Admettons néanmoins que la technique fonctionne comme dans nos rêves les plus fous. Vous arrivez au village de Bordeciel et un haut elfe vous invite à boire, vous parle de sa vie et de sa famille, et vous invite à aller chasser avec lui, avant de se retourner contre vous, car c’était un voyou. Dans la partie que jouera un de vos amis, ce même Altmer est un paria de la guilde des sorciers, prêt à vous vendre une carte au trésor.
Je soutiens que cette expérience de jeu reste décevante car elle occulte la nature sociale du jeu. Un jeu vidéo, même solo, est une activité de groupe : une partie du plaisir consiste à partager ses histoires avec ses amis, à avoir vécu la même expérience, et que cette expérience soit le produit intentionnel d’un humain.
Pour prendre une métaphore, on a du mal à se sentir chez soi et à inviter ses amis quand la maison change tout le temps de forme et d’adresse.
La question est quasi philosophique, mais une œuvre est un pont entre l’histoire personnelle de l’auteur et du spectateur. Si demain les IA produisent des œuvres d’art de premier plan, elles auront moins à nous transmettre que des œuvres produites par des humains dirigés par des intentions, et traînant une vie à laquelle on peut se mesurer. Si le contraire se produisait, cela veut dire que le produit de matrices mathématiques que sont les réseaux neuronaux sont équivalents à nous, et donc que nous sommes, sans le savoir, des produits de matrices mathématiques.
Tout n’est pas à jeter dans l’intégration IA, tant que l’on garde à l’esprit cette dimension sociale devenue nécessaire à l’époque d’internet. On peut imaginer que dans le cadre d’un MMO, une aventure éphémère générée à la volée mais partagée par quelques amis est un moment pertinent.