Après Jia Ling, voici le second projet étudiant à croiser les crayons. Façon de dire que Drawn To Be Alive exploite lui aussi le domaine du dessin pour donner libre cours à des intentions vidéoludiques débordantes de magie. Un gentil scientifique de carnaval parvient enfin à synthétiser le résultat de ses recherches : donner vie à des personnages illustrés. Le bonhomme n'est pas un mauvais gars, juste un fieffé fou très fier de sa fabrication. Si il multiplie d'abord le procédé pour son propre amusement et remplit des armoires de ces nouveaux animaux de compagnie, selon sa propre définition, il apprécie rapidement la possibilité de mettre un peu de beurre dans les épinards en montant un service de génération à la commande. Le hic dans tout ça c'est qu'il ne semble pas remarquer un instant la douleur de ces individus de crayon à papier que l'on a déchirés de leurs dimensions, au sens ropre comme figuré. Quelle est cette réalité gigantesque, où rôdent le vent, le feu, l'inconscience des hommes et les classeurs poussiéreux, prisons de milliers de timbres et peut-être bientôt de petites créations vivantes mais oubliées ? L'avatar que vous incarnez est l'un des premiers tracés, une ébauche encore inachevée, de l'inventeur. Ce petit découpage de manuscrit vient de renoncer à son incarcération et découvrira bien vite dans quelle situation accablante se retrouve le "peuple du papier", et de quelle manière il pourra rejoindre son havre originel. Il faut retrouver l'illustration modèle, celle qui a servi à la reproduction d'un ou plusieurs dessins. En gros, les petits protagonistes doivent remonter le fil de leurs origines jusquà pouvoir rentrer à la maison. Tchac, le scénario nous prend déjà le coeur et ne nous le lâchera plus jusqu'à la fin de la démo jouable.
Nous avons ciblé le casual gamer puisque la maniabilité se doit d'être accessible et la progression rendue aisée par la présence de sauvegardes fréquentes. Drawn To Be Alive est en effet un jeu d'action plate-forme très souple qui épouse parfaitement les possibilités d'un personnage fait de papier, complètement plat et léger. Les pliages, sur l'axe horizontal comme vertical, seront heureux pour traverser des accès peu évidents. Un plaquage au sol ou contre un mur et vous voilà imperceptible aux yeux de tous. Additionnée au saut classique, une position de planeur vous permet d'atteindre des distances conséquentes. Enfin, sans perdre sa bonne humeur, notre gribouillé peut aussi se froisser pour devenir le simple déchet d'un écrivain en manque d'inspiration. Il deviendra ainsi insignifiant pour les ennemis (humains et animaux), ou pourra se laisser rouler le long d'une pente pour se précipiter vers sa prochaine étape. Cette dernière fonctionnalité avait beau n'être pas intégrée dans la démo, les quatre niveaux conceptualisés exploitent si complètement les autres possibilités qu'on ne se permettrait pas de modifier la moindre petite disposition. Par dessus cette première couche d'actions vient se greffer un mécanisme vraiment chouette qui amplifie l'usage de l'infiltration. Les pages des livres et les illustrations murales sont une couverture idéale pour vous cacher. Mais vous ne pouvez "entrer dans l'image" de manière prolongée : un timer, symbolisé par le zoom croissant de la caméra sur votre personnage vous avertit que vous resterez bientôt coincé dans cette autre dimension. Enfin, deux malus freineront votre fougue : le feu et l'eau. Pour "s'éteindre" vous devrez vous plier successivement et rapidement. Pour vous sécher, eh bien, il faudra trouver une source de chaleur, comme le feu justement.
6 étudiants pour un résultat qui n'a absolument rien d'artisanal. La réalisation, sur le plan strictement technique, de Drawn To Be Alive m'a surpris et désarçonné. Chapeauté par le moteur Unreal Engine 2.0, le visuel, comme l'animation, est à mettre sur un piédestal tant il est agréable de voir se déplacer notre héros sans nom dans ces décors qui, selon les dires de leur créateur, vogue entre cliché et sérieux, comme une semi-caricature des années 50-70. On pensera aussi chaleureusement aux deux Toy, Story et Commander, pour la représentation d'une architecture qui dépasse totalement notre avatar. Les 6 étudiants à l'origine de Drawn To Be Alive ont pensé à la suite, si elle devait exister. L'intégration du mécanisme de boule de papier serait une priorité. Celui d'une planque illustrée en mouvement, comme un journal, est aussi une idée qui semble déjà faire mouche au sein de l'équipe. D'autres petites sucreries, plus évasives seraient possibles comme la possibilité pour le joueur de modifier le dessin de son héros sans nom : Nous y avons pensé, mais cela ne pourrait se faire sans quelques limites. Il faudrait peut-être imposer un modèle de base auquel on offrirait quelques modificateurs pour avoir un personnage à peu près personnalisé. Une trombe d'idées, toutes exploitables, toutes sympathiques pour un jeu complet qui attiserait très certainement tous les regards, voilà la marque de réussite la plus idéale pour Drawn To Be Alive.
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