Assez rapidement, dès l’ère des consoles 8-bits (mais ça s’est véritablement démocratisé durant la période Mega Drive / Super Nintendo), les concepteurs ont compris l’importance d’une difficulté paramétrable. Différents niveaux de difficulté se sont ainsi mis à fleurir dans les productions de l’époque (parfois avec des noms exotiques comme avec Doom et ses « I’m too young to die » et autre « Nightmare ! ») et se résumaient bien généralement à un jonglage entre la résistance du personnage et la puissance des ennemis. Dans certains jeux, il était même possible (généralement pour des shoots) d’ajuster le nombre de vies et de crédits restants. Pendant très longtemps, la difficulté des jeux se résumait à ce tâtonnage perpétuel avant de profiter des progrès technologiques en matière d’intelligence artificielle. À partir de ce moment, que l’on peut situer aux alentours de l’année 2000, les studios ont fait évoluer le concept de la difficulté, accordant des réactions plus humaines aux personnages adverses.
En passant en mode Difficile, les joueurs se heurtaient désormais à des protagonistes capables de les contourner, d’adapter leur arsenal ou carrément de renvoyer des grenades et autres projectiles. Il n’était plus simplement question d’individus plus ou moins forts et résistants et cela a changé considérablement l’importance qu’accordaient les développeurs au challenge d'un jeu. L’expérience aidant, ils ont petit à petit modelé cette difficulté pour permettre au joueur d'utiliser différents moyens pour aboutir à un objectif. L’un des exemples les plus criants en la matière, et qui fit office de révolution à sa sortie, n’est autre que Deus Ex premier du nom. Le titre de Warren Spector, au-delà de sa réalisation, de son scénario et univers, a marqué les esprits par l’intelligence de son concept et la qualité de son game design. En effet, il est possible de terminer le jeu sans (quasiment) jamais faire appel à la violence. Piratage de code, passage dans un conduit de ventilation, attaque pour libérer un passage… le nombre de possibilités, qui préfigure un peu ce qu’on verra dans Hitman et surtout Hitman 2, est hallucinant pour l’époque.
Cette notion d’embranchements va devenir l’un des fers de lance de l’industrie vidéoludique, comme le remarque Kev Bayliss, game designer de renom sur Donkey Kong Country ou Killer Instinct :
Je pense que les gens jouent aux jeux vidéo de différentes manières. Personnellement, j’aime quand le jeu est facile car ça permet de voir l’intégralité du jeu du début à la fin, tout simplement parce que je n’ai plus le temps de faire des parties longues. De ce fait, j’aime beaucoup le côté « pick up and play » des titres auxquels on peut s’adonner quelques minutes. J’apprécie vraiment le travail, l’effort et la planification qu’exige un grand jeu tentaculaire et je pense donc que c’est une bonne chose que les aventures actuelles offrent différents embranchements. Les jeux avec différentes « couches » fonctionnent vraiment car vous pouvez y jouer autant que vous voulez (par petites ou longues sessions) tout en ayant l’impression d’avoir terminé votre partie. Vous pouvez toujours y revenir pour essayer d’achever l’aventure en prenant un chemin différent ou en essayant d’accomplir un maximum d’objectifs. Je pense que les joueurs n’ont jamais eu autant d’éléments, autant d’options différentes et de jeux bac-à-sable. Il y en a pour tous les goûts, que vous soyez bon ou mauvais (comme moi) lorsque vous jouez à des jeux vidéo.
Ce que l'on peut retenir, c'est que certains peuvent avoir l'impression que la difficulté s'est diluée dans la multiplication des objectifs proposés par les jeux vidéo d'aujourd'hui. Il y a tellement de choses à faire dans un seul et même titre – encore plus quand il s'agit d'un bac-à-sable virtuel – qu'il devient alors plus difficile d'obtenir un réglage optimal pour l'ensemble de l'aventure. Mais si le challenge était aussi prononcé dans les années 1980 et 1990, c'est aussi pour plusieurs raisons... dont l'une réside dans l'absence de playtests.