Début 2014, le PDG de Microsoft, Satyah Nadella, annonce qu'une nouvelle personne sera bientôt placée à la tête de la division Xbox. La branche gaming de Microsoft vit alors des heures pénibles, notamment depuis l'E3 2013, et la sortie de la Xbox One a été entourée de différentes polémiques. Un changement était nécessaire, et il sera incarné par Phil Spencer. Ce gamer endurci va changer drastiquement les choses pour Xbox, un changement ressenti jusqu'en France, par la division locale.
Hugues Ouvrard, le Directeur de Xbox France, est un personnage un peu à part dans la sphère vidéo-ludique. Particulièrement actif sur Twitter, l'homme détonne par sa franchise dans une industrie qui cultive la langue de bois avec application depuis de nombreuses années. Et lorsqu'il parle de Don Mattrick, il ne passe pas par quatre chemins.
Moi je peux pas comparer avec Don Mattrick parce que je l'ai pas connu. Mais je l'ai déjà dit : est-ce que tu irais acheter ton fromage chez un charcutier ? Non.
Don Mattrick est l'homme qui a lancé la Xbox One. La plate-forme multimédia ? C'est son idée. La conférence E3 misant beaucoup (trop ?) sur la télévision ? Pareil. La petite phrase « Nous avons un produit pour les joueurs qui ne veulent pas d'une connexion internet permanente, c'est la Xbox 360 » ? Toujours lui. Mattrick avait en effet une vision bien particulière pour la marque Xbox. La One devait être un centre multimédia et la présentation qui en avait été faite à l'E3 2013 avait déplu à bon nombre de joueurs, qui attendaient avant tout une console de jeux. Un sentiment partagé jusque dans les équipes de Xbox France, qui respire depuis l'arrivée de Phil Spencer. Le nouveau patron fait l'unanimité au sein de l'équipe, comme nous avons pu le constater à chaque interview.
« C'est hyper sain, en interne, d'avoir des gens qui sont tous sur la même longueur d'onde. Qui sont gamers, qui, lorsqu'on parle de gaming ensemble, ils comprennent tout. Ils ont une vision qui est hyper cohérente par rapport à la stratégie de la marque, et du coup on est très serein d'avoir Phil à notre tête. C'est génial d'avoir des gens comme ça, hyper accessibles, même en interne, pour échanger avec eux, c'est un plaisir énorme. » Florian Vogel, Responsable Marketing Digital
« J'ai pas connu Don Mattrick mais j'ai suivi un petit peu ça. Phil est quelqu'un de très charismatique, je suis vraiment tout ce qu'il dit, parfois il donne des informations sur Projet Scorpio, et nous on le suit comme vous là-dessus. Je trouve que sa vision côté jeux est très intéressante, de recentrer le discours sur les exclusivités, et sur le contenu, sur la console, ça a été pour moi un très bon move. » Timothée Collard, Responsable Marketing Hardware
« Ce qui est intéressant avec Phil, c'est qu'il adore le jeu vidéo, ça fait 20 ans qu'il fait du jeu vidéo. Là il est à la tête de Xbox, mais ça fait 20 ans qu'il bosse chez Xbox, en fait. Enfin 15, 16, 17 ans. Ça fait 17 ans qu'il bosse sur Xbox, donc il connaît ce produit de A à Z. C'est quelqu'un qui respire le jeu vidéo. Il adore ça, et je pense pas qu'il ait envie de faire autre chose que ça. Ça, ça se ressent pour nous tous, on est porté par une division qui aime le jeu vidéo, et par un patron qui aime le jeu vidéo. Ça fait un changement énorme, parce que finalement quand tu aimes le jeu vidéo, toutes les décisions que tu prends, elles vont bien sûr dans le sens du business, parce qu'on travaille dans une entreprise, mais elles vont aussi dans le sens de... Tu les analyses aussi avec ta vision de gamer. » Hugues Ouvrard, Directeur Xbox France
Une sérénité qui leur permet de se concentrer pleinement sur leurs missions. L'accession au trône de Spencer a considérablement bouleversé la marque au X vert qui en moins de deux ans a vu son offre être complètement boulerversée. Plus de jeux, plus d'accessoires, avec notamment l'arrivée de nombreuses manettes, dont l'onéreuse Elite, mais aussi et surtout de nouvelles machines. De quoi permettre à Xbox France de rajouter à son arc de nombreuses cordes qui sont autant d'arguments que peuvent utiliser l'équipe marketing et l'équipe commerciale, auprès des joueurs et des revendeurs. « Plus on a de consoles, et de modèles différents sur le marché, plus c'est compliqué à gérer, mais plus ça donne le choix aux consommateurs et plus c'est intéressant pour nous' » explique Collard. Avec actuellement deux machines différentes sur le marché, Xbox s'apprête à accueillir en 2017 une nouvelle machine, le fameux Projet Scorpio. Une diversité de machines et de caractéristiques qu'apprécient Lengrand, qui au moment de discuter avec ses clients peut ajuster son discours, et vendre des consoles là où il ne l'aurait peut-être pas fait avant.
« Aujourd'hui on sait qu'on a la X One S qui vient de sortir, avec un point fort qui est pas forcément mis en avant lorsque l'on parle de jeux vidéo, c'est le lecteur blu-ray 4K. Nous quand on nous a annoncé ça, le premier réflexe qu'on a eu au niveau de l'équipe, c'est de se dire "ce lecteur blu-ray 4K, en quoi ça peut être un levier de différenciation versus un Sony ou un Nintendo", et on s'est dit "Un lecteur blu-ray 4K à 300€, c'est le moins cher du marché". Pour éviter de s'attirer les foudres du gaming et de rentrer dans une guerre des prix, on va voir, pour référencer les produits, au rayon lecteur blu-ray. C'est ce qu'on a fait, et en plus, on s'est dit "on va adresser une nouvelle audience".
