"Scarification" et signes runiques :

En se penchant attentivement sur l'inspiration, que ce soit au niveau des personnages ou des liens même traversant le titre, on ne peut s'empêcher de découvrir de nombreuses composantes héritées de la mythologie des pays du nord. Tout d'abord, on peut remarquer que Caim, le héros de Drag-On Dragoon (Drakengard en U.S) lors de son pacte avec le dragon rouge, dans le but d'une part de survivre et d'autre part d'acquérir davantage de puissance, se voit obligé de sacrifier une de ses caractéristiques. Le jeune homme choisit la voix et devient par conséquent muet. De même, Odin, dans le but de posséder "l'oeil de la connaissance", sacrifie l'un des siens à Mimir (dieu de la sagesse). D'autre part, chaque personnage se voyant uni à un dragon ou à une entité particulière, est marqué d'une sorte de sceau ressemblant étrangement aux runes ou aux signes kabbalistiques des chamans (voir le personnage de Verdelet), peints sur le corps, ou tout du moins sur le bouclier des guerriers prêts à mourir au combat pour leur idéal.

Freya et le berserker :

Revenant souvent dans le domaine des RPG (Valkyrie Profile et Final Fantasy 9, pour les apparitions les plus importantes), le personnage de Freya est au départ, une habitante d'Asgard, comme tous les dieux et déesses. Sorte de Mont Olympe, c'est d'ici qu'Odin règne en maître. Déesse de la fécondité, de l'amour et de la guerre, c'est elle qui offrit au roi des dieux son cheval à huit pattes, Sleipner. Sensible à la vaillance des guerriers luttant jusqu'à leur dernier souffle, complètement englobés par une transe mystique relative à Odin (les berserkers), elle demeure adorée par ces mêmes hommes en arme. Se partageant avec son seigneur les âmes des défunts tombés durant la bataille, elle fait figure de renouveau. Logeant dans le Folkvang (Champ-Des-Armées), elle apparaît aux mortels drapée de lumière, avec de longs cheveux blonds. Comment de ce fait ne pas voir d'analogie avec Furiae, la soeur de Caim. Recluse dans un château en proie à une gigantesque bataille (Folkvang), c'est la crainte de la voir disparaître qui rend notre héros furieux, le poussant à faire fi de toute réflexion, fonçant inconsciemment et aveuglément au creux d'une troupe de centaines d'opposants. D'autre part, cette jeune femme se révèle vêtue d'une longue tunique blanche, arborant de brillants cheveux châtain. La ressemblance s'accentue d'autant plus lorsque l'on met en commun les deux patronymes. Le terme Freya connaît une écriture différente, qui est Frea. La différence entre Furiae, Freya ou encore Frea est très faible, notamment au niveau des sonorités. De même, quand on sait que lorsqu'un combattant était considéré comme berserker, le peuple le pensait possédé par « La Furie », le rapport apparaît encore plus crédible.

La légende de Siegfried :

Au sein du conte de L'Anneau Des Ninbelugen, le chevalier Siegfried, fils de Siegmund et Sieglinde (qui étaient frère et sœur), se trouve au gré de sa quête face à Fafnir, un dragon maléfique (autrefois humain et ami de Siegfried). Suite à un combat titanesque, le chevalier porte le coup de grâce à l'animal mythique. Une fois le saurien défait, le héros nordique but le sang de celui-ci. Cela lui conféra une force que peu d'êtres humains possédaient, ainsi que la capacité de comprendre le langage des animaux. La légende rejoint donc le jeu sur un point, l'acquisition de capacités supplémentaires par le biais de la rencontre, plus ou moins malheureuse, avec un dragon. On peut aussi repérer la faculté qu'a le héros de comprendre les termes de la créature, alors que personne n'en a visiblement la capacité. Grâce à cette nouvelle acquisition, Siegfried sut de la part d'un vol d'oiseaux, que l'une de ses connaissances désirait le tuer. Tout comme Furiae a conscience de l'attaque de l'Empire par une semblable manifestation, relayée par un oiseau de proie (Notons que Freyja pouvait également se métamorphoser en faucon).

Créatures mythiques :

Communes à tous les amateurs d'héroic-fantasy, les races présentes au sein des légendes nordiques, apparaissent au fur et à mesure de l'avancée de Caim vers le but de sa quête. Que ce soient les faibles, mais nombreux, Gobelins, ou encore les puissants Trolls, nos aventuriers trouveront en ces adversaires des guerriers vigoureux et habiles. Mais ceux-ci ne demeurent pas les seuls habitants de ce monde chimérique. Bien d'autres monstres leur porteront assistance.

Art Viking ou Celtique :

L'univers très travaillé de Drag-on Dragoon, renvoie sans cesse, d'un point de vue autant architectural que purement lié au design, aux fresques et objets de culte ou de décoration, présents dans les sociétés d'inspiration germanique. Si l'on s'intéresse de près au symbole que chacun des personnages principaux se voit attribué à la suite d'un pacte, on note une certaine similitude avec les triskèles que l'on retrouve dans un grand nombre d'objets d'arts façonnés par le peuple Celte. Cette apparente parenté provient de l'aspect labyrinthique qu'évoquent les divers croisements, et entrecroisements de lignes fluides et arrondies, dans une volonté de transcription du mouvement. De même, une approche parente naît à la vision de la proue des renommés Drakkars. Des arabesques d'une finesse rare, ornent ces massives représentations de têtes de dragons, dont la complexité des motifs émerveille. Le mariage caractéristique de zones d'ombre et de lumière, que ce soit par le biais de l'opposition entre le blanc et le noir (ou ocre), ou du relief, rapproche d'autant plus les "tatouages" propres au jeu des fondements de l'art germanique. Enfin, les encadrements opaques lors des phases de dialogue, sont construits à l'aide de ces ornements bien spécifiques, accentuant encore, s'il le fallait, l'immersion du titre dans le background en question.

Certains doivent se dire : "Killy débloque". Néanmoins, je n'avance pas ces théories sans fondement. En effet lors d'une interview, Yasuhito Watanabe, le producteur du jeu, avoue que le scénario lui-même est basé sur les mythes Celtes et Scandinaves d'Europe du Nord. Il dit être passionné par cette culture, autant que tous ses collaborateurs. C'est par conséquent une volonté collégiale et mûrement réfléchie qui a abouti à ce background sensationnel et extrêmement riche. Après Vagrant Story, il est de bon ton de penser que les talentueux artistes de Square-Enix, aiment l'Europe. Du moins d'un point de vue culturel.