A l'image de Sonate pour Supinfogame et Jia Ling pour l'ENJMIN, Elements Life Of Reminiscence est le visage sensible et délicat d'ISART Digital. Le projet a des penchants de jeu d'aventure-réflexion intimiste dans la veine de Myst ou Syberia, un cousinage que l'on apprécie aussi dans une direction artistique gravée au coeur même du concept ludique. Il était donc une fois un obscur scientifique qui décida, à l'aide d'un gant inouï, de piller la grande cité Elementa de l'essentiel de ses essences matérielles : bois, eau, métal, électricité, végétale, plastique et feu. La métropole toute entière, habitants compris, est désormais inerte, incolore et comme morte. Le jeune local que vous incarnez était heureusement à l'une de ses fréquentes balades rêveuses dans les forêts avoisinantes au moment de l'incident. Cela ne l'empêche pas d'être précipité dans le laboratoire du professeur fou. Un combat s'ensuit alors face aux sbires mécaniques du bonhomme, mais celui-ci doit supporter une première défaite en se faisant destituer du fameux gant, désormais aux mains de notre héros, et qui réussit à s'échapper proprement du laboratoire. Une destinée formidable l'attend alors qu'il fait face à Elementa : rendre l'âme de cette cité, c'est-à-dire les couleurs des multiples matière qui la composent. Attention, le gant ne fait qu'aspirer ou réinjecter de la matière, il n'en crée pas de toute pièce. La pierre angulaire du gameplay accouche de cette différence car la démo jouable du projet ne présente qu'un tout petit bout d'une aventure que l'on imagine immense. Il est probable que le joueur soit amené à revenir plus tard au laboratoire pour avoir accès au gros des matières d'Elementa. Dans dans le préambule jouable qui nous est proposé, l'objectif est seulement de progresser à travers quelques quartiers d'appartements. Et c'est déjà bien assez épineux.
Pensez à la " statufaction " de n'importe quelle grande ville moderne, et vous aurez une idée des barrières que vous rencontrerez pour vous déplacer à votre guise. Les portes n'ont plus de raison de s'ouvrir, les divers rouages électriques de s'activer, les obstacles inflammables de brûler, les objets légers de pouvoir être déplacés. Voilà le spectre de contraintes qu'Elements oppose au parcours du joueur comme autant de petits puzzles. Heureusement, un faible nombre d'objets a échappé à la razia de l'infâme savant. Il reste donc un peu de matière ça et là, suffisamment en tout cas pour la réutilisez là où elle vous sera bien plus utile. Déplacer le bois d'une planche quelconque vers une porte qui vous bloque, ou un peu d'électricité issue d'un chandelier inutile vers l'interrupteur d'un élévateur sont autant de menus casse-tête qui rythment votre progression. La réflexion ne s'arrête pas à ces liens directs puisque les matières interagissent aussi entre elles. En fait seul le feu, qui dévore tous les proches objets composés de matière végétal et aquatique, possède pour l'instant cette faculté, qui n'est de surcroît pas exploité dans la démo jouable. Mais on extrapole aisément le large champ d'application de ces interférences. Le joueur pourrait, par exemple, se trouver bloqué par une haie dénuée de sa matière végétal. Il devra d'abord la rematéraliser puis apporter à proximité un objet insignifiant comme la petite balle qui se trouve au début de la démo, pour enfin brûler celle-ci, en même temps que la haie. Les actions du joueur ne se limitent en effet pas à l'aspiration et l'injection des matières, il peut donc aussi déplacer tous les objets qui possèdent de la matière, ramper, grimper, sauter et activer des interrupteurs. L'utilisation du gant est par ailleurs sujet à un affichage différent et assez ergonomique, très proche du scan de Metroid Prime, ce qui permet de cibler sans peine l'objet dont on veut retirer ou redonner la matière.
En quelques intrigues bien ficelées, comme " matérialiser " un objet pour pouvoir le transporter, afin d'aspirer de l'électricité pour finalement activer un élévateur, le projet démontre qu'il dispose d'une base solide et suffisamment ouverte pour être renouvelée sur plusieurs heures. Mais la perspective d'un Elements Life Of Reminiscence entièrement achevé, c'est surtout l'image d'une grande ville figée s'éveillant au passage du joueur/spectateur, comme dans le magique Playtime de Tati. La démo ne fait qu'attiser ce rêve à l'aide d'une composition visuelle admirable. En se reposant sur un gris délavé et quelques saynettes de mouvements à l'arrêt (un garçon qui jouait au foot, un homme en train de faire du billard), elle réussit à retranscrire parfaitement la paralysie de ces environnements dont on peine à discerner la nature (Futuristes ? Orientaux ? Fantastiques ?). A titre de comparaison, l'effet est presque aussi frappant que le formidable passage du château d'Hyrule endormi dans Wind Waker. La musique, très timide, est aussi complice de cette ambiance apaisante, en sommeil. Encore une fois, en se prêtant au jeu de l'introspection, on se dit que le réveil d'Elementa sera aussi celui d'une bande-son de plus en plus vivace et enjouée. Nous voilà donc à imaginer des tas de développements futurs, que les développeurs n'ont peut-être même pas effleurés sur papier. Mais quelle preuve de réussite plus éclatante un projet étudiant peut-il après tout escompter ?
Pour télécharger la démo du projet Elements