S´il n´est en général pas trop malaisé de reconnaître une science, il l´est bien plus de la saisir en quelques mots. Aucune définition n´est en effet satisfaisante[2] à commencer par celle proposée ci-dessus, pourtant formulée de la manière la plus neutre possible.
Les essais de clarification de la notion de science reposant sur la mise en lumière d´une "méthode scientifique" qui lui serait spécifique furent sans succès. Alan Chalmer écrit ainsi qu´il « n´existe pas la moindre méthode permettant de prouver que les théories scientifiques sont vraies ou même probablement vraies. »[3]
Derrière ce brusque rappel se cache le constat de l´échec du projet fondationnaliste, qui visait à établir des critères clairs permettant de s´assurer de la vérité d´une proposition, et en particulier d´une loi causale ou statistique : « on peut dire qu´en ce qui concerne les sciences empiriques tout au moins, le projet fondationnaliste a échoué : il n´a pas réussi à montrer comment pouvait être fondée la relation, d´abord entre expérience immédiate et énoncé d´observation, ensuite entre terme observationnel et terme théorique, enfin entre énoncé singulier et énoncé universel ou probabiliste. »[4] Cet échec, qui est en particulier celui des tentatives visant à résoudre le problème de l´induction, ruine l´espoir de faire tenir la notion de "science" dans la définition de sa méthode.
Alan Chalmer, toujours lui, après avoir examiné les principales théories de la science de la fin du XXe siècle, considère « qu´il n´existe pas de conception éternelle et universelle de la science [...]. Rien ne nous autorise à intégrer ou à rejeter des connaissances en raison d´une conformité avec un quelconque critère donné de scientificité. »[5] Il expose en particulier les limites de la solution apportée par Popper au problème de la démarcation entre science et non science, qui est bien loin d´avoir l´universalité qui lui est généralement accordée[6]. Chalmers prend soin de préciser qu´il n´est pas vrai que « tout point de vue soit aussi bon qu´un autre », dénonçant ainsi le relativisme. Mais il n´en fait pas moins ce constat : il n´existe pas de critères de scientificité universellement valables.