God Hand est avant tout une histoire triste. Celle de la révérence d'un des studios les plus créatifs de Capcom, Clover, qui était déjà à l'oeuvre sur les Viewtiful Joe. En 2006, Clover reste sur une série navrante d'échecs commerciaux. Les suites de Viewtiful Joe n'ont pas fonctionné, Okami ne se vend pas, God Hand est le titre de la dernière chance. Le plus grand site spécialisé dans le jeu vidéo au monde en terme d'audience, IGN, lui attribuera la note de 3/10 à sa sortie, scellant définitivement tout espoir de voir le jeu toucher un large public. La tombe de Clover est enfin refermée.
God Hand méritait probablement un meilleur avenir, tout comme Clover, mais nous ne sommes pas là pour refaire l’histoire. En revanche, il mérite largement qu’on s’y attarde dans ce dossier. God Hand est un beat’em up 3D avec une caméra rapprochée qui suit le dos de notre personnage, comme dans un TPS. Si les animations sont assez rigides, Gene, le héros, un expert en arts martiaux, se déplace avec une grande vivacité. Le stick droit sert à esquiver, mais plutôt qu’une bête roulade dans la direction où on l’oriente, chaque direction correspond à une esquive particulière. Backflip si on l’oriente vers le bas, pas chassé si on l’oriente sur les côtés, et si on l’oriente vers le haut, Gene fait des esquives du corps, sans se déplacer, du plus bel effet. Ce système d’esquive est une des nombreuses grosses grosses forces du jeu. Plutôt que de toujours se reposer sur la même traditionnelle roulade, comme dans les autres jeux de ce genre, le joueur doit adapter son esquive aux attaques auxquelles il fait face, car aucune d’entre elles ne constitue une réponse universelle. Par exemple, un mouvement du corps n’évitera pas une attaque basse, ou une attaque vers le sol. Les esquives sont aussi le principal moyen de cancel et rentrent donc aussi dans la construction de vos combos.
En parlant de ces derniers, le jeu offre la particularité de vous laisser choisir avec une liberté totale, parmi une liste de plus de 100 coups, ceux que vous souhaitez attribuer aux différentes touches et même construire avec ces coups votre combo principal. Un peu comme dans un WWE. Ou pour rester dans le genre du beat’em up, Remember Me, un jeu d’ailleurs édité par Capcom. Un système plutôt sympa qui fait la part belle à des attaques vraiment originales. Certaines ont des propriétés d’esquive et sont particulièrement adaptées pour contrer, d’autres cassent la garde, d’autres vous laissent très vulnérable mais font de gros dommages… Elles sont de plus très typées et souvent classes. Le feedback de ces attaques a vraiment été travaillé. On ressent pleinement la force des impacts, nos adversaires sont projetés dans le décor ou se tordent de douleur. Les coups et les esquives pleuvent, les affrontements ont de la gueule. Les amateurs de Kung Fu vont se régaler. Tout au plus, on pourra regretter, après un certain nombre d’heures investies dans le jeu, que l’ensemble n’ait pas profité d’un équilibrage plus soigné.
Le système de difficulté est lui aussi original. Celle-ci oscille entre 4 niveaux ; mieux vous jouez, plus elle augmente, et inversement si vous vous prenez des coups, elle redescend. Si dit comme ça, ça pourrait sembler être une bonne idée, ce système se révèle plus frustrant qu’autre chose. Le joueur va volontairement éviter de faire certaines actions badass (comme les esquives sur place) pour que la difficulté n’explose pas d’un seul coup. Car une fois au niveau 4, il est fort probable que votre perso y passe bien avant qu’elle ait le temps de redescendre. Bien sûr, le joueur hésitant a accès à un mode facile qui limite la difficulté aux deux premiers paliers, et le joueur très expérimenté, à un mode difficile qui la bloque sur le 4ème. Mais pour celui qui se trouve entre les deux, c’est-à-dire la majeure partie d’entre nous… c’est un vrai empêcheur de tourner en rond.
Au-delà de l’aspect gameplay, God Hand est surtout une lettre d’amour aux beat’em up old school, à la tape de rue, la vraie, celle qui sent sous les aisselles. Aux univers de ces Double Dragon, ces Final Fight et autres Violent Storm. Attendez-vous à tabasser du punk et de la domina à tour de bras, à ramasser les armes de vos ennemis pour les utiliser contre eux, à les faire tomber comme des dominos après un puissant coup de pied, à récupérer des soins en forme de nourriture... Le tout avec un aspect caricatural très prononcé. L’univers du jeu est complètement barré, les personnages tous plus improbables les uns que les autres. God Hand est un jeu qui n’a jamais peur d’en faire trop. Il est démesuré dans tous ses aspects. Sauf le plus important peut être. Il ne cherche jamais à être autre chose qu’un beat’em up.
Gaming Live de God Hand