Il n'aura pas échappé à grand monde que la récente représentation du survival-horror n'a pas été très dense. Les jeux du genre se sont clairement raréfiés ou ont laissé place à des licences certes horrifiques, mais plutôt axées sur l'action. Néanmoins, la scène indépendante fait de la résistance en accueillant même un titre considéré comme le revival du survival par tous les amateurs du genre, Amnesia : The Dark Descent. Un titre au concept encore jamais vu qui, en nous infligeant une peur panique, nous plonge avec crédibilité dans la peau du personnage que l'on contrôle.
Sorti en 2010 sur PC et Mac (à noter que la version boîte n'est à l'ordre du jour que pour certains pays d'Europe de l'Est), Amnesia, après avoir banni ses anciens noms « Lux Tenebras » et « Unknown », est développé par les suédois de Frictional Games. Un studio indépendant que l'on connaît bien puisque c'est à eux que l'on doit la trilogie des Penumbra, qui laissait déjà présager de belles frayeurs en vue subjective. Salué par les critiques pour son intensité, Amnesia reçoit les prix de l'excellence en bande-son et de l'excellence technique à l'IGF (Independant Games Festival) 2011.
Et ce, à juste titre ! Car ce qui saute tout de suite aux yeux dans Amnesia, c'est la qualité de sa réalisation technique, bluffante pour un titre indépendant. En effet, le château prussien à l'intérieur duquel notre héros amnésique est lâché, représente avec on ne peut plus de fidélité l'atmosphère lovecraftienne qu'ont voulu retranscrire Frictional Games. D'autant plus que la vue est subjective et que le jeu s'axe sur l'exploration, ce qui réunit les conditions optimales pour s'en imprégner. A présent, le principe même du jeu, est centré sur la peur. Tout en résolvant des énigmes qui nécessitent d'analyser le mieux possible son environnement, le joueur a la dure mission de survivre à toute créature qu'il croiserait. Le hic, c'est qu'il n'y a strictement aucun moyen de se défendre, si ce n'est se cacher tel un pleutre dans un coin sombre.
Effectivement, la moindre source lumineuse ou le plus minime des bruits risque d'attirer l'attention. Il faut donc, pour le coup, ranger illico presto sa lampe à huile dès qu'un monstre est à proximité. Mais, et c'est là que tout le génie d'Amnesia entre en jeu, notre avatar perd peu à peu sa lucidité si l'on reste trop longtemps dans le noir, jusqu'à avoir une crise de panique, surtout s'il se retrouve face à un monstre. Il faut donc régulièrement effectuer des choix cornéliens en switchant sa lampe à huile : soit on se cache des monstres dans l'ombre et on devient fou, soit on garde la lumière allumée, et on court. Cette gestion de la folie est un réel coup de génie des développeurs, et ouvre sur une claustrophobie encore inexplorée dans le milieu de l'épouvante vidéoludique, qui plus est accentuée par les mouvements volontairement laborieux à effectuer avec la souris (il faut tirer la souris vers soi pour ouvrir une porte par exemple). De même, les distorsions d'écran, ou même la respiration haletante du personnage, jouent beaucoup pour renforcer l'immersion. Au final, Amnesia chamboule à sa hauteur le beau monde de la peur, et réserve son lot de scènes assez inoubliables et riches en émotions fortes.