Cela fait maintenant sept ans qu'est sorti To the Moon, "petit" jeu façonné par la petite équipe de Freebird Games, qui a finalement eu l'envergure et la portée d'une grande œuvre. Peu de titres peuvent se vanter d'avoir réussi à impliquer les joueurs émotionnellement parlant d'une manière si profonde, aux seuls moyens d'une histoire subtile et de mélodies venant titiller la sensibilité de chacun. Finding Paradise, sa véritable suite si l'on omet quelques brefs intermèdes, reprend la même recette, en exploitant une thématique plus introspective et toujours aussi touchante.
"Même si c'est supposé être une bonne chose de pouvoir vivre sans en avoir, les regrets sont quelque chose d'inévitables." Une phrase prononcée par Kan Gao lors d'une interview en 2012, soit un an après la sortie de To the Moon. Les regrets que l'on a lorsque vient le moment de quitter la vie, voici le thème abordé dans ses jeux, par le biais d'un concept curieux : celui de la Sigmund Corp. Cette entreprise fictive propose aux personnes en fin de vie de réaliser leur dernière volonté, soit le rêve qu'ils n'ont pas pu accomplir durant leur vie, en ayant recours à une technologie permettant de parcourir leurs souvenirs et de les modifier, pour qu'ils puissent lâcher leur dernier souffle heureux, sans regret.
Travail de mémoire
C'est là qu'entrent en scène les docteurs Neil Watts et Eva Rosalene, deux employées de cette entreprise. Un duo complémentaire et souvent comique, un moyen de dédramatiser l'atmosphère (parfois trop), dont le rôle est de jouer les aventuriers de l'esprit à travers les souvenirs de leurs clients. On les retrouvait déjà dans To the Moon, où ils ont pu aider un vieil homme à réaliser son rêve, se rendre sur la Lune. Cette fois-ci, la personne concernée n'est autre que Colin Reeds, le petit garçon que l'on suivait dans A Bird Story, une courte mise en bouche sympathique mais dispensable de Finding Paradise.
Ancien pilote de ligne, l'homme a, selon les apparences, vécu une vie heureuse : il a voyagé dans le monde entier en exerçant le métier qu'il voulait, il a fait sa vie avec une femme partageant sa passion pour la musique, et, même s'il n'est pas encore grand-père, tout semble aller pour le mieux pour son fils. Pourtant, sur son lit de mort, impossible d'enlever ce sentiment de vide, d'où sa demande envers Sigmund Corp : trouver le moyen de faire disparaître ses regrets, sans pour autant changer ce qu'il a vécu, notamment avec sa famille.
Entre séquences nostalgiques, moments de vie touchants, regrets et souvenirs à moitié perdus, notre duo découvre alors les étapes de la vie de Colin : l'achat de la maison du couple, le jour où ils se sont rencontrés au conversatoire, son dernier vol en tant que pilote... Rapidement, ces scènes s'articulent autour de Faye, son amie d'enfance dont on remarque l'absence à son chevet, avec en parallèle la découverte des magouilles secrètes de Neil Watts.
Tears Maker
De l'autre côté de l'écran, le joueur découvre tout cela au fil des clics de souris ou de clavier pour contrôler le duo de docteurs. Façonné avec RPG Maker et donc très limité dans ses possibilités, le titre relève toutefois davantage du visual novel que du point'n click. Il suffit simplement de se promener de scène en scène, d'interagir avec les gens et les décors pour trouver les orbes de souvenirs et briser la barrière du mémento grâce à un mini-jeu façon Match-3. Le mémento, c'est un objet clé que l'on retrouve d'un souvenir à l'autre, comme un tableau précieusement gardé par Colin alors qu'il entrait dans l'âge adulte. Le gameplay est alors réduit à sa plus simple expression, avec un degré d'intéraction minimal amenant quelques temps morts dans la balade.
Si cette absence de gameplay ne vous effraie pas, difficile toutefois de ne pas être pris dans le récit, plus étiré et rythmé que son prédecesseur mais sans doute moins dur à encaisser. On en voit le bout après six heures de jeu, une durée suffisante pour laisser l'intensité émotionnelle monter alors que l'on comprend petit à petit la source du "malheur" de Colin. Kan Gao fait une nouvelle fois preuve de sa maîtrise pour jouer avec les sentiments, en abordant avec justesse des thèmes qui parlent à tous et qui prêtent à réflechir : le sens de la vie, la recherche du bonheur et les inévitables regrets qui l'accompagnent, la mémoire et ses limites, la solitude, tout cela sans tomber dans le prétentieux. Si le récit est son arme principale, la musique fait toujours office d'appui émotionnel qui pourrait faire vaciller le moins tendre des coeurs.
Ne vous fiez pas aux apparences, Finding Paradise cache bien son jeu et s'affiche comme le digne successeur de To the Moon. Une nouvelle expérience atypique, qui laissera sur le carreau nombre de joueurs (d'autant plus qu'une traduction française n'est pas proposée), mais qui marquera longuement les autres. Son seul but : nous raconter une histoire, et nous la faire découvrir comme on dévore un bon roman.
Genre | Aventure narrative |
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Date de sortie | 14/12/2017 |
Plateformes | Windows, Mac et Linux (Steam) |
Prix | 9,99€ |
Pourquoi y jouer | Pour découvrir un récit touchant comme on en voit peu |
Le trailer de Finding Paradise