Un plan qui s'adapte intelligemment aux désirs d'un autre type de public, mais qui permet aussi aux commerciaux de tenter une autre approche. Dans le cas présent, de préparer un bundle avec un blockbuster du moment, et surtout une télécommande, qui permettra au client d'avoir la même expérience qu'un acheteur d'un lecteur blu-ray classique. Ainsi, Lengrand fait entrer dans l'écosystème un nouveau client, en lui procurant certes en premier plan une expérience cinéma, mais surtout en lui permettant de faire une première expérience gaming. En espérant qu'il aille plus loin : « l'idée, par la suite c'est bien évidemment de le ramener au niveau du jeu vidéo pour qu'il vienne racheter une manette, du live, du jeu' », conclut le directeur commercial.
Pour adresser ces clients, Xbox France dispose de plusieurs outils. Si en interne l'équipe jouit bien sûr des compétences de Collard ou de Mimouni, elle peut également compter sur l'expertise de prestataires externes avec qui elle travaille main dans la main. C'est notamment le cas de Dentsu, une agence de publicité japonaise avec laquelle Microsoft France travaille depuis plusieurs années. Lors de notre première journée chez Xbox, nous avons justement pu assister à une réunion-bilan, dans laquelle trois employées de Dentsu faisaient à Ouvrard et ses équipes un retour sur ce qui avait été fait, en termes de publicité, pour la sortie de Gears of War 4. L'occasion de constater que pour parler aux joueurs, les moyens ne manquent pas : spots télé, affichage dans les rues, et toutes les formes de publicité qui peuvent exister via internet, à commencer par les encarts publicitaires que vous pouvez voir quotidiennement sur la plupart des sites web, comme Jeuxvideo.com. Mais des techniques plus originales ont également été mises en œuvre, comme par exemple la création d'un filtre Snapchat. Ce genre de nouvelles approches, particulièrement appréciées par Ouvrard, fonctionnent d'ailleurs extrêmement bien, comme le détaillait le rapport : en France, sur sa semaine de déploiement, il a été utilisé par 2,7 millions de personnes. Si l'impact sur les ventes du jeu ne peut pas être calculé, cette opération a au moins l'intérêt d'offrir de la visibilité à la licence, et pourquoi pas de toucher un nouveau public.
Des techniques qui ne peuvent pourtant pas être utilisées pour tout produit, ou n'importe quelle cible. Comme nous l'a expliqué Juliette Dupuis, la consultante média senior de Dentsu, le public jeux vidéo est logiquement très adepte de ces nouveaux réseaux sociaux. En l'occurrence, Snapchat est probablement l'un des plus importants lorsqu'il s'agit de toucher un public plus jeune, puisque l'application a grappillé de nombreuses parts de marché, au point de rassembler plus d'utilisateurs actifs que Twitter, et ce grâce notamment au soutien des 15-25 ans. Dupuis peut d'autant plus apprécier les opportunités que cela lui offre qu'elle travaille pour différents clients, et leurs cibles ne sont pas toujours aussi à l'aise avec les nouvelles technologies.
La spécificité de la cible aussi fait que les dispositifs média vont être totalement différents, l'approche va être totalement différente. Comme on s'adresse à une cible millénniale, on va pouvoir avoir des tactiques beaucoup plus innovantes et on va pouvoir proposer des choses, et avoir une adhésion ou non de notre audience.
Pour autant, la vie n'est pas un long fleuve tranquille lorsque l'on travaille avec Xbox. Faire de la publicité pour un jeu comme Gears of War 4 n'est pas évident, pour une raison finalement assez évidente, mais que l'on aurait tendance à oublier : le jeu est déconseillé à la vente aux moins de 18 ans, et pour cette raison, la législation française interdit que des spots publicitaires TV soient diffusés avant 22h30. Heureusement, les façons de faire de la publicité sont multiples. Des solutions existent, comme nous le disait Anaïta, experte multi-screen et collègue de Dupuis.
En digital, on a des plans qui sont vidéos, et des plans qui sont display (les bannières et encarts publicitaires classiques sur internet, ndlr) et donc qui sont plutôt fixes. La vidéo se construit en complémentarité du plan télé, donc justement ça nous permet de palier ce genre de petites restrictions (ici, la restriction liée au 18+ à la télévision, ndlr). Pour ce qui est du replay, des programmes télés qu'on re-consomme en catch-up (le fait de revoir, en VOD, certains programmes télé, généralement lors de la pause déjeuner, ndlr), là c'est un peu particulier parce que les lois télés s'appliquent quand même, par contre tout ce qui est du YouTube, du DailyMotion, toutes les autres plates-formes vidéo ou n'importe quel site qui va diffuser du contenu vidéo, cette réglementation ne s'applique pas. Donc on va construire toute la stratégie média en fonction de ça, et en télé on va se focaliser sur les programmes affinitaires sur notre cible, mais à partir de 22h30.
Et dans ce genre de cas, comme nous l'expliquera un peu plus tard Anaïta, le digital (la publicité via internet, donc) prend une place extrêmement importante. Ce qui demande une présence accrue sur les réseaux sociaux, pour ne citer qu'eux. C'est là qu'entrent en jeu Florian Vogel et son compère Alexandre Moreau.