calmement vers un lourd siège métallique disposé dans un des angles de la pièce, et où divers câbles semblaient échouer. Il s’y installa, ne gémissant qu’à peine lorsque de lourdes trodes immobilisèrent ses bras frêles et son cou immaculé, dévoilant un minuscule port métallique.
Malgré la décision de Kristian de cybernétiser Oddarick une fois celui-ci adulte, il avait jugé utile de lui permettre d’intégrer et de comprendre le lien étrange qui unissait tous les cyborgs. Cet acte ne demeurait possible que par la fusion totale de l’esprit de son père avec une intelligence artificielle avant sa naissance, et qui avait rejailli en lui comme une caractéristique héréditaire. Oui, cette conscience artificielle, nommée Diogène, constituait une part non négligeable de son intellect et interagissait de manière discrète avec sa perception du monde. Pour Oddarick, la complexité de cet état de fait n’existait pas, Diogène était une partie de lui.

Lorsque la dernière pointe métallique s’enfonça dans son corps, il ferma les yeux, silencieux, et s’en alla vers des contrées inaccessibles.
Kristian se retourna vers Javier, le visage impassible, le regard à peine perturbé par un semblant d’émotions où se mêlait embarras et doutes.
— Commandus Magnus, vous n'ignorez pas que Marcus Standberg reste sous surveillance.
— Tout à fait, Magister.
— Il se pourrait que nous n’ayons pas toutes les informations le concernant. Des informations capitales à notre survie qu’il maintiendrait secrète à nos dépens.
Le regard de Javier s’assombrit, l’éclat de son œil bionique vira au violet.
— Souhaitez-vous qu’elles soient identifiées, Magister ?
— Commandus Magnus, je vois que vous avez compris toute la portée de mes propos, et que vous mettrez tout en œuvre pour y parvenir. Il n’y a qu’une seule condition à cela.
— Laquelle, Magister ?
— Marcus ne doit jamais que nous avons identifié son projet de descendance. Il doit rester persuadé d'avoir une longueur d'avance sure nous.
Il y eut un cours silence, et Javier reprit la parole.
— Je ne vous décevrai pas, Magister.
Kristian s’approcha davantage de lui, et murmura.
— Vous ne m’avez jamais déçu, Javier. Vous avez ma totale confiance.
Le Commandus Magnus s’immobilisa, effectua un impeccable garde-à-vous, et sortit de la pièce en silence, imperturbable.

--crazymarty-- --crazymarty--
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Niveau 10
17 août 2013 à 23:25:34

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